Monday, November 25, 2019

LE SUTRA DU LOTUS


LE SÛTRA DU LOTUS 





LE SÛTRA DU LOTUS
SADDHARMAPUNDARIKA ( sanscrit )
MYÔHÔ RENGE KYÔ ( chinois )
HOKKE KYÔ ( japonais )

Avant propos :
Le Sûtra du Lotus est un livre extraordinaire.
C’est suite à sa lecture que j’ai pris la décision de créer ce site et je conseille à tous les esprits en quête d’un enseignement hors du commun de se plonger dans son étude et dans sa pratique.
Il existe plusieurs traductions en langue française.
Pour ma part, je possède celle de Jean-Noël Robert publiée aux éditions Fayard que l’on peut trouver facilement en librairie.
Quelques explications sur le titre du Sûtra :
Le titre original en sanscrit ( indien littéraire ) est Saddharmapundarika
Sad signifie parfait ou correct.
Dharma désigne la Loi.
Pundarika se traduit par lotus blanc.
Le titre chinois Myôhô Renge Kyô nous vient de Kumârajîva dont la traduction du Sûtra est la plus populaire du fait de sa grande fidélité à l’original.
« Le caractère Myô signifie ouvrir. » L&T Vol.3 p.14
« Myô se dit Sad en Inde et en Chine se prononce Miao. Myô signifie incluant tout, ce qui a également le sens de parfait. » L&T Vol.3 p.17
Miao-lo le commente de la manière suivante : « Parce qu’il peut guérir ce que l’on croit incurable, on l’appelle mystique [myô]. » L&T Vol.3 p.17
Myô - mystique, mort, maître.
- loi, vie, disciple.
Renge désigne la fleur de lotus qui symbolise la loi de causalité.
« Le seul caractère Kyô contient tous les sûtras de l’univers. » L&T Vol.3 p.14
Le Sûtra du Lotus par chapitres :
Chacun des chapitres se trouve résumé ci-dessous.
En cliquant sur le titre, vous accèderez au texte complet.
1er : Le prologue ( Jo )
Au Pic du Vautour, le Bouddha Çâkyamuni, après avoir exposé le Livre des sens innombrables à une vaste assemblée composée de toute sorte d’êtres humains et non humains, entre en une profonde concentration. De son front surgit un rayon de lumière qui illumine le monde en ses moindres recoins. Maitreya demande à Mañjuçrî la signification de ce signe auspicieux ; il lui est répondu qu’il annonce la prédication du Sûtra du Lotus.
2e : Les expédients salvifiques ( Hôben )
Émergeant de sa concentration, l'Éveillé s'adresse à Çâriputra, le premier de ses disciples par la sagesse, et lui révèle à quel point sa doctrine réelle est sublime, compréhensible qu'elle est en tous ses aspects pour les seuls Éveillés. La diversité apparente de ses enseignements est un expédient destiné aux êtres des trois véhicules; en vérité, il n'y a qu'un seul et unique véhicule d'Éveillé.
3e : La parabole ( Hiyu )
Çâriputra est en liesse, il comprend qu'il est lui aussi fils de l'Éveillé et que cette doctrine sublime lui est également destinée. L'Éveillé lui confère alors l'annonciation de son éveil futur : lui aussi, au terme d'un nombre incalculable d'âges cosmiques, deviendra bouddha. L'innovation est de taille : Çâriputra, l'archétype des arhat, des éveillés selon le Petit Véhicule, connaîtra l'Éveil insurpassable des bouddhas du Grand Véhicule. Le disciple exulte pour lui-même, mais il lui semble que les autres auditeurs peuvent avoir encore des doutes : que reste-t-il de ce qu'il leur a été enseigné ? L'Éveillé répond par la parabole de la maison en feu et des trois chars. De même qu'un maître de maison avait promis à ses enfants trois chars différents pour leur faire quitter la maison ravagée par l'incendie où ils jouaient, inconscients du danger, mais leur offrit en réalité un grand char pareil pour tous, bien plus merveilleux encore que ce à quoi ils s'attendaient, de même l'Éveillé a exposé trois modes de salut différents selon les facultés de êtres, mais l'Éveil atteint en réalité est au-delà de leurs espérances et de leur compréhension; il n'y a nulle extravagance dans ses promesses.
4e : Croire et comprendre ( Shinge )
Quatre autres grands disciples de l'Éveillé expriment par une seconde parabole ce qu'est son action salvifique. Le fils d'un riche marchand a quitté son père pour s'en aller à l'étranger; il vieillit, devient pauvre et mène une vie errante à la recherche d'une maigre subsistance. Son père le cherche aussi, mais finit par renoncer et s'installe dans une ville où il fait prospérer ses affaires. Le fils arrive un jour par hasard à la cour du père, mais, abruti de misère, il ne le reconnaît point; lorsque celui-ci veut le ramener, il s'évanouit de terreur. Le riche marchand use alors d'un stratagème pour amener son fils à retrouver sa vraie nature en lui confiant d'abord des tâches viles adaptées à son niveau, et finit par lui léguer tout son bien. De même, la promesse de l'Extinction (le nirvâna) du Petit Véhicule n'est qu'un expédient provisoire pour attirer les êtres; ils doivent maintenant dépasser ce stade pour aller vers la réalité digne des enfants de l'Éveillé.
5e : La parabole des simples ( Yakusoyu )
L'Éveillé donne une autre parabole allant dans le même sens. La pluie tombe pareillement sur toutes les plantes, mais chaque espèce l'absorbe et en profite différemment selon sa nature et sa taille; de même la pluie de la Loi est une, de saveur unique, mais les êtres l'interpréteront diversement. L'Éveillé connaît en même temps la multiple variété des êtres et la Loi dans son unité; il faut savoir que ses expédients ne sont que provisoires.
6e : L’annonciation ( Juki )
Comme pour Çâriputra, l'Éveillé annonce aux quatre disciples du chapitre 4 qu'ils réaliseront à leur tour l'Éveil suprême.
7e : La ville fantasmagorique ( Kejôyu )
Ce chapitre relate l'histoire des seize princes, fils d'un Éveillé d'un âge inconcevablement lointain, dont le seizième n'était autre que Çâkyamuni. Tous se sont consacré à la propagation du Sûtra du Lotus. Tous prêchèrent en guise d'expédient l'Extinction des deux véhicules (auditeurs et éveillés pour soi). Ce nirvana est comparable à la cité-étape que fait magiquement apparaître dans le désert un guide avisé afin que les voyageurs d'une caravane à la recherche d'un trésor, épuisés, puissent s'y reposer. Une fois leurs forces restaurées, ils peuvent reprendre la route vers leur but véritable, qui est l'état d'Éveillé, l'Exctinction authentique et réelle.
8e : Cinq cents disciples reçoivent l’annonciation ( Gohyaku-deshi-juki )
L'Éveillé annonce à Plénitude ( Pûrna ), puis à cinq cent Méritants ( arhats ), qu'ils obtiendront l'Éveil complet et parfait sans supérieur et décrit le royaume qu'ils occuperont en tant qu'Éveillés. Ceux qui se contentent des enseignements mineurs sur l'Extinction sont comparés à un nécessiteux qui aurait sans le savoir une perle de grande valeur dans la doublure de son vêtement.
9e : L’annonciation conférée aux apprentis et à ceux qui n’ont plus à apprendre ( Ninki )
Ânanda, le premier disciple de l'Éveillé pour la mémoire, et Rahula, le propre fils de Çâkyamuni, se voient à leur tour annoncer qu'ils obtiendront un jour de devenir Éveillés.
10e : Le maître de Loi ( Hosshi )
Le Bouddha décrit à l'être d'Éveil Roi des Remèdes et aux quatre-vingt mille bodhisattva qui sont avec lui l'immensité des mérites qu'obtiennent ceux qui préservent et propagent le Sûtra du Lotus; où qu'ils se trouvent, ils seront protégés par l'Éveillé.
Image de celui qui creuse la terre à la recherche de l'eau : comme la terre humide indique la proximité de l'eau, ainsi le Sûtra du Lotus indique-t-il la proximité de l'Éveil suprême.
11e : La vision de la pagode de matières précieuses ( Hôtô )
De la terre surgit une pagode ( stûpa ) faite des sept matières précieuses archétypales, qui s'immobilise dans l'espace, il en sort une voix; c'est celle du Bouddha Maint-Trésor, qui a fait voeu dans le passé de venir confirmer par la présence de son corps, conservé en entier dans la pagode, tout Éveillé prêchant le Sûtra du Lotus. Le monde physique se métamorphose, car il doit accueillir des myriades de bouddhas émanés de tous les points du cosmos pour encourager Çâkyamuni à ouvrir la pagode. Il monte dans les airs, l'ouvre et s'assied auprès de Maint-Trésor. La multitude des assistants s'élève aussi dans l'espace. Nouvel éloge de celui qui prêchera le Sûtra, haut fait bien plus admirable que toute autre prouesse.
12e : Don des Dieux ( Devedatta )
Le Bouddha révèle que son grand ennemi en cette existence, son cousin Don des Dieux, fut autrefois un ascète qui lui permit de connaître le Sûtra du Lotus. Ce fut donc un « ami de bien »; Don des Dieux reçoit ensuite l'annonciation de son futur Éveil. Plus encore, Mañjuçrî est allé prêcher le Sûtra au fond des mers; une fillette dragonne de huit ans l'a entendu et annonce qu'elle obtiendra l'Éveil. Devant le scepticisme de Çâriputra, la fillette non humaine se transforme en homme et réalise l'Éveil en moins de temps qu'il ne lui en a fallu pour offrir au Bouddha une perle précieuse.
13e : Exhortation à la sauvegarde ( Kanji )
Deux nonnes reçoivent l'annonciation, puis des foules d'êtres d'Éveil s'engagent à préserver et propager la Loi malgré les humiliations et les persécutions.
14e : La pratique commode ( Anrakugyô )
Mañjuçrî demande à l'Éveillé comment les êtres d'Éveil devront faire pour préserver le Sûtra du Lotus dans les mauvais âges à venir. Il reçoit en retour l'exposé des quatre méthodes « commodes ». Le Sûtra est comparé à une perle sans prix qu'un général garde à son chignon : il ne la donne jamais en récompense à ses hommes, jusqu'à ce que se présentent des guerriers de grand mérite; c'est ce que fait l'Éveillé, qui dispense le Sûtra du Lotus au sages et aux saints ayant combattu le mal.
15e : Surgis de la terre ( Yujutsu )
Alors que les êtres d'Éveil venus des dix orients s'engagent à préserver le Sûtra, l'Éveillé réplique que les innombrables êtres d'Éveil de notre monde, celui de l'Endurance, pourront très bien le faire eux-mêmes : la terre se fend et ces êtres d'Éveil en surgissent, venus du nadir du monde. Maitreya se demande d'où ils viennent; l'Éveillé Çâkyamuni lui apprend qu'il les a lui-même convertis. Mais Maitreya s'étonne : il a fallu des millions d'éons pour accomplir une telle oeuvre, alors que le Bouddha n'a réalisé l'Éveil que quelque quarante ans auparavant; c'est comme si un jeune homme de vingt-cinq ans disait d'un centenaire : « Voici mon fils ! »
16e : La longévité de l’Ainsi-Venu ( Juryô )
Par trois fois, le Bouddha incite la multitude des assistants à croire et comprendre. Ce qu'il va dire est important, c'est le « secret de l'Ainsi-Venu », qui se résume ainsi : « Cela fait un nombre inconcevable d'âges cosmiques que je suis réellement devenu Éveillé. » Immense est la longévité du Bouddha, et il n'est en réalité jamais entré dans l'Extinction, pas plus qu'il ne disparaîtra avant un temps immensément long. Son oeuvre de salut est continue, mais c'est en guise d'expédient qu'il parle de son Éveil et de sa Disparition dans cette vie. Il est comparable à un médecin dont les enfants se seraient empoisonnés : aveuglés qu'ils sont, la présence de leur père les rassure trop pour qu'ils prennent l'antidote; il leur fait donc croire qu'il est mort. Se croyant orphelins, les enfants se souviennent des paroles de leur père, boivent l'antidote et sont sauvés. Le père revient se montrer à eux : peut-on qualifier ce stratagème de tromperie ? Certes non.
17e : Le détail des mérites ( Fumbetsu kudoku )
Maitreya décrit la liesse des êtres à entendre cette révélation. L'Éveillé décrit ensuite les bienfaits extraordinaires qui attendent ceux qui propageront le Sûtra, oeuvre qui dépasse en mérites toutes les autres.
18e : Les mérites de la joie conséquente ( Zuiki Kudoku )
Pour ceux qui, ayant entendu le Sûtra, s'en réjouissent en conséquence et le propagent à leur tour, et ce successivement jusqu'au cinquantième, ils connaîtront aussi d'immenses récompenses. Même un grand donateur qui aurait permis pendant quatre-vingts ans à de très nombreux êtres d'arriver à l'état de Méritant ne saurait comparer ses mérites à celui sui, au cinquantième degré, aura favorisé la divulgation du Sûtra. Description de la beauté physique de ce dernier en rétribution.
19e : Les mérites du maître de Loi ( Hosshi Kudoku )
Description de la plénitude physique dans la purification des facultés sensorielles dont jouiront, dès ce corps, ceux qui aideront à la propagation de ce Sûtra.
20e : L’être d’Éveil Toujours Sans Mépris ( Fukyô )
Dans un passé inconcevable existait un moine-être d'Éveil qui saluait les gens des quatre congréations, leur disant : « Je n'ai garde de vous mépriser; vous deviendrez tous Éveillés. » Lorsqu'il tenait ces propos, il arrivait que plus d'un lui jetât des bâtons, des tessons ou des pierres; il s'enfuyait et se tenait à distance, criant malgré tout à haute voix : « Je n'ai garde de vous mépriser, vous deviendrez tous Éveillés. » Ses mérites le menèrent à entendre le Livre du Lotus de la Loi. Il l'exposa et eut pour disciples ceux qui, autrefois, l'avaient considéré avec mépris. L'être d'Éveil Toujours Sans Mépris n'était autre que Çâkyamuni et ses disciples de l'époque, ceux se trouvant à présent dans l'assemblée.
21e : Les pouvoirs miraculeux de l’Ainsi-Venu ( Jinriki )
Les êtres d'Éveil surgis de terre promettent de propager le Sûtra. L'Éveillé sort une langue merveilleusement longue, symbole de sa prédication éternelle, qui s'étend jusqu'au monde de Brahmâ, et émet de tous ses pores des rayons colorés. Les autres Éveillés font de même. Puis ils se raclent la gorge et claquent des doigts : ces deux sons emplissent l'univers. Diverses manifestations cosmiques viennent saluer la prédication du Sûtra du Lotus afin d'encourager sa diffusion.
22e : La passation ( Zokurui )
L'Éveillé confie la Loi à aux innombrables êtres d'Éveil et renvoit à leur terre d'origine les Éveillés émanés des dix orients. Il demande aussi à ce que la pagode de l'Éveillé Maint-Trésor retourne à son état précédent.
Le chapitre 22 est la conclusion du Sûtra du Lotus dans sa version originale sanscrite.
Les chapitres suivants étaient à l'origine indépendants mais y furent rattachés par la suite en raison de leur contenu.
Chacun de ces chapitres mentionne les mérites liés à leur propre lecture et transmission.
23e : La conduite originelle de l’être d’Éveil Roi des Remèdes ( Yakuô )
24e : L’être d’Éveil Son Merveilleux ( Myôon Bosatsu )
25e : La porte universelle de l’être d’Éveil Considérant les Voix du Monde ( Fumon )
26e : Les formules détentrices ( Dharani )
27e : La conduite originelle du roi Ornement Sublime ( Myôshôgonnô )
28e : L’exhortation de l’être d’Éveil Sage Universel ( Fugen )




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CHAPITRE PREMIER

Le prologue

Ainsi l'ai-je entendu, en un temps où l'Éveillé demeurait en la cité de Maison-le-Roi, au mont Pic du Vautour, accompagné d'une foule de douze mille grands moines, tous des Méritants, dont les infections étaient venues à terme, désormais exempts de passions, fermement munis de leur bien propre, ayant mis fin aux entraves de l'existence, souverains d'esprit. Ils avaient nom Ajñâtakaundinya, Mahâkâçyapa, Uruvilvâkâçyapa, Gayâkâçyapa, Nadîkâçyapa, Çâriputra, Mahâmaudgalyâyana, Mahâkâtyâyana, Aniruddha, Kapphina, Gavâmpati, Revata, Pilindavasta, Bakkula, Mahâkausthila, Nanda, Sundarananda, Pûrnamaitrâyanîputra, Subhûti, Ananda, Râhula. C'étaient ainsi de grands Dignes d'offrande, bien connus des multitudes.
Il y avait encore deux mille disciples, apprentis et au-delà de l'étude; la moniale Mahâprajâpati, accompagnée de six mille de sa suite; la moniale Yaçodhana, mère de Râhula, accompagnée de sa suite; quatre-vingt mille êtres d'Éveil, grands êtres, dont aucun ne régresserait plus de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, tous munis des formules détentrices et de l'éloquence rendant la prédication plaisante, ayant mis en branle la roue de la Ioi et fait offrande à d'innombrables centaines de milliers d'Éveillés; ils avaient planté maintes racines de mérites auprès des Éveillés et fait l'objet des constants éloges de ceux-ci; ils avaient exercé leur personne à la compassion, habilement pénétré la sagesse d'Éveillé; ils avaient accédé à la grande sapience et étaient parvenus à l'autre rive. Leur renom se faisait entendre partout en d'innombrables mondes. Ils étaient en mesure de sauver d'innombrables centaines de milliers d'êtres. Ils avaient nom l'être d'Éveil Mañjuçrî, l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde (Avalokiteçvara), l'être d'Éveil Muni de Grande-Force, l'être d'Éveil Zèle-Constant, l'être d'Éveil Sans-Repos, l'être d'Éveil Joyau en Paume, l'être d'Éveil Roi des Remèdes, l'être d'Éveil Hardi-Donateur, l'être d'Éveil Lune de Joyaux, l'être d'Éveil Éclat-Lunaire, l'être d'Éveil Pleine-Lune, l'être d'Éveil Grande-Force, l'être d'Éveil Force Sans Mesure, l'être d'Éveil Au delà des Trois Mondes, l'être d'Éveil Vertueux-Gardien, l'être d'Éveil Maitreya, l'être d'Éveil Amas de Joyaux, l'être d'Éveil Précepteur-Dirigeant.
Tels étaient les êtres d'Éveil, les grands êtres, au nombre de quatre-vingt mille, qui l'accompagnaient.
Il y avait alors Indra, roi des dieux, avec sa suite de vingt mille fils de dieux. Il y avait aussi le fils de dieu Lune de Gloire, le fils de dieu Fragrance-Répandue, le fils de dieu Éclat de Joyaux, les quatre grands rois divins, accompagnés d'une suite de dix mille fils de dieux; le fils de dieu Souverain et le fils de dieu Grand-Souverain, accompagnés d'une suite de trente-mille fils de dieux; le roi divin Brahmâ, maître du monde d'endurance, le grand dieu brahmique Çikhin, le grand dieu brahmique Éclat-Lumineux, et d'autres, accompagnés d'une suite de douze mille fils de dieux.
Il y avait les huit rois dragons : le roi dragon Nanda, le roi dragon Upananda, le roi dragon Sâgara, le roi dragon Vâsuki, le roi dragon Takshaka, le roi dragon Anavatapta, le roi dragon Manasvin, le roi dragon Utpalaka, chacun avec une suite de plusieurs centaines de milliers.
Il y avait les quatre rois chimères : le roi chimère Loi, le roi chimère Loi-Sublime, le roi chimère Grande-Loi, le roi chimère Mainteneur de la Loi, chacun avec une suite de plusieurs centaines de milliers.
Il y avait les quatre rois centaures : le roi centaure Musique, le roi centaure Son-Musical, le centaure Beauté, le roi centaure Son de Beauté, chacun avec une suite de plusieurs centaines de milliers.
Il y avait les quatre rois titans : le roi titan Bâlin, le roi titan Kharaskandha, le roi titan Vemacitrin, le roi titan Râhu, chacun avec une suite de plusieurs centaines de milliers.
Il y avait les quatre rois griffons : le roi griffon Grande-Dignité, le roi griffon Grand-Corps, le roi griffon Grande-Excellence, le roi griffon Conforme au Désir, chacun avec une suite de plusieurs centaines de milliers; le roi Ajâtaçatru, fils de Vaidehi, avec une suite de plusieurs centaines de milliers.
Chacun s'était prosterné aux pieds de l'Éveillé et s'était retiré d'un côté pour s'asseoir.
Alors le Vénéré du monde, après que les quatre groupes l'eurent entouré, lui eurent fait offrande et rendu hommage, l'eurent honoré et loué, exposa le livre canonique du Grand Véhicule appelé Les Sens innombrables, Loi enseignée aux êtres d'Éveil et gardée en mémoire par les Éveillés. Quand il eut exposé ce livre canonique, il s'assit les jambes repliées et croisées, puis entra dans le Recueillement de Demeure dans les sens innombrables, immobile en corps et en pensée. A ce moment, les dieux firent pleuvoir des fleurs d'arbre-corail et de grands arbre-corail, de manjûsaka et de mahâmañjûsaka qui se dispersèrent sur l'Éveillé et les quatre congrégations. L'ensemble du monde d'Éveillé trembla de six façons. Alors les moines et nonnes, les pieux laïcs et les laïques pieuses, les dieux, les dragons, les silènes, les centaures, les titans, les griffons, les chimères, les pythons, les humains et non-humains, de même que les rois mineurs et les saints rois de l'orbe, tous ces groupes présents à l'assemblée furent saisis de ce prodige sans précédent; remplis de joie, ils firent révérence, les paumes jointes, et contemplèrent l'Éveillé d'un seul coeur.
Alors l'Éveillé émit de la marque de sa touffe blanche entre les sourcils une lumière qui illumina dix-huit mille mondes en direction de l'orient, sans nul lieu où elle ne se diffusât, en bas jusqu'à l'enfer Sans-Intervalle, en haut jusqu'au ciel des Dieux-Parfaits. En ce monde-ci, on vit complètement les êtres des six destinées de cette terre, on vit les Éveillés du présent en cette terre et on entendit aussi l'enseignement par eux prêché; de même que l'on y vit les moines et les nonnes, les pieux laïcs et les laïques pieuses accéder par les pratiques à la Voie. On vit les êtres d'Éveil, les grands êtres, pratiquer la voie d'être d'Éveil en une variété de causes et conditions, en une variété de foi et de compréhension, en une variété d'aspects. On vit aussi les Éveillés en Extinction suprême et encore, après leur Extinction suprême, l'érection des pagodes faites des sept matières précieuses avec leurs reliques.
Alors l'être d'Éveil Maitreya eut cette pensée : voici qu'à présent le Vénéré du Monde manifeste des prodiges caractéristiques; pour quelles raisons ces auspices ont-ils lieu ? Or l'Éveillé, Vénéré du Monde, est maintenant plongé en recueillement; qui convient-il d'interroger sur cet événement inconcevable, cette rare manifestation ? Qui sera capable de répondre ?
Il pensa encore : Mañjuçrî, que voilà, fils du roi de la Loi, a approché et honoré d'innombrables Éveillés du passé. Il a forcément vu ces signes rares; il me convient maintenant de l'interroger.
Alors les moines et nonnes, les laïcs pieux et les pieuses laïques, ainsi que les dieux, les dragons, les démons et les génies eurent tous cette pensée : de cet éclat lumineux de l'Éveillé, de ces signes merveilleux, auprès de qui convient-il à présent de s'enquérir ?
Alors l'être d'Éveil Maitreya, désireux de résoudre par lui-même ses doutes, discernant en outre les pensées de l'assemblée, des quatre groupes de moines et nonnes, de laïcs pieux et pieuses laïques, ainsi que des dieux, dragons, démons et génies, interrogea Mañjuçrî en ces termes : « Pour quelles raisons ces auspices, ces signes de pouvoirs miraculeux ont-ils lieu, et cette émission d'éclat lumineux qui éclaire dix-huit mille terres de l'orient, révélant en détail l'ornementation de leurs royaumes d'Éveillé ? »
Là-dessus, l'être d'Éveil Maitreya, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Mañjuçrî,
pourquoi le maître, l'instructeur,
de la touffe blanche entre ses sourcils,
éclaire-t-il l'univers d'une grande lumière ?
Il fait pleuvoir des fleurs d'arbre-corail
et de mañjûsaka;
une brise parfumée de santal
réjouit le coeur de la foule.
En vertu de ces circonstances,
la terre est tout ornée et purifiée
et ce monde
a tremblé de six façons.
Les quatre congrégations alors
sont toutes remplies de joie,
jubilant en corps et en esprit;
elles sont saisies d'un état sans précédent.
L'éclat lumineux d'entre ses sourcils
éclaire vers l'orient
dix-huit mille terres,
toutes comme d'une couleur dorée;
de l'enfer Sans-Intervalle
jusqu'au Faîte de l'Etre,
dans les divers mondes,
les destinées où les êtres des six voies
sont portées par le cycle des existences,
les liens de leurs actes en bien et en mal,
les rétributions bonnes et mauvaises qu'ils reçoivent,
tout s'y voit en détail.
Et l'on aperçoit aussi les Éveillés,
les saints maîtres, les lions
exposer les livres canoniques
sublimes et primordiaux;
leur voix est pure,
elle résonne, mélodieuse,
pour enseigner les êtres d'Éveil
en incalculables myriades;
la voix brahmique, profonde et sublime,
est plaisante à entendre pour les humains.
Chacun en son monde
expose la Loi correcte
en une variété de relations,
par d'innombrables paraboles;
ils élucident la Loi d'Éveillé,
la révèlent et la font comprendre aux êtres.
Si des hommes, confrontés à la douleur,
prennent en dégoût vieillesse, maladie, mort,
ils leur prêchent l'Extinction
qui mènera les douleurs à leur terme;
si d'autres ont les bénédictions
venant d'offrandes à un Éveillé
et aspirent à une Loi supérieure,
ils leur prêchent l'Éveil par les liens causaux;
s'il est des fils d'Éveillé
qui s'exercent aux diverses pratiques
et aspirent à l'ultime sagesse,
pour eux ils prêchent la voie de pureté.
Voilà, Mañjuçri,
ce qu'en demeurant ici
je vois et j'entends,
et des myriades de choses encore.
Si nombreuses qu'elles soient,
il m'incombe pourtant de brièvement les dire.
Je vois en cette terre
autant d'êtres d'Éveil que les sables du Gange,
en des circonstances variées,
rechercher la voie d'Éveillé.
Certains pratiquent le don d'objets précieux
- or, argent, corail,
perles, joyaux,
nacre et agate,
diamants -,
d'esclaves et de chars,
de palanquins richement ornés ;
ils font ces dons dans l'allégresse
pour les reconvertir à la voie d'Éveillé,
dans leur souhait d'accéder à ce véhicule
suprême dans les trois mondes,
exalté par les Éveillés.
D'autres êtres d'Éveil
font don de quadriges précieux,
avec appuie-mains, dais splendides
en ornements.
Je vois encore des êtres d'Éveil
faire don de leur corps, de leur chair, de leurs membres
et même de leurs femme et enfants
dans leur quête de la Voie insurpassable;
et je vois des êtres d'Éveil
se départir sans regret
de leur tête, de leurs yeux, de leur corps,
en quête de la sagesse d'Éveillé.
Mañjuçrî,
je vois des rois
se rendre auprès de l'Éveillé
pour s'enquérir de la Voie insurpassable
et renoncer à parcs et jardins,
palais, concubines, courtisans,
pour se raser barbe et cheveux
et revêtir l'habit de Loi.
Je vois encore des êtres d'Éveil
se faire moines mendiants,
demeurer solitaires dans des lieux à l'écart,
se plaire à la récitation des textes.
Je vois encore des êtres d'Éveil
qui, dans un zèle farouche,
pénètrent au profond des montagnes
pour réfléchir à la voie d'Éveillé.
J'en vois encore se dégager du désir
et faire des solitudes leur constante demeure,
s'exercer profondément à méditation et concentration
pour obtenir les cinq pouvoirs miraculeux.
Je vois encore des êtres d'Éveil
s'installer en méditation, paumes jointes,
et, en dizaines de millions de stances,
faire l'éloge des rois de la Loi.
Je vois encore des êtres d'Éveil
de profonde sagesse, de ferme volonté,
capables d'interroger les Éveillés,
retenir en détail ce qu'ils entendent;
je vois de même des fils d'Éveillé,
munis de sagesse et concentration,
qui, à l'aide d'innombrables paraboles,
exposent la Loi à la multitude;
ils se plaisent à prêcher la Loi
et convertissent les êtres d'Éveil;
ils défont les hordes du Malin
et battent le tambour de la Loi.
Je vois encore des êtres d'Éveil,
plongés dans un silence paisible;
dieux et dragons leur rendent hommage
et ils n'en retirent nulle joie.
Je vois encore des êtres d'Éveil,
demeurant dans les forêts,
émettre une lumière
qui va sauver des souffrances les êtres infernaux
et les fait entrer dans la voie d'Éveillé.
Je vois encore des fils d'Éveillé
qui n'ont jamais connu le sommeil
et déambulent dans la forêt
en quête assidue de la voie d'Éveillé.
J'en vois encore, en possession de la moralité,
d'une dignité sans défaut,
purs comme des perles précieuses,
rechercher ainsi la voie d'Éveillé.
Je vois encore des fils d'Éveillé
demeurer dans la force de leur patience :
les outrecuidants
les insultent et les battent,
mais ils peuvent endurer tout cela
dans leur quête de la voie d'Éveillé.
Je vois encore des êtres d'Éveil
se séparer des jeux et des ris,
ainsi que de la compagnie des sots,
fréquenter les sages,
de tout coeur rejeter le tumulte
et se recueillir dans montagnes et forêts
pendant des myriades et dizaines de millions d'années
afin de rechercher la voie d'Éveillé.
Ou bien je vois des êtres d'Éveil
faire don à l'Éveillé et à la communauté
de mets et boissons délicats,
de cent sortes de simples en décoctions;
d'habits fameux, de vêtements supérieurs
valant des mille et des dix mille,
ou de vêtements sans prix
ils font don à l'Éveillé et à la communauté.
De dizaines de millions de myriades de sortes
de précieuses résidences de santal,
de merveilleuse literie en abondance,
ils font don à l'Éveillé et à la communauté;
de purs jardins et bosquets
où foisonnent fleurs et fruits,
avec leurs fontaines et bassins,
ils font don à l'Éveillé et à la communauté.
De tels dons,
en leur merveilleuse variété,
il les font dans la joie et sans dégoût,
en quête de l'insurpassable Voie.
Il y a aussi des êtres d'Éveil
qui prêchent la voie de la Disparition en apaisement;
par leurs enseignements variés, ils guident
d'innombrables êtres.
Je vois aussi des êtres d'Éveil
contempler, dans la nature des entités,
l'absence de caractère duel,
à l'instar de l'espace.
Je vois encore des fils d'Éveillé
dont la pensée est sans attache;
à l'aide de leur sagesse sublime,
ils recherchent la Voie insurpassable.
Mañjuçri,
il y a encore des êtres d'Éveil
qui, après la Disparition d'un Éveillé,
font offrandes à ses reliques.
Je vois encore des fils d'Éveillé
bâtir pagodes et temples,
aussi innombrables que les sables du Gange
pour en orner les pays;
des pagodes précieuses d'une hauteur merveilleuse
de cinq mille parasanges,
de longueur et largeur égales
de deux mille parasanges;
chacune de ces pagodes
a mille bannières,
des tentures ajourées de perles,
de précieuses cloches à l'harmonieuse résonance;
les dieux, les dragons, les génies,
les humains et non-humains,
de parfums et fleurs, de danses et musiques,
leur font constante offrande.
Mañjuçrî,
les fils de l'Éveillé
ont orné et décoré les pagodes
pour faire offrande aux reliques,
le pays s'en est trouvé spontanément
embelli de singulière façon,
comme le roi des arbres divins
voit ses fleurs s'épanouir.
L'Éveillé émet un seul rayon lumineux
et, avec toute l'assemblée,
je vois ce pays
et la variété de ses merveilles;
les pouvoirs miraculeux des Éveillés
et leur sagesse sont choses rares :
par l'émission d'un seul et pur éclat
sont illuminées d'innombrables contrées;
nous les voyons,
saisis de ce fait sans précédent.
Mañjuçrî, fils de l'Éveillé,
je souhaite que tu résolves la foule des doutes;
les quatre congrégations, joyeusement attentives,
ont le regard fixé sur toi et moi.
Pourquoi le Vénéré du Monde émet-il cet éclat lumineux ?
Fils d'Éveillé, en répondant à temps,
tu résoudras les doutes et susciteras la liesse.
Pour quels fertiles bienfaits
déploie-t-il cet éclat lumineux ?
La Loi sublime à laquelle accéda l'Éveillé,
assis au Lieu de la Voie,
doit-on penser qu'il va l'exposer ?
Doit-on penser qu'il conférera l'annonciation ?
Manifester dans leur pureté ornée de gemmes
les terres d'Éveillés,
de même que voir les Éveillés,
cela n'est pas une affinité mineure.
Sache, Mañjuçrî,
que les quatre congrégations, les dragons et génies
ont le regard fixé sur toi;
que vas-tu leur dédarer ?
Alors Mañjuçrî s'adressa à l'être d'Éveil, au grand être Maitreya, ainsi qu'aux grands seigneurs :
Fils de bien, selon mon jugement, l'Éveillé Vénéré du Monde va à présent prêcher sa grande Loi, il va faire pleuvoir la pluie de la grande Loi, il va souffler la conque de la grande Loi, il va faire retentir le tambour de la grande Loi, il va exposer le sens de la grande Loi.
Ô fils de bien, j'ai déjà vu auprès des Éveillés du passé ces signes auspicieux : après avoir émis une telle lumière, ils prêchaient la grande Loi. Sachez que si l'Éveillé a maintenant fait apparaître cette lumière, c'est qu'il en est de même : il va faire entendre et connaître à tous les êtres une Loi incroyable pour l'ensemble des mondes. C'est pour cela qu'il a fait apparaître ces signes auspicieux.
Ô fils de bien, de la même façon, il y a de cela d'innombrables, d'infinies, d'inconcevables quantités incalculables d'éons dans le passé, était alors un Éveillé appelé l'Ainsi-Venu Luminaire de Soleil et de Lune, Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, bien parti, comprenant le monde, seigneur suprême, dompteur, précepteur des dieux et des hommes, Éveillé, Vénéré du Monde, qui exposa la Loi correcte, bonne en son début, bonne en son milieu, bonne en sa fin, profonde et lointaine de sens, subtile et sublime d'énoncé, pure, une et sans mélange, complète en sa candeur, marquée de la pratique brahmique.
Pour ceux qui recherchaient l'état d'auditeur, il prêchait la Loi adaptée selon les quatre vérités, qui sauve de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, qui mène à parachever l'Extinction.
Pour ceux qui recherchaient l'état d'Éveillé pour soi, il prêchait la Loi adaptée selon les douze liens causaux.
Pour les êtres d'Éveil, il prêchait celle adaptée selon les six perfections, leur permettant d'accéder à l'Éveil complet et parfait sans supérieur et de réaliser la science de tous les aspects.
Il y eut ensuite un Éveillé qui avait nom Luminaire de Soleil et de Lune. Puis il y eut encore un Éveillé qui avait aussi nom Luminaire de Soleil et de Lune, et ainsi vingt mille Éveillés, tous du même nom personnel Luminaire de Soleil et de Lune et, en plus, du même nom clanique Bharadvâja. Sache donc, Maitreya, que du premier Éveillé au dernier Éveillé, ils avaient tous le même nom personnel, à savoir Luminaire de Soleil et de Lune, qu'ils étaient en pleine possession des dix appellations et que la Loi qu'ils prêchaient était bonne en son début, en son milieu et en sa fin.
Alors que le dernier de ces Éveillés n'avait pas encore quitté la famille, il avait eu huit enfants, des princes : le premier avait nom Muni-d'Intention, le second Bonne-Intention, le troisième Intention-Incommensurable, le quatrième Intention-Précieuse, le cinquième Intention-Auguste, le sixième Intention-Indubitable, le septième Intention-Résonante, le huitième Intention de Loi.
Ces huit princes, en leur souveraine majesté, gouvernaient chacun un monde de quatre continents. Quand les princes entendirent que leur père avait quitté la famille et obtenu l'Éveil complet et parfait sans supérieur, ils renoncèrent tous au trône et, à sa suite, quittèrent la famille; ils déployèrent l'intention du Grand Véhicule, pratiquèrent constamment la conduite brahmique et devinrent tous des maîtres de Loi, plantant des racines de bien auprès de milliers de millions d'Éveillés.
En ce temps-là, l'Éveillé Luminaire de Soleil et de Lune exposa le livre canonique du Grand Véhicule intitulé Les Sens innombrables, Loi enseignée aux êtres d'Éveil et gardée en mémoire par les Éveillés. L'ayant exposé, il s'assit au sein de la multitude, les jambes repliées et croisées, et entra dans le Recueillement de Demeure dans les Sens innombrables, immobile de corps et d'esprit. Les dieux firent alors pleuvoir des fleurs d'arbre-corail et de grands arbres-corail, de mañjushaka et de mahâmânjushaka qui se dispersèrent sur l'Éveillé et la multitude; partout dans le monde d'Éveillé, la terre trembla de six façons. Alors, dans l'assemblée, toutes les vastes multitudes de moines et de nonnes, de pieux laïcs et laiques pieuses, de dieux, de dragons, de silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, humains et non-humains, de même que les rois mineurs et les saints rois de l'orbe furent tous saisis de ce fait sans précédent; dans l'allégresse, les paumes jointes, ils contemplèrent l'Éveillé d'un seul coeur.
Alors l'Ainsi-Venu émit de la touffe blanche caractéristique entre ses sourcils une lumière qui éclaira à l'est dix-huit mille terres d'Éveillé, sans nul endroit où elle ne se répandit, comme les terres d'Éveillé que nous voyons maintenant.
Sache, Maitreya, qu'il y avait alors dans l'assemblée vingt myriades d'êtres d'Éveil qui désiraient entendre la Loi; ces êtres d'Éveil, à la vue de la clarté qui illuminait l'ensemble des terres d'Éveillé, furent saisis de ce fait sans précédent et voulurent connaître les raisons qui avaient produit cette lumière.
Il était en ce temps-là un être d'Éveil du nom de Lumière-Sublime qui avait huit cents disciples; l'Éveillé Luminaire de Soleil et de Lune émergea alors de son recueillement et, à cause de l'être d'Éveil Lumière-Sublime, il exposa le livre du Grand Véhicule intitulé La Fleur du lotus de la Loi sublime, Loi enseignée aux êtres d'Éveil et gardée en mémoire par les Éveillés. Durant soixante éons mineurs, il ne quitta pas son siège, et ceux qui étaient alors dans l'assemblée à l'écouter restèrent assis au même endroit pendant soixante éons mineurs, immobiles en corps et en esprit. Pour eux, écouter la prédication de l'Éveillé n'avait duré, eût-on dit, que l'espace d'un repas, et pendant tout ce temps, dans l'assemblée, pas un homme, que ce fût en corps ou en pensée, ne conçut lassitude ou torpeur. L'Éveillé Luminaire de Soleil et de Lune, ayant exposé ce texte canonique en soixante éons mineurs, fit alors à Brahmâ et au Malin, aux religieux et aux brahmanes, ainsi qu'aux hommes, aux dieux et aux titans, cette déclaration : « Aujourd'hui, au milieu de la nuit, l'Ainsi-Venu entrera dans l'Extinction sans reste ».
Il y avait alors un être d'Éveil du nom de Réceptacle de Mérites; l'Éveillé Luminaire de Soleil et de Lune lui conféra alors l'annonciation et déclara aux moines : « Cet être d'Éveil Réceptacle de Mérites deviendra par la suite Éveillé sous le nom d'Ainsi-Venu Corps Pur, Méritant, Complet et Parfait Éveillé. » Ayant conféré l'annonciation, il entra au milieu de la nuit dans l'Extinction sans reste.
Après le passage de l'Éveillé dans l'Extinction, l'être d'Éveil Lumière-Sublime garda le Livre de la Fleur du lotus de la Loi sublime et remplit quatre-vingts éons mineurs à l'exposer aux hommes.
Les huit fils de l'Éveillé Luminaire de Soleil et de Lune eurent tous Lumière-Sublime pour maître; celui-ci, de par son enseignement salvateur, affermit et consolida chez eux l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Ces princes, ayant fait offrande à d'incalculables centaines de milliers, de dizaines de milliers, de myriades d'Éveillés, réalisèrent tous la voie d'Éveillé. Le dernier à la réaliser avait nom Brûle-Lampe.
Parmi ses huit cents disciples, il s'en trouvait un, du nom de Cherche-Gloire, qui était avide de gain; bien qu'il récitât encore et encore les livres canoniques, il ne les pénétrait pas avec acuité et nombreux étaient les passages qu'il oubliait, ce pour quoi il était surnommé Cherche-Gloire. Or, les circonstances ayant fait qu'il avait planté des racines de bien variées, il obtint de rencontrer d'innombrables centaines, milliers, dizaines de milliers, myriades d'Éveillés, à qui il fit offrande et rendit hommage, prodigua vénération et louange. Sache, Maitreya, que l'être d'Éveil Lumière-Sublime de ce temps-là - qui d'autre eût-il été ? -, c'était moi-même. L'être d'Éveil Cherche-Gloire, c'était toi en personne.
Ces signes auspicieux que nous voyons à présent ne sont en rien différents d'autrefois; c'est pourquoi je juge que l'Ainsi-Venu va aujourd'hui prêcher le texte canonique du Grand Véhicule intitulé La Fleur du Lotus de la Loi sublime, Loi enseignée aux êtres d'Éveil et gardée en mémoire par les Éveillés.
Alors Mañjuçrî, au sein de la vaste multitude, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
J'ai souvenir qu'en un âge passé,
il y a de cela d'innombrables éons,
était un Éveillé, vénéré parmi les hommes,
qui avait nom Luminaire de Soleil et de Lune.
Le Vénéré du Monde exposa la Loi
et sauva des êtres innombrables,
d'incalculables myriades d'êtres d'Éveil,
qu'il fit pénétrer dans la sagesse d'Éveillé.
Alors que cet Éveillé résidait encore dans sa famille,
il lui était né huit princes;
ayant vu le grand saint quitter la famille,
ils pratiquèrent à sa suite la conduite brahmique.
L'Éveillé prêcha alors le livre du Grand Véhicule
appelé Les Sens innombrables
au sein de la multitude
et leur en détailla les distinctions.
Ayant prêché ce texte, l'Éveillé
s'assit sur le trône de Loi;
jambes repliées, dans le recueillement
dit Demeure dans les sens innombrables.
Les dieux firent pleuvoir des fleurs d'arbre-corail,
les tambours divins résonnèrent spontanément;
dieux, dragons, démons, génies
firent offrande au Vénéré parmi les hommes.
L'ensemble des terres d'Éveillé
tremblèrent alors grandement.
L'Éveillé émit d'entre ses sourcils une lumière
qui fit apparaître des choses rarissimes.
Cette lumière éclaira vers l'orient
dix-huit mille terres d'Éveillé;
elle montra à l'ensemble des êtres
les lieux de rétribution de l'Acte dans le cycle des existences.
Il en était qui virent les terres d'Éveillé,
ornées d'une multitude de joyaux,
aux couleurs de béryl et de cristal,
cela grâce à la lumière de l'Éveillé qui les illuminait.
Ils virent aussi les dieux et les hommes,
la foule des dragons, des génies, des silènes,
les centaures et les chimères
faire chacun offrande à cet Éveillé.
On vit encore les Ainsi-Venus
réaliser spontanément la voie d'Éveillé,
le corps comme une montagne d'or,
majestueux, sublimes ô combien,
telles, dans un pur béryl,
apparaîtraient des statues d'or inaltéré.
Le Vénéré du Monde, en cette grande foule,
développait les sens de la profonde Loi;
en chacune des terres d'Éveillé,
les foules sans nombre d'auditeurs,
de par la lumière d'Éveillé qui les éclairait,
se voyaient tout entières en leur grande multitude.
Il y avait aussi des moines
qui, par montagnes et forêts,
maintenaient avec zèle la pure moralité,
de même que l'on garde une perle lumineuse.
On voyait encore des êtres d'Éveil
pratiquer don, patience et autres;
leur nombre égalait les sables du Gange,
éclairés qu'ils étaient par la lumière de l'ÉveIllé.
On voyait encore des êtres d'Éveil
plongés en de profondes concentrations,
calmes et immobiles de corps et de pensée,
à la recherche de la Voie insurpassable.
On voyait encore des êtres d'Éveil
connaître les entités en leur aspect de Disparition apaisée
et, chacun en son royaume,
prêcher la Loi et rechercher la voie d'Éveillé.
À ce moment, les quatre congrégations,
à la vue de l'Éveillé Luminaire de Soleil et de Lune
déployant la grande force de ses pouvoirs miraculeux,
eurent toutes le coeur en liesse
et se demandèrent les unes les autres
quelles étaient les raisons de cet événement.
Le Vénéré des dieux et des hommes
émergea juste alors de son recueillement
et fit l'éloge de l'être d'Éveil Lumière-Sublime :
Tu es l'oeil du monde,
celui chez qui tous prennent avec foi refuge,
capable de maintenir le réceptacle de la Loi;
cette Loi, telle que je la prêche,
toi seul peux l'attester.
Le Vénéré du Monde, par ces louanges,
mit Lumière-Sublime en liesse;
Sa prédication du Livre du lotus de la Loi
remplit soixante éons mineurs
sans qu'il se levât de son siège.
La Loi éminente et sublime qu'il exposa,
Lumière-Sublime, ce maître de Loi,
put l'accepter et la garder toute.
L'Éveillé, par la prédication du Lotus de la Loi,
ayant mis la foule des êtres en liesse,
aussitôt après, ce même jour,
il annonça à la multitude des hommes et des dieux :
Ce que veut dire l'aspect réel des entités,
je vous l'ai désormais exposé;
aujourd'hui, à l'heure de minuit,
j'entrerai dans l'Extinction.
Vous, exercez de tout coeur votre zèle,
il faut vous départir de tout relâchement.
Fort difficiles à rencontrer sont les Éveillés,
en une myriade d'éons, on n'en rencontre qu'une fois.
Les fils du Vénéré du Monde,
entendant que l'Éveillé entrait dans l'Extinction,
conçurent, chacun pour soi, tristesse et chagrin :
Pourquoi l'Éveillé disparaît-il donc si rapidement ?
Le roi de la sainte Loi suprême
consola l'innombrable multitude :
Lors de mon passage en Disparition,
que nul d'entre vous ne s'afflige.
L'être d'Éveil Réceptacle de Mérites, ici présent,
a eu accès en pensée à la compréhension
de l'Aspect réel sans infections.
Il deviendra par la suite Éveillé,
aura nom Corps de Pureté
et sauvera lui aussi des êtres innombrables.
L'Éveillé, cette nuit-là, passa en Disparition,
comme s'éteint le feu à l'épuisement du bois à brûler.
On se répartit ses reliques
et on édifia d'innombrables pagodes.
Les moines et les nonnes,
nombreux comme les sables du Gange,
redoublèrent dans leur zèle
à la recherche de la Voie insurpassable.
Lumière-Sublime, ce maître de Loi,
détenteur du réceptacle de la Loi d'Éveillé,
au cours de quatre-vingts éons mineurs,
propagea largement le Livre du lotus de la Loi.
Ces huit princes
furent convertis par Lumière-Sublime;
adhérant fermement à l'insurpassable Voie,
ils étaient appelés à voir des Éveillés sans nombre
et, ayant fait offrande aux Éveillés,
ils pratiquèrent à leur suite la grande Voie;
ils se succédèrent dans la réalisation de l'état d'Éveillé
et se conférèrent tour à tour l'annonciation.
Le tout dernier, dieu parmi les dieux,
fut appelé l'Éveillé Brûle-Lampe,
instructeur des immortels;
il mena à la délivrance d'innombrables êtres.
Lumière-Sublime, ce maître de Loi,
avait alors un disciple
à l'esprit toujours paresseux et indolent;
avide de lucre et de renom,
qu'il recherchait sans se lasser.
Il fréquentait la maison des grands,
rejetant ce qu'il avait appris et récité,
l'oubliant, ne le comprenant plus avec acuité.
C'est pour ces raisons
qu'on l'avait surnommé Cherche-Gloire.
Il pratiquait aussi nombre d'actes de bien
et obtint de voir d'innombrables Éveillés.
Il fit offrande aux Éveillés
et pratiqua à leur suite la grande Voie.
Muni des six perfections,
il voit à présent le lion des Çâkya
et deviendra par la suite Éveillé
sous le nom de Maitreya;
il sauvera largement les êtres
en nombre illimité.
Celui qui, après la Disparition de l'Éveillé d'alors,
était paresseux et indolent, c'était toi.
Lumière-Sublime, ce maître de Loi,
c'est à présent moi-même.
Lorsque je vis l'Éveillé Brûle-Lampe,
les signes auspicieux furent alors les mêmes;
c'est ainsi que je sais qu'à présent l'Éveillé
va prêcher le Livre du lotus de la Loi.
Les signes d'aujourd'hui, comme les auspices d'alors,
sont des expédients salvifiques des Éveillés.
Maintenant, l'Éveillé émet une lumière éclatante
qui aide à développer ce que veut dire l'Aspect réel.
Que les hommes en prennent à présent connaissance,
qu'ils attendent de tout coeur, les paumes jointes !
L'Éveillé fera pleuvoir la pluie de la Loi
et comblera ceux qui recherchent la Voie;
si, de ceux qui recherchent les trois véhicules,
certains ont des doutes ou des regrets,
l'Éveillé, certes, les leur ôtera,
il les dissipera sans qu'il en reste rien.



^*^*^*^ 


CHAPITRE II
Les expédients salvifiques

En cette heure, le Vénéré du monde émergea, calme et lucide, de son recueillement et déclara à Çâriputra :
La sagesse des Éveillés est fort profonde, incommensurable; difficile à comprendre, difficile à pénétrer est la porte de leur sagesse. Les auditeurs et les éveillés pour soi, tous tant qu'ils sont, ne peuvent en avoir connaissance. Comment cela se fait-il ? C'est qu'un Eveillé a auparavant approché d'innombrables Éveillés, par milliers et myriades; il a pratiqué jusqu'à leur terme les innombrables méthodes portant sur la voie des Éveillés; plein d'audace et d'énergie, son renom s'est universellement répandu, il a mené à accomplissement des méthodes sans précédent et très profondes; la teneur de ce qu'il prêche de façon appropriée est difficile à comprendre.
Ô Çâriputra, depuis que j'ai réalisé l'état d'Éveillé, à l'aide de toutes sortes de relations et toutes sortes de paraboles, j'ai amplement exposé la doctrine orale.
Par des expédients sans nombre j'ai mené les êtres à se séparer des attachements. Comment cela se fait-il ? C'est que l'Ainsi-Venu est muni de la totalité des expédients salvifiques, du savoir et de la vision, ainsi que des perfections.
Ô Çâriputra, le savoir et la vision d'Ainsi-Venu sont vastes et profonds, incommensurables, sans obstacles; de par ses forces, son assurance, sa méditation, sa délivrance, sa concentration, il a profondément pénétré le sans-limite, il a mené à bien en leur entièreté des méthodes sans précédent.
Ô Çâriputra, l'Ainsi-Venu est capable d'une variété de distinctions pour prêcher habilement les enseignements; son discours est empreint de douceur, il comble de joie le coeur des foules.
Ô Çâriputra, pour s'en tenir à l'essentiel : les méthodes sans précédent, incommensurables et infinies, l'Éveillé les a toutes menées à bien.
Cesse, Çâriputra, inutile de parler davantage. Pourquoi cela ? Ce que l'Éveillé a mené à l'accomplissement, c'est la Loi primordiale et rare, difficile à comprendre; seul un Éveillé peut avec un autre Éveillé scruter jusqu'au bout l'aspect réel des entités, ce qui veut dire, pour les entités : ainsi est leur aspect, ainsi est leur nature, ainsi est leur substance, ainsi est leur puissance, ainsi est leur action, ainsi est leur cause, ainsi est leur condition, ainsi est leur fruit, ainsi est leur rétribution, ainsi est leur égalité parachevée du début à la fin.
Alors, le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en ces stances:
Le Héros du monde, on ne peut en prendre la mesure;
pas plus les dieux que les gens de ce monde,
les êtres de toute espèce,
nul ne peut connaître l'Éveillé.
Sa force, son assurance,
sa délivrance, ses recueillements,
ainsi que les autres attributs d'Éveillé,
nul n'est capable de les sonder,
car il a dès l'origine, auprès d'Éveillés sans nombre,
pratiqué les voies en leur totalité.
La Loi profonde et sublime
est impossible à voir, difficile à comprendre.
Ayant en d'innombrables myriades d'éons
pratiqué ces voies jusqu'au bout
et en ayant réalisé le fruit au lieu de la Voie,
j'ai désormais en entier le savoir et la vision.
Les grands fruits et rétributions tels qu'ils sont,
les sens variés de la nature et des aspects,
moi-même et les Éveillés des dix orients
avons pu prendre connaissance de ces choses.
Cette Loi ne se peut indiquer,
le discours qui en marque l'aspect s'éteint et disparaît;
parmi les autres êtres,
nul n'est capable d'en avoir l'intelligence,
si ce n'est la multitude des êtres d'Éveil
dont la force de la foi est bien affermie.
La multitude des fils d'Éveillé
qui ont auparavant fait offrande aux Éveillés,
qui ont mis un terme à toutes leurs infections,
qui demeurent en leur ultime corps,
des hommes tels que ceux-là
n'ont pas la force de la supporter.
Même si le monde était rempli
de gens tous semblables à Çâriputra
qui s'épuiseraient la pensée à la mesurer ensemble,
ils ne pourraient sonder la sagesse d'Éveillé.
Quand bien même les dix orients seraient remplis
de gens tels que Çâriputra,
et si tous les autres disciples
remplissaient aussi les terres des dix orients,
qui s'épuiseraient la pensée à la mesurer ensemble,
ils ne pourraient davantage la connaître.
Des éveillés solitaires à la sagesse aiguisée,
sans infections, en leur dernière existence,
qui rempliraient les mondes des dix orients
pareils en nombre aux bambous d'une forêt,
tâchant ensemble d'un seul coeur,
durant des myriades d'incalculables éons,
de concevoir la sagesse réelle d'Éveillé,
ne pourraient en connaître la moindre parcelle.
Des êtres d'Éveil qui, leur intention nouvellement déployée,
auraient fait offrande à d'innombrables Éveillés,
auraient accédé à l'intelligence des dogmes en leurs tendances,
capables encore de prêcher habilement la Loi,
si, comme des plants de riz et de chanvre, comme bambous et roseaux,
ils remplissaient les champs des dix orients
et d'un seul coeur, en leur sagesse sublime,
durant des éons nombreux comme les sables du Gange,
la mesuraient tous ensemble en pensée,
ils seraient incapables de connaître la sagesse d'Éveillé.
Si des êtres d'Éveil au-delà de la régression
aussi nombreux que les sables du Gange,
d'un seul coeur cherchaient ensemble à la concevoir,
ils ne pourraient pas davantage la connaître.
De plus, je te le dis, Çâriputra,
cette Loi si profonde et sublime,
sans infections et inconcevable,
je la possède dorénavant en sa totalité;
moi seul en connais ses aspects,
de même que les Éveillés des dix orients.
Çâriputra, il faut savoir
que la parole des Éveillés est sans divergence.
En la Loi que prêche l'Éveillé
il faut concevoir une foi grande et forte.
Car c'est après un long temps que la Loi du Vénéré du monde
doit être par lui exposée en sa réalité.
Je le proclame à la multitude des auditeurs
ainsi qu'au véhicule cherchant l'Éveil dans la causalité :
c'est moi qui les délivrerai des entraves de la douleur
et leur ferai gagner l'Extinction,
car l'Éveillé, de par la force de ses expédients,
se révèle grâce aux enseignements des trois véhicules.
Les êtres s'attachent en maints endroits :
lui les guide pour les en sortir.
Alors dans cette vaste foule, il y eut des auditeurs, des Méritants ayant épuisé les infections, tels Ajñâtakaundinya et d'autres, au nombre de mille deux cents, ainsi que ceux qui avaient déployé la pensée d'auditeur et d'éveillé pour soi, les moines et moniales, les pieux laïcs et laïques pieuses, qui chacun se fit cette réflexion : pourquoi à présent le Vénéré du monde insiste-t-il sur l'éloge des expédients salvifiques en tenant ces propos et en disant que la Loi possédée par un Éveillé est si profonde et difficile à comprendre que, même s'il peut s'en exprimer quelque chose, le sens en est difficile à connaître et que l'ensemble des auditeurs et des éveillés pour soi ne sauraient l'atteindre ? Le dogme de la délivrance unique que l'Éveillé a exposé, c'est encore un enseignement que nous pûmes faire nôtre et ainsi gagner l'Extinction; mais à présent nous ne savons plus où mène ce dogme-ci.
A ce moment, Çâriputra, connaissant les doutes que nourrissaient dans leur coeur les quatre congrégations, et qui n'avait pas encore compris lui-même, s'adressa en ces termes à l'Éveillé : « Pour quelle raison le Vénéré du monde insiste-t-il tant sur l'éloge de la Loi difficile à comprendre, si profonde et sublime, l'expédient primordial des Éveillés ? Depuis les temps passés, je n'ai jamais entendu l'Éveillé prêcher de telle sorte. Or, à présent, ceux des quatre congrégations conçoivent, tous tant qu'ils sont, des doutes. Mon seul souhait est que le Vénéré du monde veuille bien exposer plus au long ces choses : pourquoi a-t-il tant insisté sur l'éloge de la Loi difficile à comprendre, si profonde et subtile ? »
Alors Çâriputra, afin de réitérer ce qu'il voulait dire, s'exprima en ces stances :
Le soleil de sagesse, le grand saint vénérable
ne prêche cette Loi qu'au terme d'un long temps.
Lui-même nous affirme qu'il a pu faire siens
les attributs inconcevables que sont entre autres de telles
force, absence de crainte, concentration,
méditation, délivrance.
Sur ces attributs acquis au lieu de la Voie,
il n'y eut personne en mesure de le questionner.
Son intention intime est bien difficile à sonder
et personne non plus ne peut poser de question sur elle.
Il s'est exprimé spontanément sans qu'on le questionne
pour faire l'éloge de la voie qu'il a pratiquée,
de cette sagesse si sublime
que les Éveillés ont fait leur.
Les Méritants qui n'ont plus d'infections,
de même que ceux qui recherchent l'Extinction,
voici maintenant qu'ils tombent tous dans le filet du doute :
pourquoi l'Éveillé prêche-t-il cela ?
Ceux qui recherchent l'Éveil par les liens causaux,
les moines et moniales,
les dieux, dragons, démons, génies,
les centaures et autres
s'entre-regardent, l'hésitation au fond du coeur,
lèvent humblement les yeux vers le plus vénérable des humains aux deux jambes.
Pourquoi cet état de choses ? Veuille l'Éveillé pour eux s'expliquer.
À la foule des auditeurs
l'Éveillé déclara que j'étais le premier;
mais à présent je m'égare dans les doutes
sur ma propre sagesse et je ne puis comprendre
s'il s'agit de la Loi parachevée
ou d'une voie à pratiquer.
Les enfants nés de la bouche de l'Éveillé
joignent les paumes et lèvent humblement les yeux en leur attente,
souhaitant qu'il émette le son sublime
qui - c'est le moment propice - leur exposera ce qu'il en est en réalité.
Les dieux, dragons, génies et autres,
leur nombre comme les sables du Gange,
les êtres d'Éveil en quête de l'état d'Éveillé,
au grand nombre de quatre-vingt mille,
et encore les saints souverains de l'orbe
de myriades de royaumes arrivent;
les paumes jointes, d'un coeur plein de respect,
ils désirent entendre la Voie en sa totalité.
Alors l'Éveillé prévint Çâriputra : « Cesse, cesse, tu ne dois pas en dire davantage. Si j'exposais ces choses, les dieux et les hommes de l'ensemble des mondes ne feraient tous que s'en étonner et douter. »
Çâriputra s'adressa de nouveau à l'Éveillé : « Vénéré du monde, mon seul souhait est que vous l'exposiez, mon seul souhait est que vous l'exposiez. Et pourquoi cela ? En cette assemblée, d'innombrables, d'incalculables myriades de myriades d'êtres ont déjà vu auparavant des Éveillés, leurs facultés sont terriblement aiguisées, leur sagesse est lucide; s'ils entendent ce que l'Éveillé a à prêcher ils pourront alors le croire avec respect. »
Alors Çâriputra, afin de réitérer ce qu'il voulait dire, s'exprima en ces stances :
Roi de la Loi, vénérable sans supérieur,
parle seulement, et veuille le faire sans réticence;
parmi la foule innombrable de cette assemblée,
il s'en trouve qui pourront croire avec respect.
Mais l'Éveillé, de nouveau : « Cesse, Çâriputra. Si j'exposais ces choses, les dieux, les hommes et les titans de l'ensemble des mondes seraient tous en proie à l'étonnement et au doute, les moines outrecuidants tomberaient dans le grand puits. »
Et l'Eveillé alors répéta en stances ses paroles:
Cesse, cesse, ne parle pas davantage !
Ma Loi est sublime, difficile à comprendre;
en l'entendant, les outrecuidants
ne lui accorderont à coup sûr ni foi ni respect.
Çâriputra alors s'adressa de nouveau à l'Éveillé : «Vénéré du monde, mon seul souhait est que vous l'exposiez, mon seul souhait est que vous l'exposiez. À présent, il s'en trouve en cette assemblée qui, comparables à moi, ont par myriades de myriades reçu auparavant au cours des âges l'action salvifique d'un Éveillé. De tels êtres, à coup sûr, seront capables de croire avec respect; en la longue nuit des siècles, sereins et soulagés, ils auront abondance de bienfaits.
Et Çâriputra alors, afin de réitérer ce qu'il voulait dire, s'exprima en ces stances :
Que le plus vénérable des humains aux deux jambes
expose la Loi primordiale, tel est mon souhait,
et je suis l'aîné des fils de l'Éveillé;
qu'il condescende seulement à prêcher avec discernement.
En cette assemblée, des foules innombrables
pourront croire avec respect à cette Loi.
L'Éveillé a déjà au cours des âges
sauvé de tels êtres par son enseignement;
tous, d'un seul coeur et les paumes jointes,
veulent ouïr les propos de l'Éveillé.
Nous, les mille deux cents,
et tous ceux qui sont en quête de l'état d'Éveillé,
souhaitons que, pour cette foule,
vous condescendiez seulement à prêcher avec discernement.
Ceux-ci, à entendre cette Loi,
concevront une grande joie.
Alors le Vénéré du monde annonça à Çâriputra : « Voilà trois fois que tu me le demandes avec insistance, comment pourrais-je ne pas prêcher ? Écoute à présent avec lucidité, réfléchis-y bien, je vais pour toi m'expliquer avec discernement. »
Quand il eut tenu ces propos, il y eut dans l'assemblée des moines et des moniales, de pieux laïcs et laïques pieuses, cinq mille personnes qui se levèrent de leur place et, ayant salué l'Eveillé, se retirèrent. Pourquoi cela ? Il s'agissait d'une troupe d'êtres aux racines de crime profondes et graves, d'outrecuidants qui prétendaient avoir acquis ce qu'ils n'avaient pas acquis, attesté ce qu'ils n'avaient pas attesté; c'est parce qu'ils avaient de tels défauts qu'ils ne demeurèrent point. Le Vénéré du monde resta silencieux et ne les retint pas.
Alors l'Éveillé annonça à Çâriputra : « Il n'y a plus désormais dans la multitude qui m'entoure de branches ni de feuilles, mais uniquement un pur noyau. Çâriputra, il est tout aussi bien que de tels outrecuidants se soient retirés, mais toi, écoute à présent attentivement, car je vais prêcher à ton intention. »
Çâriputra dit : « Qu'il en soit ainsi, Vénéré du monde; mon plus cher désir est de vous écouter. »
L'Éveillé annonça à Çâriputra :
Une telle Loi sublime, les Éveillés Ainsi-Venus ne la prêchent qu'en son temps, de même que la fleur du figuier sauvage n'apparaît qu'une fois en son temps. Çâriputra, tu dois croire ce que prêche l'Éveillé, ses paroles ne sont pas vaines ni futiles. Çâriputra, les Éveillés prêchent en suivant la convenance des êtres, mais la teneur en est difficile à saisir. Comment cela se fait-il ? C'est que j' ai exposé les méthodes à l'aide d'innombrables expédients, d'une variété de relations, de paraboles, de locutions. Cette Loi, ce n'est pas la discrimination réflexive qui peut la comprendre. Seuls les Éveillés peuvent en prendre connaissance. Comment cela se fait-il ? C'est que les Éveillés Vénérés du monde n'apparaissent au monde qu'en raison d'une unique grande oeuvre. En quoi, Çâriputra, la raison pour laquelle les Éveillés Vénérés du monde apparaissent au monde peut-elle être qualifiée d'unique grande oeuvre ?
C'est parce que les Éveillés Vénérés du monde veulent ouvrir les êtres au savoir et à la vision d'Éveillé et leur faire acquérir la pureté qu'ils apparaissent au monde.
C'est parce qu'ils veulent montrer aux êtres le savoir et la vision d'Éveillé qu'ils apparaissent au monde.
C'est parce qu'ils veulent faire comprendre aux êtres le savoir et la vision d'Éveillé qu'ils apparaissent au monde.
C'est parce qu'ils veulent faire pénétrer les êtres dans le savoir et la vision d'Éveillé qu'ils apparaissent au monde.
Voilà donc, Çâriputra, comment les Éveillés apparaissent au monde en raison de leur unique et grande oeuvre.
L'Éveillé déclara à Çâriputra :
L'enseignement salvifique des Éveillés Ainsi-Venus s'adresse aux seuls êtres d'Éveil : toutes leurs activités visent constamment une oeuvre unique, qui est seulement de montrer et faire comprendre aux êtres le savoir et la vision d'Éveillé.
Çâriputra, l'Ainsi-Venu ne prêche la Loi aux êtres qu'à l'aide de l'unique véhicule d'Éveillé, il n'y a pas d'autres véhicules, ni deux ni trois. Çâriputra, la Loi de l'ensemble des Éveillés des dix orients est comme celle-ci.
Çâriputra, les Éveillés des temps passés ont exposé leurs enseignements aux êtres à l'aide d'innombrables et incalculables expédients salvifiques, une grande variété de relations, de paraboles et de locutions. Parce que ces enseignements constituaient tous l'unique véhicule d'Éveillé, tous ces êtres qui entendirent la Loi de la bouche d'un Éveillé parachevèrent l'acquisition de la science de tous les aspects.
Çâriputra, les Éveillés des temps futurs qui doivent apparaître au monde exposeront aussi leurs enseignements aux êtres à l'aide d'innombrables et d'incalculables expédients salvifiques, une grande variété de relations, de paraboles et de locutions. Parce que ces enseignements constitueront tous l'unique véhicule d'Éveillé, tous ces êtres qui entendront la Loi de la bouche d'un Éveillé parachèveront l'acquisition de la science de tous les aspects.
Çâriputra, les Éveillés Vénérés du monde du temps présent qui se trouvent dans les myriades de myriades de terres d'Éveillés des dix orients apportent aux êtres abondance de bienfaits et de réconfort; ces Éveillés aussi exposent leurs enseignements aux êtres à l'aide d'innombrables et incalculables expédients salvifiques, une grande variété de relations, de paraboles et de locutions. Parce que ces enseignements constituent tous l'unique véhicule d'Éveillé, tous ces êtres qui entendent la Loi de la bouche d'un Éveillé parachèvent l'acquisition de la science de tous les aspects.
Çâriputra, ces Éveillés adressent leur enseignement salvifique aux seuls êtres d'Éveil parce qu'ils veulent montrer aux êtres le savoir et la vision d'Éveillé, parce qu'ils veulent faire comprendre aux êtres le savoir et la vision d'Éveillé, parce qu'ils veulent faire pénétrer les êtres dans le savoir et la vision d'Éveillé.
Çâriputra, je suis à présent comme eux; c'est en sachant que les êtres ont maints désirs et attachements au plus profond du coeur que je m'adapte à leur nature foncière et que je leur prêche la Loi à l'aide d'une grande variété de relations, de paraboles, de locutions et d'expédients efficaces. Çâriputra, tout cela est pour qu'ils acquièrent la science de toutes les espèces de l'unique véhicule d'Éveillé. Çâriputra, dans les mondes des dix orients ne se trouvent pas même deux véhicules, comment en trouverait-on à plus forte raison trois ?
Çâriputra, les Éveillés surgissent dans des âges mauvais marqués des cinq afflictions, qui sont l'affliction de l'âge cosmique, l'affliction des passions, l'affliction des êtres, l'affliction des vues et l'affliction de la durée de vie; telles sont-elles. Çâriputra, dans les époques en proie aux désordres causés par l'affliction de l'âge cosmique, les êtres accumulent les souillures; leur cupidité et leur envie ont mené à la formation définitive de racines de malfaisance et à cause de cela les Éveillés, grâce à la puissance de leurs expédients salvifiques, opèrent une distinction dans le véhicule unique et en prêchent trois. Çâriputra, si mes disciples, se prétendant Méritants ou éveillés pour soi, ne veulent pas entendre cette chose, ne veulent pas savoir que les Éveillés Ainsi-Venus n'adressent leur enseignement salvifique qu'aux êtres d'Éveil, ils ne sont pas disciples de l'Éveillé, ce ne sont pas des Méritants, ce ne sont pas des éveillés pour soi.
Qui plus est, Çâriputra, ces moines et moniales qui s'imaginent avoir acquis l'état de Méritants, être dans leur ultime existence, avoir parachevé l'Extinction, et qui ne recherchent pas résolument, au-delà, l'Éveil complet et parfait sans supérieur, ce sont tous, sache-le bien, un rassemblement d'outrecuidants. Pourquoi cela ? S'il se trouvait des moines qui, ayant réellement obtenu l'état de Méritants, ne croiraient pas à cet enseignement, cela serait tout bonnement impossible, à moins que l'Eveillé ne fût passé dans l'Extinction ou qu'il ne fût pas encore apparu. Comment cela se fait-il ? Après le passage d'un Éveillé dans l'Extinction, il est difficile de trouver quelqu'un qui puisse conserver, réciter et interpréter des textes tels que celui-ci. C'est en rencontrant d'autres Eveillés qu'ils obtiendront de ces enseignements une compréhension décisive. Çâriputra, il vous faut donc croire, comprendre et conserver les propos de l'Éveillé. Les paroles des Eveillés Ainsi-Venus n'ont rien de vain ou futile. Il n'est pas d'autre véhicule, seulement l'unique véhicule d'Éveillé.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Certains moines et moniales
recèlent en eux de l'outrecuidance,
de pieux laïcs, l'orgueil,
de pieuses laïques, l'incrédulité;
de telles gens, dans les quatre congrégations,
il s'en trouve cinq mille en nombre.
Ils ne perçoivent pas leurs propres fautes,
ils sont en leur moralité viciés et infectés,
ils gardent précieusement leurs défauts et leurs tares.
Ces hommes de peu de sagesse sont désormais partis;
la lie et la glume de la multitude,
devant la majesté de l'Éveillé, s'en sont allées.
De par leur peu de mérites
ils ne supportent pas de recevoir cette Loi.
il n'y a plus ni branches ni feuilles dans cette multitude,
mais seulement de purs noyaux.
Ecoute bien, Çâriputra,
la Loi que les Éveillés ont faite leur,
de par la force d'innombrables expédients salvifiques,
ils l'exposent aux êtres.
Ce que pensent les êtres en leur coeur,
la variété des voies qu'ils parcourent,
la diversité de nature de leurs désirs,
les rétributions bonnes et mauvaises de leurs existences antérieures,
les Éveillés connaissent tout cela complètement.
Grâce aux relations, paraboles
et locutions, à la puissance de leurs expédients,
ils les font tous exulter.
Ils leur exposent les livres canoniques,
les stances ou les romances,
les vies ou les merveilles,
ou bien encore les relations,
les paraboles et chantefables,
les livres d'enseignements.
Ceux de facultés obtuses
se délectent de la loi mineure;
avides du cycle des naissances et des morts,
malgré les innombrables Éveillés,
ils ne pratiquent pas la voie profonde et sublime
et sont tourmentés par tant de souffances :
pour eux je prêche l'Extinction;
j'instaure ces expédients salvifiques
pour leur faire pénétrer la sagesse d'Éveillé.
Je n'avais pas encore prêché :
« Vous obtiendrez assurément de réaliser la voie d'Éveillé. »
Pourquoi ne pas l'avoir prêché ?
C'est que le temps n'en était pas venu.
Mais c'est à présent le moment,
je prêcherai résolument le Grand Véhicule;
les neuf divisions de ma Loi,
je les ai prêchées pour me conformer aux êtres,
mais l'entrée dans le Grand Véhicule est fondamentale,
voilà pourquoi je prêche ce livre.
Il est des fils d'Éveillé au coeur pur,
souples et dociles, aux facultés aiguës,
qui ont, auprès d'innombrables Éveillés,
pratiqué la voie profonde et sublime.
C'est pour ces fils d'Éveillé
que je prêche ce livre du Grand Véhicule;
j'annonce à de telles gens
qu'ils réaliseront la voie d'Éveillé en une existence à venir.
Grâce à leur commémoration de l'Éveillé au profond du coeur
et à leur observance des commandements en leur pureté,
à entendre qu'ils obtiendront d'être Éveillés,
une grande joie les saisit tout entiers.
L'Éveillé connaît leur pensée et leur conduite,
c'est pourquoi il leur prêche le Grand Véhicule.
Les auditeurs comme les êtres d'Éveil
qui entendront la Loi que j'expose,
n'en serait-ce qu'une seule stance,
réaliseront tous l'état d'Éveillé, sans aucun doute.
Dans les terres d'Éveillé des dix orients
il n'existe qu'un seul et unique véhicule,
il n'y en a pas deux, il n'y en a pas trois,
mis à part la prédication d'expédients salvifiques par l'Éveillé,
lesquels ne sont que vocables conditionnels et provisoires
destinés à guider les êtres.
C'est afin de prêcher la sagesse d'Éveillé
que les Éveillés paraissent au monde.
Seule cette unique entreprise est réelle,
les deux autres ne sont pas authentiques.
Ce n'est certainement pas par le Petit Véhicule
que l'on sauvera les êtres.
L'Éveillé, quant à lui, demeure dans le Grand Véhicule,
conforme à la Loi qu'il a faite sienne,
orné par la puissance de sa concentration et de sa sagesse;
c'est par lui qu'il sauve les êtres;
il a en personne attesté la voie sans supérieure,
la Loi égale du Grand Véhicule.
Si je convertissais ne fût-ce qu'un seul homme
à l'aide du Petit Véhicule,
je tomberais alors dans la cupidité rapace.
Cette conduite ne serait pas convenable :
si l'on croit en l'Éveillé et s'en remet à lui,
on ne sera pas trompé par l'Ainsi-Venu;
il n'a non plus nulle intention cupide ou jalouse,
il a retranché tout mal de ses attributs.
Aussi seul l'Éveillé, dans les dix orients,
est-il exempt de crainte.
En mon corps orné des marques
j'ai de ma lumière illuminé le monde.
Vénéré de foules sans nombre,
je leur ai prêché le sceau de l'aspect réel.
Çâriputra, il te faut savoir
que j'ai à l'origine établi un voeu,
m'engageant à rendre l'ensemble des êtres
égaux à moi, sans différence;
ce voeu, tel que je l'ai pris autrefois,
aujourd'hui se trouve accompli :
je convertis l'ensemble des êtres
et les fais tous pénétrer la voie de l'Éveillé.
Si je rencontrais les êtres
pour les instruire en totalité dans la voie d'Éveillé,
les insensés seraient troublés, perturbés;
égarés qu'ils sont, ils ne recevraient pas ma doctrine.
Je sais que tous ces êtres
n'ont jamais cultivé la base du bien :
ils s'accrochent avec ténacité aux cinq désirs,
stupidité et appétence font naître en eux le chagrin;
de par les causes et conditions des désirs,
ils tombent dans les trois mauvaises voies;
tournoyant dans les six destinées,
ils subissent jusqu'au bout le poison de la douleur.
La forme infime reçue dans la matrice
croît constamment d'âge en âge;
gens de mince vertu, de peu de mérites,
opprimés par la multitude des douleurs,
ils s'enfoncent dans l'épaisse forêt des vues perverses,
que ce soit sur l'existence ou la non-existence;
faisant fond sur ces vues,
soixante-deux au total,
ils s'attachent en profondeur à des enseignements vains et futiles,
opiniâtres qu'ils sont, ils ne peuvent y renoncer;
du haut de leur orgueil et de leur assurance,
ils sont obséquieux et retors, sans consistance de pensée;
pendant des millions et myriades d'éons,
ils n'entendent pas même le terme d'Éveillé,
pas plus qu'ils n'entendent la Loi correcte.
De telles gens sont difficiles à sauver;
voilà pourquoi, Çâriputra,
j'ai instauré pour eux les expédients salvifiques,
je leur expose les voies qui épuisent la douleur
et leur montre pour cela l'Extinction;
mais bien que j'expose l'Extinction,
ce n'est pas non plus l'Extinction authentique.
Les entités sont dès l'origine
et d'elles-mêmes éternellement en aspect apaisé et tranquille.
Les fils de l'Éveillé qui auront pratiqué la Voie pourront à l'avenir devenir Éveillés.
J'ai eu recours à la puissance de mes expédients salvifiques
pour faire montre de l'enseignement des trois véhicules;
l'ensemble des Vénérés du monde, eux,
ne prêchent tous que la voie du Véhicule unique.
A présent, cette grande multitude
doit se débarrasser des doutes et égarements;
le propos des Éveillés est sans divergence :
il n'est qu'un seul, et non pas deux, véhicule;
les innombrables Éveillés passés en Disparition
au cours d'incalculables éons du passé
sont, en leurs myriades de variétés,
incalculables en nombre;
de tels Vénérés du monde,
par une variété de relations et paraboles,
par la puissance de leurs expédients sans nombre,
ont exposé les enseignements en leurs divers aspects :
ces Vénérés du monde
ont tous prêché la Loi du Véhicule unique,
ont converti des êtres innombrables,
et les ont fait entrer dans la voie d'Éveillé.
De plus, les seigneurs, les grands saints
connaissent ce que désirent au profond de leur coeur
les dieux et les hommes, les divers groupes d'êtres
de l'ensemble des mondes.
Par d'autres expédients encore,
ils aident à manifester le Primordial.
S'il se trouve des espèces d'êtres
qui ont rencontré les Éveillés du passé,
si, ayant entendu la Loi, ils ont pratiqué le don,
ou bien l'observance des commandements, la patience,
l'énergie, la méditation, la sagesse,
cultivant les mérites en leur variété,
de telles gens
ont tous désormais réalisé la voie d'Éveillé.
Après la Disparition des Éveillés,
s'il se trouve des gens au coeur bon et docile,
de tels êtres
ont tous désormais réalisé la voie d'Éveillé.
Après la Disparition des Eveillés,
ceux qui ont fait offrande aux reliques,
dressé des pagodes de myriades de sortes,
qui d'or et d'argent, ainsi que de cristal,
de nacre et d'agate,
de mica, de béryl et de perles,
autant d'ornements vastes et purs,
ont embelli ces pagodes,
ou bien ont élevé des temples de pierre,
de santal ou d'aloès,
de déodar ou d'autres bois,
de briques ou de pisé;
si dans les landes désertes,
ils ont entassé de la terre pour faire des chapelles à l'Éveillé,
voire, dans leurs jeux d'enfants,
fait en sable des pagodes d'Éveillé,
de telles gens
ont tous désormais réalisé la voie d'Éveillé.
Si certains, pour l'Éveillé,
ont édifié images et statues,
sculpté et gravé les nombreuses marques auspicieuses,
ils ont tous désormais réalisé la voie d'Éveillé.
Certains les ont confectionnées à l'aide des sept matières précieuses,
ou de laiton, de cuivre rouge ou blanc,
de fer-blanc, de plomb ou d'étain,
de fer, de bois ou encore d'argile;
ou bien, à l'aide d'étoffes amidonnées et laquées,
ils ont décoré et embelli les images d'Éveillés :
de telles gens
ont désormais tous réalisé la voie d'Éveillé.
Ceux qui ont peint et coloré les images d'Éveillés
en leurs marques ornementales issues des cent mérites,
qu'ils l'aient fait eux-mêmes ou l'aient fait faire aux autres,
ont tous désormais réalisé la voie d'Éveillé.
Ceux qui, même en leurs jeux d'enfants,
que ce soit avec des brins d'herbe, des baguettes, des pinceaux
avec le doigt ou l'ongle,
ont dessiné l'image de l'Éveillé,
de telles gens
ont graduellement accumulé les mérites,
parfait la pensée de grande compassion
et ont tous désormais réalisé la voie d'Éveillé.
Ils n'ont fait que convertir les êtres d'Éveil
ou mener à la délivrance des foules innombrables.
Si des gens, dans les temples et pagodes,
devant les statues précieuses et les images,
ont par fleurs et encens, bannières et dais,
d'un coeur respectueux fait leurs offrandes,
s'ils ont amené les autres à faire de la musique,
battre les tambours, souffler en cornes et conques,
flûtes et musettes, jouer de la cithare et de la harpe,
du luth, des cloches et des cymbales,
et, de tels sons sublimes et abondants,
les ont apportés intégralement en offrande;
ou s'ils ont, d'un coeur exultant,
célébré en hymnes et cantiques les mérites de l'Éveillé,
même par un seul petit son,
ils ont tous désormais réalisé la voie d'Éveillé.
Si des gens, même d'une pensée distraite ou troublée,
ne serait-ce que d'une seule fleur,
font offande à une image,
ils verront graduellement d'innombrables Éveillés;
ou s'il en est qui leur rendent hommage,
ne serait-ce qu'en joignant les paumes,
voire en levant une seule main,
ou même en inclinant légèrement la tête,
faisant de la sorte offrande aux images,
ils verront graduellement d'incalculables Éveillés
et réaliseront d'eux-mêmes la Voie insurpassable,
sauveront amplement d'innombrables êtres
et entreront dans l'Extinction sans reste,
comme le feu s'éteint à l'épuisement du bois à brûler.
Si des gens, même d'une pensée distraite ou troublée,
pénétrant dans un temple ou une pagode,
ont proclamé, même une seule fois, « Hommage à l'Éveillé »,
ils ont tous désormais réalisé la voie d'Éveillé.
Si, d'Éveillés du passé,
que ce fût en leur présence ou après leur Disparition,
ils ont entendu cette Loi,
tous désormais ont réalisé la voie d'Éveillé.
Les Vénérés du monde de l'avenir,
en nombre incalculable,
tous ces Ainsi-Venus,
prêcheront aussi la Loi par les expédients;
l'ensemble des Ainsi-Venus,
à l'aide d'expédients innombrables,
mèneront les êtres à la délivrance,
les feront pénétrer dans la sagesse sans infection d'Éveillé.
S'il s'en trouve pour entendre la Loi,
il n'en est pas un qui ne deviendra Éveillé.
Les Éveillés ont dès l'origine fait voeu et serment :
la voie d'Éveillé que je pratique,
je ferai en sorte que l'universalité des êtres
la fassent pareillement leur.
Les Éveillés de l'avenir
prêcheront, en millions de myriades,
méthodes et enseignements sans nombre,
mais ceux-ci constitueront en réalité le Véhicule unique.
Les Éveillés, vénérés des humains aux deux jambes,
savent que la Loi est à jamais sans nature
et que les germes d'Éveillés proviennent des liens causaux,
c'est pourquoi ils prêchent le Véhicule unique.
Cette demeure de la Loi, cet état de la Loi,
sa perpétuelle demeure en les aspects du monde,
une fois qu'ils les ont connus au lieu de la Voie,
les guides les exposent à l'aide des expédients.
Les Éveillés du présent, dans les dix orients,
à qui dieux et hommes font offrande,
leur nombre comme les sables du Gange,
apparaissent au monde
afin de soulager les êtres
et prêchent aussi une telle Loi.
Connaissant la primordiale Disparition en apaisement,
grâce à la puissance de leurs expédients,
même lorsqu'ils font montre d'une variété de voies,
il s'agit en réalité du véhicule d'Éveillé.
Connaissant les actions des êtres,
ce qu'ils pensent au profond de leur coeur,
l'Acte dont ils se sont imprégnés au cours du passé,
la nature de leurs désirs, la force de leur énergie,
ainsi que leurs facultés aiguës ou obtuses,
à l'aide d'une variété de relations,
de paraboles et de locutions,
ils prêchent en expédients adaptés à chacun.
Maintenant, me voici aussi comme eux :
afin de soulager les êtres,
à l'aide d'une variété de méthodes et enseignements,
je divulgue et montre la voie d'Éveillé;
De par la puissance de ma sagesse,
je prends connaissance des désirs naturels aux êtres,
à l'aide d'expédients je prêche les enseignements,
provoquant chez tous l'allégresse.
Çâriputra, il te faut savoir
que de mon oeil d'Éveillé je les considère;
je vois les êtres des six voies,
misérables, dépourvus de mérites et de sagesse,
entrer dans les voies escarpées des naissances et des morts,
où se poursuit sans trêve la douleur,
s'attacher profondément aux cinq désirs,
comme un yak épris de sa queue;
obscurcis par l'avidité et l'appétence,
dans la ténèbre aveugle, ils ne voient plus rien;
ils ne cherchent pas d'Éveillé au grand pouvoir,
pas plus que de méthodes pour retrancher la douleur;
ils entrent profondément dans les vues perverses,
s'aident de la douleur pour abandonner la douleur;
pour la cause de ces êtres,
j'ai suscité une pensée de grande compassion :
dès que je m'assis au lieu de la Voie,
contemplant l'arbre et déambulant,
trois fois sept jours durant, je réfléchis à de telles choses :
« La sagesse que j'ai faite mienne,
est en sublimité et subtilité éminente.
Or les êtres, en leurs facultés obtuses,
s'attachent au plaisir, aveuglés par la sottise;
des gens de cette espèce,
comment pourrai-je les sauver ? »
A ce moment, les rois brahmiques,
ainsi que Çakra, empereur des dieux,
les quatre rois célestes gardiens du monde,
et le grand Seigneur souverain,
avec la foule des autres dieux
et leur suite, par centaines de milliers,
rendirent hommage en joignant les paumes
et me prièrent de mettre en branle la roue de la Loi.
Je réfléchis alors en moi-même :
« Si je ne fais que l'éloge du véhicule d'Éveillé,
les êtres plongés dans la douleur
ne pourront croire cette Loi;
ils l'enfreindront en leur manque de foi
et tomberont dans les trois mauvaises voies.
Je ferais mieux de ne pas exposer la Loi
et d'entrer rapidement dans l'Extinction. »
Je me rappelai ensuite les Éveillés du passé,
la puissance des expédients qu'ils avaient pratiqués :
« La voie que j'ai faite à présent mienne,
je dois moi aussi la prêcher en trois véhicules. »
Tandis que je faisais ces réflexions,
les Éveillés des dix orients m'apparurent tous
et de leur voix brahmique m'encouragèrent :
« Fort bien, Çâkyamuni,
le plus éminent des guides !
Toi qui as fait tienne la Loi insurpassable,
tu suis tous les Éveillés
en ayant recours à la force des expédients;
nous aussi, qui avons tous acquis
la plus sublime, l'éminente Loi,
à l'intention des diverses classes d'êtres,
nous distinguons en notre prédication trois véhicules;
Ceux de peu de sagesse se délectent d'une Loi mineure,
sans croire qu'eux-mêmes deviendront Éveillés;
aussi, à l'aide des expédients,
distinguons-nous, en nos prédications, les multiples fruits;
mais, même si nous prêchons trois véhicules,
c'est seulement pour enseigner les êtres d'Éveil. »
Ô Çâriputra, il te faut le savoir :
en entendant de ces saints lions
la voix profonde et pure, subtile et sublime,
je criai dans ma joie : « Hommage aux Éveillés ! »
et j'eus cette pensée :
« Je suis apparu en un âge de souillures et de maux;
comme le prêchent les Éveillés,
c'est ainsi que j'agirai, en pleine conformité. »
Ayant réfléchi à ces choses,
je me dirigeai vers Bénarès.
L'aspect apaisé en disparition des entités
ne se peut exprimer en paroles,
c'est de par le pouvoir des expédients
que j'ai prêché aux cinq moines
ce qui s'appela la Mise en branle de la roue de la Loi.
Retentirent alors les sons d' « Extinction »
ainsi que de « Méritant »,
de « Loi » et de « Communauté », termes discriminants.
Depuis d'infiniment longs âges cosmiques,
j'ai loué et montré la Loi de l'Extinction :
La douleur des naissances et des morts est à jamais épuisée.
C'est ce que je prêchais en permanence.
Çâriputra, il te faut le savoir,
j'ai vu les fils d'Éveillé,
aspirer à la voie d'Éveillé,
innombrables, par milliers de myriades;
tous, en pensée déférente,
venaient auprès de l'Éveillé;
ils avaient auparavant entendu des Éveillés
la Loi prêchée en expédients.
J'eus alors cette pensée :
ce pour quoi les Éveillés apparaissent
est la prédication de la sagesse d'Éveillé;
c'en est exactement le moment.
Çâriputra, il te faut le savoir,
les gens de facultés obtuses, de peu de sagesse,
ceux, pétris d'orgueil, qui s'attachent à l'aspect
sont incapables de croire en cette Loi.
A présent, joyeux et sans crainte,
parmi les êtres d'Éveil,
je vais tout bonnement rejeter les expédients
et ne plus prêcher que la Voie insurpassable;
les êtres d'Éveil, à entendre cette Loi,
seront tous débarrassés des filets du doute;
les mille deux cents Méritants aussi
seront tous appelés à devenir Éveillés.
Tout comme les Éveillés des trois âges
ont procédé pour prêcher la Loi,
de même, moi aussi, je vais à présent
prêcher la Loi sans distinctions.
Les Éveillés surgissent dans le monde
à de longs intervalles, les rencontrer est difficile;
quand bien même ils sont au monde,
il leur est encore difficile de prêcher cette Loi.
En d'innombrables et incalculables âges cosmiques,
entendre cette Loi est aussi difficile;
quelqu'un capable d'écouter cette Loi,
de telles gens aussi sont difficiles à trouver.
Comparés à la fleur du figuier sauvage,
qui fait les délices de tous,
rare chez les dieux et les hommes,
n'apparaissant qu'une fois de temps en temps,
ceux qui, à entendre la Loi, exultent et la louent,
ne serait-ce que d'un seul mot,
cela revient à avoir fait offrande
à l'ensemble des Éveillés des trois âges,
et de telles gens sont très rares,
plus encore que la fleur du figuier sauvage.
N'ayez aucun doute :
je suis le roi des enseignements
et je le proclame universellement à ces grandes foules :
ce n'est qu'à l'aide de la voie du Véhicule unique
que je convertis par ma doctrine les êtres d'Éveil,
il n'y a parmi mes disciples nul auditeur.
Vous autres, Çâriputra,
auditeurs et êtres d'Éveil,
il vous faut le savoir :
cette Loi sublime est l'essentiel secret des Éveillés.
De par les âges mauvais, affligés des cinq souillures,
ne se délectant que dans leur attachement aux désirs,
de tels êtres
ne recherchent finalement pas la voie d'Éveillé.
Les méchants des âges à venir,
entendant le Véhicule unique prêché par l'Éveillé,
égarés qu'ils sont, ne le recevront pas avec foi;
ils ruineront la Loi, tomberont dans les mauvaises voies.
il s'en trouvera, plein de honte et vergogne, en toute pureté,
qui aspireront à la voie d'Éveillé.
C'est pour de telles gens
que je ferai amplement l'éloge de la voie du Véhicule unique.
Çâriputra, il te faut le savoir :
telle est la Loi des Éveillés;
grâce à des myriades d'expédients salvifiques,
ils prêchent la Loi en s'accommodant aux dispositions.
Ceux qui ne l'étudient pas
sont incapables de l'élucider et de la comprendre.
Puisque dorénavant vous savez
comment les Éveillés, les instructeurs du monde,
se servent d'expédients accommodés aux dispositions,
vous ne serez plus égarés par le doute,
et concevrez en pensée une grande allégresse,
sachant vous-mêmes que vous deviendrez Éveillés.
Fin du livre premier


^*^*^*^ 


CHAPITRE III
La parabole

En cette heure, Çâriputra exulta en sa liesse, joignit les paumes, leva humblement les yeux vers le visage vénéré et s'adressa à l'Eveillé : « Au son de la Loi que je viens à présent d'entendre du Vénéré du monde, ma pensée exulte comme jamais auparavant. Comment cela se fait-il ? C'est que, dans le passé, j'ai entendu de l'Eveillé une telle Loi, j'ai vu les êtres d'Éveil recevoir l'annonciation de leur futur état d'Éveillé, alors que nous autres n'étions pas concernés en cette affaire. Je fus moi-même fort affligé de manquer le savoir et la vision infinis de l'Ainsi-Venu. Vénéré du monde, je demeurai constamment, solitaire, dans les montagnes boisées, au pied des arbres; assis ou marchant, j'avais à chaque fois cette pensée : nous avons pareillement pénétré la nature de Loi; pourquoi est-ce à l'aide de la Loi du Petit Véhicule que l'Ainsi-Venu nous montre le salut ? Cela est de notre faute, non de celle du Vénéré du monde. Pourquoi cela ? Si nous avions attendu qu'il prêchât comment réaliser l'Éveil complet et parfait sans supérieur, nous aurions immanquablement gagné la délivrance grâce au Grand Véhicule, mais nous n'avons pas compris que sa prédication était accommodée aux dispositions : sitôt entendue la Loi d'Éveillé, sur-le-champ nous l'avons reçue avec foi, nous y avons réfléchi et l'avons prise pour attestée. Vénéré du monde, depuis ces temps anciens, je me suis jour et nuit, sans trêve, accablé de reproches. Or, j'entends à présent de l'Éveillé une Loi inouïe et sans précédent. Elle a coupé court à mes doutes et regrets. Réconforté en corps et pensée, je me sens heureux et soulagé; je sais aujourd'hui que je suis véritablement fils d'Éveillé : né de la bouche de l'Éveillé, né par transformation de la Loi, ayant part à la Loi d'Éveillé. »
Alors Çâriputra, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Ayant entendu le son de cette Loi,
à obtenir ce qui est sans précédent,
mon coeur conçoit une grande liesse,
les filets du doute sont tous supprimés;
J'ai autrefois reçu en grâce la doctrine de l'Éveillé,
et n'ai pas manqué le Grand Véhicule;
rare, fort rare est le son de l'Éveillé,
capable de supprimer les chagrins des êtres.
J'avais gagné l'épuisement des infections
et, à l'entendre, je supprimai aussi peines et chagrins.
Je demeurai dans les vallées de montagnes
ou encore sous les arbres;
assis ou en déambulant,
constamment je réfléchissais à cette chose;
hélas, je me faisais de profonds reproches,
comment m'étais-je leurré moi-même ?
Nous sommes nous aussi fils d'Éveillé,
pareillement entrés dans la Loi sans infection,
mais nous ne pourrons à l'avenir
exposer la Voie insurpassable.
La couleur dorée du corps, ses trente-deux marques,
les dix puissances, les délivrances
sont regroupées au sein de la Loi unique,
mais nous ne les avons pas faites nôtres.
Les quatre-vingts caractères sublimes,
les dix-huit attributs singuliers
et les mérites similaires,
nous les avons tous manqués.
Seul dans ma déambulation,
je voyais l'Éveillé dans la grande foule,
son renom emplissant les dix orients,
inonder amplement les êtres de ses bienfaits;
je songeais en moi-même que je manquais ces bénéfices,
car je me dupais moi-même.
Jour et nuit, en permanence,
j'étais tout à réfléchir à ces choses
et voulais demander au Vénéré du monde,
si je les avais ou non manquées.
Je voyais en permanence le Vénéré du monde
faire l'éloge des êtres d'Éveil
pour cela, jour et nuit,
je supputais de telles choses.
A présent, j'entends la voix sonore de l'Éveillé
prêcher la Loi en l'accommodant aux dispositions,
sans infections, si difficile à concevoir qu'elle soit,
et mener la foule au lieu de la Voie.
A l'origine, attaché à des vues perverses,
j'étais l'instructeur de brahmanes;
le Vénéré du monde, connaissant mon coeur,
extirpa le pervers et me prêcha l'Extinction;
je me débarrassai complètement des vues perverses
et obtins d'attester la Loi de vacuité.
En ce temps-là, j'estimai en pensée
être parvenu au passage en Disparition,
mais à présent je me suis de moi-même aperçu
qu'il ne s'agissait pas du réel passage en Disparition.
Si j'obtiens un jour de devenir Éveillé,
je réunirai les trente-deux marques,
dieux, hommes, silènes en foule,
dragons, génies me révéreront;
alors seulement je pourrai me dire
avoir à tout jamais l'Extinction sans reste.
L'Éveillé, au milieu d'une grande foule,
a annoncé que je devais devenir Éveillé;
à entendre ce son de Loi,
doutes et regrets se sont entièrement dissipés.
Tout d'abord, en entendant l'Éveillé parler,
j'avais été en mon coeur grandement étonné, plein de doute :
n'était-ce pas plutôt le Malin, contrefaisant l'Éveillé,
qui jetait en ma pensée le trouble ?
L'Éveillé, grâce à une variété de relations
et de paraboles, s'exprimait habilement,
sa pensée était calme comme la mer;
à l'entendre, le filet de mes doutes fut tranché.
L'Éveillé prêchait que dans les âges passés
une infinité d'Éveillés passés en Disparition,
demeurant assurés au sein des expédients,
ont tous eux aussi prêché cette Loi;
les Éveillés du présent et du futur,
en nombre incalculable,
eux aussi à l'aide des expédients,
exposeront une telle Loi;
pour le présent, le Vénéré du monde,
de sa naissance jusqu'à sa sortie de la famille,
à l'obtention de la Voie, à la mise en branle de la roue de la Loi,
a lui aussi prêché à l'aide des expédients.
Le Vénéré du monde prêche la Voie réelle,
le diable en est dépourvu;
c'est ainsi que je sais décidément
qu'il ne s'agit pas du Malin contrefaisant l'Éveillé;
c'est parce que j'étais tombé dans les filets du doute,
que j'ai estimé que c'était l'opération du Malin.
A entendre les sons mélodieux de l'Éveillé,
profonds, fort sublimes et subtils,
développant la Voie en sa pureté,
mon coeur exulte grandement,
mes doutes et regrets sont à jamais épuisés :
je demeure assuré au sein de la sagesse réelle.
Je deviendrai décidément Éveillé,
vénéré des dieux et des hommes,
mettant en branle la roue de la Loi insurpassable,
enseignant et convertissant les êtres d'Éveil.
Alors l'Éveillé déclara à Çâriputra :
Je prêche à présent au sein d'une grande foule de dieux et d'hommes, d'ascètes et de brahmanes; déjà par le passé, en présence de vingt mille myriades d'Éveillés, en raison de la Voie insurpassable, je t'ai en permanence enseigné pour ta conversion; tu as dans la longue nuit des siècles étudié à ma suite. Parce que je t'ai guidé à l'aide des expédients, tu es rené au sein de ma Loi. Çâriputra, je t'ai dans le passé fait aspirer à la voie d'Éveillé; tu l'as maintenant complètement oubliée, si bien que tu estimes avoir obtenu de passer en Disparition. C'est parce que je veux à présent te remettre en mémoire la voie que tu pratiquais selon ton voeu originel que j'expose aux auditeurs ce livre du Grand Véhicule dont le titre est La Fleur du lotus de La Loi sublime, Loi enscignée aux êtres d'Éveil, gardée en mémoire par les Éveillés.
Çâriputra, dans l'avenir, ayant passé un nombre incalculable, illimité, inconcevable d'éons, ayant rendu hommage à plusieurs milliers de myriades d'Éveillés, préservé la Loi correcte, totalement muni de la voie pratiquée par les êtres d'Éveil, tu obtiendras de devenir Éveillé et seras appelé l'Ainsi-Venu Éclat-Fleuri, Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, bien parti, comprenant le monde, héros suprême, dompteur, précepteur des dieux et des hommes, Éveillé, Vénéré du monde; ton royaume aura nom Immaculé, à la terre unie, pure, ornée, pacifique, prospère; dieux et hommes y foisonneront; le sol sera de béryl; il y aura huit voies qui se croiseront, lesquelles seront délimitées par des cordons d'or et bordées d'arbres faits des sept matières précieuses, donnant perpétuellement fleurs et fruits. L'Ainsi-Venu Éclat-Fleuri, lui aussi, enseignera et convertira les êtres à l'aide des trois véhicules. Çâriputra, lorsque cet Éveillé apparaîtra au monde, il exposera, de par son voeu originel, la Loi des trois véhicules, alors que ce ne sera pas un âge mauvais. Son éon aura pour nom Ornement de Grands Joyaux.
Pourquoi aura-t-il nom Ornement de Grands Joyaux ? C'est que dans ce royaume les êtres d'Éveil constitueront de grands joyaux; ces êtres d'Éveil seront en nombre incalculable, illimité, inconcevable; aucune comparaison ne pourrait le chiffrer, on ne saurait le connaître qu'avec la puissance de la sagesse d'Éveillé. Lorsqu'ils voudront marcher, des fleurs de joyaux recevront leurs pas. Ces êtres d'Éveil n'en seront pas à leur premier déploiement d'intention; ils auront depuis longtemps planté les racines de mérites, pratiqué avec pureté la conduite brahmique auprès de milliers de myriades d'Éveillés sans nombre; ils auront provoqué l'admiration des Éveillés, se seront continuellement entraînés à la sagesse d'Éveillé, munis totalement des grands pouvoirs merveilleux; ils auront la maîtrise de l'ensemble des enseignements et seront droits de caractère, sans tromperie, d'une volonté ferme et solide. De tels êtres d'Éveil rempliront son royaume. Çâriputra, l'âge de l'Éveillé Éclat-Fleuri atteindra douze éons mineurs, si l'on excepte le temps où il était prince avant de devenir Éveillé; dans son royaume, l'âge du peuple atteindra huit éons mineurs.
Passé douze éons mineurs, l'Ainsi-Venu Éclat-Fleuri confèrera à l'être d'Éveil Pleine-Fermeté l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur et déclarera aux moines que cet être d'Éveil Pleine-Fermeté devra par la suite devenir Éveillé sous l'appellation d'Ainsi-Venu, Digne d'offrande, Complètement et Parfaitement Éveillé Sûre Démarche aux Pas Fleuris; son royaume sera tel que celui-ci. Çâriputra, après que cet Éveillé Éclat-Fleuri sera passé en Disparition, la Loi parfaite demeurera dans le monde trente-deux éons mineurs et la Loi de semblance aussi demeurera dans le monde trente-deux éons mineurs.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Çâriputra, en un âge à venir,
tu deviendras Éveillé, un vénérable en sagesse universelle,
qui sera appelé Éclat-Fleuri
et sauvera des êtres innombrables;
ayant rendu hommage à des Éveillés sans nombre,
totalisé les pratiques d'être d'Éveil,
les mérites comme les dix puissances et autres,
il aura attesté la Voie insurpassable.
D'incalculables éons ayant passé,
un éon sera appelé Ornement de Grands Joyaux,
un monde aura nom Immaculé,
pur et sans vice;
le sol en sera de béryl,
des cordons d'or borderont les voies
et des arbres multicolores de sept matières précieuses
porteront toujours fleurs et fruits.
Les êtres d'Éveil de ce royaume
seront d'une volonté perpétuellement ferme et solide;
des pouvoirs merveilleux et des perfections,
ils seront tous munis;
auprès d'innombrables Éveillés
ils auront maîtrisé les pratiques d'êtres d'Éveil.
De tels grands héros
auront été convertis par l'Éveillé Éclat-Fleuri.
L'Éveillé, alors qu'il sera encore prince,
abandonnera son royaume, renoncera à la pompe du monde
et, en son tout dernier corps,
quittera sa famille et réalisera la voie d'Éveillé.
L'Éveillé Éclat-Fleuri demeurera au monde
jusqu'à douze éons mineurs d'âge;
les êtres qui peupleront son royaume
auront huit éons mineurs d'âge de vie.
Après que l'Éveillé sera passé en Disparition,
la Loi correcte demeurera au monde
trente-deux éons mineurs
et sauvera amplement les êtres;
après la disparition de la Loi correcte,
trente-deux aussi pour la Loi de semblance.
Les reliques seront amplement répandues,
dieux et hommes partout leur feront offrande.
Telles seront toutes
les actions de l'Éveillé Éclat-Fleuri,
le saint vénéré des humains aux deux jambes,
le triomphant, l'insurpassable.
Il ne sera autre que toi-même;
il convient que tu t'en réjouisses.
Alors les quatre congrégations, les moines et moniales, les pieux laïcs et laïques pieuses, les dieux, dragons, silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, en grandes multitudes, voyant Çâriputra recevoir, face à l'Éveillé, l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur exultèrent en leur coeur d'une liesse sans borne. Tous jusqu'au dernier se défirent du vêtement de dessus qu'ils portaient pour en faire offrande à l'Éveillé; Indra le fort des dieux et Brahmâ le roi divin, avec d'innombrables fils de dieux, firent offrande à l'Éveillé de leurs sublimes atours divins, de fleurs d'érythrina et de grande érythrina. Les atours divins qu'ils dispersèrent demeurèrent dans l'espace et se mirent d'eux-mêmes à tournoyer. De divines musiques, par dizaines de milliers, se mirent en même temps à jouer dans l'espace tandis que pleuvaient une multitude de fleurs célestes et que se formaient ces paroles : « Jadis l'Eveillé a pour la première fois mis en branle, à Bénarès, la roue de la Loi; maintenant il la remet en branle, la roue de la Loi éminente et sans supérieure. »
Alors les fils de dieux, voulant réitérer cette idée, s'exprimèrent en stances :
Jadis à Bénarès,
il mit en branle la roue de la Loi des quatre vérités,
différencia dans sa prédication les enseignements,
la production et destruction des cinq groupes.
Maintenant à nouveau il met en branle la roue
de la plus sublime et insurpassable Loi.
Les plus profonds arcanes de cette Loi,
peu sont capables d'y prêter foi.
Nous autres, depuis les temps anciens,
avons entendu prêcher nombre de Vénérés du monde
et jamais encore nous n'avons entendu une telle
Loi supérieure, profonde et sublime.
A la prédication de cette Loi par le Vénéré du monde,
une joyeuse approbation est en nous tous.
Çâriputra à la grande sagesse
a pu aujourd'hui recevoir l'annonciation du Vénéré;
nous aussi, tout comme lui,
obtiendrons à coup sûr de devenir Éveillés,
dans l'ensemble des mondes
Vénérés éminents, sans nul supérieur.
La voie d'Éveillé défie le concevable :
elle doit être prêchée par des expédients accommodés;
les actes méritoires dont nous disposons,
en cette vie ou dans les vies passés,
tout comme les mérites d'avoir vu un Éveillé,
nous les tranférerons intégralement vers la voie d'Éveillé.
Alors Çâriputra déclara à l'Éveillé : « Vénéré du monde, je n'ai à présent plus de doute ni de regret : j'ai personnellement, en présence de l'Éveillé, reçu l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Quand ces mille deux cents êtres, souverains maîtres de leur pensée, demeuraient jadis au niveau de l'étude, l'Éveillé leur enseignait constamment : « Ma Loi est capable de vous détacher de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, ainsi que de vous faire parachever l'Extinction. » Ces êtres, qu'ils fussent apprentis ou au-delà de l'étude, estimant tous et chacun s'être détachés des vues sur le Moi comme des vues sur l'existant et l'inexistant, crurent avoir gagné l'Extinction et maintenant qu'ils entendent, en présence du Vénéré du monde, ce qu'ils n'avaient jamais encore entendu, ils tombent tous dans les égarements du doute. Fort bien, Vénéré du monde, mon souhait est que vous exposiez ces relations aux quatre congrégations afin de les détacher du doute et du regret. »
Alors l'Éveillé proclama à Çâriputra :
N'ai-je pas dit auparavant que si les Éveillés, Vénérés du monde, prêchaient la Loi à l'aide d'une variété d'expédients, relations, paraboles et locutions, c'était toujours en vue de l'Éveil complet et parfait sans supérieur ? C'est parce que tout ce qu'ils prêchaient était pour convertir les êtres d'Éveil. Or à présent, Çâriputra, je vais à nouveau illustrer cette idée à l'aide d'une autre parabole, car les sages comprennent grâce aux paraboles.
Çâriputra, imagine que dans un pays, une région, un village, il y avait un grand maître de maison, d'un âge fort avancé et à la fortune incalculable, possédant abondance de champs, de résidences, de serviteurs. Sa maison était immense et n'avait qu'une seule porte; une foule de gens, cent, deux cents, cinq cents même, y demeuraient. Les salles et les pavillons en étaient vermoulus, les murs croulaient, les piliers étaient pourris à la base, les poutres dangereusement gauchies. Tout autour, au même instant, un incendie éclata et s'attaqua aux bâtiments. Les fils du maître de maison, il y en avait peut-être dix, vingt ou même trente, étaient à l'intérieur. Le maître de maison, voyant ce grand feu qui avait surgi des quatre directions, fut saisi de frayeur et eut cette pensée : alors que, moi, je pourrais aisément sortir par cette porte en feu, mes enfants, eux, sont dans la maison en flammes, plongés avec délice dans leurs jeux; ils ne s'aperçoivent de rien, ne se rendent compte de rien, ne sont ni étonnés ni effrayés. Le feu les menace, la douleur est imminente et ils n'ont nulle angoisse en leur coeur, ils n'ont pas l'intention de chercher à sortir.
Çâriputra, le maître de maison se fit cette réflexion : j'ai les membres vigoureux; je devrais les faire sortir du bâtiment à l'aide de vêtements, de potiches ou encore de tables. Mais il se dit alors : cette maison n'a qu'une seule porte, encore est-elle bien étroite. Mes enfants sont petits, ils ne savent rien; plongés dans leurs jeux, ils risqueraient de tomber et de finir brûlés. Je dois donc leur annoncer l'effrayante chose; cette maison brûle déjà, il faut vite les en faire sortir à temps et ne pas les laisser brûler dans les flammes. S'étant dit cela, il fit comme il l'avait pensé et avertit sans ambages ses enfants : « Sortez vite ! » Mais, malgré les bonnes paroles d'incitation que le père, dans sa tendresse et son affection, leur adressait, les enfants, plongés avec délice dans leurs jeux, se refusaient à le croire. Pas plus étonnés qu'effrayés, ils n'avaient aucunement le coeur à sortir, d'autant qu'ils ne savaient pas ce qu'était le feu, ni une maison, ni davantage une perte; courant d'est en ouest, ils se contentaient de regarder leur père.
Alors le maître de maison eut cette pensée : ce logis est désormais la proie de l'incendie; si, mes fils et moi, nous n'en sortons pas à temps, nous finirons inévitablement dans les flammes. il me faut donc à présent mettre au point un expédient pour permettre aux enfants d'échapper au péril. Le père savait que ses fils, tout d'abord, avaient chacun au coeur du goût pour une variété de jouets rares, de choses étonnantes qui ne manqueraient pas de ravir leur sentiment, et il leur déclara : «Vos jouets favoris, rares et difficiles à trouver, si vous ne les prenez pas, vous le regretterez forcément plus tard; ainsi ces divers chars, char à mouton, char à daim, char à boeuf qui sont à présent devant la porte, vous pourrez vous en servir pour jouer. Il faut donc que vous sortiez vite de cette demeure en flammes et je vous donnerai alors tout ce que vous pourrez désirer. »
Alors, comme les jouets rares que les enfants entendaient leur père évoquer étaient conformes à leurs souhaits, ils se trouvèrent tout un chacun encouragé et, se bousculant les uns les autres, sortirent en courant à qui mieux mieux de la demeure en flammes. A ce moment, le maître de maison, voyant que ses fils avaient pu sortir sains et saufs et étaient tous assis sur la terre nue au milieu du carrefour, qu'il n'y avait plus pour eux d'obstacles, retrouva en son coeur la sérénité, exulta dans sa joie. Les enfants, alors, s'adressèrent chacun à leur père : « Père, les jouets que vous nous avez tout à l'heure promis, le char à mouton, le char à daim, le char à boeuf, nous souhaiterions que vous nous les donniez à l'instant. »
Çâriputra, le maître de maison, offrit alors à chacun de ses enfants un unique grand char. Ce char était haut et vaste, orné de nombreux joyaux, entouré d'une rampe, avec des clochettes suspendues aux quatre côtés; de plus, un large dais avait été installé au-dessus, également décoré de divers joyaux rares. Garni en son pourtour de cordons de joyaux, des guirlandes de fleurs y pendaient, des nattes y étaient étendues, des traversins vermeils y étaient installés; il était tiré par un boeuf blanc, au pelage impeccable, aux formes superbes, de grande vigueur, au pas régulier; il avait la vitesse du vent. En plus de cela, de nombreux serviteurs s'affairaient tout autour. Comment cela se faisait-il ? C'est que ce maître de maison avait des richesses incalculables, ses nombreux magasins étaient tous pleins à déborder et il se fit cette pensée : ma fortune est sans limite, je n'ai pas à offrir à mes fils de petits chars inférieurs; or ces jeunes garçons sont tous mes fils, je les aime sans préférence ni partialité; de tels grands chars faits des sept matières précieuses, j'en possède des quantités incalculables et je dois en donner à chacun d'un coeur égal, il ne convient pas de faire de discrimination. Pourquoi cela ? Même si je distribuais mes biens à tout un royaume dans son ensemble, ils n'en seraient pas diminués pour autant; à plus forte raison alors à mes enfants.
Alors, les enfants montèrent chacun sur un grand char, obtenant quelque chose sans précédent, sans que ce fût ce qu'ils avaient espéré à l'origine.
Çâriputra, quel est ton sentiment ? Ce maître de maison, en donnant de façon égale un grand char de précieux joyaux à ses fils, aurait-il plutôt fait preuve d'extravagance ou non?
Çâriputra dit : « Non, Vénéré du monde, ce maître de maison n'a fait que permettre à ses fils d'éviter le danger de l'incendie et de garder la vie sauve, ce n'est pas de l'extravagance. Pourquoi cela ? Garder la vie sauve revient déjà à avoir gagné un jouet à son goût; à plus forte raison alors de les avoir arrachés et sauvés de cette demeure en flammes par un expédient. Vénéré du monde, si ce maître de maison ne leur avait pas même donné le moindre petit char, il n'aurait encore pas fait preuve d'extravagance. Pourquoi cela ? Ce maître de maison avait tout d'abord eu cette pensée : je dois permettre à mes fils de sortir grâce à un expédient, et de par cette condition il est exempt d'extravagance. A plus forte raison si, sachant que ses propres richesses étaient innombrables, il voulait les combler de bienfaits en leur donnant à tous un grand char. »
L'Éveillé déclara à Çâriputra :
C'est bien, c'est fort bien, il en est comme tu le dis, Çâriputra, l'Ainsi-Venu est lui aussi comme cela, car il est père de l'ensemble des mondes, ayant de longue date mis fin, sans qu'il en restât rien, à la peur, à la désolation, au chagrin, à l'ignorance, à la ténèbre ayant réalisé en leur incalculable totalité le savoir et la vision, les puissances, l'absence de crainte; muni des grands pouvoirs surnaturels comme du grand pouvoir de la sagesse, il réunit totalement les expédients et la perfection de sapience, de grande compassion et de grande commisération, il ne connaît jamais la fatigue; constamment en quête du bien, il dispense à tous ses bienfaits. Or, il a pris naissance dans cette vieille demeure vermoulue et en proie au feu que sont les trois mondes afin de sauver les êtres des flammes de la naissance, de la vieillesse, de la maladie, de la mort, du chagrin, de l'affliction, de la sottise, de la ténèbre et des trois poisons, afin de les enseigner et les convertir à l'obtention de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Il a vu les êtres calcinés par la naissance, la vieillesse, la maladie, la mort, le chagrin et l'affliction, et subir toutes sortes de douleurs à cause des cinq désirs et du lucre; à cause de leurs recherches avides, ils subissent aussi présentement une multitude de douleurs; par la suite, ils subiront la douleur des voies des enfers, des animaux et des démons affamés. S'ils naissent parmi les dieux et parmi les hommes, ce sera douleur de la gêne et de la pauvreté, douleur de se trouver séparé de l'aimé, douleur de se trouver réuni au détesté, et toutes sortes de douleurs de ce genre. Plongés en leur sein, les êtres se divertissent dans les réjouissances, ils n'en prennent pas conscience, ne s'en rendent pas compte, ne s'en étonnent pas, ne s'en effraient pas; ils n'en conçoivent nul dégoût et ne recherchent pas la délivrance. Dans cette maison en flammes que sont les trois mondes, ils courent d'est en ouest; bien qu'ils se heurtent à de grandes douleurs, ils n'en ont nulle peine.
Çâriputra, l'Éveillé, à cette vue, eut cette pensée : je suis le père des êtres et je me dois d'extirper leurs souffrances, leur donner la félicité de la sagesse infinie et incommensurable de l'Éveillé afin de les distraire.
Çâriputra, l'Ainsi-Venu eut encore cette pensée : si je me contente d'avoir recours aux pouvoirs extraordinaires et au pouvoir de la sagesse en renonçant aux expédients et en faisant, devant les êtres, l'éloge du savoir et de la vision de l'Ainsi-Venu, de sa puissance et de son assurance, les êtres seront incapables d'obtenir le salut de cette façon. Pourquoi cela ? Ces êtres n'ont pas encore échappé à naissance, vieillesse, maladie, mort, au chagrin et à l'affliction, ils brûlent dans la maison en flammes des trois mondes; comment pourraient-ils comprendre la sagesse de l'Éveillé ?
Çâriputra, de même que ce maître de maison, malgré la vigueur de ses membres, ne l'utilisa pas, mais eut recours avec tact à des expédients pour sauver ses fils du péril de la maison en flammes, alors qu'il donna après un grand char précieux à chacun, ainsi en est-il de l'Ainsi-Venu. Bien qu'il ait puissance et assurance, il ne les utilise pas et n'a recours qu'aux expédients de sa sagesse pour arracher les êtres à la demeure en flammes des trois mondes. Il leur prêche les véhicules d'auditeurs, d'éveillés pour soi, d'Éveillés et leur tient ces propos : « N'en arrivez pas à vous délecter de demeurer dans la maison en flammes des trois mondes ! Ne soyez pas avides des objets grossiers des formes, sons, odeurs, saveurs, contacts. En vous y attachant avidement, vous ferez naître l'appétence et vous vous y brûlerez alors. Sortez vite des trois mondes, vous obtiendrez les trois véhicules des auditeurs, des éveillés pour soi, des Éveillés; je m'en porte dès maintenant garant devant vous : cela ne sera jamais vain. Il vous faut seulement vous exercer avec zèle. »
L'Ainsi-Venu attire et incite les êtres grâce à ces expédients et il leur tient encore ces propos : « Il vous faut le savoir, les enseignements de ces trois véhicules sont tous prônés et loués par le Saint; ils sont souverainement libres, sans entraves, sans dépendance ni rien à chercher en sus. Qui monte sur ces trois véhicules, grâce aux racines dépourvues d'infection, aux forces, à l'Éveil, à la Voie, à la méditation, à la délivrance, aux recueillements, se délectera de lui-même et obtiendra alors soulagement et félicité incommensurables. »
Çâriputra, s'il est des êtres qui ont en eux-mêmes une nature de sagesse et qui, entendant la Loi de l'Éveillé Vénéré du monde, la reçoivent avec foi, désirent avec diligence et énergie sortir rapidement des trois mondes et se mettent spontanément en quête de l'Extinction, ceux-ci constituent le véhicule des auditeurs. Ils sont comme ceux des enfants qui sortent de la maison en flammes pour chercher le char à mouton.
S'il est des êtres qui, entendant la Loi de l'Éveillé Vénéré du monde, la reçoivent avec foi et se mettent d'eux-mêmes, avec diligence et énergie, en quête de la sagesse naturelle, se délectent tout seuls du bon apaisement, et prennent connaissance en profondeur des causes et conditions des entités, ceux-ci constituent le véhicule des éveillés pour soi. Ils sont comme ceux des enfants qui sortent de la maison en flammes pour chercher le char à daim.
S'il est des êtres qui, entendant la Loi de l'Éveillé Vénéré du monde, la reçoivent avec foi et se mettent en quête, avec diligence et énergie, de l'omniscience, de la sagesse d'Éveillé, de la sagesse naturelle, de la sagesse sans maître, du savoir et de la vision, des forces et de l'assurance d'Ainsi-Venu et qu'apitoyés par les innombrables êtres et voulant leur bien-être, ils dispensent leurs bienfaits aux dieux et aux hommes et les délivrent tous tant qu'ils sont, ceux-ci constituent le Grand Véhicule. C'est parce que les êtres d'Éveil recherchent ce véhicule qu'ils sont appelés « grands êtres ». Ils sont comme ceux des enfants qui sortent de la maison en flammes pour chercher le char à boeuf.
Çâriputra, de la même façon que ce maître de maison, voyant que ses fils avaient pu sortir sains et saufs de la maison en flammes pour arriver en lieu sûr, se dit que, sa richesse étant incalculable, il allait leur faire cadeau également d'un grand char. Ainsi en est-il pour l'Ainsi-Venu, qui est le père de l'ensemble des êtres : s'il voit les millions de myriades d'innombrables êtres sortir de la douleur, des voies périlleuses et effrayantes des trois mondes par la porte de la doctrine de l'Éveillé, gagnant ainsi l'Extinction, l'Ainsi-Venu a alors cette pensée : je possède le trésor incalculable, infini des attributs d'Éveillé, la sagesse, les puissances, l'assurance et autres; ces êtres sont tous mes enfants et je leur donnerai pareillement un grand char, je ne permettrai pas que certains soient seuls à obtenir de passer en Disparition et je les ferai tous passer dans la Disparition d'Ainsi-Venu.
À ceux des êtres qui se seront délivrés des trois mondes, il donne intégralement les instruments de divertissement que sont les méditations et les délivrances des Éveillés; ils sont tous d'un aspect unique, d'une unique sorte, loués et exaltés des saints, capables d'engendrer une félicité primordiale, pure et sublime. Çâriputra, de même que ce maître de maison a tout d'abord attiré et incité ses fils en évoquant trois chars, pour ne leur donner après qu'un grand char, orné de matières précieuses, de premier confort, et qu'il échappe ensuite au reproche d'extravagance, ainsi en va-t-il de l'Ainsi-Venu : il est exempt d'extravagance; il prêche tout d'abord les trois véhicules pour attirer et inciter les êtres et ne leur donne ensuite que le Grand Véhicule pour les mener à la délivrance. Pourquoi cela ? L'Ainsi-Venu possède le trésor incalculable et infini des méthodes, des sagesses, des puissances, de l'assurance et est capable de donner à l'ensemble des êtres la Loi du Grand Véhicule, mais ceux-ci ne peuvent la recevoir intégralement. Çâriputra, il faut donc se rendre compte de ces circonstances : c'est à cause de la puissance des expédients des Éveillés que ceux-ci divisent en trois dans leur prédication l'unique véhicule d'Éveillé.
L'Éveillé, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Imaginez un maître de maison
qui possédait une vaste demeure,
celle-ci fort ancienne
et de plus délabrée,
aux hautes salles branlantes,
aux colonnes vermoulues à la base,
aux madriers gauchis;
les soubassements s'en effondraient,
les murs se fissuraient,
plâtre et enduit se détachaient,
le chaume du toit tombait pêle-mêle,
les poutres et les auvents se déboîtaient,
la palissade d'enceinte était tordue,
la saleté remplissait tout.
il y avait cinq cents âmes
à demeurer à l'intérieur;
milans, hiboux, autours, aigles,
corbeaux, pies, tourterelles, pigeons,
lézards, serpents, vipères, scorpions,
scolopendres, mille-pattes,
geckos, myriapodes,
belettes, blaireaux, souris, rats
- tous animaux et insectes nuisibles -
y couraient en tous sens.
Des lieux puant l'urine et les excréments
débordaient d'impuretés;
les bousiers et toutes sortes d'insectes
grouillaient au-dessus.
Renards, loups, chacals
mordaient, rongeaient, se piétinaient
pour déchiqueter et dévorer les cadavres,
éparpillant os et chair.
Survenaient alors des bandes de chiens
pour s'en emparer à qui mieux mieux;
affamés, émaciés, effrayés,
partout en quête de nourriture,
ils se la disputaient, se l'arrachaient,
se montrant les dents, grondant, aboyant.
Cette demeure, en cet état si étrange,
était effrayante.
Partout il s'y trouvait
gobelins, farfadets, lutins et faunes,
ogres et démons malins
dévoreurs de chair humaine;
toutes espèces d'insectes venimeux,
des bêtes féroces,
couvaient, allaitaient, mettaient bas,
chacun protégeant les siens;
les ogres survenaient à qui mieux mieux,
se les disputaient pour les dévorer;
cela fait, une fois repus,
leurs mauvaises pensées ne faisaient que s'embraser davantage
et leurs vociférations querelleuses
étaient effrayantes au possible.
Les démons bourses-en-jarres,
accroupis sur le sol ferme
ou bien lévitant
à un ou deux pieds au-dessus,
allaient et venaient, s'ébattaient
et s'amusaient sans contrainte ni gêne;
ils empoignaient les chiens par deux pattes
et les battaient jusqu'à les réduire au silence,
du pied ils leur pressaient le col,
se délectaient de leur frayeur.
Il y avait encore des démons
au corps allongé,
aux formes nues, noirs, amaigris,
qui y résidaient à demeure;
lançant des hurlements mauvais,
ils appelaient, en quête de nourriture.
Il y avait encore des démons
à la gorge comme une aiguille.
Il y avait encore des démons
à la tête comme celle des boeufs,
qui se repaissaient de chair humaine
ou bien canine;
la tignasse hirsute,
meurtriers et cruels,
pressés par la faim et la soif,
ils couraient en braillant.
Ogres et démons affamés,
bêtes et oiseaux féroces
se pressaient, faméliques, dans les quatre directions,
épiaient par les fenêtres.
Tels étaient les fléaux,
effrayants et innombrables.
Cette bâtisse vermoulue
appartenait à un homme.
Celui-ci était sorti à proximité
et peu de temps
après cela, en la résidence,
brusquement éclata un incendie;
les quatre côtés en même temps
furent tous embrasés par les flammes.
Poutres, madriers, solives et colonnes
vacillaient, se fendaient avec fracas,
se brisaient et s'effondraient,
les murs s'affaissaient.
Démons et génies
criaient à tue-tête;
aigles, autours et autres rapaces,
démons bourses-en-jarres
étaient pris de panique
et incapables de sortir par eux-mêmes;
bêtes méchantes et insectes venimeux
se sauvaient dans les trous.
Les démons cannibales,
qui demeuraient aussi là
de par la minceur de leurs mérites,
acculés par l'incendie
s'entretuaient,
buvant leur sang, dévorant leur chair.
Les chacals et leurs congénères
étant déjà tous morts auparavant,
les grandes bêtes féroces
s'en repaissaient à l'envi.
Une fumée nauséabonde s'élevait en tourbillons
et envahissait tous les côtés;
scolopendres et mille-pattes,
serpents venimeux et le reste,
grillés par les flammes,
sortaient de leurs trous à qui mieux mieux.
Les démons bourses-en-jarres
les poursuivaient pour les dévorer,
tandis que les démons affamés,
la tête en proie aux flammes,
tenaillés par l'ardeur de la faim et de la soif,
couraient en une panique désespérée.
Telle était cette demeure,
effrayante au possible :
sévices, incendie,
tous les fléaux y abondaient.
A ce moment, le maître de céans,
qui se tenait au-dehors,
entendit quelqu'un dire :
« Tes fils
sont tout à l'heure, pour se divertir,
entrés dans cette demeure;
dans leur ignorance puérile,
ils sont plongés dans leurs distractions. »
A ces mots, le maître de maison,
alarmé, pénétra dans la maison en feu,
prêt à les sauver, à empêcher qu'ils ne brûlassent.
Il admonesta ses enfants,
leur décrivit les nombreuses calamités :
mauvais démons, insectes venimeux,
flammes qui se propagent,
une multitude de souffrances, les unes après les autres,
se poursuivent sans interruption;
serpents venimeux, lézards, vipères,
de même que les ogres,
les démons bourses-en-jarres,
les chacals, les renards, les chiens,
les autours, aigles, milans, hiboux,
les myriapodes et leurs pareils,
tenaillés et pressés par faim et soif,
tout cela est effrayant au possible;
les périls de ce lieu,
que seront-ils alors en plein incendie !
Les enfants ne s'en rendaient pas compte,
même s'ils entendaient les avertissements du père,
ils restaient comme par auparavant plongés dans leurs délices,
continuaient à se divertir.
Alors le maître de maison
eut cette pensée :
mes fils, de la sorte,
augmentent mon angoisse;
à présent, en cette demeure,
il n'y a rien dont on puisse se délecter
et pourtant mes enfants
sont absorbés dans leurs jeux,
ils n'admettent pas mes admonestations
et seront tués par le feu.
Il songea alors
à mettre au point des expédients
et prévint ses fils :
« Je possède toutes sortes
de jouets rares,
de beaux chars précieux et sublimes,
char à mouton, char à daim,
char à grand boeuf;
ils sont maintenant à la porte,
sortez donc,
c'est à votre intention
que j'ai fabriqué ces chars.
ils répondent à ce que vous aimez,
vous pourrez avec eux vous amuser. »
Ses fils, l'entendant décrire
de cette façon les chars,
se précipitèrent aussitôt à qui mieux mieux,
sortirent en courant;
ils arrivèrent en terrain dégagé,
echappèrent aux périls
Le maître de maison, voyant que ses fils
avaient pu sortir de la maison en feu
et demeuraient au carrefour,
s'assit au trône de lion
et se dit joyeusement :
« Je suis à présent heureux :
tous mes fils,
si difficilement engendrés et élevés,
puérils et ignorants,
étaient entrés dans cette dangereuse bâtisse
où abondaient les insectes venimeux,
gobelins et farfadets effrayants;
un incendie y faisait rage,
qui avait surgi des quatre côtés ensemble,
et mes enfants
se délectaient avidement de leurs jeux.
Je les ai désormais sauvés,
leur ai permis d'échapper au péril;
c'est pourquoi, vous tous,
je suis à présent heureux. »
Alors les enfants,
constatant que leur père était assis au calme,
s'en vinrent tous à lui
et lui déclarèrent :
« Veuillez nous donner, c'est notre souhait,
les trois sortes de précieux chars
ainsi que vous l'avez auparavant promis :
"Sortez, mes enfants !
En vous donnant trois chars,
je répondrai à vos désirs."
C'est à présent le bon moment,
veuillez seulement nous accorder ces cadeaux. »
Le maître de maison était grandement riche,
il avait de nombreux magasins et entrepôts;
à l'aide d'or et d'argent, de béryl,
de nacre, d'agate,
de multiples matières précieuses,
il fabriqua de grands chars,
ornés et décorés,
entourés d'une rampe,
des clochettes suspendues aux quatre côtés,
entrecroisés de cordons dorés,
des filets de perles
tendus au-dessus,
des guirlandes de fleurs dorées
en pendaient de partout;
des ornements rutilants et variés
encerclaient leur pourtour;
soieries et brocarts moelleux
servaient de coussins,
des tapis éminemment délicats,
valant des millions,
d'un blanc immaculé et pur
en couvraient le dessus.
Il y avait de grands boeufs blancs,
gras et vigoureux,
aux formes superbes,
pour s'atteler aux précieux chars;
de nombreux serviteurs
se tenaient à leur disposition.
De ces sublimes chars
il fit également cadeau à ses fils;
ceux-ci alors
exultèrent dans leur liesse;
ils montèrent ces précieux chars
pour s'ébattre aux quatre orients;
ravis et heureux,
souverainement libres, sans obstacles.
Je te le déclare, Çâriputra,
ainsi en va-t-il de moi,
qui suis vénérable entre tous les saints,
le père du monde;
les êtres en leur ensemble
sont tous mes enfants,
profondément attachés aux plaisirs du monde,
ils sont dépourvus de pensée de sagesse;
les trois mondes, exempts de tranquillité,
sont tout comme une maison en flammes,
pleins d'une foule de douleurs,
effrayants au possible,
constamment pourvus des afflictions
de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort.
Des incendies tels que ceux-là,
leurs embrasements ne prennent pas fin.
L'Ainsi-Venu a désormais quitté
la maison en flammes des trois mondes,
demeurant dans la paix de la solitude,
se délassant dans les forêts et les landes.
Maintenant, ces trois mondes
sont tous ma possession,
les êtres qui y sont
sont tous mes enfants.
Or cet endroit
abonde en périls;
il n'y a que moi seul
qui puisse les en sauver,
malgré les admonestations que je leur adresse encore,
ils ne les reçoivent pas avec foi;
c'est parce que profonds sont leurs attachements et leur avidité
dans les souillures du désir.
Aussi, par manière d'expédient,
je leur prêche les trois véhicules,
pour permettre aux êtres
de se rendre compte de la douleur des trois mondes;
je révèle et expose
la Voie qui sort du monde;
ceux-là qui sont mes enfants,
s'ils l'ont décidé en leur coeur,
disposeront totalement des trois sciences
ainsi que des six pouvoirs divins;
certains gagneront l'état d'éveillé par les liens causaux
ou d'être d'Éveil sans régression.
Oui, Çâriputra,
à l'intention des êtres
et à l'aide de cette parabole,
je prêche le Véhicule unique d'Éveillé;
si vous tous êtes capables
de recevoir avec foi ces paroles,
vous pourrez, tant que vous êtes,
réaliser la voie d'Éveillé.
Ce véhicule est subtil et sublime,
pur et primordial,
il est, dans tous les mondes,
exempt de supérieur
et fait la joie de l'Éveillé;
l'ensemble des êtres
se doit de l'exalter,
de lui faire offrande de leur hommage.
Il est d'innombrables millions
de puissances, de délivrances,
de méditations et concentrations, de sagesses,
ainsi que d'autres attributs d'Éveillé;
en leur faisant gagner un tel véhicule,
je permets à mes enfants,
nuit et jour, pendant nombre d'éons,
de se divertir constamment
et, montant, avec les êtres d'Éveil
et la foule des auditeurs,
ce véhicule si précieux,
d'arriver directement au lieu de la Voie.
Pour ces raisons,
on aura beau scruter les dix orients,
il n'y aura pas d'autres véhicules
hormis les expédients salvifiques de l'Éveillé.
Je le déclare, Çâriputra :
toi et les autres hommes
vous êtes tous mes enfants
et je suis donc votre père.
Vous êtes, au fil des éons,
brûlés par une multitude de douleurs,
je vous en sauverai, vous en arracherai
et vous ferai sortir des trois mondes.
Bien qu'auparavant je vous aie prêché
que vous étiez passés en Disparition,
vous n'aviez fait qu'épuiser vos naissances et vos morts,
sans être réellement disparus.
Ce qu'il vous faut à présent cultiver,
c'est exclusivement la sagesse d'Éveillé.
S'il se trouve des êtres d'Éveil
en cette multitude,
ils pourront écouter d'un seul coeur
la Loi réelle.
Même si les Éveillés Vénérés du monde
ont recours aux expédients salvifiques,
les êtres ainsi convertis
sont tous des êtres d'Éveil.
Si ce sont des gens de sagesse mineure,
profondément attachés aux appétences et désirs,
à leur intention
je prêche la vérité sur la douleur.
Les êtres en leur coeur se réjouissent
comme jamais auparavant.
La vérité sur la douleur qu'expose l'Éveillé
est authentique et réelle, sans divergence;
s'il se trouve des êtres
ignorant l'origine de la douleur,
profondément attachés aux causes douloureuses,
incapables d'y renoncer, même pour quelque temps,
à leur intention
je prêche la Voie en expédients.
Le désir avide est à la base
de ce qui cause les douleurs;
si l'on supprime le désir avide,
il n'y a plus rien sur quoi faire fond
et l'on détruit jusqu'au bout les douleurs.
Cela constitue la troisième vérité
et c'est en raison de la vérité sur la destruction
que l'on s'exerce dans la Voie.
Se dégager des entraves de la douleur
constitue l'obtention de la délivrance.
En quoi ces gens obtiennent-ils la délivrance ?
Ils s'affranchissent simplement de l'aberration
et appellent cela délivrance;
en réalité, ils n'ont pas encore gagné
l'ensemble des délivrances,
et l'Éveillé dit que ces gens
ne sont pas réellement passés en Disparition,
car ils n'ont pas encore gagné
la Voie sans supérieure.
Je n'ai ni intention ni désir
de les faire passer en Disparition;
je suis le roi de Loi,
souverainement libre dans la Loi;
pour soulager les êtres
je suis apparu au monde.
Oui, Çâriputra,
tel est le sceau qui marque ma Loi,
dans le désir de dispenser des bienfaits
au monde, voilà pourquoi je la prêche.
Où que te mènent tes pas,
ne la propage pas à tort et à travers;
s'il est quelqu'un
pour la recevoir avec respect et joie appropriée,
il faudra savoir que celui-là
est au-delà de la régression.
S'il en est pour recevoir avec foi
la Loi de ce livre,
c'est que ceux-là auront déjà
vu des Éveillés dans le passé,
leur auront rendu hommage, fait offrande,
et auront aussi entendu cette Loi.
S'il en est qui sont capables
de croire ce que tu prêches,
cela alors revient à me voir
et à te voir, toi,
ainsi que la communauté des moines,
de même que les êtres d'Éveil.
Ce Livre de la fleur de la Loi
est la prédication d'une sagesse profonde;
ceux de conscience superficielle qui l'entendront
seront égarés, ne le comprendront point.
L'ensemble des auditeurs
et des éveillés pour soi
n'auront pas la force
d'accéder au sein de ce livre.
Toi-même, Çâriputra,
pour ce qui concerne ce livre,
c'est par la foi que tu as pu y pénétrer.
A plus forte raison, le reste des auditeurs;
le reste des auditeurs, dis-je,
c'est parce qu'ils croient en la parole de l'Éveillé
qu'ils acceptent docilement ce livre;
ce n'est pas le lot de leur propre sagesse.
De plus, Çâriputra,
les orgueilleux et les paresseux,
ceux qui supputent les vues du Moi,
ne leur expose pas ce livre.
Les profanes, de conscience superficielle,
mais profondément attachés aux cinq désirs,
à l'entendre ne le comprendront pas :
ne va pas non plus le leur prêcher.
Si certains, sans y prêter foi,
calomnient ce livre,
ils retrancheront alors l'ensemble
des germes d'Éveillé en ce monde.
Si, encore, il en est qui froncent le sourcil,
et conçoivent les égarements du doute,
il te faudra écouter
la rétribution des péchés de ces gens :
Que ce soit lorsque l'Éveillé est au monde,
ou bien après sa Disparition,
s'il s'en trouve pour calomnier
des Écritures telles que celle-ci;
ou si, en voyant des gens lire, réciter,
copier, préserver ce livre,
ils les méprisent, les jalousent,
ou conçoivent contre eux de la rancune,
la rétribution des péchés de ces hommes,
tu vas dès maintenant l'écouter :
à la fin de leur vie,
ils entreront dans l'enfer Sans-Intervalle
pour la totalité d'un âge cosmique;
l'âge épuisé, ils y naîtront encore,
le cycle se poursuivra ainsi
jusqu'à un nombre incalculable d'éons.
Lorsqu'ils émergeront des enfers,
ce sera pour tomber parmi les bêtes,
cornme les chiens et les chacals,
d'apparence pelée et efflanquée,
noircis, galeux, lépreux,
que les gens répugnent à toucher,
qui sont en plus de tout le monde
détestés et méprisés.
lls souffriront constamment de la faim,
les os et la chair desséchés;
pendant leur vie, ils subissent souffrances et tourments;
à leur mort, ils sont recouverts de tuiles et de pierres.
C'est pour avoir tranché les germes d'Éveillé
qu'ils reçoivent cette rétribution de leurs péchés.
S'ils deviennent chameaux,
ou renaissent parmi les ânes,
leur corps sera constamment chargé de lourds fardeaux,
et s'y ajouteront tous les coups de bâton;
ils n'auront à l'esprit que l'eau et le fourrage,
ne connaissant rien d'autre;
pour avoir calomnié ce livre,
ils paieront ainsi leur péché.
Certains deviendront chacals,
entreront dans les villages,
le corps galeux et lépreux,
n'ayant même plus d'yeux;
tous les enfants
les roueront de coups;
ils subiront souffrances et peines
jusqu'à en mourir un jour.
Étant morts de cette façon,
ils recevront cette fois un corps de boa,
d'une taille immense
de cinq cents parasanges,
sourd, stupide, sans pattes,
rampant sur le ventre en contorsions,
piqué et mordu
par les petits insectes;
les douleurs qu'il subit jour et nuit
n'ont jamais de trêve.
C'est pour avoir calomnié ce livre
qu'ils paieront ainsi leur péché.
S'ils obtiennent d'être hommes,
ils seront de facultés obscurcies et hébétées,
nabots, rustauds, contrefaits, boiteux,
aveugles, sourds, bossus;
rien de ce qu'ils diront
ne sera cru des gens;
l'haleine constamment fétide,
ils seront possédés des démons;
pauvres et misérables,
ils devront servir autrui,
accablés de maladies, émaciés,
ils n'auront nul à qui se fier;
quand bien même ils se lieraient à d'autres,
ceux-ci ne leur accorderont nulle attention.
S'il leur arrive de faire un gain,
invariablement, ils le perdront.
S'ils pratiquent la voie de la médecine,
leurs prescriptions et leurs remèdes
ne feront qu'accroître la maladie chez les autres,
parfois jusqu'à les faire mourir.
S'ils sont eux-mêmes malades,
nul ne les sauvera par des soins;
même s'ils ingurgitent de bons médicaments,
ils ne feront qu'empirer le mal.
Si d'autres fomentent des séditions,
se livrent au pillage et au vol,
pour de tels crimes,
ils se verront injustement plongés dans le malheur.
De tels pécheurs
ne rencontreront de longtemps un Éveillé,
un souverain de tous les saints
qui leur prêche la Loi et les convertisse par sa doctrine;
de tels pécheurs
renaîtront constamment dans les lieux pénibles,
affolés, sourds, la pensée perturbée,
ils n'entendront de longtemps la Loi.
Pendant des éons aussi incalculables
que les sables du Gange,
ils renaîtront comme sourds et muets,
infirmes en leurs facultés physiques;
ils séjourneront constamment aux enfers
comme s'ils flânaient en un jardin d'agrément,
et dans les autres mauvaises voies
comme s'il s'agissait de leur propre demeure.
Chameaux et ânes, porcs et chiens,
tel sera leur champ d'action.
C'est pour avoir calomnié ce livre
qu'ils paieront ainsi leur péché.
S'ils obtiennent d'être hommes,
ils seront sourds, aveugles, muets;
pauvreté, misère, déchéance
leur serviront d'ornement;
hydropisie, gonorrhée,
gale, lèpre, ulcères
et d'autres maladies semblables
leur serviront de vêtements.
Ils auront le corps constamment dans la puanteur,
sale, souillé, impur;
profondément attachés à l'idée du Moi,
ils ne feront qu'accroître leur colère,
leurs désirs lascifs iront s'embrasant,
n'épargnant pas même les animaux.
C'est pour avoir calomnié ce livre
qu'ils paieront ainsi leur péché.
Je te le déclare, Çâriputra,
ceux qui auront calomnié ce livre,
s'il fallait exposer leurs châtiments,
on arriverait au bout des éons sans les épuiser.
C'est pour ces raisons
que je te le dis tout exprès :
parmi les hommes sans sagesse,
ne prêche pas ce livre.
S'il s'en trouve de facultés aiguës,
de sagesse lucide,
érudits, de fortes connaissances,
en quête de la voie de l'Éveillé,
à de tels hommes
tu pourras le prêcher.
S'il s'en trouve qui ont déjà rencontré
des centaines de millions d'Éveillés,
qui ont planté les racines de bien,
profonds et fermes en pensée,
à de tels hommes
tu pourras le, prêcher.
S'il s'en trouve qui, pleins de zèle,
cultivent constamment la pensée de compassion,
sans chercher à ménager leur propre vie,
tu pourras le leur prêcher.
S'il s'en trouve qui, pleins de respect
et sans pensée de divergence,
se sont affranchis de la sottise du vulgaire
pour résider en solitaires dans montagnes et marais,
pour de tels hommes
tu pourras le prêcher.
Et encore, Çâriputra,
si tu vois que certains
ont abandonné leurs mauvaises connaissances
pour devenir les intimes d'amis de bien,
à de tels hommes
tu pourras le prêcher.
Si tu vois des fils d'Éveillé
maintenir en sa pureté la moralité,
comme ils le feraient d'une perle limpide,
et rechercher les Écritures du Grand Véhicule,
à de tels hommes,
tu pourras le prêcher.
Si ce sont gens sans colère,
droits de caractère, doux et affables,
prenant toujours chacun en pitié,
respectueux des Éveillés,
à de tels hommes
tu pourras le prêcher.
S'il se trouve par ailleurs des fils d'Éveillé
qui, parmi de grandes foules,
en pureté de pensée,
à l'aide d'une variété de relations,
de paraboles et de locutions,
prêchent la Loi sans rencontrer d'obstacles,
à de tels hommes
tu pourras le prêcher.
S'il se trouve des moines
qui, en vue de l'omiscience,
recherchent aux quatre orients la Loi,
et la reçoivent humblement, les paumes jointes,
qui se plaisent seulement à préserver
les Écritures du Grand Véhicule,
tandis qu'ils n'acceptent pas même
une stance des autres Écritures,
à de tels hommes
tu pourras le prêcher.
Si, de même que certains, de tout coeur,
recherchent les reliques d'Éveillé,
eux recherchent de même façon les Écritures
et, les ayant trouvées, les acceptent humblement,
qu'après cela ils ne vont plus
se mettre en quête d'autres livres,
pas plus qu'ils n'ont jamais prêté attention
aux textes des voies hétérodoxes,
à de tels hommes
tu pourras le prêcher.
Je te le déclare, Çâriputra,
pour t'exposer tous les aspects
que prend la quête de la voie de l'Éveillé,
j'arriverai au terme des éons sans les épuiser.
De tels hommes
certes pourront croire et comprendre;
tu devras leur prêcher
le Livre de la fleur de la Loi sublime.


^*^*^*^ 


CHAPITRE IV
Croire et comprendre

En cette heure, Subhûti, Mahâkâtyâyana, Mahâkâçyapa, Mahâmaudgalyâyana, qui avaient la sagesse pour force vitale, à la Loi sans précédent qu'ils entendaient de l'Eveillé, à l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur que le Vénéré du monde conférait à Çâriputra, déployèrent une disposition d'esprit rarement atteinte et exultèrent d'allégresse. Ils se levèrent de leur siège, ajustèrent leurs vêtements, se dénudèrent l'épaule droite et touchèrent le sol du genou droit; d'un seul coeur, ils joignirent les paumes et s'inclinèrent en témoignage de respect; Ievant les yeux avec déférence vers le visage du Vénéré, ils s'adressèrent à l'Éveillé en ces termes :
Nous qui siégeons à la tête de la communauté et sommes pareillement décrépits par l'âge, nous estimions avoir désormais obtenu l'Extinction et ne plus pouvoir supporter d'autres tâches; aussi ne cherchions-nous plus à progresser vers l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Vénéré du monde, cela fait longtemps que, depuis les temps anciens, vous prêchez la Loi; nous, durant ce temps, nous étions à nos sièges, le corps las, indolents, n'ayant à l'esprit que la Vacuité, l'Indifférencié, le Sans-Opération. Pour ce qui est de la Loi des êtres d'Éveil, pour ce qui est de maîtriser en se jouant les pouvoirs extraordinaires, de purifier le champ d'Éveillé, de mener les êtres à la réalisation, notre pensée n'en avait nulle jubilation.
Comment cela se fait-il ? C'est que le Vénéré du monde nous a fait sortir des trois mondes et permis d'attester l'Extinction. De plus, nous sommes à présent décrépits par l'âge et, alors que l'Éveillé enseignait et convertissait les êtres d'Éveil à l'Éveil complet et parfait sans supérieur, nous n'en concevions pas la moindre pensée de joie.
Or, maintenant que nous entendons, en présence de l'Éveillé, conférer à des auditeurs l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, notre coeur jubile d'une joie extrême, obtenant un état sans précédent. Nous ne pensions pas obtenir maintenant, si soudainement, d'entendre une Loi aussi rare et nous nous félicitons profondément d'acquérir ce grand profit, de gagner spontanément un trésor d'un prix incalculable, sans l'avoir recherché.
Vénéré du monde, nous souhaiterions à présent exposer une parabole qui éclairera ce sens. Imaginez un homme qui, dès sa prime jeunesse, avait abandonné son père et s'était enfui pour demeurer longtemps dans une contrée étrangère, peut-être dix, vingt, jusqu'à cinquante ans. Devenu adulte, sa misère n'avait fait que croître; courant aux quatre orients en quête de vêtement et de nourriture, graduellement son errance l'amena par hasard vers son pays d'origine. Son père, qui avait depuis lors cherché l'enfant sans le trouver, avait entre-temps fait halte dans une certaine cité. Sa maison y était d'une grande richesse, ses trésors innombrables : l'or, l'argent, le béryl, le corail, l'ambre, le cristal, les perles et autres, ses entrepôts en étaient tous pleins à déborder. Il avait abondance de serviteurs, de ministres et d'intendants, d'éléphants et de chevaux, de chars et de véhicules, de bovins et d'ovins sans nombre. Les intérêts provenant de ses opérations financières s'étendaient à l'ensemble des pays étrangers; ses marchands et négociants, eux aussi, étaient fort nombreux.
Un jour, l'enfant pauvre, qui errait de village en village, passait de contrée en contrée, finit par arriver dans la cité où son père avait fait halte. Le père avait constamment son fils à l'esprit et, depuis plus de cinquante ans qu'il en était séparé, il n'avait jamais parlé à quiconque de cet état de chose. Il ne faisait qu'y penser en son coeur et ressassait son amertume; il songeait en lui-même qu'il était usé par la vieillesse, que ses biens étaient abondants, que ses entrepôts d'or, d'argent, de trésors étaient pleins à déborder et qu'il n'avait plus de fils; un jour il mourrait, ses biens seraient dispersés sans personne à qui les léguer. C'est pourquoi il se souvenait constamment et intensément de son fils. Il se faisait encore cette réflexion : si seulement je trouvais un fils à qui léguer mes biens, je serais serein et heureux, je ne me ferais plus de soucis.
Vénéré du monde, il se trouva alors que l'enfant pauvre, qui passait d'un employeur à un autre, arriva d'aventure à la résidence de son père. Il s'arrêta près du portail et vit au loin son père assis sur un trône léonin, les pieds sur un escabeau de matières précieuses, tandis que brahmanes, nobles et maîtres de maison l'entouraient tous respectueusement. Il avait le corps paré de perles et de bracelets dont le prix se chiffrait par milliers de myriades; intendants et serviteurs, des émouchoirs blancs à la main, se tenaient à sa droite et à sa gauche; un dais précieux l'abritait, où étaient suspendues de splendides bannières; le sol était imprégné d'essences parfumées et jonché de fleurs rares. Des trésors étaient étalés, que l'on sortait ou emmagasinait, que l'on recevait ou donnait. Avec une si grande variété d'ornements et de parures, sa majesté était particulièrement impressionnante. L'enfant pauvre, voyant la grande autorité du père, en conçut de la frayeur et regretta d'être venu là; il se dit en son for intérieur : Il s'agit d'un roi, ou de l'égal d'un roi, ce n'est pas un endroit où je pourrai me faire embaucher et gagner quelque chose. ll vaut mieux pour moi aller dans un village misérable, où il y aura une terre pour dépenser ma force et où vêtements et nourriture seront faciles à gagner. Si je reste trop longtemps ici, je serai sans doute astreint et forcé et l'on m'obligera à travailler. S'étant fait cette réflexion, il partit rapidement en courant.
À ce moment, le maître de maison, sur son trône léonin, aperçut son fils et le reconnut aussitôt. Son coeur se réjouit grandement et il eut cette pensée : mes biens et mes trésors, j'ai maintenant à qui les léguer ! Ce fils à qui je pensais toujours sans moyen de le revoir, voici soudain qu'il vient de lui-même. Mes voeux sont ainsi comblés, car, bien qu'usé par les ans, j'étais comme autrefois en proie au désir et au regret.
Il dépêcha en hâte des assistants à sa poursuite pour le ramener; les envoyés se précipitèrent alors et l'agrippèrent. L'enfànt pauvre fut étonné et effrayé; estimant avoir affaire à des ennemis, il s'écria : « Je n'ai rien fait d'illégal, pourquoi m'arrêter ? » Les envoyés ne firent que resserrer leur poigne et le tirèrent pour le ramener. L'enfant pauvre pensa alors par devers soi : « Me voici prisonnier sans avoir commis de crime; c'est à coup sùr la mort pour moi. » Sa terreur ne fit qu'augmenter; il perdit connaissance et s'écroula sur le sol. Le père vit cela de loin et dit aux envoyés : « Je n'ai nul besoin de cet homme, ne le forcez pas à venir. Versez-lui de l'eau froide sur le visage pour le faire revenir à lui, mais ne lui adressez plus la parole. » Pourquoi donc cela ? Le père s'était rendu compte de la vile inclination d'esprit de son fils et avait compris que sa propre richesse était pour lui un obstacle; il savait parfaitement que c'était son fils, mais, en manière d'expédient, il ne déclara pas aux autres : "C'est mon fils." Les envoyés dirent à ce dernier : "À présent nous te relâchons, va donc où tu veux." L'enfant pauvre conçut alors une joie inouïe; il se releva de terre et se dirigea vers un village misérable, en quête de vêtement et de nourriture.
Alors le maître de maison, dans le désir de s'attirer son fils, mit au point un expédient : il dépêcha en secret deux hommes émaciés d'apparence et sans rien d'imposant : « Il faudrait que vous vous rendiez là-bas et que vous annonciez avec ménagement à l'enfant pauvre : "Il y a un emploi ici pour toi, avec double de paye." S'il en est d'accord, vous l'amènerez ici et le ferez travailler. S'il vous demande ce qu'il lui faudra faire, vous n'aurez qu'à lui annoncer : "Tu seras employé à enlever les immondices; nous deux, nous travaillerons avec toi." » Les deux envoyés se mirent alors à la recherche de l'enfant pauvre et, une fois qu'ils l'eurent trouvé, lui rapportèrent en détail la proposition précédente. À ce moment, l'enfant pauvre perçut tout d'abord son salaire et ensuite déblaya les immondices avec eux. Le père voyait son fils avec pitié et effarement.
Un autre jour, alors qu'il regardait de loin, par la fenêtre, son fils décharné et émacié, couvert de poussière et de saletés, maculé de souillures, il se dépouilla de son pectoral, de ses vêtements de dessus, de ses parures, et revêtit des haillons tachés de graisse et de boue; il s'enduisit le corps de crasse et prit dans sa main droite des outils de nettoyage. Sous cette allure effrayante, il s'adressa aux ouvriers : « Allez, vous autres, travaillez dur, que je ne vous voie pas fainéanter ! » Grâce à ce stratagème, il parvint à approcher son fils. Plus tard, il lui déclara encore : « Holà, mon gars, reste donc toujours à travailler ici sans plus aller ailleurs; ton salaire sera augmenté et tu n'auras pas à te soucier du nécessaire : vaisselle, riz, blé, sel, épices. Il y a même un vieux serviteur usé qui te sera donné si tu en as besoin. Il est bon que tu te rassures, je serai comme ton père et tu n'auras plus de souci à te faire. Pourquoi cela ? Je suis bien âgé et toi, tu es en pleine jeunesse; jamais, lorsque tu travailles, je n'observe chez toi tous les défauts que je vois chez les autres : paresse, colère, paroles hargneuses. Dorénavant, tu seras comme mon fils, celui que j'aurais engendré. »
Dès lors, le maître de maison lui conféra en plus un nom et l'appela son enfant. L'enfant pauvre, bien qu'heureux de cette bonne fortune, n'en continua pas moins à se tenir lui-même pour un vil ouvrier de passage. Pour cette raison, on lui fit constamment déblayer les immondices pendant vingt années. Au terme de cette période, ils se comprenaient mutuellement et se faisaient confiance en leur coeur; lui entrait et sortait sans difficulté, cependant il demeurait encore en son lieu d'origine.
Vénéré du monde, en ce temps-là le maître de maison tomba malade; il se rendit compte que sa mort était prochaine et s'adressa en ces termes à l'enfant pauvre : « De l'abondance d'or, d'argent, de matières précieuses dont mes entrepôts sont à présent pleins à déborder, tu connaîtras tout avec exactitude, ce qui est à recevoir et ce qui est à donner. Telle est ma disposition d'esprit et il te faut bien comprendre mon intention. Pourquoi cela ? Il n'y a maintenant plus de différence entre toi et moi. Il te faut redoubler de prudence afin de ne pas permettre de pertes. »
Dès lors, l'enfant pauvre reçut son instruction et maîtrisa la connaissance des nombreuses possessions : or, argent, matières précieuses ainsi que les entrepôts, mais il ne lui vint pas à l'esprit de vouloir s'approprier ne fût-ce que l'équivalent d'un repas. Et cependant il demeurait encore en son lieu d'origine, sans être capable de renoncer à la vilenie de sa pensée.
Il se passa encore quelque temps, et le père connut que la mentalité de son fils s'était graduellement épanouie, qu'il avait enfin réalisé en lui une volonté de grandeur et qu'il n'avait plus que mépris pour sa précédente disposition d'esprit. À l'article de la mort, il ordonna à son fils de se rencontrer avec le roi, les ministres, les nobles et les maîtres de maison; quand tous furent rassemblés, il leur fit lui-même cette proclamation : « Sachez, messieurs, que celui-ci est mon fils, celui que j'ai engendré; c'est en telle cité qu'il m'a abandonné pour s'enfuir; il a vagabondé et souffert pendant plus de cinquante ans. Son nom d'origine est Untel, le mien est Untel et Untel. Autrefois, dans ma ville d'origine, rongé d'angoisse, j'avais mené des recherches et tout d'un coup c'est dans ces parages que je l'ai retrouvé par hasard. il est réellement mon fils et je suis réellement son père. À présent, l'ensemble des biens que je possède sont tous à lui; c'est mon fils qui connaît les dépenses et les revenus qui ont eu lieu précédemment. »
Vénéré du monde, au moment où l'enfant pauvre entendit ces mots de son père, il se réjouit grandement, comme jamais auparavant et il eut cette pensée : je n'avais originellement pas le coeur à rien rechercher et voici qu'à présent ces trésors, spontanément, m'arrivent.
Vénéré du monde, le richissime maître de maison, c'est l'Aînsi-Venu, et nous tous, nous ressemblons aux fils de l'Éveillé. L'Aînsi-Venu prêche toujours que nous sommes ses enfants. Vénéré du monde, nous autres, en raison des trois sortes de douleur, nous subissons la touffeur des passions au sein des naissances et des morts. Égarés, inscients, nous nous délectons de notre attachement à des enseignements mineurs. En ce jour, le Vénéré du monde nous a amenés à réfléchir et à déblayer les immondices des puériles tractations de ces enseignements, alors que nous, nous redoublions de zèle dans ceux-ci afin de gagner le salaire d'une journée qu'est l'accès à l'Extinction; une fois celui-ci gagné, nous nous en réjouissons grandement, nous l'estimons suffisant et nous prétendons alors, grâce à notre zèle appliqué dans la doctrine de l'Éveillé, avoir fait des acquis vastes et abondants.
Or, le Vénéré du monde savait à l'avance que notre pensée s'attacherait à des désirs dépravés et que nous nous complairions à des enseignements mineurs; nous avons alors été laissés à nous-mêmes et il ne nous a pas fait remarquer : « Vous aurez part au trésor qu'est le savoir et la vision d'Éveillé. »
Alors que le Vénéré du monde, de par le pouvoir de ses expédients, prêche la sagesse d'Aînsi-Venu, nous autres, ayant gagné de l'Éveillé ce salaire d'une journée qu'est l'Extinction, nous estimons avoir fait là grand gain et, pour ce qui est de ce Grand Véhicule, nous n'avons plus la volonté de le rechercher. Nous-mêmes, par ailleurs, du fait que la sagesse d'Aînsi-Venu avait été révélée et exposée aux êtres d'Éveil, n'avions à cet égard nul souhait ni volonté. Pourquoi cela ? L'Éveillé savait que notre pensée se complaisait dans l'attachement aux enseignements mineurs et, de par le pouvoir de ses expédients, prêchait ce qui nous était approprié, si bien que nous ne savions pas que nous étions en vérité enfants de l'Éveillé.
Nous venons à présent de nous en rendre compte; le Vénéré du monde, en ce qui concerne la sagesse d'Éveillé, est dépourvu d'avarice. Comment cela ? Nous sommes de longue date de vrais fils d'Éveillé et, pourtant, nous ne nous complaisions que dans les enseignements mineurs. Si nous avions une pensée se complaisant dans le Grand, l'Éveillé nous aurait alors prêché la Loi du Grand Véhicule. Dans ce livre, il ne prêche plus que le Véhicule unique; alors qu'aux temps anciens, en présence des êtres d'Éveil, il avait blâmé les auditeurs de se complaire dans les enseignements mineurs, l'Éveillé a cependant, en réalité, enseigné et converti par le Grand Véhicule. C'est pourquoi nous disons qu'alors que nous n'avions originellement pas l'esprit à rien rechercher, voici que le grand trésor du roi de la Loi, spontanément, nous arrive. Tout ce qu'en tant que fils de l'Éveillé nous devions obtenir, nous l'avons désormais obtenu.
Alors Mahâkâçyapa, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Nous autres en ce jour,
à entendre le son de la doctrine de l'Éveillé,
exultons de liesse,
obtenant ce qui était sans précédent.
L'Éveillé prêche que les auditeurs
sont appelés à gagner l'état d'Éveillé;
ainsi l'amas de joyaux sans supérieur
est spontanément gagné, sans qu'on le recherche.
C'est comme, par exemple, un garçon
qui, tout jeune encore, et sans rien savoir,
aurait abandonné son père pour s'enfuir
et serait arrivé en une terre étrangère, lointaine.
Tandis qu'il errait de par les contrées,
pendant cinquante ans et plus,
son père pensait à lui avec angoisse;
aux quatre orients il menait des recherches;
à le rechercher il s'était épuisé.
Aussi avait-il fait halte en une ville
où il avait construit une résidence
propre à soulager les cinq désirs.
Sa maison était opulente,
abondant en or et argent,
en nacre et en agate,
en perles et béryl,
en éléphants, chevaux, vaches, moutons,
en palanquins, chars et voitures,
en serviteurs, paysans et artisans.
Ses gens étaient fort nombreux;
les intérêts de ses opérations financières
s'étendaient à l'ensemble des pays étrangers.
Ses commerçants et négociants
se trouvaient en tous lieux;
des foules par milliers et myriades
l'entouraient et lui rendaient hommage.
il était toujours l'objet
de la faveur royale,
les ministres et les nobles
lui témoignaient tous le plus grand respect.
Pour toutes ces raisons,
nombreuses étaient les allées et venues.
Telle était sa richesse
et la grandeur de son pouvoir,
mais il était décrépit par l'âge
et se souciait de plus en plus de son fils.
Jour et nuit il se faisait ces réflexions :
ma mort surviendra bientôt
et mon sot de fils m'a abandonné
il y a cinquante ans et plus.
Les biens de mes entrepôts,
que va-t-il en advenir ?
En ce temps-là, l'enfant pauvre
était à la recherche de vêtement et de nourriture,
de bourgade en bourgade,
de contrée en contrée;
parfois il en trouvait,
d'autres fois il n'obtenait rien.
Affamé, décharné, émacié,
le corps ulcéré et vérolé,
peu à peu, d'étape en étape,
il arriva à la ville ou résidait son père.
Errant d'emploi en emploi,
il finit par venir à la maison du père.
En ce temps-là, le maître de maison
avait dans sa cour
installé un grand dais précieux
et se trouvait sur son trône de lion,
entouré de sa suite,
avec tous ses assistants.
Certains faisaient le compte
de l'or, de l'argent, des matières précieuses,
des biens et richesses qui sortaient ou entraient,
les portaient sur des registres.
L'enfant pauvre, voyant son père
si noble et imposant,
estima que c'était le roi
ou bien l'égal d'un roi;
rempli de stupeur, il se demanda
pourquoi il était venu là
et se fit par-devers soi cette réflexion :
si je m'éternise ici,
il se peut que je sois astreint
et forcé à travailler.
À cette pensée,
il prit ses jambes à son cou pour aller
tenter sa chance dans un village misérable,
désireux de s'y faire employer.
Le maître de maison,
qui se trouvait sur le trône de lion,
aperçut de loin son fils;
il le reconnut mais n'en dit rien.
Aussitôt il ordonna à ses envoyés
de l'attraper et de le ramener;
l'enfant pauvre hurla de surprise,
égaré, effaré, il s'effondra à terre :
« Ces gens m'empoignent,
c'est à coup sûr la mort pour moi;
à quoi me serviront l'habit et le manger
qui m'ont fait venir jusqu'ici ? »
Le maître de maison connut que son fils,
dans sa sottise et son abrutissement,
ne croirait pas ce qu'il dirait,
ne croirait pas qu'il fût son père.
Alors, en manière d'expédient,
il lui dépêcha d'autres hommes,
louchons, nabots, contrefaits,
n'ayant rien d'imposant :
« Vous n'aurez qu'à lui dire
qu'il sera employé
à déblayer les immondices
avec double salaire. »
L'enfant pauvre, entendant cela,
les suivit avec joie
pour déblayer les immondices
et nettoyer les pavillons.
Le maître de maison, de sa fenêtre,
regardait constamment son fils,
pensait à sa sottise et sa vilenie
à se complaire en ces travaux indignes.
Sur ce, le maître de maison
se revêtit d'habits crasseux,
empoigna un seau et un balai
et se dirigea vers son fils;
par ce stratagème il l'approcha
et lui enjoignit de travailler dur :
« Puisque j'ai augmenté ton salaire
et l'huile pour t'oindre les pieds,
tu as à boire et à manger tout ton soûl,
une couche épaisse et chaude. »
Ainsi lui parlait-il durement :
« Tu dois travailler dur »
ou encore doucement :
« Tu es comme mon fils. »
Le maître de maison, dans sa sagesse,
lui permit peu à peu d'entrer et de sortir.
Au bout de vingt années,
il lui fit tenir les affaires domestiques,
lui montra son or et son argent,
ses perles, ses cristaux de roche,
comment les biens sortaient et entraient.
il lui fit prendre connaissance de tout,
mais lui demeurait encore au-dehors,
logeait dans une hutte de branchages,
ne songeant qu'à sa misère :
« Ces choses ne sont pas à moi. »
Quand le père eut connu que le coeur de son fils
avait pris graduellement de l'ampleur,
il voulut lui donner ses biens.
Aussi rassembla-t-il sa parentèle,
les rois et grands ministres,
les nobles et les maîtres de maison;
devant cette grande foule
il expliqua : « Celui-ci est mon fils
qui m'avait abandonné pour s'en aller ailleurs,
ce pendant cinquante ans.
Depuis que je l'ai vu revenir,
vingt ans ont déjà passé.
Autrefois, en telle cité,
je l'avais perdu, ce fils;
partout je l'avais recherché,
pour arriver enfin ici.
La totalité de ce que je possède,
maisons et gens,
intégralement je le lui remets;
qu'il en use à sa guise ! »
Le fils songea à sa misère passée,
à la vilenie de ses intentions :
à présent, chez son père,
il obtenait de grands trésors
ainsi qu'une résidence,
l'ensemble de ses richesses.
Il conçut une joie immense
à obtenir ce qu'il n'avait encore jamais eu.
Tel aussi est l'Éveillé :
sachant notre complaisance pour le mineur,
il n'avait encore jamais annoncé :
« Vous deviendrez Éveillés »,
mais il nous prêchait
comment gagner les états sans infection,
réaliser le Petit Véhicule
en tant que disciples et auditeurs.
L'Éveillé nous a donné en instruction
de prêcher la Voie insurpassable,
que ceux qui s'y exercent
obtiendront de réaliser l'état d'Éveillé.
Nous acceptâmes la doctrine de l'Éveillé
et pour les êtres d'Éveil,
à l'aide de relations,
de toutes sortes de paraboles,
de diverses locutions,
nous prêchâmes la Voie insurpassable.
Les fils de l'Éveillé,
entendant de nous la Loi,
jour et nuit y réfléchirent,
s'exercèrent avec zèle.
Alors les Éveillés
leur conférèrent l'annonciation :
« En une prochaine existence, vous
obtiendrez de devenir Éveillés. »
La Loi occulte
de tous les Éveillés,
ce n'est qu'aux êtres d'Éveil
qu'ils en exposent la réalité;
ce n'est pas à notre intention
qu'ils en prêchent la teneur authentique.
De la même façon que cet enfant pauvre
a obtenu d'approcher son père
et, bien que connaissant ses richesses,
ne souhaitait pas en son coeur se les approprier,
nous autres, bien que prêchant
le trésor de la Loi d'Éveillé,
n'avions pour nous-mêmes nulle ambition :
aussi en était-il de même.
Pour notre part, l'Extinction intérieure,
nous l'estimions bien assez pour nous :
pour qui avait accompli cette seule chose,
il n'y avait plus rien d'autre.
Si d'aventure nous entendions parler
de purifier son champ d'Éveillé,
d'enseigner et convertir les êtres,
nous n'en concevions nul plaisir.
Pourquoi cela ?
C'est que les entités dans leur ensemble
sont, toutes tant qu'elles sont, vides et apaisées,
sans production ni destruction,
sans grandeur ni petitesse,
sans infection et sans confection.
Pensant de cette façon,
nous ne concevions nulle joie.
Et nous, dans la longue nuit des siècles,
à l'égard de la sagesse d'Éveillé,
nous étions sans avidité ni attachement,
sans plus d'ambition;
et pour ce qui est de la Loi,
nous l'estimions parachevée.
Nous, au cours de la longue nuit des siècles,
avons cultivé la Loi de la vacuité,
avons gagné d'échapper aux trois mondes,
à leurs chagrins et tourments douloureux,
pour demeurer dans notre ultime corps,
l'Extinction sans reste.
Avec l'enseignement salvateur de l'Éveillé,
l'Éveil obtenu n'était pas vain
et nous pensions avoir dès lors
rendu à l'Éveillé la grâce qui lui était due.
Bien qu'à l'intention
des enfants de l'Éveillé
nous prêchions la Loi d'êtres d'Éveil,
par laquelle ils rechercheraient la voie d'Éveillé,
à l'égard de cette Loi
nous étions à jamais sans aspiration.
Si l'Éveillé paraissait nous abandonner,
c'est parce qu'il discernait nos pensées;
au début, il ne nous exhorta pas à progresser
en prêchant l'existence d'un gain réel.
De même que le maître de maison,
se rendant compte de la vilenie des desseins de son fils,
a, grâce à la force de ses expédients,
amadoué son coeur
pour après lui remettre
l'ensemble de sa fortune,
de même en est-il pour l'Éveillé;
il fait montre d'une conduite fort rare :
connaissant ceux qui se délectent du mineur,
il a, de par le pouvoir de ses expédients,
dompté leur esprit
et leur a enseigné la grande sagesse.
En ce jour, nous avons
obtenu ce qui était sans précédent;
ce que nous n'espérions pas même,
aujourd'hui nous l'avons spontanément gagné,
de la même façon que l'enfant pauvre
gagna un trésor incalculable.
Vénéré du monde, nous avons maintenant
obtenu la Voie, gagné le fruit;
dans la Loi sans souillure,
nous avons obtenu la pureté de vision.
Nous avons, en la longue nuit des siècles,
maintenu la pure moralité d'Éveillé;
aujourd'hui, pour la première fois,
nous en obtenons rétribution.
Dans la Loi du souverain de Loi,
nous avons longuement cultivé la pratique brahmique;
aujourd'hui nous obtenons l'état sans souillure,
le grand fruit sans supérieur.
À présent, nous sommes
d'authentiques auditeurs :
la proclamation de la voie de l'Éveillé,
à tous nous la ferons entendre.
À présent, nous sommes
d'authentiques Méritants :
parmi les dieux, hommes, diables et brahmâ
des multiples mondes,
partout au milieu d'eux,
nous devrons recevoir des offrandes.
Le Vénéré du monde, en sa grande grâce,
recourt à une fort rare conduite :
nous prenant en pitié, il nous enseigne et nous convertit,
nous comblant de bienfaits.
En d'innombrables âges cosmiques,
qui pourrait le lui rendre ?
Des mains et des pieds faisons-lui offrande,
saluons-le de la tête, rendons-lui hommage,
offrons-lui tout,
jamais nous ne pourrons nous acquitter.
Même en portant
sur nos deux épaules des chargements,
durant des éons nombreux comme les sables du Gange,
pour de tout coeur lui faire hommage;
ou encore par de fins mets,
d'innombrables vêtements précieux,
ainsi que des articles de literie,
toutes sortes de potions et remèdes,
de bois de santal tête-de-boeuf
ainsi que des matières précieuses,
pour en édifier des pagodes,
recouvrir le sol de tissus de prix :
même en faisant des offrandes
par ce genre de conduite,
durant des éons nombreux comme les sables du Gange,
nous ne pourrons pas plus nous acquitter.
Aux Éveillés, les si rares,
incalculables, infinis,
inconcevablement
grands pouvoirs surnaturels;
sans infection ni confection,
souverains des enseignements,
ils sont capables, pour les inférieurs,
de supporter ce genre de conduite.
Aux profanes qui ne prennent que l'aspect des choses,
ils prêchent en s'accommodant à leurs dispositions.
Les Éveillés, pour ce qui est de la Loi,
ont fait leur une suprême liberté;
connaissant chez les êtres
la diversité des désirs
et leur force de volonté,
selon ce qu'ils pouvaient endurer
et à l'aide d'innombrables paraboles,
ils leur prêchent la Loi.
En fonction de ce que les êtres ont
comme racines de bien des existences antérieures,
sachant en plus si elles ont mûri
ou bien pas encore,
à l'aide d'une variété d'estimations,
en ayant pris connaissance avec discernement,
ils accommodent à leurs dispositions la voie du Véhicule unique
et le leur prêchent en trois.
Fin du livre second


^*^*^*^ 


Chapitre V
La parabole des simples
En cette heure, le Vénéré du monde déclara à Mahâkâçyapa et aux grands disciples :
C'est bien, c'est fort bien, Kâçyapa, tu as fort bien exposé les mérites réels de l'Ainsi-Venu. Il en est véritablement comme tu l'as dit, et l'Ainsi-Venu possède encore d'innombrables et infinis mérites incalculables; même si tu les exposais pendant d'innombrables myriades d'âges cosmiques, tu ne saurais les épuiser.
Il te faut le savoir, Kàçyapa l'Ainsi-Venu est roi des enseignements; rien de ce qu'il prêche n'est vain. L'ensemble des enscignements, c'est par les expédîents de sa sagesse qu'il les expose. Les lois qu'ils prêchent, toutes tant qu'elles sont, font atteindre à la terre de l'omniscience. L'Ainsi-Venu sait par son discernement où mène l'ensemble des enseignements, de même qu'il sait ce qui s'opère au plus profond de la pensée des êtres; sa pénétration perspicace est sans obstacle. De plus, il est d'une lucidité consommée pour ce qui est des enseignements, et montre aux êtres l'ensemble des sagesses.
Kàçyapa, imagine, par exemple, les herbes et les arbres, les forêts et les simples qui poussent de par les monts et les fleuves, les vallées et les sols du monde tricosmique; dans leur diversité et leur variété, chacun est dîfférent par son nom et sa forme. Une dense nuée va s'étendant de plus en plus largement jusqu'à couvrir l'ensemble du monde tricosmique; en un même moment, elle se répand en une pluie égale, dont l'humidité fertilise universellement herbes et arbres, forêts et simples; petites racines, petits troncs, petites branches, petites feuilles, racines moyennes, troncs moyens, branches moyennes, feuilles moyennes, grandes racines, grands troncs, grandes branches, grandes feuilles; les arbres grands et petits, selon qu'ils sont de haute, moyenne ou basse taille, en reçoivent chacun. Avec la pluie d'un seul et même nuage, ils obtiendront, conformément à leur nature séminale, de croître, de fleurir et de porter des fruits. Bien que nés d'un même sol, fertilisés d'une même pluie, herbes et arbres sont tous distincts les uns des autres.
Il te faut le savoir, Kàçyapa, il en va tout de même pour l'Ainsi-Venu; il apparaît au monde comme surgit le grand nuage; il porte, de sa grande voix, à l'universalité des dieux, hommes et titans du monde, de même que le grand nuage couvre universellement les terres du monde tricosmique. Au sein d'une grande foule, il proclame ces paroles : « Je suis l'Ainsi-Venu, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, bien parti, comprenant le monde, héros suprême, dompteur, préçepteur des dieux et des hommes, l'Eveillé, le Vénéré du monde, celui qui fait passer ceux qui ne sont pas encore passés, qui libère ceux qui ne sont pas libérés, qui soulage ceux qui ne sont pas en paix, qui mène à l'Extinction ceux qui n'y sont pas encore. Les existences présentes et à venir, je les connais en leur réalité, je suis l'omniscient, l'omnivoyant, celui qui connaît la Voie, celui qui ouvre la Voie, celui qui expose la Voie. Vous tous, multitude de dieux, d'hommes, de titans, devez venir ici afin d'écouter la Loi. »
À ce moment, toutes sortes d'êtres, en d'innombrables milliers de myriades, viennent auprès de l'Éveillé et écoutent la Loi. L'Ainsi-Venu discerne alors le caractère aigu ou obtus des facultés des êtres, leur énergie ou leur inertie, et leur expose la Loi selon ce qu'ils peuvent en supporter en d'innombrables variétés, les menant tous à la joie et à l'obtention allègre de bienfaits. Ces êtres, ayant entendu la Loi, sont soulagés pour l'existence présente et, pour l'existence suivante, renaîtront en des lieux propices, où ils recevront, selon leur voie, la félicité et obtiendront encore d'entendre la Loi. Une fois qu'ils l'auront entendue, ils seront dégagés des obstacles et, au sein des différents enseignements, conformément à ce que leur force permettra, ils entreront graduellement dans la Voie, de la même façon que, le grand nuage ayant répandu sa pluie sur les herbes et les arbres, les forêts et les simples, selon leur nature séminale, ils bénéficient en totalité de l'aspersion et chacun obtient de croître.
La Loi que prêche l'Ainsi-Venu a un unique aspect, une unique saveur, à savoir l'aspect de délivrance, l'aspect de dégagement, l'aspect de Disparition, parachevé dans la science de toutes les espèces. Ceux des êtres qui entendent la Loi de l'Ainsi-Venu, soit qu'ils la préservent, la récitent ou la pratiquent telle qu'elle a été exposée, ne se rendent pas compte des mérites qu'ils acquièrent ainsi. Comment cela se fait-il ? C'est que seul l'Ainsi-Venu connaît l'espèce, l'aspect, la substance, la nature d'un être, ce à quoi il pense, ce à quoi il réfléchit, ce à quoi il s'exerce, comment il y pense, comment il y réfléchît, comment il s'y exerce, selon quelle méthode il pense, selon quelle méthode il réfléchit, selon quelle méthode il s'exerce, et par quelle méthode il obtient quelle Loi. La variété des terres où demeurent les êtres, seul l'Ainsî-Venu la perçoit en sa réalité, avec une lucidité à laquelle rien ne fait obstacle, de la même façon que les herbes et les arbres, les forêts et les simples ne savent pas d'eux-mêmes qu'ils sont de nature supérieure, moyenne ou inférieure, alors que l'Ainsi-Venu sait qu'il s'agît d'une Loi d'aspect unique et de saveur unique, à savoir l'aspect de délivrance, l'aspect de dégagement, l'aspect de disparition, parachevé dans l'aspect éternellement apaisé de l'Extinction et qui converge finalement vers la vacuité. L'Éveillé, ayant pris connaissance de cela, considère les désirs dans la pensée des êtres et se soucie de préserver ces derniers; c'est pourquoi il ne leur prêche pas immédiatement la science de toutes les espèces.
Vous autres, Kâçyapa, avez la chance rarissime de pouvoir prendre connaissance de la Loi que l'Ainsi-Venu prêche en l'accommodant aux dispositions, dc pouvoir la recevoir et y prêter foi. Comment cela se fait-il ? C'est que la Loi que les Éveillés Vénérés du monde prêchent en l'accommodant aux dispositions est difficile à comprendre et difficile à connaître.
Alors, le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Le roi de la Loi, qui détruit l'existant,
apparaît au monde
et, selon les désirs des êtres,
prêche la Loi de façon variée.
Vénérable est l'Éveillé,
sa sagesse est profonde et porte loin;
longtemps il en tait la quintessence,
il ne cherche pas à l'exposer précipitamment.
Qui a la sagesse, s'il l'entend,
peut croire et comprendre;
qui est sans sagesse doute et regrette,
et elle est à jamais perdue pour lui.
C'est pourquoi, Kâçyapa,
il leur prêche selon leurs forces,
en toutes sortes de modalités
il leur fait obtenir la vue correcte.
Kâcyapa, il te faut le savoir,
il en est comme d'une grande nuée
qui se lèverait sur le monde
et recouvrirait l'ensemble des choses,
une nuée bienfaisante, porteuse d'humidité,
aux éclairs fulgurants,
au tonnerre faisant trembler au loin,
et qui réjouit les êtres.
Elle obstrue les rayons du soleil,
rafraîchit la terre,
elle s'étire vers le sol en longues trainées
que l'on pourrait presque attraper.
Sa pluie, universelle, égale,
tombe aux quatre orients,
se déverse sans mesure,
tout le sol s'en imprègne,
monts et fleuves, vallées encaissées,
au plus profond desquelles poussent
herbes, arbres et simples,
essences grandes et petites,
céréales, riz,
cannes à sucre, vignes;
il n'est rien qui, humecté par la pluie,
ne prospère pleinement.
Le sol desséché est partout aspergé,
simples et arbres foisonnent de concert;
l'eau d'unique saveur
issue de cette nuée,
herbes et plantes, buissons et forêts,
selon leur part en sont imprégnés;
tous les arbres,
qu'ils soient supérieurs, moyens, inférieurs,
conformément à leur taille,
peuvent chacun croître et pousser;
racines, troncs, branches et feuilles,
fleurs et fruits aux brillantes couleurs,
sitôt que la pluie les atteint,
gagnent tous un éclat de fraîcheur.
Selon que leur substance, leur aspect,
leur nature se répartissent en grands et petits,
bien qu'ils soient uniment humectés,
ils foisonnent chacun à sa manière.
Il en est de même de l'Éveillé :
il apparaît au monde
comparable à la grande nuée
qui recouvre l'ensemble des choses;
dès lors qu'il est au monde,
à l'intention des êtres,
il expose en distinctions et discernement
la réalité des enseignements et entités.
Le grand saint, le Vénéré du monde,
au milieu de toutes les foules
de dieux et d'hommes,
proclama ces paroles :
« Je suis l'Ainsi-Venu,
le vénéré des humains aux deux jambes :
apparu au monde
tout comme une grande nuée,
je fertilise pleinement l'ensemble
des êtres fanés et flétris,
leur permets à tous de se dégager de la douleur,
d'obtenir la félicité du soulagement,
la félicité du monde
ainsi que la félicité de l'Extinction.
Vous tous, foule des dieux et des hommes,
écoutez bien, d'un seul coeur !
Vous vous devez de vous rendre ici
et contempler le Vénéré sans supérieur.
Je suis le Vénéré du monde,
celui que nul ne peut égaler;
c'est pour soulager les êtres
que j'apparais au monde,
je prêche aux multitudes
la Loî d'une pureté de douce rosée, d'ambroisie;
cettce Loi a une unique saveur,
elle est délivrance et Extinction.
En un son sublime et unique,
j'en expose et développe le sens;
c'est toujours en vue du Grand Véhicule
que je confectionne causes et conditions.
J'en considère l'ensemble
universellement, également pour tous,
je n'ai, pour l'un ou pour l'autre,
nulle pensée d'amour ou de haine;
je suis sans attachement ni cupidité,
sans limite ni obstacle non plus;
invariablement, pour tous tant qu'ils sont,
en toute égalité, je prêche la Loi;
comme je le fais pour un seul,
de même fais-je pour tous.
Toujours j'expose la Loi;
je n'eus jamais d'autre entreprise.
Que j'aille ou que je vienne, debout ou assis,
je ne ressens aucunement fatigue ni dégoût,
je remplis le monde
comme la pluie fertilise tout;
sur nobles et vils, supérieurs et inférieurs,
moraux ou immoraux,
pourvus ou dépourvus
d'autorité imposante,
aux vues correctes ou perverses,
aux facultés aiguës ou obtuses,
tout également je fais pleuvoir la pluie de Loi,
et ce sans me lasser.
Ceux, parmi l'ensemble des êtres,
qui entendent ma Loi,
selon ce que leur force en reçoit,
demeurent en les diverses terres;
certains trouvent place parmi les hommes ou les dieux,
comme saints souverains de l'orbe,
comme Indra, Brahmâ ou les divers rois :
ce sont les simples mineures.
Ceux qui prennent connaissance de la Loi sans infection,
qui peuvent gagner l'Extinction,
susciter les six pouvoirs divins,
et obtenir les trois sciences,
qui résident solitaires par monts et forêts,
qui pratiquent constamment méditation et concentration,
qui obtiennent d'attester l'Éveil par les conditions,
ce sont les simples moyennes.
Ceux qui sont en quête de la place de Vénéré du Monde :
"Je deviendrai pour sûr un Eveillé" [disent-ils],
pratiquant le zèle et la concentration,
ce sont les simples supérieures.
De plus, les fils d'Éveillé
qui consacrent leur pensée à la voie d'Éveillé,
qui pratiquent constamment la compassion,
sachant en eux-mêmes qu'ils deviendront Éveillés,
sans obstacle dans leur détermination,
constituent les petits arbres.
Ceux qui, demeurant fermement en leurs pouvoirs divins,
mettent en branle la roue sans régression,
sauvent, par innombrables milliers
de millions, les êtres,
de tels êtres d'Éveil constituent les grands arbres.
La prédication de l'Éveillé, égale pour tous,
est comme la pluie, dont la saveur est unique;
selon la nature des êtres,
elle n'est pas reçue de même façon,
tout comme les herbes et les arbres
sont imprégnés différement.
L'Éveillé utilise cette parabole
pour révéler et montrer à l'aide d'expédients,
et, par une variété de locutions,
exposer la Loi unique.
Dans la sagesse de l'Éveillé,
c'est comme une goutte dans l'océan.
Je fais pleuvoir la pluie de Loi
qui remplit le monde;
la Loi, dont la saveur est une,
est pratiquée selon les forces de chacun.
De même, dans ces forêts,
les simples et les arbres,
en fonction de leur taille,
croissent peu à peu en luxuriance et en beauté.
La Loi des Éveillés
est toujours d'une unique saveur,
elle permet aux mondes
universellement de gagner la plénitude
et, par une pratique graduelle,
à tous d'obtenir le fruit de l'Éveil.
les auditeurs et les éveillés par les liens causaux,
qui ont élu domicile dans monts et forêts
et demeurent en leur dernier corps,
à l'écoute de la Loi en obtiennent le fruit :
ils constituent les simples,
chacun obtient de croître et grandir.
Chez les êtres d'Éveil,
fermes en leur sagesse,
qui ont accès aux trois mondes,
en quête du Véhicule insurpassable,
ils constituent les petits arbres
et obtiennent aussi de croître et grandir.
Il y a encore ceux qui demeurent en méditation
et obtiennent les pouvoirs divins;
entendant que les entités sont vides,
ils se réjouissent grandement en leur coeur;
fls émettent d'innombrables rayons lumineux
pour faire traverser les êtres;
ils constituent les grands arbres
et obtiennent aussi de croître et grandir.
C'est ainsi, Kàçyapa,
que la Loi prêchée par l'Éveillé
est comparable à un grand nuage :
à l'aide de sa pluie de saveur unique,
elle fertilise les fleurs humaines
et chacune obtient de réaliser son fruit.
Kàçyapa, il faut le savoir :
grâce aux relations
et à la variété des paraboles,
révéler et montrer la Voie d'Éveillé,
tels sont mes expédients salvifiques;
il en va de même des Éveillés.
Maintenant, à votre intention,
j'expose une chose éminemment réelle :
la foule des auditeurs
n'est aucunement passée en Disparition;
ce que vous, vous pratiquez
est la voie des êtres d'Éveil;
en la cultivant graduellement,
vous obtiendrez tous tant que vous êtes de devenir Evéillés ».


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CHAPITRE VI
L'annonciation

En cette heure, le Vénéré du monde, ayant exposé ces stances, s'adressa à la vaste foule en proclamant les mots qui suivent :
Ce mien disciple, Mahâkâçyapa, obtiendra, dans les âges futurs, d'être admis auprès de trois millions de myriades d'Éveillés Vénérés du monde, de leur faire offrande, de leur rendre hommage, de leur faire révérence, de les exalter et de propager largement les innombrables grands enseignements d'Éveillés. En son tout dernier corps, il obtiendra de réaliser l'état d'Éveillé et sera appelé l'Ainsi-Venu Clarté-Rayonnante, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde. Son royaume aura nom Lumineux-Mérite, son éon sera appelé Grand-Ornement. L'âge de l'Éveillé sera de douze éons mineurs; la Loi correcte demeurera au monde vingt éons mineurs, et la Loi de semblance vingt éons mineurs également. Son royaume sera somptueusement orné, exempt de souillures et de maux, de tuiles et de gravier, de ronces et d'épines, d'excréments et d'impuretés; la terre en sera plate et égale, sans dénivellations, sans fossés ni éminences; le sol en sera de béryl, des arbres de matières précieuses s'y aligneront; d'or seront les cordons qui borderont les routes; des fleurs de matières précieuses les joncheront; ce ne sera, partout et en tous lieux, que pureté.
En ce royaume, les êtres d'Éveil seront par innombrables myriades, de même que les foules d'auditeurs seront incalculables. Les entreprises du Malin n'y existeront point; quand bien même y existeront le Malin lui-même et sa horde, ils protégeront tous la Loi de l'Éveillé.
Alors, le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Je le déclare aux moines :
de par mon oeil d'Éveillé,
je vois que notre Kâçyapa
dans un âge à venir,
après le passage d'innombrables éons,
obtiendra de devenir Éveillé,
et que dans ses futures existences
il fera offrande, après avoir été admis en leur présence,
à trois millions de myriades
d'Éveillés Vénérés du monde;
en vue de la sagesse d'Éveillé
il pratiquera avec pureté la conduite brahmique
et, ayant fait offrande aux suprêmes
Vénérés des êtres aux deux jambes,
ayant pratiqué l'ensemble
des sagesses insurpassables,
en son ultime corps,
il obtiendra de réaliser l'état d'Éveillé.
Sa terre sera pure,
de béryl en sera le sol,
nombreux les arbres précieux
qui s'aligneront au bord des routes;
des cordons d'or délimiteront les voies,
pour la joie de qui les verra.
De doux parfums constamment en émaneront,
on y dispersera de nombreuses fleurs de renom;
toutes sortes de merveilles
viendront l'orner.
Le sol en sera plat et égal,
dépourvu d'élévations comme de fossés.
La multitude des êtres d'Éveil
ne pourra en être dénombrée;
ils auront la pensée docile et conciliante,
auront atteint les grands pouvoirs divins,
ils maintiendront les Écritures
du Grand Véhicule des Éveillés.
La multitude des auditeurs,
en leur ultime corps,
fils du roi de la Loi,
ne saura non plus être comptée;
même à l'aide de l'oeil divin,
il sera impossible d'en connaître le nombre.
Cet Éveillé aura un âge
de douze éons mineurs;
la Loi correcte demeurera au monde
vingt éons mineurs;
la Loi de semblance aussi demeurera
vingt éons mineurs.
Telles seront les oeuvres
du Vénéré du monde Clarté-Rayonnante.
Alors Mahâmaudgalyayâna, Subhûti, Mahâkâtyâyana et les autres, tous tant qu'ils étaient, tremblants et frémissants, joignirent unanimement les paumes, levèrent les yeux vers le visage vénéré, ne le quittant pas un instant du regard et, à l'unisson, récitèrent les stances :
Farouche héros, Vénéré du monde,
roi de la Loi des Çâkya,
parce que tu nous prends en pitié,
dispense-nous le son de ta voix d'Éveillé.
Si, de par ta connaissance du profond de nos coeurs,
il s'en trouve pour se voir conférer l'annonciation,
ce sera comme une douce aspersion d'ambroisie,
qui disperse la fièvre et procure la fraîcheur.
Il en est comme de qui viendrait d'une contrée affamée
et trouverait soudain un festin royal :
Il a encore doute et crainte en son coeur
et n'ose se mettre à manger;
ce n'est qu'après avoir eu l'instruction du roi
qu'il aura le courage de manger.
Il en est de même pour nous :
toujours à réfléchir aux erreurs du Petit Véhicule,
ne sachant pas comment
faire nôtre la sagesse insurpassable d'Éveillé;
même si nous entendons la voix de l'Éveillé
dire que nous deviendrons nous-mêmes Éveillés,
nous avons encore, en notre coeur, crainte et angoisse,
comme celui qui n'ose se mettre à manger.
Si nous avons la grâce de recevoir l'annonciation d'Éveillé,
nous en aurons alors joie et soulagement.
Le farouche héros, Vénéré du monde,
a pour constant désir de soulager le monde,
nous souhaitons qu'il nous confère l'annonciation,
de même que l'affamé aspire à l'autorisation de manger.
Alors, le Vénéré du monde, sachant ce que les grands disciples pensaient en leur coeur, annonça aux moines :
Subhûti, que voici, sera, dans un âge futur, admis auprès de trois millions de myriades de milliards d'Éveillés, il leur fera offrande, leur rendra hommage, les vénérera et les exaltera. Il pratiquera constamment la conduite brahmique, complétera la voie d'être d'Éveil et, en son ultime corps, obtiendra de devenir Éveillé. Il sera appelé l'Ainsi-Venu Marque de Gloire, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde; son éon sera appelé Muni de Joyaux et son royaume Né de Joyaux. La terre y sera plate et égale, le sol en sera de cristal, orné d'arbres de matières précieuses; il sera exempt d'éminences et de ravins, de sable et de gravier, de ronces et d'épines, de la souillure des excréments. Des fleurs de matières précieuses recouvriront le sol, la pureté y sera universelle. Les gens de cette terre résideront tous en des pavillons d'une rare merveille, aux terrasses de joyaux. Les disciples auditeurs y seront innombrables, sans limites; chiffres ou comparaison ne sauraient les faire connaître. Les foules d'êtres d'Éveil y seront par myriades, millions et milliards. L'âge de l'Éveillé sera de douze éons mineurs; la Loi correcte demeurera au monde vingt éons mineurs, et la Loi de semblance vingt éons mineurs également. L'Éveillé y demeurera en permanence dans l'espace, à prêcher la Loi à la multitude, et donnera la délivrance à d'innombrables foules d'êtres d'Éveil et d'auditeurs.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Ô multitude des moines !
Je vous le déclare à présent;
vous tous devez unanimement
écouter ce que j'expose :
mon grand disciple,
Subhûti,
obtiendra de devenir Éveillé
et sera appelé Marque de Gloire.
Il fera offrande à d'innombrables
millions d'Éveillés;
se conformant aux pratiques des Éveillés,
il complétera graduellement la Grande Voie.
En son ultime corps il obtiendra
les trente-deux marques;
droit et altier, sublimement beau,
il sera comme un mont de pierres précieuses.
Son royaume d'Éveillé
sera le premier en magnificence et pureté;
les êtres qui le verront
ne pourront que s'en détecter.
En son centre, l'Éveillé
fera passer d'innombrables multitudes;
au sein de la Loi de cet Éveillé,
nombreux seront les êtres d'Éveil,
tous sans exception de facultés aiguës,
qui mettront en branle la roue sans régression.
Ce royaume sera en permanence
paré d'êtres d'Éveil;
la multitude des auditeurs
ne pourra y être dénombrée,
tous feront leurs les trois sciences,
seront munis des six pouvoirs divins,
demeureront dans les huit délivrances,
posséderont une grande autorité.
Cet Éveillé, en prêchant la Loi,
manifestera d'innombrables
transformations fondées sur ses pouvoirs surnaturels,
elles seront inconcevables.
Les dieux et les hommes,
nombreux comme les sables du Gange,
joindront tous ensemble les paumes
et écouteront les propos de l'Éveillé.
Celui-ci aura un âge
de doure éons mineurs;
la Loi correcte demeurera au monde
vingt éons mineurs,
et la Loi de semblance durera aussi
vingt éons mineurs.
Alors le Vénéré du monde déclara encore à la foule des moines :
Je vous l'annonce maintenant, voici que Mahâkâçyapa fera, dans un âge à venir, offrande de toutes sortes de présents et se vouera à huit mille myriades d'Éveillés, il leur rendra hommage et les vénérera. Après la Disparition de ces Éveillés, il élèvera à chaque fois une pagode haute de mille parasanges, dont la longeur et la largeur, égales entre elles, seront de cinq cents parasanges, tout en or, argent, béryl, nacre, agate, perle, corail, les sept matières précieuses réunies; d'abondance de fleurs, pendentifs, onguents, poudres, encens, dais de soie, bannières, il fera offrande aux pagodes. Cela achevé, il devra encore faire offrande à vingt mille myriades d'Éveillés, de la même façon.
Une fois qu'il aura fait offrande à ces Éveillés, il mènera à bien la voie d'être d'Éveil et obtiendra de devenir Éveillé. Il sera appelé l'Ainsi-Venu Éclat Doré du Fleuve Jambû, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde. Sa terre sera plate et égale, le sol en sera de cristal, elle sera ornée d'arbres de matières précieuses; des cordons d'or délimiteront le bord des routes. De sublimes fleurs recouvriront le sol; la pureté y sera universelle. Qui la verra ne pourra que s'en réjouir. Elle sera exempte des quatre mauvaises voies que sont les enfers, les démons affamés, les animaux et les titans. Nombreux y seront les dieux et les hommes, les foules d'auditeurs ainsi que d'êtres d'Éveil, en innombrables myriades, qui orneront son royaume. L'âge de l'Éveillé y sera de douze éons mineurs; la Loi correcte demeurera au monde vingt éons mineurs, et la Loi de semblance également vingt éons mineurs.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Ô multitude des moines,
écoutez tous d'un seul coeur :
en ce que je vous expose,
nulle divergence avec la réalité :
voici que Kâçyapa,
grâce à toutes sortes
de présents merveilleux,
fera offrande aux Éveillés.
Après leur Disparition,
il élèvera des pagodes de sept matières précieuses,
et, avec fleurs et parfums,
il fera offrande à leurs reliques.
En son ultime corps,
il fera sienne la sagesse d'Eveillé
et réalisera l'Éveil égal et correct.
Son royaume sera pur,
il délivrera d'innombrables
myriades d'êtres,
il sera l'objet d'offrandes
de tous les dix orients.
L'éclat radieux de l'Éveillé,
rien ne pourra le surpasser.
Cet Éveillé aura pour nom
Éclat Doré de Jambû.
Les êtres d'Éveil et les auditeurs,
ayant tranché l'ensemble des existants,
innombrables, incalculables,
pareront son royaume.
Alors le Vénéré du monde déclara encore à la grande multitude :
Je vous l'annonce maintenant, voici que Mahâmaudgalyâyana, grâce à toutes sortes de présents, fera offrande à huit mille Éveillés, leur rendra hommage et les vénérera. Après leur Disparition, il leur élèvera à chaque fois une pagode haute de mille parasanges, dont la longueur et la largeur, égales entre elles, seront de cinq cents parasanges, tout en or, argent, béryl, nacre, agate, perle, corail, les sept matières précieuses réunies; d'abondance de fleurs, guirlandes, onguents, poudres, encens, dais de soie, bannières, il leur fera offrande. Cela achevé, il fera encore offrande à deux millions de myriades d'Éveillés, de la même façon.
Il obtiendra de devenir Éveillé et sera appelé l'Ainsi-Venu Parfum de Tamâla et Santal, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde. Son éon sera appelé Plein de Joie, son royaume aura nom Délice-Mental, la terre en sera plate et égale, le sol en sera de cristal, des arbres de matières précieuses l'orneront, elle sera parsemée de fleurs de perles, la pureté y sera universelle. Qui la verra ne pourra que s'en réjouir. Nombreux y seront dieux et hommes; êtres d'Éveil et auditeurs y seront en nombres incalculables. L'âge de l'Éveillé y sera de vingt-quatre éons mineurs. La Loi correcte demeurera au monde quarante éons mineurs, et la Loi de semblance également quarante éons mineurs.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en ces stances :
Voici que mon disciple,
Mahâmaudgalyâyana,
quand il aura quitté ce corps,
obtiendra de voir huit mille
et vingt millions de myriades
d'Éveillés Vénérés du monde.
Au nom de la voie d'Éveillé,
il leur fera offrande et leur rendra hommage;
auprès de ces Éveillés
Il pratiquera constamment la conduite brahmique;
d'innombrables éons durant,
il maintiendra la Loi d'Éveillé.
Après la Disparition de ces Éveillés,
il leur élèvera des pagodes de sept matières précieuses,
qui seront signalées de loin par des flêches dorées;
de fleurs, parfums et musique
il fera offrande
aux pagodes des Éveillés.
Ayant graduellement complété
la voie d'être d'Éveil,
en son royaume de Délice-Mental,
il obtiendra de devenir Éveillé,
avec pour nom Parfum
de Tamâla et Santal.
L'âge de cet Éveillé
sera de vingt-quatre éons mineurs.
Constamment, à l'intention des dieux et des hommes,
il exposera la voie d'Éveillé.
Les auditeurs, aussi innombrables
que les grains de sable du Gange,
aux trois sciences et aux six pouvoirs,
y seront d'une imposante dignité;
les êtres d'Éveil sans nombre,
de ferme volonté et zèle
pour ce qui concerne la sagesse d'Éveillé,
n'y connaîtront nulle régression.
Une fois l'Éveillé passé en Disparition,
la Loi correcte perdurera
quarante éons mineurs;
de même que la Loi de semblance.
Tous mes disciples,
pleinement munis d'autorité,
au nombre de cinq cents,
se verront conférer l'annonciation :
En un âge à venir,
tous vous obtiendrez de devenir Éveillés.
Les causes et conditions des existences antérieures,
les miennes comme les vôtres,
je vais à présent les exposer.
Ecoutez-moi bien !


^*^*^*^ 


CHAPITRE VII
La ville fantasmagorique

L'Éveillé déclara aux moines :
Il y a de cela d'innombrables, infinis, inconcevables éons incalculables dans le passé; en ce temps-là était un Éveillé dont le nom était l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde. Son royaume était appelé Bien-Accompli et son éon Aspect de Grandeur.
Ô moines ! Il y a immensément longtemps que cet Éveillé est passé en Disparition. Imaginez les grains de terre qui existent dans le monde tricosmique : si quelqu'un les broyait pour en faire de l'encre, puis, ayant franchi vers l'est mille royaumes, déposait alors un point de la taille d'un atome; passant encore mille royaumes, il déposerait un autre point, progressant de la sorte jusqu'à l'épuisement de cette encre faite de grains de terre. Qu'en serait-il, à votre avis ? Tous ces royaumes, que ce soit par un mathématicien ou un disciple de mathématicien, pourrait-on leur assigner une limite et en connaître le nombre ou non ?
- Non, Vénéré du monde.
- Eh bien, moines, si l'on réduisait en poussière l'intégralité des royaumes franchis par cet homme, qu'ils soient ou non marqués d'un point, et si chaque poussière était un éon, depuis que cet Éveillé est passé en Disparition, il y a eu un nombre plus grand encore d'innombrables et infinis millions de myriades d'éons incalculables. De par la puissance du savoir et de la vision d'Ainsi-Venu qui sont les miens, je discerne, tout comme si c'était aujourd'hui même, ce lointain passé. »
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Je me rappelle qu'en un âge passé
d'innombrables et infinis éons,
était un Éveillé, vénéré des humains aux deux jambes,
au nom de Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse.
De même que si l'on broyait avec force
un monde tricosmique,
faisant de tous ces grains de terre,
sans exception, de la poudre d'encre,
qu'après avoir passé mille royaumes,
on déposait un point de la taille d'une poussière,
et que l'on continuait à marquer des points de cette façon
jusqu'à épuisement de la poussière d'encre;
si les royaumes qui auraient été de cette façon
marqués ou non d'un point
étaient à leur tour intégralement réduits en poussière
et que chaque poussière était un éon,
le nombre de ces poussières d'atomes
serait encore dépassé par celui des éons :
tels sont les éons innombrables
depuis que cet Éveillé est passé en Disparition.
L'Ainsi-Venu, de par sa sagesse sans obstacle,
a connaissance du passage en Disparition de cet Éveillé,
ainsi que des auditeurs et des êtres d'Éveil,
comme s'il voyait à présent leur passage en Disparition.
Il vous faut savoir, moines,
que la sagesse de l'Éveillé est pure, subtile, sublime,
sans infection et dépourvue d'obstacles,
et que son accès s'étend à d'innombrables éons.
L'Éveillé déclara aux moines :
L'âge de l'Éveillé Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse fut de cinq millions quatre cent mille myriades de milliards d'éons. Cet Éveillé, assis à l'origine au lieu de la Voie et ayant défait les armées du Malin, était sur le point d'obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur, mais les attributs d'Éveillé ne lui apparaissaient point. Ainsi resta-t-il assis, les jambes repliées et croisées, immobile de corps et de pensée, entre un et dix éons mineurs durant, mais les attributs d'Éveillé n'apparaissaient pas encore. Alors les dieux Trente-Trois commencèrent à déployer pour lui, sous l'arbre d'Éveil, le trône de lion haut d'une parasange. C'est sur ce trône que l'Éveillé devait obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Au moment où il s'y asseyait, les rois des dieux brahmiques firent pleuvoir une multitude de fleurs célestes d'une surface de cent parasanges; une brise parfumée survenait de temps en temps pour emporter de son souffle les fleurs fanées tandis qu'il en pleuvait de nouvelles. Ils firent de la sorte, sans interruption, offrande à l'Éveillé pendant dix éons mineurs complets. Jusqu'à ce qu'il passât en Disparition, ils firent constamment pleuvoir ces fleurs. Les dieux relevant des quatre rois célestes, pour faire offrande à l'Éveillé, battaient constamment les tambours célestes, tandis que les autres dieux faisaient de la musique céleste, ce durant dix éons mineurs complets, et il en fut ainsi jusqu'à ce qu'il passât en Disparition.
Ô moines, pour ce qui est de l'Éveillé Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse, au terme de dix éons mineurs, les attributs des Éveillés lui apparurent enfin et il réalisa l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Cet Éveillé, du temps qu'il n'avait pas encore quitté sa famille, avait seize fils, dont le premier s'appelait Amas de Sagesse. Chacun d'entre eux avait toutes sortes de jouets rares qu'il affectionnait. En entendant que leur père avait obtenu de réaliser l'Éveil complet et parfait sans supérieur, ils renoncèrent tous à ces raretés et se rendirent au lieu où se trouvait l'Éveillé. Leurs mères les accompagnèrent en pleurant. Leur grand-père, saint souverain de l'orbe, avec cent grands ministres et des millions de gens du peuple qui les entouraient tous ensemble, arrivèrent au lieu de la Voie. Tous désiraient approcher l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse pour lui faire offrande, lui rendre hommage, le vénérer et l'exalter. A leur arrivée, ils inclinèrent leur tête à ses pieds, puis, ayant fait cercle autour de l'Éveillé, les paumes jointes, ils levèrent unanimement vers lui leur regard et le louèrent en stances :
Grand et majestueux Vénéré du monde,
c'est pour sauver les êtres
qu'en innombrables myriades d'éons
tu as enfin pu devenir Éveillé,
menant ainsi complètement à bien tes voeux.
Excellent ! Insurpassable bonne fortune !
Fort rare est l'existence d'un Vénéré du monde;
une fois assis, dix éons mineurs durant,
corps, bras et jambes
tranquilles, calmes, immobiles;
la pensée en une permanente sérénité,
sans jamais être troublé,
il parachève la Disparition d'éternel apaisement
et demeure en paix dans les entités non infectées.
À présent nous voyons le Vénéré du monde
réaliser paisiblement la Voie d'Éveillé
et nous en gagnons de bons profits;
nous proclamons notre félicité et sommes en grande liesse.
Les êtres sont constamment dans la douleur et les affres,
enténébrés, privés de guide;
ils ne connaissent point la voie de l'épuisement de la douleur,
ils ne savent se mettre en quête de la délivrance;
en leur longue nuit, de plus en plus ils vont vers les mauvaises destinées,
de moins en moins vers la multitude des dieux.
Ils s'enfoncent d'obscurité en obscurité
sans jamais entendre le nom de l'Éveillé.
À présent l'Éveillé a fait sienne la suprême
et paisible voie sans infection.
Nous autres, ainsi que les dieux et les hommes,
en gagnons les plus grands profits,
c'est pourquoi nous inclinons tous la tête
et rendons hommage au Vénéré suprême.
Les seize princes, ayant fini de louer en ces stances l'Éveillé, exhortèrent le Vénéré du monde à mettre en branle la roue de la Loi et s'exprimèrent tous ainsi : « Que le Vénéré du monde prêche la Loi ! Nombreux seront les dieux et les hommes à être soulagés et inondés des bienfaits de sa commisération. »
Ils répétèrent ces propos en stances :
Le Héros du monde, lui qui est sans pareil,
qui s'est par lui-même orné des cent mérites
et a fait sienne la sagesse sans supérieur,
nous souhaitons qu'il prêche au monde
et qu'il nous délivre, nous-mêmes
comme les êtres de toute espèce,
qu'il nous la manifeste avec discernement
et nous fasse gagner cette sagesse.
Si nous obtenons l'état d'Éveillé,
il en ira de même pour les êtres.
Le Vénéré du monde sait ce que les êtres
pensent au fond de leur coeur,
de même connaît-il les voies qu'ils pratiquent;
il connaît encore la force de leur sagesse,
leurs désirs, les mérites auxquels ils s'exercent,
ainsi que les actes qu'ils accomplissent au long de leurs existences.
Tout cela, l'Éveillé le sait parfaitement,
il mettra donc en branle la roue de la Loi.
L'Éveillé déclara aux moines :
Lorsque l'Éveillé Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse obtint l'Éveil complet et parfait sans supérieur, chacun des cinq millions de myriades de mondes d'Éveillés des dix orients trembla de six façons. Les obscures régions intermédiaires de ces royaumes, que le soleil ni la lune ne peuvent éclairer de leur éclat, furent, alors grandement illuminées. Les êtres qui s'y trouvaient purent se voir les uns les autres et s'exclamèrent tous : "Comment se fait-il qu'en cet endroit naissent soudainement des êtres ?" De plus, les palais des dieux de ces royaumes, et jusqu'aux palais des Brahma tremblèrent de six façons. Une grande lumière se mit à luire sur l'univers, emplissant l'ensemble du monde et dépassant la lumière des dieux. Alors, dans les palais des dieux brahmiques qui se trouvaient sur les cinq millions de myriades de terres vers l'est, un éclat lumineux se mit à resplendir, supérieur à la clarté ordinaire. Les rois des dieux brahmiques eurent chacun cette pensée : voici qu'à présent le palais est illuminé comme il ne l'a jamais été de par le passé. Quelle est la raison de l'apparition de ce signe ? Les rois des dieux brahmiques se rendirent alors visite les uns les autres afin de s'entretenir de ces faits. Parmi leur nombre était un grand roi des dieux brahmiques qui avait nom Omnisalvateur. À l'adresse de la multitude des Brahmâ, il s'exprima en ces stances :
Nos palais
resplendissent comme jamais.
Quelle en est donc la raison ?
Il convient que chacun de nous la recherche;
est-ce qu'un dieu de grand mérite est né,
ou est-ce qu'un Éveillé a émergé au monde
pour que cette grande clarté
éclaire l'ensemble des dix orients ?
Alors les rois des dieux brahmiques des cinq millions de myriades de terres, avec leurs palais, ayant chacun disposé des fleurs célestes dans des vases et des étoffes, se dirigèrent ensemble vers l'ouest en quête de ce signe. Ils virent l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse demeurant au lieu de la Voie, sous l'arbre d'Éveil, assis sur le siège léonin, que dieux, rois dragons, centaures, chimères, pythons, humains et non-humains entouraient en vénération. Ils virent aussi les seize princes suppliant l'Éveillé de mettre en branle la roue de la Loi.
À ce moment, les rois des dieux brahmiques firent de la tête révérence à l'Éveillé et exécutèrent autour de lui cent fois mille circumambulations, puis dispersèrent sur lui les fleurs célestes, tant que les fleurs ainsi dispersées furent comme le mont Sumeru. Ils en firent pareillement offrande à l'arbre d'Éveil de l'Éveillé, et cet arbre d'Éveil était haut de dix parasanges. Une fois faites les offrandes de fleurs, chacun fit de son palais présent à cet Éveillé et lui parla ainsi : « Puissiez-vous seulement vous montrer miséricordieux et nous combler de vos bienfaits. Ces palais que nous vous offrons, faites-nous l'honneur, nous vous en prions, de les accepter pour demeure. » Alors, les rois des dieux brahmiques, en présence de l'Éveillé, psalmodièrent, unanimement et à l'unisson, les stances :
Bien rare est l'existence d'un Vénéré du monde,
difficile de pouvoir le rencontrer !
Muni qu'il est d'innombrables mérites,
il est capable d'assurer le salut de tous.
Grand maître des dieux et des hommes,
il a le monde en commisération
et les êtres des dix orients
sont universellement comblés de ses bienfaits.
L'endroit d'où nous venons
est à cinq millions de myriades de royaumes;
nous avons renoncé à la félicité des profondes concentrations
pour faire offrande à l'Éveillé.
De par les mérites de nos existences antérieures,
nos palais sont splendidement ornés;
nous les offrons à présent au Vénéré du monde,
en souhaitant seulement qu'il daigne les accepter.
Alors, les rois des dieux brahmiques, ayant loué en stances l'Éveillé, déclarèrent tous et chacun : « Notre seul souhait est que le Vénéré du monde mette en branle la roue de la Loi, qu'il mène les êtres à la délivrance, qu'il ouvre la voie de l'Extinction. »
Puis, les rois des dieux brahmiques, d'un seul coeur et à l'unisson, s'exprimèrent en stances :
Le héros du monde, le Vénéré des humains aux deux jambes,
notre seul souhait est qu'il expose la Loi,
que, de par la force de sa compassion,
il délivre les êtres de leurs affres.
Alors l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse acquiesça silencieusement.
En outre, ô moines ! les grands rois brahmiques de cinq millions de myriades de royaumes en direction du sud-est virent chacun son palais s'éclairer d'une lumière éclatante, comme il n'y en avait jamais eu de par le passé; ils exultèrent en leur liesse et conçurent un état d'esprit jamais encore éprouvé. Ils se rendirent aussitôt les uns chez les autres et discutèrent ensemble de cet événement. Or il se trouvait en leur nombre un grand roi des dieux brahmiques, du nom de Grand-Compatissant; il s'adressa à la foule des dieux brahmiques en ces stances :
Cet événement, à quelle raison est-il dû,
pour qu'apparaissent de tels signes ?
Nos différents palais
resplendissent d'une lumière jamais vue par le passé :
est-ce qu'un dieu de grand mérite est né,
ou bien un Éveillé surgit-il au monde ?
Jamais encore ne s'est vu tel signe,
il nous faut tous nous mettre unanimement en quête,
franchir même des millions de myriades de terres,
pour s'enquérir de cette lumière, la chercher ensemble.
Sans doute un Éveillé est apparu au monde
pour délivrer les êtres dans la peine.
Alors, les cinq millions de myriades de rois brahmiques, avec leurs palais, ayant chacun disposé des fleurs célestes en des vases a des étoffes, se dirigèrent ensemble en direction du nord-ouest, à la recherche de ce signe. Ils virent l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse demeurant au lieu de la Voie, sous l'arbre d'Éveil, assis sur le siège léonin; dieux, rois dragons, centaures, chimères, pythons, humains et non-humains l'entouraient en vénération. Ils virent aussi les seize princes suppliant l'Éveillé de mettre en branle la roue de la Loi.
Alors les rois des dieux brahmiques saluèrent l'Éveillé en courbant la tête et exécutèrent cent fois mille circumambulations, puis dispersèrent sur lui les fleurs célestes, tant que les fleurs ainsi dispersées furent comme le mont Sumeru. Ils en firent pareillement offrande à l'arbre d'Éveil de l'Éveillé. Une fois faites les offrandes de fleurs, chacun fit de son palais présent à cet Éveillé et lui parla ainsi : « Puissiez-vous seulement vous montrer miséricordieux et nous combler de vos bienfaits. Ces palais que nous vous offrons, faites-nous l'honneur, nous vous en prions, de les accepter pour demeure. »
Alors, les rois des dieux brahmiques, en présence de l'Éveillé, prononcèrent, d'un seul coeur et à l'unisson, les stances :
Au saint souverain, au dieu parmi les dieux,
à la philomélique voix,
à celui qui prend les êtres en pitié,
nous rendons à présent hommage.
Fort rare est l'existence du Vénéré du monde,
il n'apparaît qu'une fois en une éternité;
cent quatre-vingts éons
ont passé vainement, sans qu'y existât un Éveillé;
les trois mauvaises voies furent remplies,
le nombre des dieux alla s'amenuisant.
Maintenant que l'Éveillé est apparu au monde,
il sera la pupille des êtres,
vers qui convergera le monde,
le sauveur et protecteur de tous;
il sera le père des êtres,
le miséricordieux qui les comble de bienfaits.
De par la bonne fortune de nos mérites
nous obtenons maintenant de rencontrer le Vénéré du monde.
Alors les rois des dieux brahmiques, la stance achevée, tinrent tous et chacun ces propos : « Notre seul souhait est que le Vénéré du monde les prenne tous en pitié, qu'il mette en branle la roue de la Loi et mène les êtres à la délivrance. »
Sur ce, les rois des dieux brahmiques, d'un seul coeur et à l'unisson, récitèrent ces stances :
Que le grand saint mette en branle la roue de la Loi,
qu'il manifeste les marques de la Loi,
qu'il délivre les êtres de leurs affres
et leur fasse obtenir grande liesse.
Les êtres, à entendre cette Loi,
obtiendront la Voie, ou renaîtront parmi les dieux;
les mauvaises destinées iront diminuant
alors qu'augmenteront les braves et les bons.
Alors l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse acquiesça silencieusement.
De plus, ô moines ! les grands rois brahmiques de cinq millions de myriades de royaumes en direction du sud virent chacun son palais s'éclairer d'une lumière éclatante, telle qu'il n'y en avait jamais eu de par le passé; ils exultèrent en leur liesse et conçurent un état d'esprit jamais encore éprouvé. Ils se rendirent aussitôt les uns chez les autres et discutèrent ensemble de cet événement : « Par quelle raison nos palais se trouvent-ils ainsi illuminés ? » Or il était en leur nombre un grand roi des dieux brahmiques du nom de Sublime-Loi; il s'adressa à la foule brahmique en ces stances :
Voici que nos palais
s'illuminent d'un majestueux éclat;
cela n'est pas sans raison.
Ce signe, il convient de le rechercher,
car même au cours de cent fois mille éons,
jamais on n'en vit de tel.
Est-ce la naissance d'un dieu de grand mérite ou l'émergence au monde d'un Éveillé ?
Alors, les cinq millions de myriades de rois des dieux brahmiques, avec leurs palais, ayant chacun disposé des fleurs célestes en des vases et des étoffes, se dirigèrent ensemble vers le nord, à la recherche de ce signe. Ils virent l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse demeurant au lieu de la Voie, sous l'arbre d'Éveil, assis sur le siège léonin; dieux, rois dragons, centaures, chimères, pythons, humains et non-humains l'entouraient en vénération. De même virent-ils les seize princes suppliant l'Éveillé de mettre en branle la roue de la Loi .
Les rois des dieux brahmiques saluèrent alors l'Éveillé de leur tête courbée et exécutèrent cent fois mille circumambulations, puis dispersèrent sur lui les fleurs célestes, tant que les fleurs ainsi dispersées furent comme le mont Sumeru. Ils en firent pareillement offrande à l'arbre d'Éveil de l'Éveillé. Une fois faites les offrandes de fleurs, chacun fit de son palais présent à cet Éveillé et lui parla ainsi : « Puissiez-vous seulement vous montrer miséricordieux et nous combler de vos bienfaits. Ces palais que nous vous offrons, faites-nous l'honneur, c'est notre souhait, de les accepter pour demeure. »
Sur ce, les rois des dieux brahmiques, en présence de l'Éveillé, prononcèrent, d'un seul coeur et à l'unisson, ces stances :
Fort difficile à voir est le Vénéré du monde,
lui qui brise les passions;
cent trente éons se sont écoulés
pour que nous puissions le voir une seule fois à présent.
Ces êtres affamés et assoiffés,
Qu'il les inonde de la pluie de Loi !
Celui dont jamais de par le passé
ne s'est vue l'immense sagesse,
semblable à la fleur de figuier sauvage,
nous l'avons rencontré ce jour.
Voici que nos palais
grâce à sa lumière se trouvent parés.
Que le Vénéré du monde, le grand compatissant
veuille seulement, c'est notre souhait, les accepter.
Alors, les rois des dieux brahmiques, ayant loué en stances l'Éveillé, déclarèrent tous et chacun : « Notre seul souhait est que le Vénéré du monde mette en branle la roue de la Loi, qu'il mène l'ensemble des mondes, dieux, démons, Brahmâ, ascètes, brahmanes à l'obtention du soulagement et qu'il leur fasse gagner la délivrance. »
Sur ce, les rois des dieux brahmiques, unanimement et à l'unisson, récitèrent ces stances :
Notre seul souhait est que le Vénéré des dieux et des hommes
mette en branle la roue de la Loi insurpassable,
qu'il batte le grand tambour de Loi
et souffle dans la grande conque de Loi,
qu'il fasse universellement pleuvoir la grande pluie de Loi
et fasse traverser d'innombrables êtres;
nous tous nous en remettons à lui et le supplions,
qu'il proclame le son profond, portant au loin !
Alors, l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse acquiesça silencieusement.
Il en alla de même au sud, et ainsi jusqu'aux régions inférieures.
Alors, les grands rois brahmiques de cinq millions de myriades de royaumes des régions supérieures virent tous, tant qu'ils étaient, les palais où ils demeuraient s'illuminer d'une clarté éclatante, comme il n'y en avait jamais eu de par le passé; ils exultèrent en leur liesse et conçurent un état d'esprit rarissime. Ils se rendirent aussitôt les uns chez les autres et discutèrent ensemble de cet événement : « Pour quelle raison nos palais sont-ils ainsi illuminés ? » Or il se trouvait en leur nombre un grand roi des dieux brahmiques, du nom de Çikhin; il s'adressa à la foule des dieux brahmiques en ces stances :
Pour quelle raison, à présent,
nos différents palais
sont-ils illuminés d'un majestueux éclat
et se trouvent-il parés de façon inouïe ?
Un signe aussi sublime
ne s'est de par le passé ni vu ni entendu.
Est-ce qu'un dieu de grand mérite est né,
ou est-ce qu'un Éveillé a émergé au monde ?
Alors, les cinq millions de myriades de rois des dieux brahmiques, avec leurs palais, ayant chacun disposé des fleurs célestes en des vases et des étoffes, se dirigèrent ensemble vers la région inférieure à la recherche de ce signe. Ils virent l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse demeurant au lieu de la Voie, sous l'arbre d'Éveil, assis sur le siège léonin; dieux, rois dragons, centaures, chimères, pythons, humains et non-humains l'entouraient en vénération. Ils virent aussi les seize princes suppliant l'Éveillé de mettre en branle la roue de la Loi.
Les rois des dieux brahmiques saluèrent alors l'Éveillé de leur tête courbée et exécutèrent cent fois mille circumambulations, puis dispersèrent sur lui les fleurs célestes, tant que les fleurs ainsi dispersées furent comme le mont Sumeru. Ils en firent pareillement offrande à l'arbre d'Éveil de l'Éveillé. Une fois faites les offrandes de fleurs, chacun fit de son palais présent à cet Éveillé et s'adressa ainsi à lui : « Puissiez-vous seulement vous montrer miséricordieux et nous combler de vos bienfaits. Ces palais que nous vous offrons, faites-nous l'honneur, c'est notre souhait, de les accepter pour demeure. »
Sur ce, les rois des dieux brahmiques, en présence de l'Éveillé, prononcèrent d'un seul coeur et à l'unisson ces stances :
C'est bien ! Nous voyons que les Éveillés,
les vénérés saints qui sauvent le monde
sont capables, en cette prison des trois mondes,
d'oeuvrer à en sortir les êtres.
Le Vénéré des dieux et des hommes, à l'universelle sagesse,
prend en pitié les multiples variétés de bourgeons;
il est capable d'ouvrir les portes d'ambroisie
et de sauver largement tous et chacun.
Jadis, d'innombrables éons
passèrent vainement sans qu'il y eût d'Éveillé;
alors que le Vénéré du monde n'était pas encore apparu,
les dix orients étaient perpétuellement enténébrés,
les trois mauvaises voies allaient augmentant,
les titans aussi prospéraient;
le nombre des dieux allait, lui, en diminuant,
la plupart des morts tombaient dans les mauvaises voies
et n'entendaient pas la Loi de la bouche de l'Éveillé,
ils pratiquaient constamment des oeuvres immorales.
D'aspect, de force, ainsi que de sagesse,
ceux-là sont tous diminués;
en raison de leurs actes criminels,
ils ont perdu la délectation et la notion de délectation;
ils demeurent dans les enseignements de vues perverses
et ne connaissent pas les bonnes règles de conduite.
Ne bénéficiant pas de l'action salvifique de l'Éveillé,
ils tombent constamment dans les mauvaises voies.
L'Éveillé est la pupille du monde,
il émerge au bout d'un fort long temps,
parce qu'il a pris les êtres en pitié,
il est apparu au monde,
qu'il a transcendé pour réaliser l'Éveil correct.
Nous nous en réjouissons fort,
de même que tous les autres êtres,
qui sont transportés de joie comme jamais auparavant
Voici que nos palais,
ayant bénéficié de sa lumière, s'en trouvent parés.
Nous en faisons maintenant présent au Vénéré du monde,
qu'il daigne seulement, dans sa miséricorde, les recevoir.
Notre voeu est que, par ces mérites
universellement à tous propagés,
nous-mêmes et les êtres
réalisions tous ensemble la voie d'Éveillé.
Alors, les cinq millions de myriades de rois des dieux brahmiques, ayant loué en stances l'Éveillé, s'adressèrent chacun à celui-ci : « Notre seul souhait est que l'Éveillé mette en branle la roue de la Loi, nombreux ceux qui en auront soulagement et délivrance. »
Sur ce, les rois des dieux brahmaniques récitèrent en stances :
Que le Vénéré du monde mette en branle la roue de la Loi,
qu'il batte le tambour de Loi d'ambroisie,
qu'il sauve les êtres de leurs affres
et manifeste la Voie de l'Extinction.
Notre seul voeu est qu'il reçoive notre supplique,
que, d'un grand et sublime son,
nous ayant pris en pitié, il expose
la Loi qu'il a pratiquée en d'innombrables éons.
Alors, l'Ainsi-Venu Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse reçut la supplique des rois des dieux brahmiques des dix orients ainsi que des seize princes, et mit aussitôt par trois fois en branle la roue de la Loi aux douze aspects, celle qu'étaient incapables de mettre en branle les ascètes comme les brahmanes, les dieux, démons, Brahmâ comme les autres êtres du monde et qui dit : « Ceci est la douleur, ceci est l'origine de la douleur, ceci est la destruction de la douleur, ceci est la voie de la destruction de la douleur. » Il prêcha de même largement l'enseignement des douze liens causaux : l'ignorance entraîne les opérants, les opérants entraînent la conscience, la conscience entraîne le nom-forme, le nom-forme entraîne les six domaines sensoriels, les six domaines sensoriels entraînent le contact, le contact entraîne la sensation, la sensation entraîne l'appétence, l'appétence entraîne l'appropriation, l'appropriation entraîne l'existence, l'existence entraîne la naissance, la naissance entraîne la vieillesse et la mort, la misère et les affres.
Quand l'ignorance s'éteint, les opérants s'éteignent; quand les opérants s'éteignent, la conscience s'éteint; quand la conscience s'éteint, le nom-forme s'éteint; quand le nom-forme s'éteint, les six domaines sensoriels s'éteignent; quand les six domaines sensoriels s'éteignent, le contact s'éteint; quand le contact s'éteint, la sensation s'éteint; quand la sensation s'éteint, l'appétence s'éteint; quand l'appétence s'éteint, l'appropriation s'éteint; quand l'appropriation s'éteint, l'existence s'éteint; quand l'existence s'éteint, la naissance s'éteint; quand la naissance s'éteint, la vieillesse et la mort, la misère et les affres s'éteignent.
Lorsque l'Éveillé prêcha cette Loi au sein de la multitude des dieux et des hommes, six millions de myriades de milliards d'hommes, par leur refus de l'ensemble des entités, purent délivrer leur pensée des infections, obtinrent tous de profondes et sublimes concentrations, les trois sciences et les six pouvoirs extraordinaires, et se trouvèrent totalement munis des huit délivrances.
Lorsqu'il prêcha la Loi une seconde, troisième et quatrième fois, des milliards d'êtres, nombreux comme les sables de centaines de millions de Gange, refusant à leur tour l'ensemble des entités, obtinrent de délivrer leur pensée des infections; et, après cela, une multitude d'auditeurs, sans nombre ni limite, incalculables.
Alors, les seize princes, tous des jeunes gens, quittèrent leur famille et se firent novices. Leurs facultés étaient aiguës, leur sagesse était lucide; ils avaient auparavant fait offrande à des centaines de millions d'Éveillés et avaient pratiqué en sa pureté la conduite brahmique dans leur quête de l'Éveil complet et parfait sans supérieur; ils s'adressèrent ensemble à l'Éveillé :
- Vénéré du monde, ces centaines de millions d'innombrables auditeurs de grands mérites se sont tous désormais accomplis. Vénéré du monde, à nous aussi il conviendrait d'exposer l'enseignement de l'Éveil complet et parfait sans supérieur pour que, l'ayant entendu, nous nous exercions de concert à son étude. Vénéré du monde, nous appelons de nos voeux le savoir et la vision d'Ainsi-Venu. Ce que nous pensons au profond de notre coeur, l'Éveillé peut l'attester et le connaître de lui-même.
Alors, les huit cent mille millions de la multitude menée par le saint souverain de l'orbe, en voyant les seize princes quitter leur famille, réclamèrent à leur tour de quitter leur famille; les entendant, le roi le leur permit aussitôt.
Alors, l'Éveillé, recevant la supplique des novices, après que vingt mille éons eurent passé, exposa au sein des quatre congrégations ce livre du Grand Véhicule qui a nom Fleur du lotus de la Loi sublime, Loi enseignée aux êtres d'Éveil, gardée en mémoire par les Éveillés. Quand il eut exposé ce livre, les seize novices, en vue de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, tous de concert le retinrent, le récitèrent et le pénétrèrent avec acuité.
Quand il eut exposé ce livre, les seize novices êtres d'Éveil, tous tant qu'ils étaient, le reçurent avec foi. Parmi la foule des auditeurs, il y en eut aussi pour croire et comprendre. Les autres êtres des centaines de millions en leur variété, conçurent tous doute et perplexité.
L'Éveillé exposa ce livre pendant huit mille âges cosmiques sans jamais se reposer ni s'interrompre. Quand il eut exposé ce livre, il entra dans une chambre tranquille et demeura en concentration pendant quatre-vingt-quatre mille éons.
Alors, les seize novices êtres d'Éveil, sachant que l'Éveillé était en concentration sereine dans sa chambre, montèrent chacun au trône de Loi et, également pendant quatre-vingt-quatre mille âges cosmiques, prêchèrent largement, à l'intention des quatre congrégations, le Livre de la fleur du lotus de la Loi sublime en ses distinctions, chacun sauvant des êtres nombreux comme les sables de six cent millions de milliards de Gange. Dans l'allégresse bienfaisante de leurs instructions et enseignements, ils leur permirent de déployer la pensée d'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Les quatre-vingt-quatre mille éons passés, l'Éveillé Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse émergea de son recueillement, se rendit au trône de Loi, s'y assit, calme et lucide, et proclama universellement à la grande multitude : « Ces seize novices êtres d'Éveil sont fort exceptionnels; leurs facultés sont pénétrantes et aiguës, leur sagesse est lucide, ils ont fait offrande à des centaines de millions d'Éveillés, en nombre incalculable, ils ont constamment pratiqué la conduite brahmique auprès d'un Éveillé, ont retenu la sagesse d'Éveillé, l'ont révélée et montrée aux êtres, les ont fait entrer en son sein. Vous devez tous les approcher aussi souvent que possible et leur faire offrande. Pourquoi cela ? Si les auditeurs, les éveillés pour soi ainsi que les êtres d'Éveil sont capables de croire en l'enseignement prêché par ces seize êtres d'Éveil, de le maintenir sans le détériorer, ces gens devront tous obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur, la sagesse d'Ainsi-Venu. »
L'Éveillé déclara aux moines :
Ces seize êtres d'Éveil se plaisent constamment à prêcher le Livre de la fleur du lotus de la Loi sublime. Les êtres aussi nombreux que les sables de six cent millions de milliards de Gange convertis par chacun de ces êtres d'Éveil renaissent de vie en vie en leur compagnie, croient tous en la Loi qu'ils entendent d'eux et la comprennent. Grâce à ces liens causaux, ils obtiennent de rencontrer par milliers de myriades les Éveillés Vénérés du monde, sans cesse jusqu'à présent.
Je vous le dis maintenant, ô moines ! Ces seize novices, disciples de l'Éveillé, ont à présent tous obtenu l'Éveil complet et parfait sans supérieur; dans les terres des dix orients, ils prêchent actuellement la Loi et ont des centaines de millions de myriades d'êtres d'Éveil et d'auditeurs qui constituent leur suite.
Deux de ces novices sont devenus Éveillés à l'est. Le premier, qui a nom Akçobhya, réside en la terre de Liesse; le second s'appelle Faîte du Sumeru.
Des deux Éveillés du sud-est, l'un s'appelle Voix de Lion, l'autre Aspect de Lion.
Des deux Éveillés du sud, l'un a pour nom Demeurant dans l'Espace, l'autre Extinction-Perpétuelle.
Des deux Éveillés du sud-ouest, l'un s'appelle Aspect-Impérial, l'autre Aspect-Brahmique.
Des deux Éveillés de l'ouest, l'un s'appelle Amitâbha, l'autre Délivrant de Toutes Mondaines Afflictions.
Des deux Éveillés du nord-ouest, l'un a pour nom Tamâlapattra Parfum de Santal Pouvoirs divins, l'autre Aspect de Sumeru.
Des deux Éveillés du nord, l'un s'appelle Souverain des Nuées, l'autre Roi Souverain des Nuées.
L'Éveillé du nord-est s'appelle Destructeur de Toutes Peurs Mondaines, et le seizième, c'est moi, Çâkyamuni, qui ai réalisé l'Éveil complet et parfait sans supérieur en la terre d'Endurance.
Ô moines ! Lorsque nous étions novices, nous avons chacun converti par notre enseignement des êtres aussi innombrables que les sables de millions de myriades de Gange et qui, entendant de nous la Loi, réalisèrent l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Parmi ces êtres, il en est qui maintenant encore demeurent au niveau d'auditeur. J'assure leur conversion en leur enseignant constamment l'Éveil complet et parfait sans supérieur et ces gens, grâce à cette Loi, entreront graduellement dans la voie d'Éveillé. Comment cela se fait-il ? C'est que la sagesse d'Ainsi-Venu est difficile à croire et difficile à comprendre.
Les êtres aussi innombrables que les sables du Gange qui furent convertis en ce temps-là, c'est vous-mêmes, moines, ainsi que les disciples et auditeurs des âges à venir après mon passage en Disparition.
Après que je serai passé en Disparition, il se trouvera encore des disciples qui n'auront pas entendu ce livre, qui ne connaitront ni ne percevront ce que pratiquent les êtres d'Éveil, mais, de par les mérites qu'ils auront acquis, ils concevront d'eux-mêmes la notion de passage en Disparition et devront entrer dans l'Extinction.
Je serai devenu Éveillé en une autre terre et aurai alors un nom différent; bien que ces gens auront conçu la notion de passage en Disparition pour entrer dans l'Extinction, ils seront, en cette terre-là, en quête de la sagesse d'Éveillé et obtiendront d'entendre ce livre. Car ce n'est que grâce au véhicule d'Éveillé que l'on obtient de passer en Disparition, il n'existe pas d'autres véhicules, exception faite des enseignements exposés en manière d'expédients par les Ainsi-Venus.
Ô moines, quand l'Ainsi-Venu s'aperçoit de lui-même que l'heure de la Disparition arrive et que la multitude aussi est purifiée, ferme en sa foi et sa compréhension, qu'elle a accédé à l'enseignement de la vacuité et qu'elle est profondément entrée en concentration, il réunit alors la foule des êtres d'Éveil et des auditeurs pour leur exposer ce livre : en ce monde, il n'est pas deux véhicules pour obtenir la Disparition, ce n'est qu'avec le Véhicule unique d'Éveillé que l'on obtient la Disparition.
Il convient de le savoir, ô moines, les expédients salvifiques de l'Ainsi-Venu pénètrent au plus profond de la nature des êtres; si ceux-ci se complaisent en volonté aux enseignements mineurs, s'ils restent profondément attachés aux cinq désirs, il prêchera la Disparition à leur intention. Ces gens qui l'entendront l'accepteront avec foi.
Imaginez une mauvaise route de cinq cents parasanges, dangereuse, désolée, sans jamais personne, un endroit effrayant. Il y aurait une troupe nombreuse, qui désirerait franchir cette route pour accéder à l'emplacement d'un trésor précieux. Ils ont un guide, intelligent et lucide, qui connaît bien les caractères praticables et impraticables de cette route escarpée; il dirige la troupe, désireux de lui faire franchir ces difficultés. À mi-chemin, le groupe qu'il mène est las et découragé, ils s'adressent au guide : « Nous sommes au comble de la fatigue, et, de surcroît, effrayés. Nous ne pouvons aller plus avant et nous avons une longue route devant nous. À présent, nous désirons rebrousser chemin. » Le guide, homme de ressources et d'expédients, a cette pensée : les malheureux ! Comment peuvent-ils renoncer à un vaste trésor et vouloir rebrousser chemin ? Sur cette pensée, à plus de trois cents parasanges sur la route escarpée, grâce au pouvoir de ses expédients, il fait, par fantasmagorie, apparaitre une ville et déclare à la troupe : « N'ayez pas peur, vous n'aurez pas à rebrousser chemin voici maintenant une grande ville où vous pourrez faire halte et agir comme bon vous semble; si vous y pénétrez, vous vous trouverez rapidement soulagés. Dès que vous serez en mesure de progresser jusqu'au lieu du trésor, vous pourrez repartir. »
Alors la troupe, qui était au comble de la fatigue, se réjouit grandement en son coeur et applaudit à ce fait sans précédent : « À présent que nous avons échappé à cette mauvaise route, nous pourrons rapidement trouver le soulagement. » Sur ce, le groupe s'avance et entre dans la ville fantasmagorique, en ayant la sensation d'être sauvé et de se trouver soulagé.
Alors le guide, sachant que sa troupe se trouve désormais reposée, qu'elle ne connaît plus fatigue ni lassitude, fait disparaître la ville fantasmagorique et déclare aux voyageurs : « Allons, vous autres, l'emplacement du trésor est proche; la grande ville de tout à l'heure, c'est moi qui l'ai créée par fantasmagorie pour votre repos d'étape, c'est tout. »
Ô moines, il en va de même pour l'Ainsi-Venu : à présent, c'est lui qui est votre grand guide, il sait que la mauvaise route des naissances, morts, passions est dure, escarpée, longue, qu'il faut la quitter et s'en sauver. Si les êtres n'entendent que le véhicule unique d'Éveillé, ils ne désireront pas voir l'Éveillé, ni s'en approcher, mais ils se feront cette réflexion : la voie d'Éveillé est longue, ce n'est qu'en subissant longtemps souffrances et peines qu'on peut réaliser l'état d'Éveillé.
Sachant que telle est la lâcheté, la faiblesse, l'infériorité de leur pensée, grâce au pouvoir de ses expédients, il leur prêche les deux Disparitions afin de leur ménager un repos d'étape à mi-chemin. Si les êtres restent à demeure en ces deux niveaux, l'Ainsi-Venu leur explique alors : « Ce à quoi vous oeuvrez n'est pas encore accompli; le niveau auquel vous demeurez est proche de la sagesse d'Éveillé. Il convient de poursuivre vos réflexions et considérations : la Disparition que vous avez gagnée n'est pas authentique et réelle, elle n'est que l'effet du pouvoir des expédients de l'AinsiVenu, qui a établi pour sa prédication une triple distinction dans le Véhicule unique, de la même façon que le guide crée par fantasmagorie une grande ville afin d'y faire un repos d'étape. » Dès qu' il sait qu'ils se sont reposés, il leur annonce que le lieu du trésor est à proximité : « Cette ville n'est pas réelle, je n'ai fait que la créer par fantasmagorie. »
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
L'Éveillé Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse,
assis dix éons au lieu de la Voie,
ne voyait pas apparaître les attributs d'Éveillé,
ne parvenait pas à réaliser la voie d'Éveillé.
Les dieux célestes, les rois des dragons,
la troupe des titans
faisaient constamment pleuvoir des fleurs célestes
en offrande à l'Éveillé.
Les dieux battaient les tambours célestes
et jouaient toutes sortes de savantes mélodies;
une brise parfumée emportait les fleurs flétries
tandis qu'il en pleuvait de fraîches.
Quand dix éons mineurs eurent passé,
il put enfin réaliser la voie d'Éveillé;
les dieux comme le monde humain
exultèrent tous en leur coeur.
Les seize fils de l'Éveillé,
tous avec leur suite
de milliers de myriades qui les entouraient,
se rendirent ensemble auprès de l'Éveillé,
inclinèrent leur tête aux pieds de l'Éveillé
et le prièrent de mettre en branle la roue de la Loi :
Que le maître de sainteté, par la pluie de sa Loi,
nous comble, nous-mêmes et tous les autres.
Le Vénéré du monde est bien difficile à rencontrer;
en une immense période, il n'apparaît qu'une fois.
Pour en avertir les êtres et le leur faire comprendre,
il fait trembler l'univers.
Des mondes à l'orient,
en cinq milliers de myriades de royaumes,
les palais brahmiques se trouvèrent illuminés,
comme ils ne l'avaient jamais été autrefois.
Les dieux brahmiques, voyant ce signe,
cherchèrent et arrivèrent auprès de l'Éveillé;
ils dispersèrent des fleurs en offrande
et lui offrirent leurs palais,
priant l'Éveillé de faire tourner la roue de la Loi;
en stances ils le louèrent.
L'Éveillé savait que le temps n'était pas venu,
il reçut leurs prières assis en silence.
Des trois autres orients, des quatre directions intermédiaires,
des régions supérieure et inférieure, il en fut de même :
ils dispersèrent des fleurs, offrirent leurs palais,
prièrent l'Éveillé de faire tourner la roue de la Loi;
Le Vénéré du monde est fort difficile à rencontrer,
notre souhait est qu'en sa grande compassion,
il ouvre largement les portes d'ambroisie,
qu'il mette en branle la roue de la Loi insurpassable.
Le Vénéré du monde, en son incommensurable sagesse,
accepta la prière de cette foule
et leur proclama toutes sortes d'enseignements,
les quatre vérités et les douze liens causaux,
qui vont de l'ignorance à la vieillesse et mort,
venant tous à l'existence par les conditions productives
une telle multitude de fautes et d'afflictions,
il vous faut la connaître.
Quand il eut divulgué cet enseignement,
six cents myriades de milliards
purent mettre un terme à la douleur
et réaliser tous l'état de Méritant.
Lorsqu'il prêcha la Loi pour la seconde fois,
des myriades d'êtres, comme les sables du Gange,
n'acceptèrent plus les entités
et obtinrent également l'état de Méritant.
Par la suite, de ceux qui obtinrent la Voie,
le nombre est incalculable :
si on les comptait pendant des myriades d'éons,
on ne pourrait en arriver au bout.
Alors, les seize princes
quittèrent leur famille et se firent novices,
tous prièrent ensemble l'Éveillé
d'exposer la Loi du Grand Véhicule;
Nous-mêmes et ceux qui nous suivent
réaliserons tous la voie d'Éveillé;
notre souhait est d'obtenir, à l'instar du Vénéré du monde,
la primordiale pureté de l'oeil de sagesse.
L'Éveillé connaissait leur pensée juvénile,
les pratiques menées au cours de leurs réexistences;
à l'aide d'innombrables relations
et d'une variété de paraboles,
il exposa les six perfections
ainsi que les conduites menant aux pouvoirs divins;
il détailla l'enseignement authentique et réel,
la voie que pratiquent les êtres d'Éveil
et exposa ce Livre du Lotus de la Loi,
aux stances nombreuses comme les sables du Gange.
Quand l'Éveillé eut exposé ce livre,
en une chambre tranquille, il entra en concentration;
il resta assis en un seul lieu, en une seule pensée
quatre-vingt-quatre mille éons.
Ces novices,
sachant l'Éveillé non sorti de méditation,
afin de prêcher la sagesse insurpassable d'Éveillé
aux innombrables myriades de la multitude,
s'assirent chacun sur le trône de Loi
et exposèrent ce livre du Grand Véhicule.
Après le serein apaisement de l'Éveillé,
leur proclamation aida à convertir à la Loi,
et les êtres sauvés
par chacun de ces novices
furent six cents millions de myriades,
aussi nombreux que les sables du Gange.
Après le passage en Disparition de l'Éveillé,
ceux qui entendirent la Loi,
çà et là dans les terres d'Éveillé,
renaquirent toujours avec leur maître.
Ces six novices
pratiquèrent en totalité la voie d'Éveillé.
Maintenant, présentement, aux dix orients,
chacun a pu réaliser l'Éveil correct.
Or, de ceux qui écoutaient alors la Loi,
chacun auprès d'un des Éveillés,
il en est qui demeurent des auditeurs,
devant être enseignés graduellement dans la voie d'Éveillé.
J'étais au nombre des seize
et ai autrefois prêché pour vous;
c'est pourquoi, grâce aux expédients,
je vous ai attirés pour vous orienter vers la sagesse d'Éveillé;
grâce à ces relations originelles,
je vous expose à présent le Livre du Lotus,
pour vous faire pénétrer dans la voie d'Éveillé.
Veillez à n'en pas concevoir de surprise.
Imaginez l'exemple d'une voie mauvaise et escarpée,
interminable, isolée, pleine de bêtes venimeuses,
de surcroît dépourvue d'eau ou d'herbe,
un lieu craint des gens.
Une foule d'innombrables myriades
voudrait passer cette voie escarpée;
cette route est immensément longue,
elle traverse cinq cents parasanges.
Il y aurait alors un guide
aux fermes connaissances, muni de sagesse,
d'esprit lucide et déterminé,
en plein danger, à faire franchir toutes les difficultés.
Dans la troupe, les gens sont las et fatigués,
ils s'adressent au guide :
« Nous sommes épuisés, abattus,
nous voudrions rebrousser chemin d'ici. »
Le guide se fait cette réflexion :
Ces gens sont bien à plaindre,
comment voudraient-ils rebrousser chemin
et manquer le grand trésor ?
Ce faisant, il songe à un expédient :
Il me faut mettre en oeuvre mes pouvoirs surnaturels.
Il crée alors par fantasmagorie une grande ville fortifiée,
aux maisons et résidences somptueuses,
bordée de parcs,
de canaux et de douves,
aux doubles portes et hautes tours,
remplie d'hommes et de femmes.
Cette fantasmagorie créée,
il rassure la troupe, leur disant : « Ne craignez point,
vous autres, entrez dans cette ville;
chacun s'y délassera comme il l'entend. »
Dès que les gens sont entrés dans la ville,
tous le coeur en grande liesse,
ils conçoivent une impression de soulagement,
et se croient désormais sauvés.
Quand le guide sait qu'ils sont reposés,
il rassemble la foule et leur déclare :
« Il vous faut aller de l'avant,
cette ville n'est que fantasmagorie;
je vous ai vus épuisés et las,
voulant à mi-chemin revenir sur vos pas;
aussi, par la force de mes expédients,
ai-je fait apparaître provisoirement ce fantôme de ville.
Maintenant, redoublez d'énergie,
il vous faut arriver ensemble au lieu du trésor.
Ainsi en va-t-il pour moi
qui suis le guide de tous;
voyant ceux qui sont en quête de la Voie
se décourager et renoncer à mi-chemin,
incapables d'échapper à la voie escarpée
des naissances et des morts, des passions,
grâce au pouvoir de mes expédients,
je leur prêche l'Extinction pour leur repos,
et leur dis : « Pour vous, la douleur va disparaître,
tout ce que vous deviez faire est accompli. »
Sachant dès lors qu'ils sont parvenus à l'Extinction
et qu'ils ont tous réalisé l'état de Méritant,
je rassemble alors leur vaste multitude
pour prêcher l'enseignement authentique et réel :
Les Éveillés, par la force de leurs expédients,
distinguent trois véhicules dans leur prédication,
or il n'est que l'unique véhicule d'Éveillé,
les deux autres sont prêchés comme étapes de repos.
À présent, je vous expose la réalité
ce que vous avez acquis n'est pas l'Extinction,
en vue de l'omniscience d'Éveillé,
il vous faut déployer une grande énergie;
quand vous aurez attesté l'omniscience,
les dix forces et autres attributs d'Éveillé,
munis de la totalité des trente-deux marques,
ce sera alors la Disparition authentique et réelle.
Les guides que sont les Éveillés
prêchent l'Extinction pour ménager une étape;
dès qu'ils vous savent reposés,
ils vous entraînent à pénétrer dans la sagesse d'Éveillé.
Fin du troisième livre


^*^*^*^ 


CHAPITRE VIII
Cinq cents disciples reçoivent l'annonciation

En cette heure, Plénitude, fils de Maitrâyanî, qui avait entendu de l'Éveillé cet exposé de la Loi adapté aux dispositions grâce aux expédients de sa sagesse, qui l'avait aussi entendu conférer aux grands disciples l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, qui avait en outre entendu ce qui concernait les relations d'existences antérieures, qui avait enfin entendu que les Éveillés avaient des pouvoirs surnaturels et souverains, comme jamais auparavant exulta en son coeur d'une pure allégresse. Il se leva aussitôt de son siège et se rendit devant l'Éveillé, inclina la tête jusqu'à ses pieds en révérence, puis se retira sur un côté, où il demeura à regarder en adoration le visage du Vénérable, sans le quitter le moindre instant des yeux. Et il eut cette pensée : le Vénéré du monde est fort exceptionnel, ce qu'il fait est rarissime; il se conforme à la variété des natures de ce monde pour, à l'aide de son savoir et de sa vision expédientiels, leur prêcher la Loi et extirper les multiples attachements d'avidité des êtres. Pour ce qui est des mérites de l''Éveillé, notre parole est inapte à l'exprimer. Seul l'Éveillé Vénéré du monde peut connaître le voeu foncier au profond de notre coeur.
À ce moment, l'Éveillé proclama aux moines :
Voyez-vous ici Plénitude, fils de Maitrâyanî ? Je suis toujours à le louer comme le premier parmi ceux qui exposent la Loi et à admirer la variété de ses mérites; il préserve avec zèle ma Loi et aide à la propager. Il est capable de la montrer et de l'enseigner aux quatre congrégations, de leur dispenser bienfaits et allégresse; muni d'une totale compréhension de la Loi correcte de l'Éveillé, il inonde de ses largesses ceux qui pratiquent pareillement la conduite brahmique. Mis à part l'Ainsi-Venu, nul ne saurait épuiser l'éloquence de ses paroles.
N'allez pas penser que c'est ma seule Loi correcte que Plénitude, fils de Maitrâyanî, soit capable de préserver et d'aider à propager : il a aussi, dans le passé, préservé et aidé à propager la Loi correcte d'Éveillé auprès de quatre-vingt-dix myriades d'Éveillés et, là aussi, il fût le premier parmi ceux qui exposaient la Loi.
En outre, parvenu à une lucide compréhension de l'enseignement de la vacuité prêché par les Éveillés, il fit siennes les quatre sagesses sans obstacle et fût capable de prêcher la Loi dans toute sa clarté et toute sa pureté, sans qu'il y eût doutes ou égarements. Muni de la totalité des pouvoirs divins d'un être d'Éveil, il pratiqua constamment la conduite brahmique tout au long de ses existences, et les hommes vivant en l'âge de ces Éveillés pensèrent tous qu'il était en réalité un auditeur. Or Plénitude, grâce à cet expédient, inonda de ses bienfaits d'innombrables centaines de milliers d'êtres, et convertit de surcroît d'innombrables quantités incalculables d'hommes qu'il établit dans l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Afin de purifier sa terre d'Éveillé, il mène constamment la conduite d'Éveillé et convertit les êtres par son enseignement.
Ô moines, Plénitude a aussi obtenu la première place parmi ceux qui prêchaient la Loi auprès des sept Éveillés. À présent, il est également le premier de ceux qui prêchent la Loi auprès de moi. Et il sera encore le premier parmi ceux qui prêcheront la Loi auprès des Éveillés à venir au cours de l'éon Judicieux; à chaque fois, il préservera et aidera à propager la Loi d'Éveillé. Dans le futur également il préservera et aidera à propager la Loi d'Éveillés innombrables et infinis; il convertira par son enseignement et inondera de ses bienfaits d'innombrables êtres, qu'il établira dans l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Afin de purifier sa terre d'Éveillé, il consacrera constamment son énergie à convertir les êtres par son enseignement. Il complétera graduellement toute la voie d'être d'Éveil et, quand d'innombrables quantités incalculables d'éons auront passé, il devra en cette terre obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur; son nom sera l'Ainsi-Venu Clarté de Loi, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde. Cet Éveillé aura des mondes tricosmiques aussi nombreux que les sables du Gange pour terre d'Éveillé; les sept matières précieuses en feront le sol, qui sera aussi égal que la paume : il n'y aura ni monts ni éminences, ni vallées encaissées ni fossés; des belvédères faits des sept matières précieuses y abonderont; les palais des dieux se trouveront à proximité dans le ciel : hommes et dieux se rencontreront et pourront se voir les uns les autres.
Les mauvaises voies n'y existeront pas, et il n'y aura point de femmes non plus; les êtres y naîtront tous par métamorphose et il n'y aura pas de désir de fornication. On y obtiendra les grands pouvoirs divins, les corps émettront de la lumière et l'on s'y déplacera librement en volant. La volonté y sera affermie, comme le zèle et la sagesse. Tous seront universellement de couleur d'or et seront spontanément parés des trente-deux marques.
Les êtres de ce royaume feront leur ordinaire de deux nourritures : l'une sera le mets d'allégresse de Loi, l'autre le mets d'extase méditative. Il y aura une multitude d'innombrables quantités incalculables de myriades et de milliards d'êtres d' Éveil à obtenir les grands pouvoirs divins et les quatre sagesses sans obstacles; ils seront habiles et capables de convertir les diverses sortes d'êtres par leur enseignement. La foule de leurs auditeurs ne se pourra connaître par comput ou calcul. Tous obtiendront en totalité les six pouvoirs, les trois sciences, les huit délivrances.
Tels seront les innombrables mérites de cette terre d'Éveillé, qui l'orneront et la réaliseront. L'âge cosmique sera appelé Clarté de Joyau; la terre aura nom Bonne-Pureté; l'âge de l'Éveillé sera d'innombrables quantités incalculables d'éons; sa Loi perdurera fort longtemps. Après le passage de l'Éveillé en Disparition, on élèvera des pagodes des sept matières précieuses qui empliront tout le royaume.
Alors, le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Ô moines, écoutez en toute lucidité :
la voie que pratiquent les fils d'Éveillé,
du fait qu'ils maîtrisent les expédients,
ne se saurait concevoir.
Sachant que la foule se complaît aux enseignements mineurs,
qu'elle s'effraie de la grande sagesse,
les êtres d'Éveil, pour cette raison,
se font auditeurs ou éveillés par conditions;
à l'aide d'innombrables expédients
ils convertissent les diverses espèces d'êtres,
se prétendant eux-mêmes auditeurs,
encore bien éloignès de la voie d'Éveillé.
Ils délivrent des foules innombrables
qui toutes obtiennent la réalisation.
Malgré le peu d'ambition et la paresse de celles-ci,
ils les mènent graduellement à devenir Éveillés.
Occultant à l'intérieur leur pratique d'êtres d'Éveil,
ils se présentent à l'extérieur en auditeurs;
limitant leurs désirs à la répugnance des naissances et des morts,
en réalité, ils purifient leur propre terre d'Éveillé.
Ils se montrent à la foule pourvus des trois poisons
et présentent même un aspect hérétique.
De cette façon, mes disciples,
par leurs expédients, sauvent les êtres.
Si j'exposais en leur totalité
les métamorphoses et apparitions si variées qu'ils oeuvrent,
les êtres, à m'écouter,
concevraient en leur coeur doute et égarement.
Or, Plénitude, que voici,
auprès de myriades d'Éveillés d'autrefois,
s'est exercé diligemment à la voie qu'il devait pratiquer,
a propagé et protégé l'enseignement des Éveillés;
dans sa quête de la sagesse insurpassable,
auprès même des Éveillés,
il est apparu siégeant à la tête des disciples;
érudit, muni de sagesse,
sa prédication était pleine d'assurance
et savait provoquer l'allégresse des foules.
Sans jamais se lasser,
il a ainsi aidé à l'oeuvre d'Éveillé.
Étant passé dans les grands pouvoirs divins,
muni des quatre sagesses sans obstacle,
sachant si les êtres sont de facultés aiguës ou obtuses,
il a constamment prêché la Loi en sa pureté,
exposé des idées telles que celles-ci,
et enseigné des myriades d'êtres;
il les a fait demeurer dans la Loi du Grand Véhicule
tout en purifiant pour lui-même sa terre d'Éveillé.
Dans l'avenir, il fera encore offrande
à d'innombrables et incalculables Éveillés,
protégera et aidera à propager la Loi correcte,
tout en purifiant aussi sa terre d'Éveillé.
Constamment, grâce à ses expédients,
il prêchera la Loi en pleine assurance,
sauvera des êtres sans nombre
et réalisera chez eux l'omniscience.
Il fera offrande aux Ainsi-Venus
et préservera le précieux réceptacle de la Loi.
Après cela il obtiendra de réaliser l'état d'Éveillé
et aura pour nom Clarté de Loi.
Son royaume s'appellera Bonne-Pureté,
il sera constitué des sept matières précieuses.
Son éon sera appelé Clarté de Joyau;
la multitude des êtres d'Éveil y sera abondante,
en un nombre incalculable de myriades,
tous passés dans les grands pouvoirs divins,
munis de tous pouvoirs et autorité,
ils rempliront son royaume.
Les auditeurs aussi y seront sans nombre,
aux trois sciences, aux huit délivrances,
ils obtiendront les quatre sagesses sans obstacle;
il fera d'eux la communauté monastique.
Les êtres de son royaume
auront tous mis fin au désir de forniquer
et naîtront purement par métamorphose,
munis des marques qui orneront leur corps.
Avec pour mets l'allégresse de la Loi et l'extase de méditation,
ils n'auront plus l'idée d'autre nourriture.
Il n'y aura point de femmes,
ni de mauvaises voies non plus.
Plénitude, le moine
aux mérites venus intégralement à complétion,
obtiendra cette terre pure,
fort abondante en sages et en saints.
Si infinies sont ces affaires
que je ne fais maintenant que les esquisser.
Alors, les mille deux cents Méritants, de pensée souveraine, se firent cette réflexion : nous nous réjouissons comme jamais auparavant; Si le Vénéré du monde daignait nous conférer à chacun l'annonciation, comme aux autres grands disciples, n'en serions-nous pas heureux ?
L'Éveillé sut ce qu'ils pensaient en leur coeur et déclara à Mahâkâçyapa :
Ces mille deux cents Méritants, je vais maintenant, présent en personne devant eux, leur conférer successivement l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Parmi cette multitude, mon grand disciple, le moine Kaundinya, fera offrande à soixante-deux mille myriades d'Éveillés et après cela obtiendra de réaliser l'état d'Éveillé; son nom sera l'Ainsi-Venu Clarté-Universelle, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde.
Ces cinq cents Méritants, Urubilvakâçyâpa, Gayâkâçyapa, Nadîkâcyapa, Kâlodâyin, Udâyin, Aniruddha, Revata, Kapphina, Bakkula, Cunda, Svâgata et les autres obtiendront tous l'Éveil complet et parfait sans supérieur et seront tout uniment appelés du même nom, qui sera Clarté-Universelle.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Le moine Kaundinya
verra d'innombrables Éveillés,
au terme d'éons en quantités incalculables,
il réalisera enfin l'Éveil correct et égal;
il émettra constamment une grande lumière,
possédera la totalité des pouvoirs divins;
son renom s'étendra au dix orients de l'univers
et il sera respecté de tous;
il prêchera constamment la Voie insurpassable
et sera pour cela appelé Clarté-Universelle.
Son royaume sera pur,
les êtres d'Éveil y seront tous intrépides :
montés sur de merveilleuses tourelles,
ils voyageront aux royaumes des dix orients;
par des offrandes insurpassées,
ils rendront hommage aux Éveillés;
ayant fait ces offrandes,
ils auront en leur coeur une grande allégresse
et en un instant reviendront à leur terre d'origine;
tels seront leurs pouvoirs divins.
L'âge de l'Éveillé sera de soixante mille éons,
la Loi correcte y perdurera le double de son âge
et la Loi de semblance le double encore;
quand la Loi s'éteindra, dieux et hommes s'en affligeront.
Ces cinq cents moines
deviendront successivement Éveillés
et s'appelleront pareillement Clarté-Universelle;
tour à tour ils se conféreront l'annonciation :
après mon passage en Disparition,
Tel et Tel deviendra Éveillé,
le monde converti par lui
sera tout comme le mien aujourd'hui.
Les ornements de son royaume,
de même que les pouvoirs divins,
la multitude des êtres d'Éveil et des auditeurs,
la Loi correcte et la Loi de semblance,
la quantité d'éons de son âge,
seront tous comme il vient d'être dit.
Tu sais désormais, Kâçyapa,
que de ces cinq cents souverains de soi-même
et de la foule des auditeurs
il en adviendra aussi de même.
Pour ceux qui ne sont pas dans cette assemblée,
tu devras le leur proclamer.
Alors les cinq cents Méritants, ayant pu en présence de l'Éveillé recevoir l'annonciation, exultèrent d'allégresse; ils se levèrent de leur siège pour s'avancer devant lui et incliner la tête à ses pieds en révérence. Regrettant leur erreur, ils se faisaient des reproches : Vénéré du monde, nous pensions toujours, nous estimions avoir parachevé le passage en Disparition, mais, nous le savons à présent, nous ne valions pas mieux que des ignares. Pourquoi cela ? Alors que nous devions obtenir la sagesse d'Ainsi-Venu, nous nous contentions pour nous-mêmes d'une sagesse mineure.
Vénéré du monde, ceci est comparable à quelqu'un qui arriverait chez un ami proche, s'enivrerait de vin et se coucherait. Son proche ami, pour une affaire officielle, doit partir. Il coud une perle sans prix dans la doublure de l'habit de l'autre pour la lui donner et s'en va. L'autre homme, affalé dans son ébriété, ne s'aperçoit de rien du tout. Après s'être levé, il part en voyage pour l'étranger. Pour s'assurer vivres et vêtements, il s'évertue à les rechercher au prix des plus grandes difficultés. Vient-il à se procurer le moindre gain qu'il s'en contente. Par la suite, son proche ami le rencontre par hasard et lui tient ces propos : « Alors, mon vieux, pourquoi donc en arriver là pour vivres et vêtements ? Autrefois, j'ai voulu assurer ton confort et faire en sorte que tu puisses agir selon tes cinq désirs. En tel jour, tel mois, telle année, j'ai cousu une perle sans prix dans la doublure de ton habit. Elle y est bel et bien, encore à présent, et tu ne le sais même pas. Rechercher ainsi ta subsistance dans la douleur et la peine, c'est le comble de la stupidité. Tu peux maintenant échanger cette perle pour te procurer le nécessaire et tu pourras toujours en faire à ta guise sans connaître la gêne. »
Il en va de même pour l'Éveillé : du temps qu'il était être d'Éveil, il nous a convertis par son enseignement et nous a amenés à déployer la pensée de l'omniscience, mais par la suite nous l'avons oubliée : nous ne la connaissions plus, ne l'apercevions plus. Dès que nous avions obtenu la voie de Méritant, nous estimions qu'il s'agissait du passage en Disparition. Assurer le vivre était difficile, et nous nous contentions d'un gain minime, mais notre aspiration à l'omniscience persistait, elle n'était pas perdue. Voici que maintenant le Vénéré du monde nous met en garde et qu'il nous tient ces paroles : « Ce que vous avez obtenu, moines, n'est point la Disparition parachevée; depuis longtemps je vous fais planter les bonnes racines d'Éveillé et, grâce à mes expédients, je vous ai montré l'aspect de l'Extinction; vous avez alors pensé avoir réellement obtenu le passage en la Disparition. »
Vénéré du monde, nous savons à présent que nous sommes en réalité des êtres d'Éveil, nous avons pu recevoir l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Dans ces conditions, nous nous réjouissons grandement de cet événernent sans précédent.
Alors Kaundinya et les autres, voulant réitérer cette idée, s'exprimèrent en stances :
Nous entendons l'insurpassable
voix qui confère le soulagement de l'annonciation,
nous nous réjouissons de ce fait sans précédent
et nous rendons hommage à l'Éveillé en sa sagesse incommensurable.
À présent, devant le Vénéré du monde,
nous nous repentons de notre erreur,
de n'avoir, dans l'incalculable trésor d'Éveillé,
fait nôtre qu'une minime part de l'Extinction.
Tels des sots imprudents,
nous nous en sommes alors contentés.
Ceci est comparable à un homme pauvre
qui se rendrait chez un ami proche,
dont la maison est fort prospère,
qui lui fournit les mets les plus délicats.
Ce dernier prend une perle sans prix
et la coud dans la doublure de son habit;
il part sur ce don silencieux,
tandis que l'autre dort et ne s'aperçoit de rien.
L'homme, une fois levé,
s'en va à l'étranger;
il cherche vêtement et nourriture pour subsister,
a les plus grandes difficultés à s'assurer le vivre;
un gain minime le contente,
il n'aspire à rien de mieux.
Il ne s'aperçoit pas que dans sa doublure
est une perle sans prix.
Le proche ami qui la lui a donnée
rencontre plus tard le miséreux;
lui ayant fait d'amers reproches,
il lui montre la perle cousue.
Le miséreux, à cette vue,
a le coeur en grande liesse :
il est riche, possède une fortune,
peut en faire désormais selon ses cinq désirs.
Il en va de même pour nous :
le Vénéré du monde, depuis la nuit des temps,
nous a toujours en pitié, nous convertit de son enseignement,
pour planter en nous l'aspiration insurpassable,
et nous, dans notre impéritie,
nous ne nous apercevons de rien,
ayant gagné une minime part d'Extinction,
nous nous en contentons, ne cherchons rien d'autre.
À présent, l'Éveillé nous met en garde,
nous dit qu'il ne s'agit pas du réel passage en Disparition;
ce n'est qu'en obtenant l'insurpassable sagesse d'Éveillé
que se fera l'authentique Disparition.
Nous avons à présent entendu l'Éveillé
nous donner l'annonciation et nous décrire les ornements;
nous recevrons à tour de rôle la confirmation,
en corps comme en esprit, l'allégresse nous emplit.


^*^*^*^ 


CHAPITRE IX
L’annonciation conférée aux apprentis et à ceux qui n'ont plus à apprendre

En cette heure, Ânanda et Rahula se firent cette réflexion :
chaque jour nous pensons en nous-mêmes combien ce serait agréable si nous pouvions recevoir l'annonciation.
Sur ce, ils se levèrent de leur siège et s'avancèrent devant l'Éveillé, inclinèrent en révérence leur tête jusqu'à ses pieds et s'adressèrent ensemble à l'Éveillé : « Vénéré du monde, nous devons nous aussi avoir part à cela; nous n'avons jamais pris refuge qu'en l'Ainsi-Venu; nous sornmes de plus reconnus des dieux, des hommes et des titans de l'ensemble des mondes. Ânanda a toujours été à ses côtés pour préserver le réceptacle de la Loi, Rahula est le fils de l'Éveillé; si 1'Éveillé daigne nous conférer l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, nos veux seront comblés et les souhaits de la multitude seront aussi satisfaits. »
À ce moment, deux mille disciples-auditeurs, apprentis et au-delà de l'étude, se levèrent tous de leur siège, se découvrirent l'épaule droite, s'avancèrent devant l'Éveillé, joignirent unanimement les paumes, le visage levé vers le Vénéré du monde, formant le même voeu qu'Ânanda et Rahula, et se tinrent debout sur le côté.
Alors l'Éveillé déclara à Ânanda :
Dans l'avenir tu obtiendras de devenir Éveillé et ton nom sera l'Ainsi-Venu Roi des Souverains Pouvoirs Sagesse de Monts et d'Océan, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde. Il aura fait offrande à soixante-deux myriades d'Éveillés et aura préservé le réceptacle de la Loi, après quoi il obtiendra l'Éveil complet et parfait sans supérieur, convertira par son enseignement des êtres d'Éveil aussi nombreux que les sables de vingt millions de myriades de Gange et leur fera réaliser l'Éveil complet et parfait sans supérieur; son royaume aura nom Étendard Vainqueur Toujours Dressé, sa terre sera pure, le sol en sera de béryl. Son éon sera appelé Son Sublime Emplissant Tout; l'âge de l'Éveillé sera de millions de myriades d'éons incalculables. Même si on les comptait et calculait au cours d'innombrables myriades d'éons incalculables, on ne pourrait en connaître le nombre. La Loi correcte durera le double de cet âge, et la Loi de semblance perdurera encore le double de la Loi correcte. Ânanda, cet Éveillé Roi des Souverains Pouvoirs Sagesse de Monts et d'Océan aura ses mérites loués et admirés de concert par les Éveillés Ainsi-Venus des dix orients, nombreux comme les sables d'innombrables millions de myriades de Gange.
Voulant réitérer cette idée, il s'exprima en stances :
Je le dis maintenant au sein de la communauté;
Ânanda, qui maintient la Loi,
fera offrande aux Éveillés,
après quoi il réalisera l'Éveil correct;
son nom sera l'Éveillé Roi des Souverains Pouvoirs
Sagesse de Monts et d'Océan;
son royaume sera pur,
du nom d'Étendard Vainqueur Toujours Dressé.
Il convertira les êtres d'Éveil
en nombre comparable aux sables du Gange.
L'Éveillé sera de grande autorité,
son renom emplira les dix orients;
son âge n'aura pas de mesure,
à cause de sa pitié pour les êtres.
La Loi correcte aura deux fois son âge,
et la Loi de semblance, le double encore.
Autant que les sables du Gange,
des êtres sans nombre,
au sein de la Loi de cet Éveillé,
planteront les causes et conditions de la voie d'Éveillé.
Alors, dans l'assemblée, huit mille êtres d'Éveil qui avaient nouvellement déployé leur intention eurent tous cette pensée : nous n'avons pas encore entendu les grands êtres d'Éveil obtenir une telle annonciation; pour quelles raisons les auditeurs ont-ils donc, eux, reçu cette confirmation ?
À ce moment, le Vénéré du monde sut ce que les êtres d'Éveil pensaient en leur coeur et il leur déclara :
Fils de bonne famille ! Ânanda et moi avons en même temps, auprès de l'Éveillé Roi de Vacuité, déployé la pensée d'Éveil complet et parfait sans supérieur. Ânanda se complaisait toujours à l'érudition, moi, je me consacrais toujours au zèle. C'est pourquoi j'ai pu déjà réaliser l'Éveil complet et parfait sans supérieur, tandis qu'Ânanda préserve ma Loi, et protégera le réceptacle de la Loi des Éveillés du futur; il convertira de son enseignement et mènera à l'accomplissement une multitude d'êtres d'Éveil. Tel est son voeu originel, et c'est pourquoi il se voit accorder cette annonciation.
Ânanda, face à l'Éveillé, entendant en personne l'annonciation qui lui était conférée, ainsi que les ornements de son royaurne, son voeu totalement satisfait, eut le coeur en grande allégresse à ce fait sans précédent. Il se souvint sur-le-champ du réceptacle de la Loi d'innombrables millions de myriades d'Éveillés du passé, y ayant accès sans obstacle, comme s'il les entendait à l'heure même; il reconnut aussi son voeu originel.
Alors Ânanda s'exprima en ces stances :
Extraordinaire est le Vénéré du monde,
il m'a remis en mémoire le passé,
la Loi d'innombrables Éveillés,
comme si je les entendais aujourd'hui.
Je n'ai maintenant plus de doute
et demeure fermement dans la voie d'Éveillé;
en manière d'expédient, je sers d'assistant
pour préserver la Loi d'Éveillé.
Alors l'Éveillé déclara à Rahula :
À l'avenir, tu obtiendras de devenir Éveillé sous le nom d'Ainsi-Venu Foulant les Fleurs des Sept Matières Précieuses, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde; il aura fait offrande à des Éveillés Ainsi-Venus en nombre égal aux atomes de dix mondes et aura toujours été le fils aîné de ces Éveillés, tout comme maintenant. Pour cet Éveillé Foulant les Fleurs des Sept Matières Précieuses, les ornements de son royaume, le nombre d'éons de son âge, les disciples qu'il convertira, la Loi correcte et la Loi de semblence différeront nullement de ceux de l'Éveillé Roi des Pouvoirs Souverains Sagesse de Monts et d'Océan, et il deviendra aussi fils aîné de cet Éveillé. Cela passé, il obtiendra ensuite l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Alors, le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Lorsque j'étais prince,
Rahula était mon fils aîné;
à présent que j'ai réalisé la voie d'Éveillé,
ayant reçu la Loi, il est mon fils en la Loi.
Dans les âges à venir,
il rencontrera d'innombrables myriades d'Éveillés,
il sera leur fils aîné,
de tout son coeur en quête de la voie d'Éveillé.
La pratique occulte de Rahula,
moi seul suis capable de la connaître;
il s'est manifesté comme mon fils aîné
pour montrer aux êtres,
par myriades et millions, innombrables,
des mérites qui ne se peuvent calculer.
Demeurant fermement dans la Loi d'Éveillé,
il y est en quête de la Voie insurpassable.
Alors le Vénéré du monde regarda les deux mille hommes, apprentis et au-delà de l'étude, dociles et souples en intention, paisibles, purs, contemplant de tout coeur l'Éveillé, et il déclara à Ânanda : « Vois-tu ces deux mille hommes, apprentis et au-delà ? - Certes, je les ai vus. - Ces gens, Ânanda, feront offrande à des Éveillés Ainsi-Venus en nombre égal aux atomes de cinquante mondes, les honoreront, les vénéreront et préserveront le réceptacle de leur Loi. Au terme de cela, chacun d'eux, en meme temps, pourra réaliser l'état d'Éveillé dans les royaumes des dix orients, tous sous un nom identique, qui sera l'Ainsi-Venu Marque de Joyau, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde. Leur âge sera d'un éon; les ornements de leur royaume, les auditeurs et êtres d'Éveil, la Loi correcte et la Loi de semblance seront tous pareils. »
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Ces deux mille auditeurs
qui se tiennent maintenant devant moi,
je leur ai à tous donné l'annonciation :
dans l'avenir ils deviendront Éveillés;
les Éveillés à qui ils feront offrande
seront aussi nombreux que les atomes dont j'ai parlé plus haut;
ils préserveront le réceptacle de leur Loi
et après réaliseront l'état d'Éveillé.
Chacun, dans les royaumes des dix orients,
aura un nom identique à tous;
ils siégeront en même temps au lieu de la Voie
pour attester la sagesse insurpassable.
Tous auront pour nom Marque de Joyau;
leur royaume et leurs disciples,
leur Loi correcte et leur Loi de semblance
seront tous égaux, sans nulle différence.
Tous, grâce à leurs pouvoirs divins,
sauveront les êtres des dix orients;
leur renom sera universellement répandu,
et ils finiront par entrer dans l'Extinction.
Alors, les deux mille, apprentis et au-delà de l'étude, entendant l'Éveillé conférer l'annonciation, exultèrent d'allégresse et s'exprimèrent en stances :
Le Vénéré du monde est un flambeau de sagesse;
à entendre sa voix nous conférer l'annonciation,
notre coeur s'emplit d'allégresse,
comme si nous étions ondoyés d'ambroisie.


^*^*^*^ 


CHAPITRE X
Le maître de Loi

En cette heure, le Vénéré du monde, à travers l'être d'Eveil Roi des Remèdes, déclara aux quatre-vingt mille grands seigneurs :
- Roi des Remèdes, vois-tu, dans cette vaste multitude, les innombrables dieux, rois dragons, silènes, centaures, titans, griffons chimères, pythons, humains et non-humains, ainsi que les moines et nonnes, pieux laïcs et laïques pieuses, ceux qui sont en quête de l'état d'auditeur, en quête de l'état d'éveillé pour soi, en quête de la voie d'Éveillé ? Ces êtres de toutes espèces qui, face à l'Éveillé, entendent ne serait-ce qu'une stance ou un verset du Livre du lotus de la Loi sublime et qui, ne serait-ce qu'un instant, s'en réjouissent en conséquence, je leur donne à tous l'annonciation qu'ils obtiendront l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
L'Éveillé déclara à Roi des Remèdes :
De plus, si, après le passage en Disparition de l'Ainsi-Venu, quelqu'un entend le Livre du lotus de la Loi sublime, n'en serait-ce qu'une stance ou un verset, et s'en réjouit en conséquence, ne serait-ce qu'un instant, je lui donnerai également l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Et si, encore, il se trouve des gens qui reçoivent, gardent, lisent, récitent, expliquent ou recopient le Livre du lotus de la Loi sublime, n'en serait-ce qu'une stance, qui regardent les volumes de ce livre canonique avec le même respect que l'Éveillé, qui lui font des offrandes de toutes sortes, de fleurs, d'encens, de colliers, de poudres, d'onguents, de fumigations, de dais de soie, de bannières, de vêtements, de musique, ou même joignent les paumes en vénération, eh bien, sache-le, Roi des Remèdes, de telles personnes auront déjà fait offrande à des centaines de milliers de myriades d'Éveillés, auront accompli, auprès des Éveillés, le grand Voeu, et c'est par commisération pour les êtres qu'ils seront nés comme humains.
Roi des Remèdes, si l'on demande quels êtres pourront, dans un âge à venir, devenir Éveillés, il faudra montrer que ce sont ces gens qui, dans un âge à venir, obtiendront forcément de devenir Éveillés. Pourquoi cela ? C'est que, si des fils et des filles de bien reçoivent, gardent, lisent, récitent, expliquent et recopient ne serait-ce qu'un verset du Livre du lotus de la Loi sublime et font aux volumes du texte canonique toutes sortes d'offrandes de fleurs, encens, colliers, poudres, onguents, fumigations, dais de soie, bannières, vêtements, musique, ou joignent les paumes en vénération, de telles gens seront regardés avec respect par l'ensemble des mondes, on leur fera offrande des offrandes dues à l'Ainsi-Venu.
Sache-le : de telles personnes sont de grands êtres d'Éveil qui, ayant accompli l'Éveil complet et parfait sans supérieur, ont pris en pitié les êtres et ont fait voeu de naître parmi eux pour exposer largement et détailler le Livre du lotus de la Loi sublime. A plus forte raison ceux qui peuvent le recevoir et le préserver complètement et lui faire toutes sortes d'offrandes.
Sache-le, Roi des Remèdes, ces gens renoncent d'eux-mêmes à la rétribution de leurs actes purs; après mon passage en Disparition, ils renaîtront en un âge mauvais par pitié pour les êtres et exposeront largement ce livre. Si quelqu'un, fils ou fille de bien, après mon passage en Disparition, prêche le Livre du lotus de la Loi sublime, n'en serait-ce qu'un verset, en secret, à une seule personne, il faut savoir que cette personne est un messager de l'Ainsi-Venu, envoyé par l'Ainsi-Venu pour mener l'oeuvre d'Ainsi-Venu. A plus forte raison pour qui prêche largement aux gens d'une vaste multitude.
Roi des Remèdes, si un méchant, d'un coeur sans bonté, apparaît au cours d'un éon devant un Éveillé pour constamment l'insulter, sa faute sera encore légère. Si quelqu'un, ne serait-ce que d'une seule mauvaise parole, calomniait celui, laïc ou religieux, qui lit et récite le Livre du lotus de la Loi, sa faute sera fort lourde. Roi des Remèdes, s'il se trouve quelqu'un qui lit et récite le Livre du lotus de la Loi, il faut savoir que cet homme se parera lui-même des ornements d'Éveillé, qu'il se trouvera alors porté sur les épaules de l'Ainsi-Venu. Là où il se rendra, il sera honoré en conséquence : de tout coeur on le saluera les paumes jointes, on lui fera offrande, on le vénérera, on le louera avec des fleurs, de l'encens, des colliers, des poudres, des onguents, des fumigations, des dais de soie, des bannières, des vêtements, des mets délicats; on jouera pour lui de la musique. On lui fera offrande de ce qu'il y a de plus haut chez les hommes; on apportera, pour les répandre sur lui, de célestes joyaux; des amas de joyaux du plus haut du ciel lui seront offerts en hommage. Et cela pour quelle raison ? C'est que qui écoutera cette personne, ne serait-ce qu'un bref instant, prêcher la Loi dans l'allégresse, pourra parachever l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Qui désire demeurer dans la voie d'Éveillé
et réaliser la sagesse spontanée
devra constamment s'appliquer à faire offrande
à ceux qui maintiennent le Lotus de La Loi.
Que ceux qui désirent au plus vite obtenir
la sagesse portant sur toutes les espèces
préservent ce livre
et fassent aussi offrande à ceux qui le maintiennent.
Ceux qui sont capables de préserver
le Livre du lotus de la Loi sublime
sont, il faut le savoir, des envoyés de l'Éveillé,
prenant les êtres en pitié.
Tous ceux qui sont capables de préserver
le Livre du lotus de la Loi sublime
renoncent à leur terre purifiée
et, par pitié des êtres, naissent ici.
Ces gens, sachons-le,
sont libres de naître où ils le désirent
et peuvent, en ce mauvais âge,
prêcher largement la Loi insurpassable.
Il faut, par des fleurs et parfums célestes,
des vêtements aux joyaux célestes,
de sublimes amas de joyaux du plus haut des cieux,
faire offrande à ceux qui prêchent la Loi.
Dans le mauvais âge d'après ma Disparition,
ceux qui pourront maintenir ce livre
devront être honorés les paumes jointes,
comme on fait offrande au Vénéré du monde
De plats excellents, de douceurs splendides,
de toutes sortes d'habits aussi,
il sera fait offrande à ces enfants d'Éveillé,
dans l'espoir de pouvoir, ne serait-ce qu'un bref instant, les entendre.
Si quelqu'un peut, dans un âge ultérieur,
recevoir et préserver ce livre,
je l'enverrai parmi les hommes
pratiquer l'oeuvre d'Ainsi-Venu.
Si, durant tout un éon,
ayant constamment au coeur une pensée sans bonté,
on faisait des mines et insultait l'Éveillé,
les fautes encourues seraient incalculablement graves;
s'il se trouvait quelqu'un pour lire, réciter, maintenir
ce Livre du lotus de la Loi,
et qu'on médisait de lui, même un bref instant,
la faute alors dépasserait l'autre.
Si quelqu'un, en quête de la voie d'Éveillé,
pendant tout un éon,
les paumes jointes devant moi,
faisait mes louanges en d'innombrables stances,
du fait de ces hymnes à l'Éveillé,
il obtiendrait des mérites incalculables;
qui fait l'éloge de ce livre et le préserve
aura davantage encore de mérites.
Qui, pendant quatre-vingt myriades d'éons,
des plus subtiles formes et voix,
mais aussi odeurs, saveurs, sensations tactiles,
aura fait offrande à ceux qui maintiennent ce livre,
si, ayant fait de telles offrandes,
il peut l'entendre, ne serait-ce qu'un bref instant,
il aura alors tout lieu de se réjouir :
« Quel grand bénéfice j'ai à présent obtenu ! »
Roi des Remèdes, je te le déclare maintenant :
de tous les textes canoniques que j'ai exposés,
parmi tous ces livres,
le Lotus de la Loi est primordial.
Alors l'Éveillé déclara encore à l'être d'Éveil Roi des Remèdes, le grand être :
Parmi les innombrables millions de myriades de textes canoniques prêchés par moi dans le passé, le présent et l'avenir, ce Livre du lotus de la Loi est le plus difficile à croire, le plus difficile à comprendre. Roi des Remèdes, ce livre est le réceptacle des arcanes des Éveillés; il ne peut être distribué ni donné à la légère aux hommes. Sauvegardé par les Éveillés Vénérés du monde, jamais encore dans les temps anciens il n'avait été révélé. Or ce livre canonique, alors même que l'Aînsi-Venu est présent en personne, est déjà en butte à mainte rancoeur; à plus forte raison alors après son passage en Disparition.
Sache-le, Roi des Remèdes : après la Disparition de l'Ainsi-Venu, ceux qui seront capables de le recopier, le préserver, le lire, le réciter, l'honorer, et le prêcher aux autres, l'Ainsi-Venu les revêtira de son habit et ils seront aussi protégés par les Éveillés qui seront apparus en personne dans les autres orients. Ces gens seront pourvus de grande force de foi, de force de résolution, de force de racines de bien. Ces gens, sache-le, cohabiteront avec l'Ainsi-Venu, et auront la tête effleurée de la main de l'Ansi-Venu.
Roi des Remèdes, partout et en tout lieu où on le prêchera, le lira, le récitera, le copiera, ou même où l'on en gardera les volumes, il conviendra à chaque fois d'y ériger une pagode des sept matières précieuses, que l'on fera extrêmement haute, vaste et décorée. Il ne sera pas nécessaire d'y mettre en plus des reliques. Pourquoi cela ? C'est qu'il y aura déjà le corps entier de l'Ainsi-Venu. Ces pagodes devront être, par tout ce qui existe comme fleurs, encens, colliers, dais de soie, bannières, musiques et hymnes, honorées, respectées, vénérées, célébrées. Ceux qui obtiendront de voir ces pagodes, de les révérer et d'y faire offrande, seront tous, il faut le savoir, proches de l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Roi des Remèdes, des nombreuses personnes, laïques et religieuses, qui pratiquent la voie d'êtres d'Éveil, celles qui sont incapables de voir ou d'entendre, de lire, réciter, copier, préserver, honorer ce Livre du lotus de la Loi ne maîtrisent pas encore, il fàut le savoir, la pratique de la voie d'être d'Éveil. Celles qui obtiendront d'entendre ce texte canonique pourront bien pratiquer la voie d'être d'Éveil. Parmi les êtres qui sont en quête de la voie d'Éveillé, ceux qui voient ou entendent ce Livre du lotus de la Loi et, l'ayant entendu, le reçoivent et le préservent avec foi et compréhension, pourront, il faut le savoir, s'approcher de l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Roi des Remèdes, ceci est comparable à un homme qui aurait soif et besoin d'eau. Il en cherche en creusant sur un haut plateau; tant qu'il ne voit que la terre sèche, il sait que l'eau est encore loin. Ne cessant d'appliquer son effort, il aperçoit peu à peu la terre humide et finit par arriver à la boue. Sa pensée est déterminée et il sait que l'eau est forcément proche. Il en va de même de l'être d'Éveil : celui qui n'a encore ni entendu ni compris, qui n'a pas pu pratiquer ce Livre du lotus de la Loi, celui-là, il faut le savoir, se trouve encore bien loin de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. S'il obtient de l'entendre et de le comprendre, d'y réfléchir et de s'y exercer, il saura forcément qu'il a pu s'approcher de l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Comment cela se fait-il ? C'est que l'Éveil complet et parfait sans supérieur de l'ensemble des êtres d'Éveil relève toujours de ce livre, qui ouvre la porte des expédients pour y montrer l'aspect de la réalité authentique. Le réceptacle du Livre du lotus de la Loi est profond, ferme, abscons et lointain; nul homme ne serait capable d'y arriver. Maintenant l'Éveillé, par son enseignement salvifique qui mène les êtres d'Éveil à accomplissement, le leur révèle.
Roi des Remèdes, s'il est un être d'Éveil qui, entendant le Livre du lotus de la Loi, s'en étonne, en doute ou s'en effraie, il faut savoir qu'il s'agit d'un être d'Éveil ayant déployé son intendon récemment. Si c'est un auditeur qui, entendant ce livre, s'en étonne, en doute ou s'en effraie, il faut savoir qu'il s'agit d'un outrecuidant.
S'il est des fils et filles de bien qui, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, désirent prêcher ce Livre du lotus de la Loi aux quatre congrégations, comment devront-ils l'exposer ? Ces fils et filles de bien entreront dans la chambre de l'Ainsi-Venu, revêtiront l'habit de l'Ainsi-Venu, s'assiéront sur le siège de l'Ainsi-Venu; c'est à ce moment qu'ils devront prêcher largement ce livre aux quatre congrégations.
La chambre de l'Ainsi-Venu, c'est la pensée de grande compassion dans l'ensemble des êtres. L'habit d'Ainsi-Venu, c'est la pensée de douceur et de patience. Le siège de l'Ainsi-Venu, c'est la vacuité de l'ensemble des entités. Une fois qu'ils y demeurent en toute sûreté, ils prêchent dès lors largement ce Livre du lotus de la Loi aux êtres d'Éveil et aux quatre congrégations, d'un esprit inlassable.
Roi des Remèdes, en d'autres royaumes, je dépêcherai des êtres fantasmagoriques pour qu'ils y rassemblent les foules qui écouteront la Loi; j'enverrai aussi des fantasmagories de moines et de nonnes, de pieux laïcs et laïques pieuses pour écouter la prédication de cette Loi. Ces personnages fantasmagoriques entendront la Loi, l'accepteront avec foi, la suivront sans la contrecarrer. Si celui qui prêche la Loi se trouve en un endroit isolé, je lui dépêcherai en temps voulu de vastes troupes de dieux, de dragons, de génies, de centaures, de titans pour leur faire écouter sa prédication de la Loi. Même si je suis en un royaume étranger, je permettrai de temps en temps à celui qui prêche la Loi de me voir corporellement. S'il vient à oublier ne serait-ce qu'une phrase de ce livre, je la lui exposerai à nouveau afin qu'il puisse la compléter.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Qui désire renoncer à toute inertie
se doit d'écouter ce livre.
Il est difficile de pouvoir l'entendre,
l'accepter avec foi est tout aussi difficile.
Comme un homme assoiffé, qui a besoin d'eau,
creuse un haut plateau :
tant qu'il voit la terre desséchée,
il sait qu'il est encore bien loin de l'eau;
finissant par voir la boue humide,
il sait de façon déterminée qu'il approche de l'eau.
Sache-le, Roi des Remèdes :
les gens qui, tel celui-ci,
n'ont pas entendu le Livre du lotus de la Loi
sont encore fort loin de la sagesse d'Éveillé;
s'ils entendent ce texte profond,
qui détermine leur intelligence de l'enseignement d'auditeur,
ce roi des livres canoniques,
l'ayant entendu, ils y réfléchiront en toute lucidité.
Ces gens, il faut le savoir,
seront proches de la sagesse d'Éveillé.
Pour qui va prêcher ce livre,
il convient d'entrer dans la chambre d'Ainsi-Venu,
de revêtir l'habit d'Ainsi-Venu
et de s'asseoir au siège d'Ainsi-Venu;
il se placera plein d'assurance dans la foule des êtres
et leur détaillera largement la prédication.
La grande compassion est la chambre,
douceur et patience sont l'habit,
la vacuité des entités est le siège :
il s'y placera pour prêcher la Loi.
Quand il exposera ce livre,
il s'en trouvera pour l'insulter de méchantes paroles,
pour brandir poignards, bâtons, tuiles et pierres;
il le supportera par sa commémoration de l'Éveillé.
Moi-même, en des millions de myriades de terres,
je fais apparaître mon corps, ferme en sa pureté.
Pendant d'innombrables myriades d'éons,
je prêche la Loi aux êtres.
Si, après mon passage en Disparition,
il se trouve quelqu'un qui puisse exposer ce livre,
je lui dépêcherai par fantasmagorie les quatre congrégations
de moines et de nonnes,
de seigneurs et de dames à la foi pure
qui feront offrande à ce maître de Loi;
conduisant les êtres
et les rassemblant là, je leur ferai écouter la Loi.
Si des gens lui veulent du mal,
par poignards, bâtons, tuiles, pierres,
je dépêcherai des êtres fantasmagoriques
qui lui serviront de gardes du corps.
Si celui qui prêche la Loi
se trouve seul dans un endroit désert
et dépeuplé, sans voix humaine,
à lire et réciter ce livre canonique,
je lui apparaîtrai alors,
en mon corps de lumineuse pureté;
s'il oublie une phrase du texte,
je la lui dirai pour qu'il s'en pénètre.
Si quelqu'un, pleinement muni de ces mérites,
prêche un jour aux quatre congrégations
ou qu'il lise et récite ce livre dans un endroit désert,
il obtiendra toujours de voir mon corps.
S'il réside dans un lieu retiré,
je lui dépêcherai dieux, rois dragons,
silènes, démons, génies et autres
qui lui feront une foule pour écouter la Loi.
De tels hommes se complaisent à prêcher la Loi,
à la détailler sans obstacle ni empêchement;
parce que les Éveillés les protègent,
ils peuvent mener les foules à l'allégresse :
si elles approchent un maître de la Loi,
elles gagneront promptement la voie d'Éveillé;
l'apprenti qui suit un maître de la Loi
pourra voir des Éveillés aussi nombreux que les sables du Gange.


^*^*^*^ 


CHAPITRE XI
La vision de la pagode de matières précieuses

En cette heure, face à l'Éveillé, il y eut une pagode faite des sept matières précieuses, haute de cinq cents parasanges, et de deux cent cinquante parasanges horizontalement, qui surgit de la terre et demeura dans le vide; elle était ornée de toutes sortes d'objets précieux. Cinq mille balustrades, dix millions de chapelles, d'innombrables bannières la décoraient. Des guirlandes de joyaux en pendaient, des milliers de myriades de clochettes précieuses y étaient accrochées. Des quatre côtés en émanaient des parfums de feuilles de tamâla et de santal qui emplissaient le monde. Les dais en étaient confectionnés des sept matières précieuses : or, argent, béryl, nacre, agate, perle, corail, et s'élevaient jusqu'aux palais des quatre rois célestes. Les dieux Trente-Trois firent pleuvoir des fleurs d'arbre-corail célestes en offrande à la précieuse pagode; les autres, les multitudes de millions de myriades de dieux, dragons, silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, humains et non-humains, par tout ce qu'il se pouvait de fleurs, parfums, guirlandes, dais, bannières, musiques, firent offrande à la précieuse pagode, l'honorèrent, la vénérèrent, la glorifièrent.
Alors, de l'intérieur de la pagode sortit une grande voix qui fit ces louanges : « C'est bien, c'est fort bien ! Le Vénéré du monde Çâkyamuni est capable d'exposer à une vaste multitude le Livre du lotus de la Loi sublime, grande sagesse d'égalité, Loi enseignée aux êtres d'Éveil, gardée en mémoire par les Éveillés. C'est comme cela, c'est bien comme cela ! Tout ce que prêche le Vénéré du monde Çâkyamuni est authentique et réel. »
Alors les quatre congrégations virent la grande pagode de matières précieuses qui demeurait dans le vide, entendirent aussi la voix qui sortait de la pagode, et furent tous saisis par l'allégresse de la Loi, étonnés de ce fait sans précédent. Ils se levèrent de leur siège, rendirent hommage les paumes jointes et se retirèrent d'un côté.
Il y eut alors un être d'Éveil, un grand être, du nom de Grand Prêche en Joie, lequel, connaissant les doutes qu'avaient en leur coeur dieux, hommes et titans de l'ensemble des mondes, s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, pour quelles raisons y a-t-il cette pagode de matières précieuses qui surgit de terre, et cette voix, de plus, qui en provient ? »
Alors l'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Grand Prêche en Joie :
Dans cette pagode de matières précieuses, il y a le corps intact et entier d'un Ainsi-Venu. C'est que, dans le passé, à des quantités incalculables d'innombrables millions de myriades de mondes vers l'est, il était un royaume du nom de Pureté de Trésor; il s'y trouvait un Éveillé appelé Maint-Trésor. Du temps où cet Éveillé pratiquait la voie d'être d'Éveil, il avait fait un grand serment : « Si, après que j'aurai obtenu l'état d'Éveillé et que je serai passé en Disparition, il se trouve, dans les terres des dix orients, un endroit où se prêche le Livre du lotus de la Loi, ma pagode, afin d'écouter ce livre canonique, surgira de terre et apparaîtra devant tous pour porter témoignage et l'approuver par les mots : C'est bien ! »
Alors que cet Éveillé, ayant réalisé la Voie, était sur le point de passer en Disparition, il déclara aux moines, au milieu d'une multitude d'hommes et de dieux : « Après mon passage en Disparition, ceux qui voudront faire offrande à mon corps intact et entier devront édifier une seule grande pagode. »
Cet Éveillé, grâce à ses pouvoirs divins et à la puissance de son voeu, fait en sorte qu'en quelque lieu que ce soit des mondes des dix orients, s'il se trouve quelqu'un pour prêcher le Livre du lotus de la Loi, sa pagode précieuse surgisse à chaque fois devant lui, avec son corps intact et entier à l'intérieur, qui l'approuve par les mots : « C'est bien, c'est très bien ! »
Grand Prêche en Joie, voici qu'à présent la pagode de l'Ainsi-Venu Maint-Trésor, ayant entendu que l'on prêchait le Livre du lotus de la Loi, a surgi de terre et a prononcé les paroles d'approbation : « C'est bien, c'est très bien ! »
Sur ce, l'être d'Éveil Grand Prêche en Joie, en considération des pouvoirs divins de l'Ainsi-Venu, s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, nous souhaiterions voir le corps de cet Éveillé. »
L'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Grand Prêche en Joie, le grand être : « Cet Éveillé Maint-Trésor a fait un voeu profond et grave : si, lorsque ma pagode précieuse aura surgi devant les Éveillés pour écouter le Livre du lotus de la Loi, il s'en trouve pour vouloir montrer mon corps aux quatre congrégations, ce ne sera qu'après que les divers Éveillés émanés de cet Éveillé et prêchant la Loi dans les mondes des dix orients se seront tous tant qu'ils sont rassemblés en un seul et même endroit que mon corps se manifestera à eux. Grand Prêche en Joie, les Éveillés émanés de ma personne qui prêchent la Loi dans les mondes des dix orients vont à présent se rassembler. »
Grand Prêche en Joie s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, nous souhaiterions également voir les Éveillés émanés du Vénéré du monde afin de leur rendre hommage et leur faire offrande. »
Alors l'Éveillé émit de la touffe blanche entre ses sourcils un seul rai de lumière qui fit voir, vers l'est, les Éveillés de royaumes aussi nombreux que cinq millions de myriades de milliards de Gange. Ces royaumes avaient un sol de cristal et étaient ornés d'arbres et d'étoffes de matières précieuses; ils étaient remplis d'innombrables millions de myriades d'êtres d'Éveil; ils étaient partout tendus de courtines précieuses, et de précieux treillis étaient suspendus au-dessus. Les Éveillés de ces royaumes, d'une grande et sublime voix, prêchaient les enseignements, et l'on vit des millions de myriades d'êtres d'Éveil, emplissant les royaumes, qui prêchaient la Loi à la multitude. Au sud, à l'ouest, au nord, dans les quatre directions intermédiaires, au zénith et au nadir, aux endroits éclairés par la lumière de la touffe blanche caractéristique, il en était de même.
Alors les Éveillés des dix orients déclarèrent chacun à la multitude des êtres d'Éveil : « Fils de bien, je dois à présent me rendre dans le monde d'Endurance, auprès de l'Éveillé Çâkyamuni, et faire en même temps offrande à la pagode précieuse de l'Ainsi-Venu Maint-Trésor. »
À ce moment, le monde d'Endurance fut transformé en complète pureté : béryl pour le sol, arbres de matières précieuses pour décoration, or pour les cordons qui délimitaient les huit voies; il ne s'y trouvait plus ni villages, ni bourgs, ni villes, plus d'océan ni de fleuves, de monts ni de torrents, de forêts ni de bosquets. Il y brûlait un encens grandement précieux, partout des fleurs d'arbre-corail en jonchaient le sol, de précieux treillis et courtines en recouvraient le dessus, des clochettes de matières précieuses y étaient suspendues. Seuls étaient restés les êtres de cette assemblée; on avait déplacé les dieux et les hommes pour les installer en d'autres terres.
Alors les Éveillés prirent chacun un grand être d'Éveil pour assistant et se rendirent au monde d'Endurance; ils arrivèrent chacun au pied d'un arbre de matières précieuses. Tous ces arbres précieux étaient hauts de cinq cents parasanges, ornés de branches, feuilles, fleurs et fruits en bon ordre. Au pied de tous les arbres précieux se trouvait un trône léonin, haut de cinq parasanges, qui était également orné de grands joyaux.
Alors les Éveillés s'assirent chacun sur un de ces sièges, les jambes repliées et croisées, en se déployant ainsi de façon croissante jusqu'à remplir universellement le monde tricosmique, mais les corps émanés de l'Éveillé Çâkyamuni en une seule direction n'étaient pas même encore au complet.
À ce moment, l'Éveillé Çâkyamuni, qui voulait recevoir les Éveillés émanés de son corps, transforma encore, en chacun des huit orients, deux millions de myriades de milliards de royaumes de façon qu'ils fussent tous purifiés, sans plus d'enfers, de démons affamés, d'animaux ni de titans, de même que furent déplacés les dieux et les hommes pour être installés en d'autres terres. Les royaumes ainsi métamorphosés avaient pour sol le béryl, des arbres de matières précieuses les décoraient; les arbres étaient hauts de cinq cents parasanges, ornés de branches, feuilles, fleurs et fruits en bon ordre. Au pied de tous les arbres se trouvait un trône léonin de matière précieuse, haut de cinq parasanges, paré de toutes sortes de joyaux. Il ne s'y trouvait pas non plus d'océan, de fleuves, ni de monts souverains comme le mont Mucilinda, le mont Mahâ-Mucilinda, le mont Enceinte de Fer, le mont Grande Enceinte de Fer ou le mont Sumeru. L'ensemble constituait un seul royaume d'Éveillé; le sol de matière précieuse en était plat et uni; des courtines constellées de joyaux le recouvraient complètement par-dessus, dais et bannières y étaient suspendus. On y brûlait de l'encens grandement précieux et de célestes fleurs de matières précieuses en jonchaient partout le sol.
L'Éveillé Çâkyamuni, à l'intention des Éveillés qui devaient venir, transforma encore, dans les huit orients, deux millions de myriades de milliards de royaumes en plus, de façon qu'ils fussent tous purifiés, dépourvus d'enfers, de démons affamés, d'animaux et de titans; en outre, les dieux et les hommes furent déplacés et installés en d'autres terres. Les royaumes ainsi métamorphosés avaient également un sol de béryl, des arbres de matières précieuses les décoraient; ceux-ci avaient cinq cents parasanges de hauteur; branches, feuilles, fleurs, fruits les ornaient en bon ordre. Au pied de tous les arbres se trouvait un trône léonin de matière précieuse, haut de cinq parasanges, également décoré de grands joyaux. Ils étaient également dépourvus d'océan, de fleuves, des monts souverains tels le Mucilinda, le Mahâ-Mucilinda, le mont Enceinte de Fer, le mont Grande Enceinte de Fer ou le mont Sumeru. L'ensemble constituait un seul royaume d'Éveillé; le sol de matière précieuse en était plat et uni; des courtines constellées de joyaux le recouvraient complètement par-dessus, dais et bannières y étaient suspendus. On y brûlait de l'encens grandement précieux et de célestes fleurs de matières précieuses en jonchaient partout le sol.
Alors les corps émanés de l'Éveillé Çâkyamuni en direction de l'est, les Éveillés de royaumes aussi nombreux que les sables de millions de myriades et de milliards de Gange, chacun prêchant la Loi, vinrent se rassembler ici. C'est ainsi que, progressivement, les Éveillés des dix orients vinrent, tous tant qu'ils sont, se rassembler et s'asseoir dans les huit directions. Alors quatre millions, myriades et milliards de royaumes, dans chacune des directions, se trouvèrent universellement remplis d'Éveillés Ainsi-Venus.
C'est alors que les Éveillés, assis chacun au pied d'un arbre de matière précieuse, sur un trône léonin, envoyèrent tous leur assistant saluer de l'Éveillé Çâkyamuni en leur donnant chacun, à pleines poignées, des fleurs de matière précieuse et en leur déclarant : « Fils de bien, rends-toi auprès de l'Éveillé sur le Pic du Vautour et dis-lui ainsi que je te l'indique : "Peu de maladies, peu de tourments, force d'esprit, sérénité à vous !" et : "La multitude des êtres d'Éveil et des auditeurs sont-ils tous dans le soulagement ?" Tu disperseras ces fleurs précieuses sur l'Éveillé pour lui faire offrande et tu lui diras ces paroles : "L'Éveillé Tel et Tel souhaiterait donner délégation pour ouvrir cette pagode précieuse." » Ainsi en alla-t-il également des Éveillés qui envoyèrent leur messager.
Alors l'Éveillé Çâkyamuni, voyant que les Éveillés émanés de son corps étaient tous rassemblés, chacun assis sur un trône léonin, les ayant tous entendus donner délégation pour ouvrir de concert la pagode précieuse, s'éleva de son trône et demeura dans l'espace. L'ensemble des quatre congrégations se leva, paumes jointes, et contempla l'Éveillé d'un seul coeur. Sur ce, l'Éveillé Çâkyamuni, de l'index droit, ouvrit la porte de la pagode faite des sept matières précieuses. Il en sortit un grand bruit, comme lorsque l'on ouvre les portes d'une ville en les déverrouillant, et aussitôt toute l'assemblée aperçut l'Ainsi-Venu Maint-Trésor assis sur un trône léonin dans la pagode précieuse, le corps intègre, non dispersé, comme entré en concentration. Et ils entendirent ces paroles : « C'est bien, c'est très bien ! Ô Éveillé Çâkyamuni, expose vite ce Livre du lotus de la Loi, c'est pour écouter ce texte canonique que je suis venu ici. »
Alors les quatre congrégations, voyant un Éveillé passé dans l'Extinction d'innombrables millions de myriades d'éons auparavant prononcer de telles paroles, admirèrent ce fait sans précédent et dispersèrent sur l'Éveillé Maint-Trésor et l'Éveillé Çâkyamuni des amas de célestes fleurs de matières précieuses.
Alors l'Éveillé Maint-Trésor, au sein de la pagode précieuse, partagea la moitié de son trône avec l'Éveillé Çâkyarnuni en lui disant ces paroles : « Ô Éveillé Çâkyamuni, tu peux prendre place sur ce trône. »
L'Éveillé Çâkyamuni, à ce moment, pénétra dans la pagode et s'assit sur la moitié du trône, les jambes repliées et croisées. Alors chaque être de la grande multitude, voyant les deux Ainsi-Venus assis les jambes repliées et croisées sur le trône léonin, dans la pagode faite des sept matières précieuses, se firent cette réflexion : les Éveillés sont assis bien loin dans les hauteurs; notre seul souhait est que l'Ainsi-Venu, par la force de ses pouvoirs divins, nous permette de nous tenir dans l'espace avec eux.
Çâkyamuni alors, grâce à ses pouvoirs divins, accueillit toute la vaste multitude dans l'espace; d'une voix immense, il déclara universellement aux quatre congrégations : « Qui sera capable, en ce monde d'Endurance, de prêcher largement le Livre du lotus de la Loi sublime ? C'est à présent le bon moment : il se passera peu de temps avant que l'Ainsi-Venu n'entre dans l'Extinction et l'Éveillé désire confier ce Livre du lotus de la Loi sublime à demeure. »
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Le saint souverain, le Vénéré du monde,
bien que depuis longtemps passé en Disparition,
au sein de sa pagode précieuse,
est malgré tout venu pour la Loi.
Pourquoi les hommes
ne font-ils pas effort pour la Loi ?
Cet Éveillé est passé en Disparition
il y a d'incalculables éons
et pourtant, où que ce soit, il écoute la Loi
car c'est une chance difficilement rencontrée.
Cet Éveillé avait fait un voeu originel :
« Après ma Disparition,
en quelque lieu qu'il faille me diriger,
je serai toujours là pour écouter la Loi. »
En outre, les innombrables Éveillés
qui sont mes corps d'émanation,
égaux aux sables du Gange,
arrivent, désireux d'écouter la Loi
ainsi que de voir, passé en Disparition,
l'Ainsi-Venu Maint-Trésor.
ils ont chacun quitté leur terre sublime
et la foule de leurs disciples,
les dieux, hommes, dragons, génies,
toutes les offrandes qui leur sont faites;
c'est pour permettre à la Loi de demeurer pérenne
qu'ils sont venus jusqu'ici.
Afin d'asseoir les Éveillés,
grâce à mes pouvoirs divins,
j'ai déplacé d'innombrables êtres
pour purifier le royaume.
Les Éveillés, tous et chacun,
se rendent au pied des arbres précieux,
comme un étang d'eau pure et fraîche
se pare de fleurs de lotus.
Au pied de ces arbres précieux,
les trônes léonins
où les Éveillés prennent place
baignent dans leur lumière,
comme, dans l'obscurité,
de grandes torches qui brûlent.
Leur corps dégage une subtile fragrance
qui emplit les royaumes des dix orients.
Les êtres s'imprègnent de ces effluves,
ne se tenant plus d'allégresse,
à l'exemple d'un grand vent
qui soufflerait sur les rameaux d'arbustes.
Grâce à ces expédients,
je permets à la Loi de demeurer pérenne
et déclare aux vastes multitudes :
Après ma Disparition,
qui sera capable de préserver,
de lire et exposer ce livre canonique ?
A présent, devant l'Éveillé,
qu'il prononce son propre serment.
L'Éveillé Maint-Trésor,
bien que de longue date en Disparition,
a, de par son grand voeu,
poussé son rugissement de lion.
l'Ainsi-Venu Maint-Trésor,
ainsi que moi-même
et les Éveillés métamorphiques ici rassemblés
se doivent de connaître cette intention.
Fils de l'Éveillé !
Qui sera capable de sauvegarder la Loi ?
Il se devra de déployer sa grande résolution
pour la faire demeurer pérenne.
S'il est quelqu'un qui puisse garder
l'enseignement de ce livre canonique,
cela revient à nous faire offrande
à Maint-Trésor et à moi.
L'Éveillé Maint-Trésor,
sis en la précieuse pagode,
parcourt constamment les dix orients :
c'est pour ce livre qu'il le fait.
De même encore, faites offrande
aux Éveillés métamorphiques venus ici
qui ornent de leur splendeur les
divers mondes.
Car si l'on expose ce livre canonique,
on me verra, moi,
et l'Ainsi-Venu Maint-Trésor,
ainsi que les Éveillés métamorphiques.
Fils de bien,
réfléchissez-y chacun avec lucidité,
c'est une entreprise bien difficile
et il convient de déployer une grande résolution.
Tous les autres livres canoniques,
nombreux comme les sables du Gange,
même si on les exposait,
ne poseraient pas de difficulté.
Embrasser le Sumeru
pour le projeter ailleurs,
à d'innombrables terres d'Éveillé,
ne serait pas non plus difficile.
Si l'on devait de l'orteil
ébranler le monde mégacosmique
et le précipiter en un lointain royaume,
ce ne serait pas non plus difficile.
Se tenir au ciel du Faîte
et prêcher à la multitude
les innombrables autres Écritures,
ce ne serait pas non plus difficile.
Mais, après la Disparition de l'Éveillé,
en un mauvais âge,
être capable de prêcher ce livre,
voilà qui est difficile.
Quand bien même il s'en trouverait
pour saisir l'espace de la main
et s'y promener à l'aise,
ce ne serait pas non plus difficile.
Mais qu'après ma Disparition,
on le copie soi-même pour le préserver,
ou qu'on le fasse copier par d'autres,
voilà qui est difficile.
Prendre la vaste terre
pour la placer sur l'ongle de son orteil
et la faire monter jusqu'au ciel de Brahmâ,
ce ne serait pas non plus difficile.
Mais après le passage de l'Éveillé en Disparition,
dans un âge mauvais,
lire ce texte, même brièvement,
voilà qui est difficile.
Même si l'on devait, dans l'embrasement cosmique,
en portant de l'herbe sèche,
pénétrer sans être brulé,
cela ne serait pas non plus difficile.
Mais qu'après ma Disparition,
l'on préserve ce livre
et qu'on l'expose ne serait-ce qu'à un seul,
voilà qui est difficile.
Maintenir les quatre-vingt-
quatre mille corbeilles d'enseignements,
les douze classes de textes canoniques,
les exposer aux hommes,
permettre à ceux qui les auraient écoutés
d'obtenir les six pouvoirs divins;
même être capable de tels faits
ne saurait être tenu pour difficile.
Mais qu'après ma Disparition,
on écoute et accepte ce livre,
qu'on interroge sur ce qu'il veut dire,
voilà qui est difficile.
Si l'on exposait la Loi
et permettait à des millions de myriades
d'innombrables et incalculables
êtres, aussi nombreux que les sables du Gange,
d'obtenir l'état de Méritant
et de se munir des six pouvoirs divins;
même avoir une telle activité bienfaisante
ne serait pas non plus difficile.
Mais qu'après ma Disparition
l'on soit capable de se dévouer à maintenir
un livre canonique tel que celui-ci,
voilà qui est difficile.
J'ai, pour la voie d'Éveillé,
en d'innombrables terres,
du début jusqu'à maintenant,
amplement exposé les Écritures,
et parmi celles-ci,
ce livre est primordial;
quiconque est capable de le garder
garde en conséquence le corps d'Éveillé.
Fils de bien,
qui pourra, après ma Disparition,
recevoir et maintenir,
lire et réciter ce livre ?
Qu'à présent, devant l'Éveillé,
il prononce de lui-même son serment.
Garder ce livre est difficile :
qui le maintiendra, ne serait-ce que brièvement,
provoquera mon allégresse
et celle des Éveillés.
De telles personnes
sont admirées des Éveillés :
voici ce qu'est le courage,
voici ce qu'est le zèle,
voici ce qui s'appelle garder les commandements
et pratiquer l'ascèse.
Ils feront leur, et rapidement,
l'insurpassable voie d'Éveillé.
Ceux qui seront capables, dans les âges à venir,
de lire et garder ce texte canonique
seront les véritables enfants de l'Éveillé,
ils demeureront dans une terre de limpide bonté.
Après le passage de l'Éveillé en Disparition,
qui sera capable d'en comprendre le sens
sera, pour les dieux et les hommes, la pupille du monde.
Dans un âge effrayant,
qui pourra, le plus bref des instants, l'exposer
recevra de l'ensemble des dieux et des hommes
certainement l'offrande.
Fin du quatrième livre


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CHAPITRE XII
Don des Dieux

En cette heure, l'Éveillé déclara aux étres d'Éveil, aux dieux, aux hommes et aux quatre congrégations :
J'ai, au cours d'innombrables éons du passé, recherché le Livre du Lotus de la Loi sans connaître de lassitude; pendant de nombreux éons, j'ai constamment pris naissance comme souverain d'un royaume, lequel avait fait voeu de rechercher l'Éveil insurpassable, son esprit ne régressant jamais. Dans son désir de mener à leur plénitude les six perfections, il pratiquait le don avec diligence : en son coeur, il n'était jamais avare d'éléphants, de chevaux, des sept raretés, de villes fortifiées, de femmes et enfants, d'esclaves ou de serviteurs; que ce fût la tête ou les yeux, la moelle ou le cerveau, le corps ou la chair, les mains ou les pieds, il n'épargnait pas même sa vie corporelle. En ce temps-là, la durée de vie des gens était incalculable; pour l'amour de la Loi, il avait rejeté royaume et trône, confiant le pouvoir politique au prince héritier, et fait battre tambour pour proclamer aux quatre vents qu'il recherchait la Loi : « Qui sera capable de m'exposer le Grand Véhicule ? Ma vie durant je lui fournirai mes services. »
Il se trouva alors un ermite pour venir proposer au roi : « Je possède le Grand Véhicule, il a nom Livre de la fleur de Lotus de la Loi sublime; Si tu ne me désobéis point, je te l'exposerai. » Le roi, entendant les paroles de l'ermite, exulta d'allégresse; dès lors, il le suivit pour lui fournir le nécessaire : il cueillait les fruits, puisait de l'eau, ramassait le bois, préparait les repas, lui faisait même une couche et un siège de son corps, sans se lasser en corps ou en esprit. Le temps qu'il passa à son service fut de mille années et, dans son zèle à l'assister, il ne le laissa jamais manquer de rien.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Je me remémore les éons passés,
alors que, dans ma quête de la Loi,
je me trouvais être ce roi d'un royaume séculier,
pourtant nullement avide des cinq voluptés.
Il battit la cloche pour proclamer aux quatre orients :
« Qui donc possède la grande Loi ?
S'il l'explique à mon intention,
je ferai de ma personne son esclave. »
Il y eut alors un ermite anachorète
qui vint proposer au grand roi :
« Je possède un enseignement subtil et sublime,
qui se trouve rarement dans le monde;
si tu es capable de t'exercer à la pratique,
je te l'exposerai. »
Le roi, entendant les paroles de l'ermite,
conçut en son coeur grande liesse;
il se mit à le suivre
et subvint à son nécessaire,
ramassant bois, fruits et légumes
pour les lui offrir respectueusement au moment propice;
parce qu'il s'en tenait en pensées et inclinations à la Loi sublirne,
il n'avait nulle lassitude de corps ou d'esprit.
C'était pour les êtres en général
qu'il recherchait avec diligence la grande Loi,
certes pas pour lui-même
ni pour la délectation des cinq désirs;
ainsi, tout en étant roi,
dans sa quête diligente il gagna cette Loi
et obtint finalement de réaliser l'état d'Éveillé;
voilà pourquoi je vous parle à présent.
L'Éveillé déclara aux moines :
Le roi de ce temps-là, c'était moi-même, et l'ermite d'alors, c'est l'actuel Don des Dieux. C'est grâce à Don des Dieux, l'ami de bien, que je fus amené à disposer totalement des six perfections, de la charité, de la compassion, de l'allégresse, du renoncement, des trente-deux marques, des quatre-vingts signes secondaires, de la couleur d'or frotté de pourpre, des dix forces, des quatre assurances, des quatre inclusions, des dix-huit exclusivités, des pouvoirs divins, de la puissance de la Voie, à réaliser l'Éveil égal et correct et à sauver largement les êtres. Tout cela est grâce à Don des Dieux, l'ami de bien.
Il déclara aux quatre multitudes :
Don des Dieux, bien plus tard, au terme d'innombrables éons, obtiendra de réaliser l'état d'Éveillé et sera appelé l'Ainsi-Venu Roi des Dieux, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde; son monde aura nom Voie des Dieux. L'Éveillé Roi des Dieux demeurera au monde vingt éons moyens et prêchera largement aux êtres la Loi sublime. Des êtres nombreux comme les sables du Gange obtiendront le fruit de Méritant. D'innombrables êtres déploieront la pensée d'Éveil par les conditions. Des êtres nombreux comme les sables du Gange déploieront la pensée de la Voie insurpassable, ils obtiendront l'adhésion aux entités en tant que non produites et demeureront dans un état sans régression. Après l'Extinction suprême de l'Éveillé Roi des Dieux, en son temps, la Loi correcte demeurera au monde vingt éons moyens; pour reliquaire de son corps intact et entier on élèvera une pagode faite des sept matières précieuses, dont la hauteur sera de soixante parasanges, la largeur et la profondeur de quarante parasanges. Les dieux et les gens, tous tant qu'ils sont, feront de fleurs diverses, de poudres, de fumigations, d'onguents, de vêtements, de guirlandes, de bannières, de dais précieux, de musique et d'hymnes révérence et offrande à la merveilleuse pagode des sept matières précieuses. D'innombrables êtres obtiendront le fruit de Méritant, d'innombrables êtres auront l'intellection d'éveillé pour soi; un nombre inconcevable d'êtres déploieront la pensée d'Éveil et atteindront l'état sans régression. »
L'Éveillé déclara aux moines :
Dans les âges à venir, s'il est des fils et des filles de bien qui entendent le chapitre Don des Dieux du Livre du Lotus de la Loi sublime et y accordent foi et respect d'un coeur pur sans concevoir doutes ni égarements, ils ne tomberont pas dans les enfers, ni parmi les démons affamés, ni parmi les animaux, mais renaîtront en présence des Éveillés des dix orients. Là où ils renaîtront, ils entendront constamment ce livre canonique. S'ils renaissent parmi les hommes ou les dieux, ils éprouveront des plaisirs exquis et, s'ils se trouvent en présence d'un Éveillé, ils renaîtront par métamorphose sur des fleurs de lotus.
À ce moment, un être d'Éveil du nom d'Amas de Sagesse, qui escortait Maint-Trésor, Vénéré du monde dans la direction du nadir, s'adressa à cet Éveillé : « Retournons à notre terre d'origine. » L'Éveillé Çâkyamuni s'adressa à Amas de Sagesse : « Fils de bien, attends donc un instant ! Il y a ici un être d'Éveil du nom de Mañjuçrî, que tu pourrais rencontrer afin de discuter de la Loi sublime, pour retourner ensuite à ta terre d'origine. »
À ce moment, Mañjuçrî, assis sur une fleur de lotus à mille pétales, aussi grande que la roue d'un char, escorté d'un être d'Éveil également assis sur une fleur de lotus de matière précieuse, surgit spontanément du palais du dragon Sâgara dans l'océan et demeura dans l'espace. Il se rendit au Pic du Vautour, descendit de la fleur de lotus, s'approcha des Éveillés et, de la tête, fit révérence aux pieds des deux Vénérés du monde. Ayant manifesté son respect, il alla auprès d'Amas de Sagesse : ils se saluèrent l'un l'autre et s'assirent ensuite sur le côté. Amas de Sagesse demanda à Mañjuçrî : « Quel est le nombre des êtres que tu as convertis en te rendant au palais du dragon ? »
Mañjuçrî dit : « Leur nombre est incalculable, on ne saurait le supputer; la bouche ne peut l'exprimer, la pensée ne peut le jauger. Attends donc un instant et tu en auras une preuve par toi-même. »
Il n'avait pas fini de parler que d'innombrables êtres d'Éveil, assis sur des fleurs de lotus de matières précieuses, surgirent de la mer, se rendirent au Pic du Vautour et demeurèrent dans l'espace. Ces êtres d'Éveil avaient tous été convertis par Mañjuçrî; munis de la totalité des pratiques d'êtres d'Éveil, ils discutaient tous ensemble des six perfections. Ceux qui, à l'origine, étaient des auditeurs exposaient dans l'espace les pratiques d'auditeurs : à présent, ils s'exerçaient tous au sens de la vacuité selon le Grand Véhicule. Mañjuçrî dit à Amas de Sagesse : « C'est ainsi que s'est passée la conversion par l'enseignement au fond de la mer. »
Alors l'être d'Éveil Amas de Sagesse prononça ces stances d'éloge :
Grand en sagesse et mérites, intrépide,
tu as converti des êtres sans nombre;
tout à l'heure, cette grande assemblée,
ainsi que moi-même, nous venons de le voir.
Tu exposes le sens de l'aspect réel,
tu dévoiles la Loi du Véhicule unique,
tu guides amplement les êtres
à la réalisation rapide de l'Éveil.
Mañjuçrî parla : « Sous la mer, je n'ai fait que prêcher constamment le Livre du Lotus de la Loi sublime. »
Amas de Sagesse interrogea Mañjuçrî : « Ce texte canonique est fort profond et subtil, c'est le joyau des Écritures, rarement trouvé en ce monde. Se peut-il qu'il y ait des êtres pour obtenir rapidement l'état d'Éveillé en mettant leur zèle à pratiquer ce texte ? »
Mañjuçrî parla : « Il y a la fille du roi des dragons Sâgara, qui vient d'avoir huit ans; sage, de facultés aiguës, connaissant bien les actes des êtres des diverses facultés, elle a fait siennes les formules détentrices et a pu recevoir et garder complètement le très profond réceptacle des mystères prêché par les Éveillés; entrée profondément en concentration, elle a eu accès aux enseignements. Elle a déployé en un instant la pensée de l'Éveil et a obtenu un état sans régression. Son éloquence ne connaît pas d'obstacle; elle considère les êtres avec tout autant de tendresse que s'il s'agissait de nourrissons; pleinement munie des mérites, ce qu'elle conçoit en pensée et exprime par sa bouche est subtil et ample, empreint de compassion et de tolérance; sa volonté est toute de délicatesse et elle est capable d'arriver à l'Éveil. »
L'être d'Éveil Amas de Sagesse dit : « J'ai vu l'Ainsi-Venu Çâkyamuni pratiquer de dures ascèses au cours d'innombrables éons, accumuler les mérites, amasser les qualités dans sa quête incessante de la voie de l'Éveil. Que l'on considère le monde tricosmique : il n'y a pas un endroit, même de la taille d'un grain de moutarde, où, être d'Éveil, il n'ait renoncé à son corps et à sa vie pour l'amour des êtres. C'est après tout cela qu'il a pu réaliser la voie de l'Éveil. Je ne croîs pas que cette fillette ait pu réaliser l'Éveil correct en l'espace d'un instant. »
Il n'avait pas fini de parler que, soudain, la fille du roi des dragons apparut devant eux; elle salua, la tête baissée, puis se retira sur le côté pour dire ces stances d'éloge :
Profondément versé dans les marques des fautes et des mérites,
illuminant partout dans les dix orients,
le corps de Loi pur, subtil et sublime,
est totalement muni des trente-deux marques,
et les quatre-vingts signes secondaires
sont là pour orner le corps de Loi.
Dieux et hommes le regardent avec vénération,
dragons et génies le respectent tous;
de toutes les espèces d'êtres vivants,
il n'est nul qui ne le révère.
D'ailleurs, en l'entendant, je réaliserai l'Éveil;
cela, seul l'Éveillé en attestera.
Je dévoilerai la doctrine du Grand Véhicule,
je délivrerai de la douleur les êtres.
Alors Çâriputra déclara à la fille-dragon : «Tu estimes obtenir la Voie insurpassable avant longtemps, c'est chose dure à croire. Pourquoi cela ? Le corps féminin est souillé, ce n'est point un vaisseau de Loi; comment pourrait-il obtenir l'Éveil insurpassable ? La voie d'Éveillé est hors de toute proportion : on passe d'innombrables éons s'appliquant avec peine à accumuler les pratiques, à s'exercer pleinement aux perfections, et ce n'est qu'après cela qu'on la réalise. Le corps de la femme comporte de surcroît les cinq obstacles : en premier lieu, il ne peut devenir roi des dieux brahmiques; ni Indra, en second; ni le roi des diables en troisième; ni un saint souverain de l'orbe en quatrième; ni un Éveillé en cinquième. Comment un corps de femme pourrait-il réaliser rapidement l'état d'Éveillé ? »
La fille-dragon avait alors une perle précieuse, dont le prix valait le monde tricosmique. Elle la prit pour l'offrir à l'Éveillé, qui l'accepta aussitôt. La fille-dragon dit à Amas de Sagesse et au vénérable Çâriputra : « J'ai offert une perle précieuse et le Vénéré du monde l'a acceptée; cela s'est-il passé rapidement ou non ? » Ils répondirent que cela avait été très rapide. La fillette reprit : « Regardez, grâce à vos pouvoirs divins, combien je réaliserai plus rapidement encore l'état d'Éveillé. »
Toute l'assemblée vit alors la fille-dragon se transformer soudainement en homme, se munir des pratiques d'être d'Éveil, se diriger vers le monde Immaculé en direction du sud, prendre place sur une fleur de lotus de matière précieuse et réaliser l'Éveil égal et correct, avec les trente-deux marques et les quatre-vingts signes secondaires, exposant la Loi sublime à l'ensemble des êtres partout dans les dix directions.
À la même heure, dans le monde d'Endurance, les êtres d'Éveil, auditeurs, dieux, dragons, les huit classes d'êtres, les humains et non-humains virent tous, de loin, la fille-dragon réaliser l'état d'Éveillé et prêcher universellement la Loi aux hommes et dieux de l'assemblée d'alors; le coeur en grande liesse, ils lui rendirent hommage de loin. Des êtres innombrables, entendant la Loi, la comprirent et obtinrent un état de non-régression. Des êtres innombrables purent obtenir l'annonciation de la Voie. Le monde Immaculé trembla de six manières. Dans le monde d'Endurance, trois mille êtres prirent demeure dans la terre de non-régression, trois mille déployèrent la pensée de l'Éveil et purent recevoir l'annonciation.
L'être d'Éveil Amas de Sagesse, Çâriputra et toute l'assemblée, silencieusement, crurent et acceptèrent.


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CHAPITRE XIII
Exhortation à la sauvegarde

En cette heure, l'être d'Éveil Roi des Remèdes, le grand être, ainsi que l'être d'Éveil Grand Prêche en joie, le grand être, en compagnie d'une suite de vingt mille êtres d'Éveil, firent tous ce serment devant l'Éveillé : « Notre seul souhait est que le Vénéré du monde ne s'inquiète pas; après l'Extinction de l'Éveillé, nous sauvegarderons, lirons, réciterons, et exposerons ce livre canonique. Les êtres des âges mauvais qui viendront plus tard verront leurs racines de bien aller diminuant et croître leur outrecuidance; avides d'offrandes lucratives, ils s'accroîtront en racines néfastes et s'éloigneront de la délivrance. Il sera difficile de les convertir par l'enseignement, et pourtant nous susciterons en nous une grande force de patience pour lire et réciter ce texte, le garder, le prêcher, le recopier, lui faire offrande de toutes manières sans ménager notre vie corporelle. »
Alors, dans la multitude, les cinq cents Méritants qui avaient reçu l'annonciation s'adressèrent à l'Éveillé : « Vénéré du monde, nous faisons nous aussi le serment de prêcher largement ce livre dans les royaumes étrangers. »
ll y eut encore les huit mille apprentis et au-delà de l'étude, ayant reçu l'annonciation, qui se levèrent de leur siège, les paumes jointes, et, tournés vers l'Éveillé, firent ce serment : « Vénéré du monde, nous aussi nous prêcherons largement ce livre en d'autres royaumes. Pourquoi cela ? C'est que les hommes, en ce royaume d'Endurance, abondent en vices; ils ont l'outrecuidance au coeur et bien minces sont leurs mérites, coléreux, corrompus, flagorneurs, tortueux qu'ils sont, car leur pensée est sans réelle consistance. »
Alors la tante de l'Éveillé, la nonne Mahâ-Prajâpatî, avec six mille moniales, apprenties et au-delà de l'étude, se leva de son siège, joignit de tout coeur les paumes et regarda avec dévotion le visage vénéré, sans le quitter le moindre instant des yeux. Le Vénéré du monde déclara à ce moment à la gente dame : « Pourquoi fixes-tu l'Ainsi-Venu, l'air si contrarié ? Ne serait-ce pas que tu te dis en ton coeur que je n'ai pas cité ton nom en conférant les annonciations d'Éveil complet et parfait sans supérieur ? Gente dame, j'ai commencé par expliquer de façon générale que c'est à l'ensemble des auditeurs que l'annonciation était conférée; si tu désires à présent connaître l'annonciation qui te concerne : dans un âge futur, au sein des enseignements de soixante-huit mille myriades d'Éveillés, tu deviendras un grand maître de la Loi, et les six mille nonnes, apprenties et au-delà de l'étude, deviendront, en ta compagnie, maîtres de la Loi. C'est ainsi que tu rempliras tout graduellement la totalité de la voie d'être d'Éveil et que tu pourras devenir un Éveillé. Son nom sera l'Ainsi-Venu Vision de Joie pour Tout Être, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde. Gente dame, cet Éveillé Vision de joie pour Tout Être et les six mille êtres d'Éveil se conféreront successivement l'annonciation de l'obtention de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. »
Alors la mère de Rahula, la nonne Yaçodharâ, se fit cette réflexion : dans les annonciations qui ont été conférées, il n'y a que mon nom que le Vénéré du monde n'ait pas prononcé.
L'Éveillé déclara à Yaçodharâ : « Dans un âge à venir, au sein des enseignements d'un million de myriades d'Éveillés, tu t'exerceras à la pratique d'être d'Éveil et tu deviendras grand maître de la Loi; remplissant graduellement la totalité de la voie d'Éveillé, tu pourras devenir un Éveillé dans le royaume de Bonté. Il sera appelé l'Ainsi-Venu Parfaitement Muni des Dix Millions de Marques de Lumière, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde; l'âge de l'Éveillé sera d'innombrables éons incalculables. »
Alors la nonne Mahâ-Prajâpatî et la nonne Yaçodharâ, avec leur suite, se réjouirent grandement de ce fait sans précédent et, devant l'Éveillé, prononcèrent cette stance :
Le Vénéré du monde, notre guide,
soulage dieux et hommes;
nous avons entendu l'annonciation
et notre coeur est totalement en paix.
Ayant prononcé cette stance, les nonnes s'adressèrent à l'Éveillé : « Vénéré du monde, nous aussi serons capables d'exposer largement ce livre dans les royaumes d'autres directions. »
À ce moment, le Vénéré du monde fixa du regard les huit cent mille myriades de milliards d'êtres d'Éveil, les grands êtres. Ces derniers, qui étaient tous irrégressants, ayant mis en branle l'irréversible roue de la Loi, ayant acquis les formules détentrices, se levèrent aussitôt de leur siège, arrivèrent devant l'Éveillé et, d'un seul coeur, les paumes jointes, se firent cette réflexion : si le Vénéré du monde nous ordonne de préserver et de prêcher ce texte canonique, nous propagerons amplement cette Loi conformément à l'enseignement de l'Éveillé.
Ils eurent encore cette réflexion : l'Éveillé reste à présent silencieux et ne daigne pas nous commander. Comment allons-nous faire ?
Alors les êtres d'Éveil, dans leur docile respect de l'intention de l'Éveillé, désireux en même temps d'accomplir eux-mêmes leur voeu originel, émirent devant l'Éveillé leur rugissement de lion et prononcèrent ce serment : « Vénéré du monde, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, nous parcourrons les mondes des dix orients, pérégrinant afin de pouvoir mener les êtres à copier et recopier ce texte canonique, à l'accepter, le préserver, le lire, le réciter, à en comprendre et exposer le sens, à le pratiquer conformément à la Loi, à le garder correctement en mémoire; tout cela grâce à l'autorité puissante de l'Éveillé. Notre seul souhait est que le Vénéré du monde, qui sera ailleurs, nous surveille et nous protège de loin. »
Alors les êtres d'Éveil élevèrent la voix de concert et s'exprimèrent en stances :
Ne te fais point de souci, c'est notre seul souhait :
après le passage de l'Éveillé en Disparition,
dans un âge mauvais et effrayant,
nous prêcherons amplement.
Il y aura des ignorants
pour nous calomnier, nous insulter,
nous agresser de lames et de bâtons,
mais nous les prendrons en patience.
Dans les âges mauvais, les moines
auront la sagesse pervertie, leur pensée sera tortueuse;
ils estimeront avoir obtenu ce qu'ils n'ont pas encore
et seront remplis d'orgueil.
Il y aura aussi des ermites forestiers
vêtus de haillons, dans des lieux déserts,
qui s'estimeront pratiquants de la vraie voie
et mépriseront les hommes;
dans leur avidité d'offrandes lucratives,
ils exposeront la Loi aux laïcs en habits blancs,
afin d'être respectés du monde
comme des Méritants aux six pouvoirs.
Ces gens auront au coeur de mauvaises pensées,
toujours préoccupés des viles affaires du monde,
ils emprunteront le nom d'ermites forestiers
et se plairont à faire ressortir nos fautes,
tenant des propos tels que ceux-ci :
« Tous ces moines,
dans leur avidité d'offrandes lucratives,
tiennent des discours hétérodoxes;
ils ont confectionné eux-mêmes ce livre
pour tromper et égarer les gens du monde;
dans leur recherche de la renommée,
ils détaillent et exposent ce texte.
Constamment, au sein des grandes multitudes,
ils veulent nous détruire et, pour cela,
se tournent vers les rois et ministres,
les brahmanes et maîtres de maison,
ainsi que la foule des autres moines
et nous calomnient en prêchant à notre détriment;
ils prétendent : ces gens aux vues perverses
tiennent des discours hétérodoxes. »
Mais nous, par respect de l'Éveillé,
tant que nous sommes, nous supporterons ces maux;
en butte à leur dénigrement, quand ils nous diront :
« Vous êtes certes tous des Éveillés »,
ces paroles méprisantes,
nous les supporterons tous avec patience.
En un éon souillé, en un âge mauvais,
nombreux seront les sujets de frayeur :
le corps possédé de mauvais démons,
ils nous insulteront et nous aviliront.
Dans notre foi pleine de respect envers l'Éveillé,
nous revêtirons l'armure de la patience
et, pour prêcher ce livre canonique,
nous endurerons ces difficultés.
Nous ne ménagerons pas notre vie corporelle
car nous ne tenons qu'à la Voie insurpassable.
Dans les âges à venir,
nous préserverons ce que l'Éveillé nous a confié.
Le Vénéré du monde doit lui-même le savoir
les mauvais moines de l'âge souillé
ne sauront point que l'Éveillé, en ses expédients,
prêche la Loi en fonction des dispositions;
ils en médiront, fronceront les sourcils,
et l'on verra à maintes reprises des expulsions
et bannissements des pagodes et monastères.
De maux aussi nombreux,
parce que nous aurons à l'esprit les ordres de l'Éveillé,
nous endurerons tous l'accomplissement.
Dans les villages et dans les villes,
s'il en est qui recherchent la Loi,
nous irons tous auprès d'eux
et leur prêcherons la Loi confiée par l'Éveillé;
nous sommes les envoyés de l'Éveillé du monde,
nous n'aurons pas peur au milieu des foules;
nous prêcherons la Loi avec maîtrise.
Nous le souhaitons : que l'Éveillé demeure soulagé !
En présence du Vénéré du monde
et des Éveillés venus des dix orients,
nous prononçons les paroles de ce serment;
l'Éveillé lui-même connaît notre coeur.


^*^*^*^ 


CHAPITRE XIV
La pratique commode

En cette heure, le prince de la Loi Mañjuçrî, l'être d'Éveil, le grand être, s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, il est fort difficîle de trouver des êtres d'Éveil tels que ceux-ci; par respect et obéissance envers l'Éveillé, ils ont prononcé un grand serment : dans les mauvais âges qui suivront, ils préserveront, liront et exposeront ce Livre du Lotus de la Loi. Vénéré du monde, comment les êtres d'Éveil, les grands êtres, seront-ils capables, dans les mauvais âges à venir, d'exposer ce livre canonique ? »
L'Éveillé déclara à Mañjuçrî :
Si les êtres d'Éveil, les grands êtres, désirent exposer ce livre canonique dans les mauvais âges à venir, ils devront s'en tenir fermement à quatre méthodes.
En premier lieu, en s'en tenant fermement à la sphère des pratiques d'être d'Éveil et à sa sphère de fréquentations personnelles, ils seront capables d'exposer ce livre canonique aux êtres. Qu'appelle-t-on, Mañjuçrî, la sphère des pratiques d'être d'Éveil, de grand être ? Si un être d'Éveil, un grand être, demeure en la terre de la patience, doux et docile, sans brusquerie de pensée, sans étonnement non plus; si en outre sa pratique ne se fait pas selon les entités, mais s'il contemple celles-ci selon leur aspect réel, sans plus agir ni discriminer, c'est ce qui constitue la pratique d'être d'Éveil, de grand être.
En quoi consiste la sphère de fréquentations personnelles d'un être d'Éveil, d'un grand être ? Un être d'Éveil, un grand être, ne fréquente pas les rois, princes, ministres, hauts mandarins, il ne fréquente pas les hétérodoxes, les aspirants brahmanes, les gymnosophistes et autres, pas plus que ceux qui composent de la littérature profane ou chantent les louanges des livres hétérodoxes, ni les matérialistes ou anti-matérialistes.
Il ne fréquentera pas non plus les bateleurs pernicieux, les pugilistes, les lutteurs, de même que les danseurs et autres, les divers artistes de l'illusion. Pas plus qu'il ne fréquentera les hors-castes ni ceux qui élèvent porcs, moutons, volaille ou chiens, qui s'adonnent à la chasse, à la pêche ou aux activités illicites. Si de telles gens d'aventure viennent à lui, il leur exposera la Loi, mais sans se leurrer d'espérance.
Il ne fréquentera pas davantage ceux qui recherchent l'état d'auditeur, les moines et nonnes, les laïcs pieux et pieuses laïques, et il n'échangera pas non plus de salutations avec eux. Que ce soit dans une maison, au lieu de déambulation, dans une salle de conférence, il ne restera pas avec eux. Si d'aventure ils viennent à lui, il leur prêchera la Loi conformément à leurs dispositions, mais sans se leurrer d'espérance.
En outre, Mañjuçrî, un être d'Éveil, un grand être, devra prêcher la Loi aux femmes sans relever, dans leur oerps, les aspects qui peuvent engendrer des idées de désir, et il ne se délectera pas de leur vue. S'il entre chez autrui, il ne conversera pas avec les fillettes, les vierges ou les veuves. Il n'approchera pas non plus ceux qui ont les cinq déficiences de virilité pour devenir leur intime.
Il n'entrera pas tout seul chez autrui. Si, en raison des circonstances, il lui est nécessaire d'y entrer, il ne fera que commémorer de tout coeur l'Éveillé. S'il prêche la Loi à une femme, il ne sourira pas en montrant les dents et ne découvrira pas sa poitrine. Même pour la Loi, il ne deviendra pas son intime; à plus forte raison, pour les autres choses.
Il ne prendra pas plaisir à entretenir disciples, novices et moinillons d'âge tendre, pas plus qu'il ne se délectera d'avoir le même maître qu'eux. Il aimera toujours s'asseoir en méditation, résider dans un lieu désert et s'exercer à contenir sa pensée. Voilà, Mañjuçrî, en quoi consiste la première sphère de fréquentations.
Ensuite, un être d'Éveil, un grand être, contemplera la vacuité de l'ensemble des entités, selon leur aspect réel, comme non erronées, immuables, ne régressant ni ne s'inversant, dépourvues - à l'instar de l'espace - de nature existante, coupant court à la voie de toutes paroles, ne naissant pas, ne surgissant pas, ne se produisant pas, sans nom, sans aspect, réellement sans existence, sans nombre, sans limite, sans obstacle, sans osbtruction. Elles n'existent que par des causes et des conditions, naissant de notions erronées; c'est pourquoi il se délecte toujours à contempler l'aspect des entités tel qu'il est ainsi. Voilà en quoi consiste la seconde sphère de fréquentations.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
S'il est un être d'Éveil,
dans les mauvais âges ultérieurs,
qui, d'un coeur impavide,
veuille exposer ce livre,
il devra s'engager dans la sphère des pratiques
et dans la sphère des fréquentations :
se tenir constamment à l'écart des rois
et des fils de roi,
des ministres et des hauts mandarins,
des saltimbanques pernicieux
comme des hors-castes,
des hétérodoxes et aspirants brahmanes;
il ne fréquentera pas plus
les outrecuidants,
les érudits des Trois Corbeilles
avidement attachés au Petit Véhicule,
les moines transgresseurs des commandements,
qui n'ont de Méritant que le nom;
de même, les nonnes
aimant rire et se divertir,
les pieuses laïques
profondément attachées aux cinq désirs,
recherchant l'apparence du passage en Disparition,
qu'il n'en fréquente aucune !
Si de telles gens
viennent, avec de bonnes intentions,
auprès de l'être d'Éveil
pour entendre la voie d'Éveillé,
alors l'être d'Éveil,
d'un coeur impavide
mais sans se leurrer d'espoir,
leur prêchera la Loi.
Les veuves et les vierges,
ainsi que les émasculés,
qu'il ne les fréquente pas
pour devenir leur intime !
Il ne fréquentera pas non plus
les bouchers et les équarrisseurs,
les chasseurs et les pêcheurs,
ceux qui tuent par lucre,
qui vendent la viande pour leur propre subsistance;
ceux qui font commerce de la beauté des femmes
et gens de cet acabit,
qu'il n'en fréquente aucun !
Les lutteurs dangereux,
les divers bateleurs et baladins,
les femmes lascives,
qu'il se garde bien de les fréquenter !
Qu'il n'aille pas, seul dans une pièce cloisonnée,
prêcher la Loi à une femme.
Quand il lui exposera la Loi,
il ne devra pas rire ou badiner.
Pour entrer dans un village mendier la nourriture,
il prendra avec lui un seul moine;
s'il n'y a pas de moine,
il commémorera de tout coeur l'Éveillé.
Voilà en quoi consiste
la sphère des pratiques et la sphère des fréquentations;
grâce à cette double activité,
il pourra prêcher en toute commodité.
En outre il ne pratiquera pas
les méthodes en tant que supérieure, moyenne, inférieure,
ni sur les entités en tant que conditionnées ou inconditionnées,
réelles ou irréelles,
pas plus qu'il ne fera de distinction
entre homme et femme;
il ne tiendra pas compte des entités,
n'en prendra pas connaissance, ne les percevra pas;
voilà en quoi consiste
la sphère des pratiques d'être d'Éveil.
L'ensemble des entités
est vide, dépourvu d'existence,
dépourvu de stabilité perdurable,
elles ne connaissent ni production ni destruction;
voilà en quoi consiste, pour les sages,
la sphère des fréquentations.
C'est à cause des notions erronées que l'on distingue
les entités en existantes et inexistantes,
en réelles et irréelles,
en produites et non produites.
Dans un endroit désert,
il s'exercera à contenir sa pensée,
demeurant ferme et immuable
à l'instar du mont Sumeru;
il considérera l'ensemble des entités
en tant qu'inexistantes en leur totalité,
tout comme l'espace,
dépourvues de consistance,
ne se produisant ni n'émergeant,
sans mouvement ni régression,
demeurant constamment en un unique aspect;
voilà en quoi consiste la sphère des fréquentations.
Si un moine,
après ma Disparition,
s'engage dans la sphère des pratiques
ainsi que dans la sphère des fréquentations,
lorsqu'il exposera ce livre,
il n'aura nul fléchissement.
L'être d'Éveil, au moment opportun,
entrera dans une pièce tranquille
et, en correctes commémoration et vigilance,
considérera les entités conformément à leur sens;
émergeant de sa concentration,
il ira vers les rois,
les princes, les ministres, le peuple,
les brahmanes,
et leur dévoilera, exposera,
prêchera ce livre canonique :
sa pensée sera sereine
et ne connaîtra nul fléchissement.
Mañjuçrî,
voilà en quoi consiste, pour un être d'Éveil,
la ferme demeure dans la première méthode
afin de pouvoir, dans un âge ultérieur,
prêcher le Livre du lotus de la Loi.
Et encore, Mañjuçrî, qui voudra, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, dans la Loi de la fin, prêcher ce livre, devra s'en tenir à la pratique commode. Soit qu'il l'expose oralement, soit qu'il lise le texte, il ne se complaira pas à dénoncer les fautes des hommes ou des Écritures, ni à traiter à la légère les autres maîtres de Loi; il ne dissertera pas sur les qualités et les défauts, les points forts ou faibles d'autrui. En ce qui concerne les auditeurs, il ne mentionnera pas leur nom pour parler de leurs erreurs et défauts, pas plus qu'il ne mentionnera leur nom pour faire l'éloge de leurs vertus. Il ne concevra pas non plus de pensée de rancoeur. Parce qu'il se sera bien exercé à une telle pensée d'accommodement, ceux qui l'écouteront n'iront pas contre ses intentions. S'il y a des objections, il n'y répondra pas par des enseignements du Petit Véhicule, mais les résoudra uniquement par le Grand Véhicule afin de permettre l'obtention de la sagesse portant sur toutes les espèces.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Constamment l'être d'Éveil se plaira
à prêcher sereinement la Loi :
sur un terrain pur
il installera son siège,
il enduira son corps d'huile
se lavera de toute saleté,
mettra des habits neufs et propres :
purifié à l'intérieur comme à l'extérieur,
il prendra commodément place sur le siège de Loi
et prêchera selon les questions qu'on lui posera.
S'il se trouve des moines
ainsi que des nonnes,
de pieux laïcs
ainsi que de pieuses laïques,
des rois et des princes,
des ministres, seigneurs, roturiers,
il prêchera pour eux avec subtilité
et d'un visage conciliant.
S'il y a des objections,
il y répondra selon leur sens.
Par relations et paraboles,
il développera les distinctions
et grâce à ces expédients,
il permettra à tous de déployer la pensée;
augmentant graduellement ses bienfaits,
il les fera entrer dans la voie d'Éveillé.
Il éliminera la paresse mentale
et les sentiments d'inertie,
supprimera les affres passionnelles
et, d'un coeur compatissant, prêchera la Loi.
Jour et nuit, constamment, il prêchera
la doctrine de l'insurpassable Loi;
par des relations
et d'innombrables paraboles,
il la révélera aux êtres
et les mettra tous en liesse.
Vêtements, literie,
boissons, mets, remèdes,
au milieu de tout cela,
il ne se leurrera pas d'espoir;
mais fixant de tout coeur son attention
sur les raisons de prêcher la Loi,
il souhaitera réaliser la voie d'Éveillé
et le permettre également aux êtres.
Voilà ce que seront ses grands profits
et les offrandes de la pratique commode.
Après ma Disparition,
s'il se trouve un moine
capable d'exposer ce
Livre du Lotus de la Loi sublime,
son coeur sera sans jalousie ni courroux,
libre des obstacles passionnels,
sans non plus affres ni tourments,
ni personne pour l'insulter;
pour lui, nulle peur
de l'assaut des épées ou bâtons;
pour lui, pas d'expulsion,
car il demeure sereinement dans la patience.
Ainsi le sage
exerce-t-il bien sa pensée
et peut s'en tenir à la pratique commode,
comme je viens de l'exposer.
Les mérites d'un tel homme,
dût-on pendant des millions de myriades d'éons
les énumérer et les comparer,
on ne saurait les exposer jusqu'au bout.
Et encore, Mañjuçrî, qu'un être d'Éveil, un grand être, dans les âges de la fin, lorsque la Loi sera sur le point de disparaître, recueille et garde, lise et récite ce texte canonique, c'est que son coeur ne renfermera ni jalousie ni flagornerie ; il n'ira pas mépriser ou insulter les apprentis dans la voie d'Éveillé, ni rechercher leurs qualités ou leurs défauts. Si des moines ou des nonnes, des pieux laïcs et laïques pieuses sont en quête de état d'auditeur, en quête de l'état d'éveillé pour soi, en quête de la voie d'être d'Éveil, en aucun cas il ne les tourmentera, ni ne les fera douter en leur tenant des propos de ce genre : «Vous êtes fort loin de la Voie et ne pourrez finalement jamais obtenir la sagesse portant sur toutes les espèces. Pourquoi cela ? C'est que vous êtes des gens dissipés, paresseux dans la Voie. »
De même, il ne devra pas se livrer à des discussions oiseuses sur les enseignements ni en débattre, mais il concevra, à l'égard de l'ensemble des êtres, un grand sentiment de compassion, à l'égard des Ainsi-Venus, l'affection due à un père bienveillant, à l'égard des êtres d'Éveil, les sentiments dus à de grands maîtres. À l'égard des grands êtres d'Éveil des dix orients, il aura constamment un profond esprit de respect et de révérence. Il prêchera la Loi en pleine égalité à l'ensemble des êtres. Parce qu'il se conformera à la Loi, il n'y rajoutera ni n'en retranchera, et même à ceux qui aiment profondément la Loi, il ne la leur prêchera pas en excès.
Mañjuçrî, l'être d'Éveil, le grand être, qui, dans les âges de la fin, lorsque la Loi sera sur le point de disparaître, aura mené à son accomplissement la troisième pratique commode, ne pourra, quand il prêchera la Loi, être troublé; il gagnera de bons compagnons d'étude avec qui lire et réciter ce livre, et aura également de grandes foules pour venir l'écouter; l'ayant écouté, elles pourront le préserver; l'ayant préservé, elles pourront le réciter; l'ayant récité, elles pourront l'exposer; l'ayant exposé, elles pourront le copier, ou bien le faire copier et faire offrande aux volumes, leur rendre hommage, les vénérer et en faire l'éloge.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Qui veut exposer ce livre,
devra renoncer à jalousie, courroux, orgueil,
à toute pensée de flagornerie et de duperie;
il s'exercera constamment à la pratique simple et droite,
il ne méprisera pas autrui,
ne tiendra pas non plus d'oiseuses discussions sur la Loi,
ne mènera pas autrui au doute et au regret
en disant : « Tu n'obtiendras jamais l'état d'Éveillé »;
Ce fils d'Éveillé prêchera la Loi
avec une douceur et une patience constantes;
compatissant pour tous,
il ne concevra nulle pensée de paresse.
Envers les grands êtres d'Éveil des dix orients,
qui pratiquent la Voie par pitié pour les êtres,
il devra concevoir une pensée de respect :
« Ceux-ci sont mes grands maîtres. »
Pour les Éveillés Vénérés du monde,
il concevra les sentiments dus à un père suprême.
Il brisera l'esprit d'orgueil
et prêchera sans obstacle la Loi.
Telle est la troisième méthode
que le sage devra observer;
unifiant son esprit sur la pratique commode,
il sera respecté d'innombrables multitudes.
Et encore, Mañjuçrî, l'être d'Éveil, le grand être, qui, dans les âges de la fin, lorsque la Loi sera sur le point de disparaître, préservera ce Livre du lotus de la Loi, devra concevoir un grand esprit de compassion à l'égard de ceux qui restent dans leur famille comme de ceux qui l'auront quittée; il se fera cette réflexion : de telles gens ont fait une grande perte; alors que l'Ainsi-Venu, par ses expédients salvifiques, prêche la Loi selon les dispositions de chacun, ils ne l'entendent pas, ne la connaissent pas, ne la perçoivent pas, n'interrogent pas à son propos, ne la croient pas, ne la comprennent pas. Même si ces gens ne posent pas de questions sur ce livre, ne le croient pas, ne le comprennent pas, lorsque j'aurai obtenu l'Éveil complet et parfait sans supérieur, en quelque terre que ce soit, grâce à la force de mes pouvoirs divins et à la force de ma sagesse, je les attirerai et les ferai demeurer dans cet enseignement.
Mañjuçrî, l'être d'Éveil, le grand être, qui aura, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, mené à son accomplissement cette quatrième méthode, ne connaîtra pas l'échec lorsqu'il exposera cet enseignement. Il recevra constamment l'offrande, l'hommage, la vénération, la louange des moines et des nonnes, des pieux laïcs et laïques pieuses, des rois, des princes, des ministres, du peuple, des brahmanes, des maîtres de maison et d'autres encore. Les dieux de l'espace seront en permanence à sa suite afin d'écouter la Loi; qu'il réside dans un village ou une ville, dans un lieu désert ou dans une forêt, si quelqu'un vient à lui dans le désir de soumettre questions et objections, toujours les dieux, pour l'amour de la Loi, lui feront escorte, et il pourra remplir de liesse tous ceux qui l'écouteront. Pourquoi cela ? C'est que ce texte canonique est protégé par les pouvoirs divins de tous les Éveillés du passé, du futur et du présent.
Mañjuçrî, en d'innombrables royaumes, on ne peut pas même entendre le titre de ce Livre du lotus de la Loi; à plus forte raison, pour ce qui est de le voir, de le recevoir, de le garder, de le lire ou de le réciter.
Mañjuçrî, il en est comme par exemple d'un saint souverain de l'orbe, de grande puissance, qui désire soumettre les royaumes à son autorité : les rois mineurs n'obéissent pas à son ordre; le souverain de l'orbe lève alors toutes sortes d'armées et s'en va les mater. Le roi considère ses armées : il se réjouit grandement de ceux qui ont montré de la bravoure au combat et les récompense selon leurs mérites, soit par des dons de champs et de domaines, de villages ou de villes, soit par des dons de vêtements ou de parures corporelles, soit par des dons de diverses sortes de matières rares et précieuses d'or, d'argent, de béryl, de nacre, d'agate, de corail et d'ambre, ou avec des éléphants, des chevaux, des chars, des esclaves, des populations. Mais seule la perle limpide qui est dans son chignon, il ne la leur donnera point. Pourquoi cela ? Ce n'est que sur le chef d'un roi que se trouve cette perle unique; s'il la donnait, toute sa suite en serait à coup sûr grandement étonnée et intriguée.
Mañjuçrî, il en va de même pour l'Ainsi-Venu : il a gagné, grâce à la force de sa concentration et de sa sagesse, un royaume de Loi et règne sur les trois mondes. Or les rois démoniaques ne consentent pas à se soumettre; les sages et les saints, qui sont les généraux de l'Ainsi-Venu, engagent le combat avec eux. De ceux qui ont bien mérité, il est fort content en son coeur : au milieu des quatre congrégations, il leur prêche les livres canoniques et leur met le coeur en allégresse; il leur fait don de concentrations, de délivrances, de racines et de forces sans infections, de la richesse des diverses méthodes. En outre, il leur fait don de la ville de l'Extinction et leur dit qu'ils obtiendront de passer en Disparition; il guide ainsi leurs pensées à tous vers une grande allégresse, et cependant, il ne leur prêche pas ce Livre du Lotus de la Loi.
Mañjuçrî, de même que le souverain de l'orbe, voyant parmi ses armées ceux qui sont de grand mérite, se réjouit en son coeur et que de cette perle incroyable, posée de longue date dans son chignon, qu'il ne donne pas inconsidérément, il fait à présent don, ainsi en est-il pour l'Ainsi-Venu. Il est le grand roi de la Loi dans les trois mondes, il enseigne et convertit par sa Loi l'ensemble des êtres. Voyant l'armée des sages et des saints combattre contre les démons des cinq agrégats, contre les démons des passions, contre les démons de la mort et s'y distinguer par de grands mérites, détruire les trois poisons, sortir des trois mondes, briser les filets du Malin, l'Ainsi-Venu à ce moment se réjouit grandement lui aussi : ce Livre du Lotus de la Loi, capable de faire accéder l'ensemble des êtres à l'omniscience, qui a de nombreux ennemis dans l'ensemble des mondes, qui est difficilement croyable, qu'il n'avait jamais exposé auparavant, il le leur prêche à présent.
Mañjuçrî, ce Livre du Lotus de la Loi est la prédication primordiale des Ainsi-Venus; c'est la plus profonde des diverses prédications et il est donc donné en dernier lieu, comme ce souverain puissant qui a longtemps gardé sa perle limpide et en fait don à présent.
Mañjuçrî, ce Livre du Lotus de la Loi est le réceptacle secret des Éveillés Ainsi-Venus, le plus haut des livres canoniques; au cours de la longue nuit des siècles, ils l'ont sanvegardé sans l'exposer inconsidérément. Aujourd'hui enfin il vous est dévoilé.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Qui pratique constamment la patience,
qui est plein de pitié pour tous,
peut exposer
le livre admiré des Éveillés.
Dans les âges de la fin,
celui qui gardera ce livre,
pour ceux qui restent dans la famille ou qui ont quitté la famille,
comme pour ceux qui ne sont pas êtres d'Éveil,
devra concevoir de la compassion :
« Ceux-là n'entendent pas
ou ne croient pas ce Livre,
grande est leur perte;
si j'obtiens la voie d'Éveillé,
grâce aux expédients salvifiques,
je prêcherai pour eux cette Loi
et ferai en sorte qu'ils y demeurent. »
De même que par exemple un puissant
souverain de l'orbe,
quand ses armées se sont distinguées au combat,
les récompense de présents :
éléphants, chevaux, chars,
parures corporelles,
et encore champs et domaines,
villages et villes,
ou bien leur donne vêtements,
toutes sortes de rares joyaux,
esclaves et richesses,
faisant ces dons avec joie;
s'il se trouve un preux
capable d'exploits difficiles,
le roi défait de son chignon
la perle limpide et la lui donne;
il en va de même de l'Ainsi-Venu,
le roi des enseignements,
le grand puissant en patience,
le précieux réceptacle de la sagesse,
par sa grande compassion,
il convertit le monde, conformément à la Loi;
voyant tous les hommes
subir les affres des passions,
aspirer à la délivrance
et livrer combat aux démons,
à l'intention de ces êtres,
il prêche les divers enseignements;
grâce à ses grands expédients salvîfiques,
il expose ces textes canoniques.
Dès qu'il constate que les êtres
en ont bien acquis la force,
en dernier lieu il leur expose
ce Lotus de la Loi,
de même qu'un roi défait de son chignon
la perle limpide pour en faire don.
Ce livre est vénérable
au-dessus de la multitude des textes canoniques,
je l'ai toujours sauvegardé
et ne le révèle pas inconsidérément;
c'est à présent le bon moment
pour vous le prêcher.
Après ma Disparition,
ceux qui seront en quête de la voie d'Éveillé
et désireront pouvoir, dans la sérénité,
exposer ce livre
devront se familiariser personnellement
avec ces quatre méthodes telles qu'elles sont.
Celui qui lira ce texte canonique
n'aura plus jamais affres ni chagrin,
il sera aussi exempt de maladies,
aura le teint clair et frais;
il ne naïtra point dans la pauvreté,
la roture, la vilenie.
Les êtres voudront le rencontrer
avec la ferveur due à des sages ou des saints;
des éphèbes divins
seront à son service;
lames et bâtons ne pourront rien contre lui,
le poison sera incapable de lui porter atteinte;
si des gens l'insultent,
ils auront la bouche close.
Il sera sans crainte dans ses pérégrinations,
à l'instar du roi des lions;
sa sagesse sera aussi resplendissante
que l'éclat du soleil;
dans ses rêves même,
il ne verra que des choses sublimes;
il aura la vision d'Ainsi-Venus
assis sur le trône de lion,
prêchant la Loi, entourés
d'une multitude de moines;
il verra encore dragons et génies,
titans et autres,
nombreux comme les sables du Gange,
les paumes jointes en révérence,
et il se verra lui-même
en train de leur prêcher la Loi;
il verra encore les Éveillés,
avec leurs marques corporelles et leur couleur d'or,
émettre une lumière incommensurable
illuminant toutes choses
et, de leur voix brahmique,
exposer les enseignements.
Aux quatre multitudes l'Éveillé
exposera l'insurpassable Loi
et il se verra lui-même parmi elles,
louant, les paumes jointes, l'Éveillé,
écoutant en liesse la Loi
et lui faisant offrande.
Il maîtrisera les formules détentrices
et attestera la sagesse sans régression;
l'Éveillé saura que sa pensée
est profondément entrée dans la voie d'Éveillé
et lui conférera l'annonciation
de la réalisation de l'Éveil éminemment correct :
« Fils de bien,
dans un âge à venir,
tu obtiendras la sagesse incommensurable,
la grande voie d'Éveillé;
ton royaume sera orné et pur,
vaste au-delà de toute comparaison,
et les quatre congrégations seront là également
pour écouter, les paumes jointes, la Loi. »
Il se verra encore lui-même
résidant dans les montagnes et les forêts
et s'exerçant aux bonnes méthodes,
attestant les aspects réels,
entré profondément en méditation
et ayant la vision des Éveillés des dix orients.
Les Éveillés au corps de couleur d'or,
parés des marques de cent mérites,
l'audition de la Loi, sa prédication à autrui,
tels seront les bons rêves qu'il aura constamment.
Il rêvera encore qu'il devient roi,
qu'il renonce à son palais et à sa suite,
ainsi qu'aux cinq désirs les plus subtils,
qu'il se rend au lieu de la Voie,
que, sous l'arbre de l'Éveil,
il prend place sur le siège de lion,
qu'il recherche la Voie pendant plus de sept jours,
obtient la sagesse des Éveillés
et, ayant réalisé la Voie insurpassable,
se lève et met en branle la roue de la Loi,
la prêchant aux quatre congrégations
durant des dizaines de millions de myriades d'éons;
qu'il prêche la Loi sublime sans infection,
qu'il sauve des êtres innombrables,
qu'il entrera finalement dans l'Extinction,
de même qu'une fumée s'épuise, qu'une lampe s'éteint.
Si, dans les mauvais âges ultérieurs,
quelqu'un expose cette Loi primordiale,
celui-là obtiendra de grands bénéfices,
des mérites comme on vient de le dire.


^*^*^*^ 


CHAPITRE XV
Surgis de la terre

En cette heure, les êtres d'Éveil, les grands êtres, venus des royaumes des autres directions, dépassant en nombre les sables de huit Gange, se levèrent du sein de la vaste foule, firent révérence les paumes jointes, et s'adressèrent à l'Éveillé : « Si le Vénéré du monde nous y autorise, après la Disparition de l'Éveillé, nous appliquerons notre zèle, en ce monde de l'Endurance, à protéger, lire, réciter, recopier et honorer ce texte canonique; ainsi, en cette terre même, nous le prêcherons amplement. »
Le Vénéré du monde déclara alors à la multitude des êtres d'Éveil, les grands êtres :
Cessez, fils de bien, il ne vous sera pas nécessaire de protéger ce livre. Pourquoi cela ? Ce monde de l'Endurance qui est le mien comprend lui-même des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux sables de soixante mille Gange; chacun d'entre eux a une suite égale aux sables de soixante mille Gange. Tous ces gens seront capables, après mon passage en Disparition, de sauvegarder, lire, réciter et amplement prêcher ce livre.
Quand l'Éveillé eut dit cela, les terres du monde tricosmique de l'Endurance tremblèrent toutes et se fendirent; de leur sein surgirent simultanément d'innombrables millions de myriades d'êtres d'Éveil, de grands êtres. Ces êtres d'Éveil avaient tous le corps couleur d'or, avec les trente-deux marques, brillant d'une lumière incommensurable; tous autant qu'ils étaient, ils se trouvaient au nadir de ce monde de l'Endurance et demeuraient dans l'espace de ce monde.
Ces êtres d'Éveil, ayant entendu la voix de l'Éveillé Çâkyamuni alors qu'il prêchait, se déployèrent des régions inférieures; chacun d'entre eux était à la tête, était le guide d'une grande multitude, menait une suite nombreuse comme les sables de soixante mille Gange. Et combien plus encore ceux qui menaient une suite nombreuse comme les sables de cinquante mille, de quarante mille, de trente mille, de vingt mille, de dix mille Gange. Et combien plus encore ceux qui étaient comme les sables d'un seul Gange, d'un demi-Gange, ou d'un quart, voire d'un dix millionième de myriadième de milliardième. Et combien plus encore ceux aux suites de dix millions de myriades de milliards. Et combien plus encore ceux aux suites de dix mille myriades. Et combien plus encore ceux de dix millions, d'un million, voire de dix mille. Et combien plus encore ceux de mille, de cent, voire de dix. Et combien plus encore ceux qui menaient cinq disciples, quatre, trois, deux ou un seul. Et combien plus encore ceux qui se délectaient en solitaires de cette course lointaine. Une telle quantité, nul nombre, nulle limite, nul décompte ou comparaison n'aurait pu en donner une idée.
Ces êtres d'Éveil, quand ils eurent surgi de terre, se rendirent chacun auprès de l'Ainsi-Venu Maint-Trésor et de l'Éveillé Çâkyamuni dans la merveilleuse pagode des sept matières précieuses en plein espace; une fois arrivés, tournés vers les deux Vénérés du monde, ils les saluèrent en inclinant la tête jusqu'à leurs pieds. Ils allèrent aussi auprès des Éveillés sur leurs trônes léonins au pied des arbres de matières précieuses, leur rendirent à tous hommage en faisant trois circumambulations vers la droite en signe de respect et chantèrent leurs louanges en une variété d'hymnes d'êtres d'Éveil, pour demeurer ensuite sur le côté; pleins d'espoir et de joie, ils regardaient avec adoration les deux Vénérés du monde.
Pendant que ces êtres d'Éveil, ces grands êtres, surgissaient de terre et louaient les Éveillés en une variété d'hymnes d'êtres d'Éveil, il s'écoula ainsi cinquante éons mineurs. Durant ce temps, l'Éveillé Çâkyamuni restait assis en silence; les quatre congrégations aussi restèrent silencieuses pendant cinquante éons mineurs. Grâce aux pouvoirs divins de l'Éveillé, les vastes multitudes purent croire que ce n'était qu'une demi-journée.
Alors les quatre congrégations, grâce encore aux pouvoirs divins de l'Éveillé, virent les êtres d'Éveil emplissant l'espace d'innombrables millions de myriades de royaumes. Il y avait quatre dirigeants à la tête de cette multitude d'êtres d'Éveil : le premier s'appelait Pratique-Supérieure, le second Pratique-Infinie, le troisième Pratique-Pure, le quatrième Pratique-Ferme. Ces quatre êtres d'Éveil étaient, parmi la multitude, des maîtres et guides éminents; se tenant devant les vastes multitudes, chacun joignant les paumes de concert, ils contemplèrent l'Éveillé Çâkyamuni et le saluèrent en ces mots : « Vénéré du monde, peu de maladies, peu de soucis pour vous ! Pratiquez-vous en toute commodité ? Ceux que vous devez sauver reçoivent-ils facilement votre enseignement ? Ne causent-ils pas gêne et fatigue au Vénéré du monde ? »
Alors les quatre êtres d'Éveil s'exprimèrent en stances :
Que le Vénéré du monde soit à l'aise,
qu'il ait peu de maladies, peu de soucis,
qu'en enseignant les êtres pour leur conversion
il puisse être sans fatigue ni lassitude !
Et les êtres,
acceptent-ils facilement son action salivifique ?
Ne causent-ils pas au Vénéré du monde
gêne et fatigue ?
Alors le Vénéré du monde, au sein de la vaste multitude des êtres d'Éveil, tint ces paroles :
Ainsi en est-il, ainsi en est-il, fils de bien, l'Ainsi-Venu est à l'aise, a peu de maladies, peu de soucis, les êtres peuvent être facilement convertis et sauvés, il n'a ni fatigue ni gêne. Comment cela se fait-il ? C'est que ces êtres ont, au cours des âges, constamment reçu mon action salvifique, ils ont aussi fait offrande et rendu hommage aux Éveillés du passé et ont planté une variété de racines de bien. Sitôt qu'ils voient ma personne et entendent ce que je prêche, ils l'acceptent tous avec foi et pénètrent dans la sagesse d'Ainsi-Venu, excepté ceux qui se sont d'abord exercés à l'apprentissage du Petit Véhicule. À de telles gens, je vais à présent permettre d'entendre ce texte canonique et de pénétrer dans la sagesse d'Éveillé.
Alors les grands êtres d'Éveil s'exprimèrent en stances :
C'est bien, c'est fort bien,
grand héros, Vénéré du monde !
Les êtres
sont faciles à convertir et sauver,
ils sont capables d'interroger les Éveillés
sur leur sagesse si profonde;
ayant entendu, ils croiront et comprendront;
nous nous en réjouissons en conséquence.
À ce moment le Vénéré du monde fit l'éloge des grands êtres d'Éveil qui étaient en tête : « C'est bien, c'est fort bien, fils de bien ! Vous êtes capables de déployer une pensée de joie conséquente à ce que fait l'Ainsi-Venu. »
Alors l'être d'Éveil Maitreya, ainsi qu'une foule d'êtres d'Éveil nombreux comme les sables de huit mille Gange, eurent tous cette pensée : jamais encore auparavant nous n'avions vu ou entendu une si vaste multitude d'êtres d'Éveil, de grands êtres, surgir de terre pour se tenir devant le Vénéré du monde, faisant offrande les paumes jointes et échangeant des salutations avec l'Ainsi-Venu.
À ce moment, l'être d'Éveil Maitreya, le grand être, sut ce que les êtres d'Éveil nombreux comme les sables de huit mille Gange pensaient en leur coeur et, désireux en même temps de résoudre les doutes qu'il avait lui-même, joignit les paumes vers l'Éveillé et l'interrogea en stances :
Une vaste foule d'innombrables myriades
d'êtres d'Éveil,
ne s'est auparavant jamais vue;
puisse le Vénéré des humains aux deux jambes expliquer
de quel endroit ils viennent,
pour quelles raisons ils se rassemblent.
Gigantesques de corps, aux grands pouvoirs divins,
d'une inconcevable sagesse,
fermes et résolus de volonté,
munis d'une grande force de patience,
ils délectent les êtres de leur vue;
d'où viennent-ils donc ?
La suite que chaque être d'Éveil
amène avec lui en cortège
est d'un nombre aussi incalculable
que les sables du Gange.
II se trouve même de grands êtres d'Éveil
qui en conduisent comme les sables de soixante mille Gange.
D'aussi vastes multitudes
recherchent de tout coeur la voie d'Éveillé.
Ces grands maîtres,
avec, nombreuse comme les sables de soixante mille Gange,
leur compagnie, sont venus faire offrande à l'Éveillé
et pour protéger ce livre
ceux qui mènent l'équivalent des sables de cinquante mille Gange
sont en nombre encore supérieur;
ceux de quarante mille et trente mille,
de vingt mille, voire dix mille,
de mille, de cent, et même d'un seul Gange,
ou de la moitié, du tiers ou du quart,
un myriadième de dix millième,
ou dix millions de milliards,
ou dix mille myriades de disciples,
et même jusqu'à une demi-myriade,
sont encore supérieurs en nombre.
Ceux qui en ont d'un million à dix mille,
de dix mille à cent,
de cinquante à dix,
et même jusqu'à trois, deux ou un seul,
ou qui sont tout seuls, sans suite aucune,
se plaisant à la solitude,
pour venir avec eux auprès de l'Éveillé,
sont encore supérieurs en nombre.
Une aussi vaste multitude,
si on la dénombrait à l'aide de bâtonnets,
on passerait plus d'éons qu'il n'y a de sables dans le Gange,
sans même pouvoir la connaître complètement.
Ces grandes autorités,
cette foule d'êtres d'Éveil pleins de zèle,
qui donc leur a prêché la Loi,
les a convertis par l'enseignement, les a menés à l'accomplissement ?
Grâce à qui déployèrent-ils pour la première fois leur pensée ?
De quel Éveillé exaltèrent-ils la Loi ?
Le livre de qui ont-ils reçu, gardé et pratiqué ?
À la voie de quel Éveillé s'exercent-ils ?
Des êtres d'Éveil tels que ceux-ci,
aux pouvoirs divins, à la grande force de sagesse,
qui, tandis que la terre dans les quatre orients tremble et se fend,
surgissent de son sein :
Vénéré du monde, jamais auparavant
je n'avais vu telle chose.
Expliquez-nous, c'est mon souhait, d'où ils viennent,
le nom de leur royaume.
Moi qui parcours constamment les royaumes,
jamais je ne vis cette multitude;
dans cette foule,
je ne reconnais même personne.
Ils ont surgi brusquement de terre;
veuillez nous en expliquer les raisons.
Dans cette grande assemblée d'aujourd'hui,
les innombrables centaines de milliers de myriades
d'êtres d'Éveil qui sont ici
désirent tous connaître ces choses,
et les causes originales et finales
qui mènent ces êtres d'Éveil.
Vénéré du monde aux innombrables mérites,
résolvez donc, c'est mon seul souhait, cette foule de doutes.
Alors les Éveillés, corps émanés de l'Éveillé Çâkyamuni venus d'innombrables dizaines de millions de myriades de royaumes des autres directions, étaient assis les jambes repliées et croisées sur leurs trônes léonins au pied des arbres de matières précieuses des huit orients. Les assistants de ces Éveillés, voyant tous et chacun cette vaste foule d'êtres d'Éveil surgir de terre aux quatre orients du monde mégacosmique et demeurer dans l'espace, s'adressèrent chacun à son Éveillé : « Vénéré du monde, cette vaste foule d'innombrables, d'infinies quantités incalculables d'êtres d'Éveil, d'où provient-elle ? »
Alors chacun de ces Éveillés s'adressa à ses assistants : « Fils de bien, attendez donc un instant; il y a l'être d'Éveil, le grand être, du nom de Maitreya, qui s'est vu conférer l'annonciation par l'Éveillé Çâkyamuni : "Tu seras le prochain Éveillé." ll vient de l'interroger sur cette même chose et l'Éveillé va à présent lui répondre; vous devriez en profiter pour l'entendre par vous-mêmes. »
Alors l'Éveillé Çâkyamuni déclara à l'être d'Éveil Maitreya :
« C'est bien, c'est fort bien, Ô Invincible, tu as été capable d'interroger l'Éveillé sur une chose aussi grande. Il vous faut tous, d'un seul coeur, revêtir l'armure du zèle et déployer une ferme et solide intention. L'Ainsi-Venu va maintenant manifester et révéler la sagesse des Éveillés, la force des souverains et divins pouvoirs des Éveillés, la force d'impétuosité léonine des Éveillés, la force majestueuse et imposante des Éveillés. »
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Soyez d'un seul coeur, pleins de zèle,
je vais vous expliquer cette chose;
n'allez pas en avoir doute ni vexation,
la sagesse d'Éveillé est inconcevable.
Produisez maintenant la force de la foi,
demeurez dans l'adhésion patiente au bien.
La Loi jamais entendue autrefois
pourra l'être à présent de tous.
Je vous apporte maintenant réconfort et consolation,
n'ayez plus au coeur doute ni frayeur.
Des propos de l'Éveillé, tout est réel,
sa sagesse est incommensurable,
la Loi primordiale qu'il a faite sienne
est profonde, au-delà des distinctions;
il va à présent l'exposer telle qu'elle est,
d'un seul coeur, vous l'écouterez.
Alors le Vénéré du monde, ayant dit cette stance, déclara à l'être d'Éveil Maitreya :
Je vous le déclare maintenant, au sein de cette vaste foule, ô Invincible, ces grands êtres d'Éveil, ces grands êtres, qui surgissent de terre en innombrables, infinies quantités incalculables, vous ne les avez jamais vus autrefois. Ayant acquis, en ce monde de l'Endurance, l'Éveil complet et parfait sans supérieur, j'ai enseigné ces êtres d'Éveil pour les convertir, je les ai guidés, j'ai soumis leur pensée pour leur faire déployer l'intention de la Voie. Ces êtres d'Éveil demeuraient au nadir de ce monde de l'Endurance, dans l'espace de ce monde, ils lisaient et récitaient les textes canoniques, les pénétraient avec profit, ils y réfléchissaient, y discernaient des distinctions, les gardaient correctement en mémoire. Ô Invincible, ces fils de bien ne se complaisent pas à devoir prêcher d'abondance parmi la foule : ils se plaisent constamment dans les endroits tranquilles, où ils pratiquent avec application et zèle sans jamais prendre de repos; ils ne s'en remettent pas non plus aux hommes ni aux dieux; ils se délectent constamment de la sagesse profonde, n'y connaissent pas d'obstacles et se plaisent constamment à la Loi des Éveillés, recherchant de tout coeur, avec zèle, l'insurpassable sagesse.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Sache-le, ô Invincible,
ces grands êtres d'Éveil,
depuis d'innombrables éons,
s'exercent à la sagesse d'Éveillé;
ils furent tous tant qu'ils sont convertis par moi,
qui leur ai fait déployer la grande pensée de la Voie;
ce sont mes enfants,
qui habitent en ce monde,
y pratiquent constamment la conduite ascétique;
ils aspirent aux endroits tranquilles,
ont renoncé aux tumultes des grandes foules,
ne se complaisent pas à prêcher d'abondance;
de tels enfants
s'étudient à la Loi de la voie qui est mienne;
car jour et nuit, toujours, avec zèle,
ils recherchent la voie d'Éveillé.
Dans le monde de l'Endurance,
en l'espace du nadir ils demeurent;
fermes dans la force de leur détermination,
ils recherchent toujours la sagesse avec application,
ils exposent la Loi sublime en sa diversité,
leur esprit est assuré.
Moi, en cette ville de Gayâ,
assis au pied de l'arbre d'Éveil,
j'ai pu réaliser la Voie suprême et correcte,
mettre en branle la roue de la Loi insurpassable,
C'est alors que je les ai enseignés et convertis,
leur ai fait pour la première fois déployer la pensée de la Voie;
ils demeurent tous maintenant dans l'état de non-régression,
ils pourront tous tant qu'ils sont réaliser l'état d'Éveillé.
Le discours que je tiens à présent est réel,
croyez-le de tout coeur :
cela fait bien longtemps
que j'enseigne et convertis ces multitudes.
Alors l'être d'Éveil Maitreya, le grand être, ainsi que les innombrables êtres d'Éveil conçurent en leur coeur doute et égarement, ils s'étonnèrent de ce fait sans précédent et se firent cette réflexion : comment le Vénéré du monde a-t-il pu en si peu de temps enseigner et convertir de telles innombrables, illimitées quantités incalculables de grands êtres d'Éveil et les faire demeurer dans l'Éveil complet et parfait sans supérieur ?
Ils s'adressèrent donc à l'Éveillé : « Vénéré du monde, lorsque l'Ainsi-Venu était prince héritier, il quitta le palais des Çâkya et, partant non loin de la ville de Gayâ, il s'assit au lieu de la Voie et put réaliser l'Éveil correct et parfait sans supérieur, cela fait à peine quarante et quelques années. Vénéré du monde, comment en si peu de temps aurait-il fait si grandement oeuvre d'Éveillé ? Est-ce grâce à l'efficacité d'Éveillé, est-ce grâce aux mérites d'Éveillé qu'il a enseigné et converti une foule à ce point innombrable de grands êtres d'Éveil pour qu'ils réalisent l'Éveil correct et parfait sans supérieur ? Vénéré du monde, cette foule d'êtres d'Éveil, quand bien même un homme les compterait pendant dix millions de myriades d'éons, il ne pourrait en venir au bout, il n'en arriverait pas au terme; ceux-ci, depuis fort longtemps, ont planté leurs racines de bien auprès d'innombrables et infinis Éveillés, ont mené à l'accomplissement la voie d'être d'Éveil et se sont constamment exercés à la pratique brahmique. Vénéré du monde, une telle chose est bien difficile à croire en ce monde.
« C'est comme si, par exemple, il y avait un homme de belle allure, aux cheveux noirs, de vingt-cinq ans d'âge, qui désignât un centenaire en disant : "C'est mon fils", et que le centenaire montrât le jeune homme en disant : "Voici mon père, qui m'a engendré et élevé"; cette chose serait dure à croire. Il en va de même pour l'Éveillé : cela ne fait pas si longtemps en réalité qu'il a obtenu la Voie; or cela fait déjà d'innombrables dizaines de millions de myriades d'éons que cette vaste multitude d'êtres d'Éveil pratique avec application et zèle en vue de la voie d'Éveil. Ils ont, avec maîtrise, pénétré d'innombrables centaines de millions de myriades de recueillements, en sont sortis, y ont demeuré; ils ont obtenu les grands pouvoirs divins, ils se sont longtemps exercés à la pratique brahmique; ils ont été capables de pratiquer progressivement les méthodes de bien, ils sont habiles dans les questions et les réponses; ce sont des joyaux parmi les hommes, que tous les mondes tiennent pour rarissimes. Or voilà qu'aujourd'hui le Vénéré du monde affirme que c'est lorsqu'il a obtenu la voie d'Éveillé qu'il leur a fait pour la première fois déployer leur pensée, qu'il les a enseignés et convertis, qu'il les a guidés de sa révélation pour les diriger vers l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Cela ne fait pas si longtemps que le Vénéré du monde a gagné l'état d'Éveillé, et qu'il aurait pu se livrer à cette grande entreprise méritoire. Bien que nous-mêmes, d'ailleurs, nous croyions ce que l'Éveillé prêche conformément aux dispositions, que les paroles proférées par l'Éveillé ne soient jamais vaines, que ce qui est su de l'Éveillé lui soit connu complètement et en profondeur, il se peut cependant que les êtres d'Éveil à la pensée nouvellement déployée, s'ils entendent ces propos après la Disparition de l'Éveillé, ne les acceptent pas avec foi et qu'ils suscitent en eux-mêmes des causes et conditions menant à des actes coupables de destruction de la Loi. C'est bien pour cela, Vénéré du monde, que nous souhaitons voir nos doutes dissipés par tes explications, afin aussi que les fils de bien des âges à venir ne conçoivent pas de doute en entendant cette chose. »
Alors l'être d'Éveil Maitreya, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Autrefois, l'Éveillé, de la race des Çâkya,
quitta sa famille, alla près de Gayâ,
s'assit à l'arbre d'Éveil,
cela ne fait pas si longtemps;
or les fils de l'Éveillé, que voici,
sont en nombre incalculable,
pratiquent depuis fort longtemps la voie d'Éveillé,
demeurent dans la force de leurs pouvoirs divins,
apprennent bien la voie d'être d'Éveil,
ne se souillent pas des entités mondaines,
de même que la fleur de lotus dans l'eau;
voici qu'ils surgissent de terre,
concevant tous une pensée pleine de respect,
ils demeurent devant le Vénéré du monde;
cette chose est difficilement concevable,
comment pourrions-nous la croire ?
Cela fait fort peu que l'Éveillé a fait sienne la Voie,
et fort abondants sont ses accomplissements;
nous souhaitons qu'il dissipe la foule de nos doutes,
qu'il explique et distingue comme il en est réellement.
C'est comme si, par exemple, un homme jeune,
ayant tout juste vingt-cinq ans,
montrait aux gens un fils centenaire,
aux cheveux blancs, au visage ridé :
« Voici celui que j'ai engendré »,
tandis que le fils explique en retour que c'est son père :
un père jeune et un fils chenu,
cela soulève l'incrédulité du monde.
Il en va de même pour le Vénéré du monde :
cela fait fort peu qu'il a fait sienne la Voie,
et les êtres d'Éveil que voici,
à la ferme volonté, dépourvus de faiblesse,
depuis d'innombrables éons,
pratiquent la voie d'être d'Éveil;
habiles dans les questions et réponses difficiles,
leur coeur est plein d'assurance,
leur esprit d'adhésion patiente est déterminé;
dignes et majestueux,
ils sont loués par les Éveillés des dix orients;
ils sont bien capables de prêcher en distinctions;
ils ne se plaisent pas à résider parmi les foules,
préférant être constamment en méditation,
dans leur quête de la voie d'Éveillé,
ils demeurent dans l'espace au nadir.
Nous n'avons pas de doute sur cette chose,
l'ayant entendue de l'Éveillé;
ce que nous souhaitons, c'est que pour l'avenir,
il l'expose et la fasse comprendre en la révélant.
S'il s'en trouve qui, sur ce texte canonique,
conçoivent doute et incrédulité,
ils tomberont dans les mauvaises voies;
nous souhaitons qu'il explique maintenant
comment ces innombrables êtres d'Éveil,
en si peu de temps,
ont été enseignés et convertis, menés à déployer leur pensée
et à demeurer dans la terre de non-régression.
Fin du cinquième livre


^*^*^*^ 


CHAPITRE XVI
La longévité de l'Ainsi-Venu

En cette heure, l'Éveillé déclara aux êtres d'Éveil, ainsi qu'à l'ensemble de la vaste multitude : « Fils de bien, vous devez croire et comprendre les propos véridiques et lucides de l'Éveillé. » ll dit encore à la vaste multitude : « Vous devez croire et comprendre les propos véridiques et lucides de l'Éveillé. » Puis, encore une fois, il déclara à tous dans la vaste multitude : « Vous devez croire et comprendre les propos véridiques et lucides de l'Éveillé. »
Sur ce, la vaste multitude des êtres d'Éveil, Maitreya à leur tête, joignit les paumes et s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, expliquez-le, c'est notre seul souhait; nous recevrons avec foi les propos de l'Éveillé. » Et ainsi trois fois, puis ils dirent encore : « Expliquez-le, c'est notre seul souhait; nous recevrons avec foi les propos de l'Éveillé. »
Alors le Vénéré du monde, sachant que la triple prière des êtres d'Éveil ne cesserait pas, leur déclara : « Écoutez en toute lucidité le secret de l'Ainsi-Venu, ce que peuvent ses pouvoirs divins. Dans tous les mondes, les dieux, les hommes et les titans pensent tous que l'Éveillé Çâkyamuni de notre temps a quitté le palais du clan des Çâkya pour s'en aller non loin de la ville de Gayâ s'asseoir au lieu de la Voie et qu'il y a obtenu l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Or, fils de bien, cela fait d'innombrables, d'infinis milliers de millions, de myriades et de milliards d'éons que je suis réellement devenu Éveillé. Si, par exemple, il y avait un homme qui réduisait en atomes cinq mille millions de myriades de milliards de quantités incalculables de mondes tricosmiques, puis, ayant passé cinq mille millions de myriades de milliards de royaumes vers l'est, déposait un atome, et, poursuivant ainsi vers l'est, allait jusqu'à l'épuisement de ces atomes. Qu'en pensez-vous, fils de bien ? Tous ces mondes, pourrait-on en concevoir, supputer, connaître le nombre ou non ? »
Maitreya et ceux qui étaient avec lui s'adressèrent en ces mots à l'Éveillé : « Vénéré du monde, ces mondes seraient innombrables, infinis, on ne pourrait les connaître par le calcul, la force de l'esprit n'y suffirait point; même tous les auditeurs et les éveillés pour soi, à l'aide de leur sagesse sans infection, ne pourraient par la réflexion connaître leur nombre. Nous-mêmes, qui demeurons en la terre de non-régression, ne pourrions avoir accès à une telle chose. Vénéré du monde, de tels mondes sont innombrables et infinis. »
Alors l'Éveillé déclara à la vaste multitude des êtres d'Éveil :
Fils de bien, je vais maintenant vous l'exposer en toute évidence : si l'on réduisait en atomes la totalité de ceux qui ont reçu un atome comme de ceux qui n'en ont pas reçu, et que chaque atome était un éon, depuis que j'ai réalisé l'état d'Éveillé, il se serait écoulé davantage encore de millions, de myriades et de milliards d'éons incalculables. Et depuis lors, j'ai toujours été dans ce monde de l'Endurance à prêcher la Loi, à enseigner et convertir; j'ai aussi, en d'autres endroits, en des millions, des myriades, des milliards d'incalculables royaumes, guidé les êtres pour leur bénéfice.
Fils de bien, dans cet intervalle, j'ai prêché sur l'Éveillé Brûle-Lampe et d'autres, et, de plus, j'ai parlé de leur entrée dans l'Extinction : tout cela est distinctions faites en manière d'expédients. Fils de bien, si des êtres viennent à moi, je considère, grâce à mon oeil d'Éveillé, le degré d'acuité de leurs facultés - la foi et les autres - et, selon ce qu'il me faut sauver, je me présente moi-même en des lieux variés sous des noms et des âges divers; en outre, je fais montre de dire que j'entrerai dans l'Extinction. De plus, grâce à des expédients variés, je prêche la Loi subtile et sublime, je suis capable de mener les êtres à déployer un esprit d'allégresse.
Fils de bien, l'Ainsi-Venu, voyant que des êtres, aux minces mérites et aux graves impuretés, se complaisent dans les enseignements mineurs, il leur prêche ainsi : « J'ai quitté ma famille quand j'étais jeune, j'ai obtenu l'Éveil complet et parfait sans supérieur. » Or, cela fait aussi longtemps que je viens de le dire que je suis en réalité devenu Éveillé, et ce n'est qu'en manière d'expédient que j'enseigne et convertis les êtres, les faisant entrer dans la voie d'Éveillé en prêchant de cette façon.
Fils de bien, les textes canoniques exposés par l'Ainsi-Venu sont tous en vue de la délivrance des êtres : qu'il parle de lui-même ou qu' il parle des autres, qu'à se montre lui-même ou qu' il montre autrui, qu'il montre sa conduite ou qu'il montre la conduite d'autrui, aucune de ses prédications n'est en réalité vaine. Pourquoi cela ? L'Ainsi-Venu a un savoir et une vision des aspects des trois mondes conformes à la réalité : il n'y a ni naissance ni mort, ni retrait ni émergence, personne pour résider au monde ni passer en Disparition; ils ne sont ni réels ni inanes, ni ainsi ni autrement; il ne voit pas les trois mondes comme les trois mondes. De tels phénomènes, l'Ainsi-Venu les voit clairement et sans erreur; parce que les êtres ont toutes sortes de natures, de désirs, de pratiques, de notions et discriminations, il veut les mener à produire les racines de bien et leur prêche toutes sortes d'enseignements par une quantité de relations, de paraboles et de locutions. Jamais encore la conduite d'Éveillé qu'il a mise en oeuvre ne fut, même un instant, abolie.
Tel est donc le temps fort long depuis que j'ai réalisé l'état d'Éveillé; ma longévité est d'innombrables quantités incalculables d'éons et je demeure en pérennité sans disparaître.
Fils de bien, à présent, la longévité que j'ai réalisée en pratiquant à l'origine la voie d'être d'Éveil n'est pas même venue à son terme : elle sera encore du double de ce chiffre. Et cependant, alors qu'il ne s'agit pas pour l'instant du passage réel en Disparition, je proclame que je vais aborder le passage en Disparition; c'est par ces expédients que l'Ainsi-Venu enseigne et convertit les êtres. Comment cela se fait-il ? Si l'Éveillé demeurait trop longtemps au monde, les hommes de minces mérites ne planteraient pas les racines de bien; misérables et vils, avidement attachés aux cinq désirs, ils se jetteraient dans le filet des notions et des opinions erronées. S'ils voyaient l'Ainsi-Venu rester en permanence, sans disparaître dans l'Extinction, ils concevraient une disposition orgueilleuse, éprouveraient lassitude et dégoût, et seraient incapables de produire une pensée de respect à l'idée de cette rencontre difficile. Voilà pourquoi l'Ainsi-Venu prêche, en manière d'expédient : « Sachez-le, moines, il est bien difficile de faire la rencontre des Éveillés qui surgissent au monde. » Pourquoi cela ? Les gens de minces mérites, même s'il se passe d'innombrables milliers de millions de myriades d'éons, peuvent aussi bien voir un Éveillé que n'en pas voir; c'est pour cela que je tiens ces propos : « Ô moines, il est bien difficile de pouvoir apercevoir un Éveillé. » Entendant mes propos, ces êtres concevront forcément l'idée qu'il s'agit d'une rencontre difficile; ils auront au coeur une aspiration passionnée et assoiffée pour l'Éveillé et planteront alors des racines de bien. Voilà pourquoi l'Ainsi-Venu, bien qu'il ne disparaisse pas réellement, parle de passer dans la Disparition.
De plus, fils de bien, les enseignements des Éveillés Ainsi-Venus sont tous comme cela; ils sont en vue du salut des êtres, ils sont tous réels et ne sont pas vains.
Il en est comme, par exemple, d'un bon médecin, sage et prudent, qui préparerait avec discernement les prescriptions et guérirait avec maîtrise les maladies; il aurait de nombreux fils, peut-être dix, vingt, jusqu'à cent et plus. Les circonstances l'amènent à se rendre dans un lointain pays étranger. Après son départ, ses fils absorbent une substance empoisonnée interdite; celle-ci provoque des souffrances qui les font se tordre et se rouler par terre. À ce moment, leur père revient à la maison; parmi ses enfants qui ont bu le poison, certains ont perdu l'esprit, d'autres non. Voyant de loin leur père, ils sont tous en grande liesse; agenouillés, ils le saluent : « Vous voilà bien revenu, sain et sauf ! Dans notre sottise, nous avons absorbé une dose de poison; nous vous en prions, daignez nous soigner et nous redonner la vie. »
Le père, voyant à quel point ses enfants souffrent, recherche, d'après ses traités canoniques, de bonnes herbes médicinales, réunissant complètement et en tous points la couleur, l'odeur, la saveur indiquées; ils les broie, les tamise, les mélange et les donne à boire aux enfants, leur disant : « Voici un médicament grandement efficace, qui réunit complètement en lui la forme, l'odeur et la saveur, vous allez le boire et il éliminera rapidement vos souffrances; vous n'aurez plus tous ces tourments. »
Ceux de ses fils qui n'ont pas perdu l'esprit voient que ce bon remède combine couleur et saveur agréables et l'absorbent donc : leur maladie se trouve complètement guérie. Les autres, qui ont perdu l'esprit, voient leur père venir, mais bien qu'ils le saluent eux aussi avec joie et lui demandent instamment de soigner leur mal, lorsqu'il leur donne le remède, ils se refusent à l'absorber. Pourquoi cela ? C'est que les vapeurs du poison ont profondément pénétré jusqu'à la base de leur esprit et ils ne trouvent point beau ce remède agréable de couleur et de saveur. Leur père a cette réflexion : ces malheureux enfants, sous l'action du poison, ont l'esprit sens dessus dessous; bien qu'ils soient contents de me voir et me demandent instamment de les sauver, ils ne consentent pas à prendre ce remède qui est pourtant si agréable. Il me faut à présent mettre au point un expédient pour le leur faire prendre.
Il leur tient donc ce langage : « Sachez-le, je suis maintenant vieux et décrépit, l'heure de ma mort est venue. Je vous laisse ici ce remède efficace et agréable, vous pouvez le prendre et l'absorber; ne vous désolez plus de ne pas guérir. »
Leur ayant fait ces instructions, il gagne un pays étranger, et envoie en retour un messager pour annoncer : « Votre père est mort. » À ce moment, les enfants, entendant que leur père s'était détourné d'eux pour les quitter, ont l'esprit envahi d'une grande détresse et se font ces réflexions : si notre père était là, il aurait pitié de nous et pourrait veiller à notre protection, mais il nous a maintenant abandonnés et a disparu dans une lointaine contrée. Ils se croient orphelins, sans plus personne à qui s'en remettre, et ont l'esprit constamment plongé dans la tristesse. Ils finissent cependant par s'éveiller à la compréhension et se rendent compte que ce remède est agréable de couleur, d'odeur et de goût; ils l'absorbent et la maladie causée par le poison se trouve complètement guérie. Le père entend que ses fils ont tous obtenu la guérison et revient aussitôt pour se montrer à eux tous.
Fils de bien, qu'en pensez-vous ? Se trouve-t-il vraiment quelqu'un qui puisse dire que ce bon médecin s'est rendu coupable de tromperie ?
- Non, Vénéré du monde.
L'Éveillé leur dit : « Ainsi en va-t-il également de moi. Cela fait d'innombrables, d'infinis milliers de millions de myriades de milliards de quantités incalculables d'éons que j'ai réalisé l'état d'Éveillé. C'est pour l'amour des êtres et par la force de mes expédients que je déclare que je passerai en Disparition, et il n'y a personne qui puisse en toute vérité m'accuser de tromperie. »
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Depuis que j'ai obtenu l'état d'Éveillé,
le nombre d'éons qui se sont écoulés
est d'innombrables milliers de millions
de myriades de milliards de quantités incalculables.
J'ai prêché constamment la Loi pour enseigner et convertir
d'innombrables myriades d'êtres
et les faire entrer dans la voie d'Éveillé,
ce depuis d'innombrables éons.
C'est pour sauver les êtres
qu'en manière d'expédient je représente l'Extinction,
alors qu'en réalité je ne suis pas passé en Disparition
et demeure ici en pérennité à prêcher la Loi.
je demeure ici constamment,
mais grâce à la force de mes pouvoirs divins,
je fais en sorte que les êtres aux conceptions erronées,
bien que je sois proche, ne me voient plus;
la multitude, constatant mon passage en Disparition,
fait d'amples offrandes à mes reliques,
tous sont remplis d'une aspiration passionnée
et ont au coeur une soif d'adoration.
Les êtres, dès lors soumis à la foi,
deviennent droits, doux et dociles en esprit,
ils désirent de tout coeur voir l'Éveillé
et n'épargnent pas pour cela leur propre vie.
C'est à ce moment que moi-même et la multitude des moines
nous apparaissons ensemble sur le Mont sacré des Aigles;
c'est alors que j'explique aux êtres :
je demeure ici en pérennité et n'ai point disparu,
c'est par la force de mes expédients salvifiques
que je me manifeste comme étant ou non en Disparition.
Dans d'autres royaumes il se trouve des êtres
pleins de respect, de foi enthousiaste,
et moi alors, au milieu d'eux,
je leur prêche la Loi insurpassable.
Mais vous, vous ne l'écoutez point,
et pensez seulement que je suis passé en Disparition.
je vois les êtres
plongés dans les affres et la douleur,
aussi je ne me manifeste pas à eux
et les amène à concevoir une soif d'adoration;
leur pensée d'aspiration passionnée est cause
de mon apparition pour leur prêcher la Loi.
Telle est la force de mes pouvoirs divins
et au cours d'éons incalculables
je reste constamment au Mont sacré des Aigles
et dans mes autres endroits de résidence;
alors que les êtres voient l'éon venir à son terme,
le grand incendie qui l'embrase,
ma terre, elle, reste sereine,
constamment remplie de dieux et d'hommes,
avec ses jardins, ses bosquets et ses pavillons,
ses ornements de matières précieuses variées,
ses arbres précieux abondants en fleurs et fruits,
où s'ébattent les êtres;
les dieux y frappent les tambours célestes,
toujours à jouer des musiques variées,
à faire pleuvoir des fleurs d'arbre-corail
et les disperser sur l'Éveillé et les grandes multitudes.
Ma terre pure n'est pas détruite,
alors que les êtres la voient dans l'embrasement ultime;
chagrins et peurs, affres et douleur,
de tout cela, nul qui ne soit rempli.
Ces êtres renaissent
conditionnés par leur Acte mauvais
et passent des éons incalculables
sans entendre le nom des Trois Joyaux;
ceux qui se sont exercés aux mérites,
doux et conciliants, droits de caractère,
me voient tous en conséquence, en mon corps même
me tenant ici et prêchant la Loi.
Parfois, pour cette foule,
j'explique que la longévité de l'Éveillé est incalculable,
et à ceux qui ne voient l'Éveillé qu'au bout d'un long temps,
j'explique que l'Éveillé se rencontre rarement.
Telle est la force de ma sagesse,
l'éclat de ma sapience est incommensurable,
ma longévité est d'éons sans nombre,
acquise après m'être longtemps exercé en Acte.
Vous qui avez la sagesse,
n'allez pas là-dessus concevoir de doutes,
vous devez y couper court, les réduire à jamais :
la parole de l'Éveillé est réelle, non pas vaine.
Comme un médecin passé maître en expédients,
qui, pour sauver ses enfants déments,
se prétend mort, alors qu'il est là en réalité :
on ne saurait le taxer de tromperie;
et moi, je suis le père du monde,
le sauveur de ceux qui souffrent;
tenant compte des opinions erronées du vulgaire,
je me prétends disparu, alors que je suis là en réalité.
Car, s'ils me voyaient constamment,
ils concevraient en pensée une position orgueilleuse,
se relâcheraient, s'attacheraient aux cinq désirs
et tomberaient dans les mauvaises destinées.
je sais toujours si les êtres
pratiquent ou non la Voie;
selon ce qui peut les sauver,
je leur prêche une variété d'enseignements,
me faisant à chaque fois cette réflexion :
comment mener les êtres
à entrer dans la Voie insurpassable
et à réaliser rapidement le corps d'Éveillé ?


^*^*^*^ 


CHAPITRE XVII
Le détail des mérites

En cette heure, dans la grande assemblée, en entendant l'Éveillé exposer que le nombre d'éons de sa longévité était à ce point immense, d'innombrables et infinies quantités incalculables d'êtres obtinrent une grande profusion de bénéfices.
À ce moment, le Vénéré du monde déclara à l'être d'Éveil Maitreya, le grand être :
Ô Invincible, lorsque j'ai exposé cette immensité de l'âge de l'Ainsi-Venu, des êtres nombreux comme les sables de soixante-huit millions de myriades de milliards de Gange se sont trouvés convaincus de la non-production des entités. Il y eut encore mille fois plus d'êtres d'Éveil, de grands êtres, qui purent passer la porte des formules détentrices permettant de retenir ce qu'ils entendaient. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux atomes de tout un monde qui obtinrent l'éloquence sans obstacle permettant de prêcher dans la joie. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux atomes de tout un monde qui obtinrent les formules détentrices permettant des centaines de millions de myriades d'innombrables permutations. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux atomes d'un monde tricosmique qui purent mettre en branle la roue de la Loi sans régression. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux atomes de deux mille terres centrales qui purent mettre en branle la roue de la Loi de pureté. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux atomes d'un petit millier de terres qui devraient obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur en huit renaissances. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux atomes de quatre mondes terrestres à quatre continents qui devraient obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur en quatre renaissances. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux atomes de trois mondes terrestres à quatre continents qui devraient obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur en trois renaissances. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux atomes de deux mondes terrestres à quatre continents qui devraient obtenir 1'Éveil complet et parfait sans supérieur en deux renaissances. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, en nombre égal aux atomes d'un seul monde terrestre à quatre continents qui devraient obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur en une seule renaissance. Il y eut encore des êtres d'Éveil, de grands êtres, nombreux comme les atomes de huit mondes qui déployèrent tous la pensée de l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Lorsque l'Éveillé eut exposé les grands bénéfices de Loi obtenus par ces êtres d'Éveil, ces grands êtres, du milieu de l'espace tomba une pluie de fleurs d'arbres-corail et de grands arbres-corail; elles se répandirent sur les innombrables centaines de millions d'Éveillés, sur leur trône léonin, au pied des arbres de matières précieuses, et en même temps sur l'Éveillé Çâkyamuni et sur l'Ainsi-Venu Maint-Trésor, passé de longue date en Disparition, qui étaient assis sur leur trône léonin dans la pagode des sept matières précieuses; elles se répandirent aussi sur l'ensemble des grands êtres d'Éveil et sur les quatre congrégations. Il tomba encore une pluie de fine poudre de santal et d'aloès odorant et, du milieu de l'espace, des tambours célestes retentirent d'eux-mêmes, en sons sublimes et profonds, portant au loin. Il tomba encore une pluie de mille sortes d'étoffes célestes et, partout dans les neuf directions, descendirent des colliers, des colliers de perles, des colliers de perles mani, des colliers de perles exauçant les désirs. Dans des brûle-parfums faits de toutes sortes de matières précieuses se consumaient des encens sans prix, ils faisaient spontanément le tour de la grande asssemblée pour lui faire offrande. Au-dessus de chaque Éveillé, des êtres d'Éveil tenaient dais et bannières, lesquels s'élevaient progressivement jusqu'au ciel des dieux brahmiques. D'une voix sublime, ces êtres d'Éveil chantaient des hymnes de louange aux Éveillés.
Alors l'être d'Éveil Maitreya se leva de son siège, se découvrit l'épaule droite, joignit les paumes en direction de l'Éveillé et s'exprima en stances :
L'Éveillé prêche une Loi rare,
jamais entendue de par le passé;
grande est la force du Vénéré du monde,
incalculable sa longévité.
Les innombrables enfants de l'Éveillé,
entendant le Vénéré du monde détailler
dans sa prédication ceux qui obtiennent les bienfaits de la Loi,
ont le corps tout entier rempli de liesse :
certains demeurent en la terre de non-régression,
certains ont obtenu les formules détentrices,
ou la prédication plaisante sans obstacle,
les formules globales de dix mille myriades de permutations;
ou bien des êtres d'Éveil, nombreux comme les atomes
d'un monde mégacosmique,
peuvent, tous et chacun, mettre en branle
la roue de la Loi sans régression;
il y a encore des êtres d'Éveil, nombreux comme les atomes
d'un monde cosmique moyen,
qui peuvent, tous et chacun, mettre en branle
la roue de la Loi pure;
il y a encore des êtres d'Éveil, nombreux comme les atomes
d'un petit monde cosmique,
à qui il ne reste plus que huit renaissances
avant de réaliser la voie d'Éveillé;
il y a encore des êtres d'Éveil, comme les atomes
de quatre, trois ou deux
mondes à quatre continents tels que celui-ci,
qui deviendront Éveillés en un nombre correspondant de renaissances;
ou encore des êtres d'Éveil, nombreux comme les atomes
d'un seul monde à quatre continents,
à qui il ne reste plus qu'une renaissance
avant de réaliser l'omniscience.
Une même proportion d'êtres,
lorsqu'ils entendent l'immensité de l'âge de l'Éveillé,
obtiennent d'innombrables fruits et rétributions
dépourvus d'infection et purs.
Il y a encore des êtres, nombreux comme les atomes
de huit mondes,
qui, entendant l'Éveillé exposer sa longévité,
déploient tous la pensée insurpassable.
Le Vénéré du monde prêche d'innombrables
et d'inconcevables enseignements
qui assurent une profusion de bienfaits
aussi illimités que l'espace.
Il pleut de célestes fleurs d'arbres-corail
et de grands arbres-corail,
nombreux comme les sables du Gange, les dieux Indra et Brahmâ
arrivent d'innombrables terres d'Éveillé;
ils font pleuvoir le santal et l'aloès,
qui tombent pêle-mêle, en désordre,
comme une nuée d'oiseaux qui descend du ciel
et vient se répandre en offrande sur les Éveillés.
Des tambours célestes au milieu de l'espace
spontanément émettent leurs sons sublimes;
des étoffes célestes, de dizaines de millions de sortes,
tombent en tourbillonnant;
en de merveilleux brule-parfums de toutes matières précieuses
se consume un encens sans prix,
d'eux-mêmes ils font le tour complet de toute l'assemblée
en offrande aux Éveillés.
Cette grande multitude d'êtres d'Éveil
tient dais et bannières des sept matières précieuses,
hauts et merveilleux, de myriades et myriades de variétés,
qui parviennent progressivement jusqu'au ciel de Brahmâ;
devant chacun des Éveillés,
ils suspendent à de précieux mâts de somptueuses bannières
et, en dizaines de millions de stances,
ils chantent les louanges des Ainsi-Venus.
Une telle variété d'événements
ne s'était jamais vue autrefois;
en entendant l'incommensurable longévité de l'Éveillé,
tous sont saisis d'allégresse,
le renom de l'Éveillé s'entend aux dix orients,
il répand sur les êtres une profusion de bienfaits;
tous se retrouvent munis des racines de bien
qui deviennent les auxiliaires de la pensée insurpassable.
Alors l'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Maitreya, le grand être :
Ô Invincible, s'il se trouve des êtres qui, à entendre que la longévité de l'Éveillé est à ce point immense, peuvent concevoir ne serait-ce qu'une seule pensée de foi et de compréhension, les mérites qu'ils en obtiendront seront au-delà de toute limite : s'il se trouve des fils et des filles de bien qui, pour l'amour de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, pratiquent durant huit cent mille myriades de milliards d'éons les cinq perfections - la perfection du don, la perfection de moralité, la perfection de patience, la perfection de zèle, la perfection de méditation - en mettant à part la perfection de sagesse, et si l'on compare ces mérites aux mérites précédents, ils n'en parviennent pas au centième, pas au millième, pas au dix millionième de myriadième, au point même qu'aucun calcul ni aucune comparaison ne peut en rendre compte. Qu'un fils ou fille de bien, ayant de tels mérites, régresse de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, cela n'a point lieu d'être.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Si quelqu'un recherche la sagesse d'Éveillé
pendant quatre-vingt mille myriades
de milliards d'éons
et pratique les cinq perfections
tous ces éons durant,
en faisant don et offrande aux Éveillés,
aux éveillés par conditions et aux disciples,
en même temps qu'à la multitude des êtres d'Éveil,
de mets et boissons exceptionnels,
des meilleurs vêtements, de literie,
leur bâtissent des ermitages de santal,
ornés de jardins et bosquets;
de tels dons,
tous merveilleux dans leur variété,
s'il passe l'intégralité de ce nombre d'éons
à les consacrer et reconvertir à la voie d'Éveillé;
et si encore il observe interdits et moralité
en toute pureté, sans faille ni fuite,
à la recherche de la Voie insurpassable,
exaltée par les Éveillés;
et si encore il pratique la patience
et demeure sur le terrain de la modération et de la douceur,
sans que sa pensée fléchisse ou soit ébranlée
malgré la foule des mauvais qui l'agresse,
et lorsque ceux qui ont obtenu la Loi
concevant un orgueil démesuré
les tourmentent de leur dédain,
il est ainsi capable de les prendre en patience;
et si encore ces gens s'appliquent avec zèle,
toujours fermes en leur résolution
pendant d'innombrables myriades d'éons,
de tout coeur, sans paresse ni lassitude;
et qu'encore en d'incalculables éons,
ils demeurent en des endroits déserts,
soit assis, soit déambulant,
suppriment le sommeil et contiennent en permanence leur pensée,
que, grâce à ces causes et conditions,
ils puissent produire méditations et concentrations
et, quatre-vingts myriades et dix mille éons durant,
fermement demeurent, la pensée non troublée;
en gardant ces mérites de la pensée unifiée,
ils aspirent à la Voie insurpassable :
« J'obtiendrai l'omniscience,
je mènerai complètement à leur terme méditations et concentrations. »
Ces gens, pendant un nombre de milliers
de millions de myriades d'éons,
pratiquent tous ces mérites
ainsi que nous venons de les décrire.
Mais s'il est des fils et filles de bien
qui m'entendent exposer ma longévité,
et me croient, même le temps d'une seule opération de pensée,
leurs mérites dépasseront ceux-là.
Si ces gens sont complètement dépourvus
de doutes et de regrets quels qu'ils soient,
et qu'ils croient d'une pensée profonde, même un bref instant,
leurs mérites seront comme ceux-là.
Et ces êtres d'Éveil
qui ont d'innombrables éons pratiqué la Voie,
en m'entendant exposer ma longévité,
sont capables de l'accepter avec foi;
des gens tels que ceux-là
acceptent avec respect ce texte canonique :
« Puissions-nous à l'avenir
dans notre longévité sauver les êtres
et comme aujourd'hui le Vénéré du monde,
le souverain des Çâkya,
pousser le rugissement de lion au lieu de la Voie
et exposer la Loi en pleine assurance;
puissions-nous à l'avenir,
vénérés de tous,
lorsque nous serons assis au lieu de la Voie,
exposer d'une telle façon notre longévité. »
Ceux de pensée profonde,
purs, droits de caractère,
érudits et capables de retenir tout,
comprenant la parole de l'Éveillé selon son sens,
des personnes telles que celles-là
n'auront là-dessus aucun doute.
Et encore, ô Invincible, s'il est des gens qui, à entendre l'Éveillé exposer l'immensité de son âge, comprennent la portée de ses dires, les mérites qu'ils en obtiendront seront sans limite ni mesure et ils pourront concevoir la sagesse insurpassable de l'Ainsi-Venu. À plus forte raison encore pour qui entend ce livre dans son ampleur, ou le fait entendre à autrui, le garde lui-même ou le fait garder à autrui, le copie lui-même ou le fait copier à autrui, ou bien fait offrande aux volumes de fleurs, d'encens, de guirlandes, de bannières, de dais de soie, d'huiles parfumées, de lampes à beurre clarifié, les mérites de ces gens seront-ils sans mesure ni limite et ils seront capables de produire la sagesse portant sur toutes les espèces. Ô Invincible, si les fils et les filles de bien qui m'entendent exposer l'immensité de mon âge croient et comprennent du profond de leur coeur, il leur sera montré l'Éveillé se tenant en pérennité sur le Pic du Vautour, entouré des multitudes d'êtres d'Éveil et d'auditeurs, et prêchant la Loi. Ils verront encore ce monde de l'Endurance dont le sol deviendra de béryl, plat et nivelé, les huit voies en seront délimitées par de la poudre d'or du fleuve Jambû, bordées d'arbres de matières précieuses; les terrasses, les hauts pavillons, les belvédères y seront tous faits de matières précieuses et habités par une multitude d'êtres d'Éveil. S'il s'en trouve qui puissent le contempler ainsi, sache-le, ce sera le signe de la profondeur de leur foi et de leur compréhension.
Plus encore, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, si l'on entend ce livre sans le calomnier ni le critiquer et en concevant une pensée de joie conséquente, ce sera déjà, sache-le, un signe de la profondeur de la foi et de la compréhension. À plus forte raison pour ceux qui le liront et le réciteront, l'accepteront et le garderont : ces gens porteront l'Ainsi-Venu en triomphe. Ô Invincible, ces fils et ces filles de bien n'auront plus besoin d'ériger à mon intention temples et pagodes, ni de bâtir des quartiers d'habitation pour les moines, ni de faire offrande des quatre articles à la communauté monastique. Pourquoi cela ? C'est que ces fils et filles de bien qui auront reçu et gardé, lu et récité ce texte canonique auront déjà érigé des pagodes, édifié des quartiers de religieux, fait offrande à la communauté monastique. Cela revient à édifier, pour les reliques de l'Éveillé, une pagode faite des sept matières précieuses, diminuant graduellement en hauteur et largeur pour arriver jusqu'au ciel des dieux brahmiques, à laquelle seraient suspendus bannières et dais, ainsi qu'une multitude de clochettes précieuses, et des fleurs, de l'encens, des guirlandes, des poudres, des onguents, des fumigations, une multitude de tambours, des instruments de musique, des flûtes, des harpes, et toute une variété de danses, ainsi qu'à chanter hymnes et louanges d'une voix merveilleuse. Cela revient à avoir fait de telles offrandes pendant d'innombrables dizaines de millions et de myriades d'éons.
Ô Invincible, si, après ma Disparition, on entend ce texte canonique et qu'il s'en trouve pour l'accepter et le garder, ou bien le copier soi-même ou le faire copier, cela revient à édifier des quartiers d'habitation de religieux, à bâtir en bois de santal rouge trente-deux pavillons, hauts comme huit palmiers, élevés, vastes, imposants et élégants, dans lesquels résideraient cent ou mille moines, avec des jardins et des bosquets, des bassins et des étangs, des promenades, des grottes de méditation, qui seraient remplis de vêtements, de boissons et de vivres, de lits et de couvertures, de potions médicinales et de tous les instruments de musique. De tels pavillons, ces habitations de religieux, seraient plusieurs centaines de millions de myriades, leur nombre serait incalculable; avec tout cela, on se présenterait devant moi pour m'en faire offrande, ainsi qu'à la communauté des moines. Voilà pourquoi j'explique qu'après la Disparition de l'Ainsi-Venu, si l'on reçoit, garde, lit, récite, expose à autrui les volumes de ce texte canonique, si on les copie soi-même ou si on les fait copier par autrui, si on leur fait offrande, il ne sera plus besoin d'édifier pagodes et temples, ni de construire des quartiers d'habitation de religieux pour en faire offrande à la communauté monastique.
À plus forte raison encore s'il se trouve des gens capables de garder ce livre tout en menant de pair la pratique du don, de la moralité, de la patience, du zèle, de l'unification de la pensée et de la sagesse, leurs mérites seront éminents, excellents, incommensurables, infinis. À l'exemple de l'espace qui, d'est en ouest, du sud au nord, dans les quatre directions intermédiaires, du zénith au nadir, est incommensurable et infini, de la même façon les mérites de ces gens seront incommensurables et infinis. Ils parviendront promptement à la sagesse portant sur toutes les espèces.
Si on lit, récite, accepte et garde ce livre et qu'on l'expose à autrui, si on le copie ou si on le fait copier à autrui, on sera en plus capable d'ériger des pagodes et de construire des quartiers d'habitation monastiques, de présenter offrandes et louanges à la communauté des auditeurs; on fera également, grâce à des centaines de millions et des myriades de procédés hymniques, les louanges des mérites des êtres d'Éveil. De plus, à l'intention d'autrui et à l'aide d'une variété de relations, on exposera intelligiblement, conformément à son sens, ce Livre du lotus de la Loi. En plus, on sera capable d'observer la moralité en sa pureté et de cohabiter avec les doux et conciliants; patient et sans colère, ferme dans sa résolution, ayant toujours en estime la méditation assise, on obtiendra les diverses concentrations; énergique et audacieux, on embrassera les bonnes méthodes; muni de facultés aiguës et de sagesse, on répondra avec maitrise aux objections.
Ô Invincible, si, après ma Disparition, les fils et filles de bien acceptent et gardent, lisent et récitent ce texte canonique, ils auront en plus de bons mérites tels que ceux-là. Ces gens, sache-le, seront désormais orientés vers le lieu de la Voie, ils seront proches de l'Éveil complet et parfait sans supéneur, ils seront assis au pied de l'arbre de la Voie.
Ô Invincible, là-même où ces fils et filles de bien se seront assis ou tenus debout, ou auront déambulé, il conviendra d'ériger une pagode, et l'ensemble des dieux et des hommes lui feront offrande comme à la pagode d'un Éveillé.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idéê, s'exprima en stances :
Pour celui qui pourra, après ma Disparition
avec respect préserver ce livre,
ses mérites seront aussi incalculables
que je l'ai exposé tout à l'heure;
cela reviendra à la somme totale
de l'ensemble des offrandes :
à édifier, pour des reliques, une pagode
ornée des sept matières précieuses,
à la flèche très haute et large,
de plus en plus petite jusqu'au ciel de Brahmâ,
avec des clochettes précieuses par millions et myriades,
qui, bercées par le vent, émettent un son merveilleux;
et à faire, pendant d'innombrables éons,
des offrandes à cette pagode,
de fleurs, de parfums, de guirlandes variées,
d'étoffes célestes, de musiques diverses,
à brûler des huiles parfurnées, des lampes à beurre clarifié,
tout autour, qui l'éclairent constamment.
Au mauvais âge de la fin de la Loi,
être capable de préserver ce livre
reviendra, comme il vient d'être dit,
à la somme totale de ces offrandes.
Si l'on est capable de préserver ce livre,
cela reviendra, en la présence réelle de l'Éveillé,
à bâtir en santal tête-de-boeuf
des quartiers d'habitation monastique en offrande,
avec trente-deux pavillons,
hauts comme huit palmiers,
avec des mets excellents, de merveilleux vêtements
et la literie complètement fournis,
où demeurerait une communauté de centaines et de milliers,
avec jardins, bosquets et étangs, déambulatoires et grottes de méditation,
imposants et élégants dans leur variété.
Si, muni d'une pensée de foi et de compréhension,
on accepte et garde, lit, récite, copie,
ou fait copier par autrui,
les volumes de ce texte, et si on leur fait offrande,
en éparpillant sur eux des fleurs, de l'encens, des poudres parfumées,
et en faisant en permanence brûler des huiles imprégnées
de jasmin, de gardénia
et de fleur de manguier;
qui fait de telles offrandes
aura des mérites incalculables;
de même que l'espace est infini,
ainsi en sera-t-il de ses mérites.
À plus forte raison pour qui préservera ce livre
tout en menant de pair le don, la moralité,
la patience, se plaisant à la concentration,
ne se courrouçant ni ne calomniant,
respectant pagodes et temples,
se rabaissant devant les moines,
débarrassé de pensée hautaine,
la réflexion toujours tournée vers la sagesse,
ne s'irritant point des objections,
mais expliquant et prêchant de façon conforme et appropriée;
pour qui aura pu mener ces pratiques,
les mérites seront incalculables.
Si l'on voit un tel maître de Loi,
ayant accompli des mérites tels que ceux-ci,
on devra par des dispersions de fleurs célestes
et de vêtements divins recouvrir son corps,
abaisser le visage jusqu'à ses pieds en hommage,
et le concevoir en pensée comme un Éveillé.
On devra encore se faire cette réflexion :
avant longtemps il se rendra à l'arbre de la Voie,
obtiendra l'absence d'infections et le non-agir
et apportera de vastes bénéfices aux dieux et aux hommes.
Là où il se sera arrêté,
aura déambulé ou se sera couché,
ou même n'aura exposé qu'une seule stance,
il conviendra d'édifier en cet endroit une pagode,
de la parer pour la rendre merveilleusement élégante
et d'y faire une variété d'offrandes.
De cette terre, où demeurent les enfants de l'Éveillé,
c'est l'Éveillé lui-même qui a fruition,
constamment il y réside,
y déambule et s'y couche.


^*^*^*^ 


CHAPITRE XVIII
Les mérites de la joie conséquente

En cette heure l'être d'Éveil Maitreya, le grand être, s'adressa à l'Ainsi-Venu : « Vénéré du monde, si des fils et filles de bien, entendant ce Livre du lotus de la Loi, s'en réjouissent en conséquence, quelles bénédictions obtiendront-ils ? »
Et il s'exprima en stances :
Quand le Vénéré du monde sera passé en Disparition,
s'il s'en trouve qui, à entendre ce texte canonique,
soient capables de s'en réjouir en conséquence,
quelles seront pour eux les bénédictions obtenues ?
Alors l'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Maitreya, le grand être :
Ô Invincible, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, si des moines, des nonnes, des laïcs pieux et pieuses laïques, ou tous autres sages, avancés en âge ou jeunes, ayant entendu ce livre et s'en étant réjouis en conséquence, quittent l'assemblée de la Loi et se rendent en un autre lieu - que ce soit en des quartiers d'habitation monastiques, un lieu désert, une ville, un bourg, une agglomération, un village - et que, comme ils l'ont entendu, ils l'exposent selon leurs forces à leur père, leur mère, leur parentèle, leurs bons amis et connaissances; que ces gens, l'ayant entendu, s'en réjouissent en conséquence et à leur tour s'en aillent propager l'enseignement; que d'autres, l'ayant entendu, s'en réjouissent aussi en conséquence et propagent l'enseignement, et ainsi de suite de proche en proche jusqu'au cinquantième; ô Invincible, les mérites venant de la joie conséquente qu'aura ce cinquantième, fils de bien ou fille de bien, je vais maintenant te les exposer, écoute bien.
Qu'au nombre des êtres vivants de quatre cent millions de myriades de quantités incalculables de mondes, relevant des six voies, des quatre modes de naissance - de l'oeuf, de la matrice, de l'humidité, de la métamorphose -, pourvus ou non de forme, avec ou sans notions conscientes, ou bien ni avec ni sans notions conscientes, apodes, bipèdes, quadrupèdes, multipèdes, se trouve un homme en quête de mérites : en se conformant à ce qu'ils désirent, il leur procure tout le nécessaire à leurs plaisirs; à chacun des êtres il donne tout un continent Jambû de matières précieuses, merveilleuses et rares - or, argent, béryl, nacre, agate, corail, ambre -, ainsi qu'éléphants, chevaux et chars, des palais et des pavillons construits des sept matières précieuses.
Ce grand donateur, ayant fait de tels dons pendant quatre-vingts années pleines, a cette réflexion : j'aurai fait don aux êtres du nécessaire à leurs plaisirs en me conformant à ce qu'ils désiraient expressément; or les voici tous vieux et décrépits, ils ont passé quatre-vingts ans d'âge; les cheveux blancs, le visage ridé, ils mourront avant longtemps. Je me dois de les instruire dans la Loi de l'Éveillé. Il rassemble donc ces êtres et leur divulgue la Loi qui convertit, il la leur montre, la leur enseigne, les en fait bénéficier, les en fait se réjouir. Ils obtiennent tous au même moment la voie d'Entré dans le courant, la voie de Revenant une fois, la voie de Sans-Retour, la voie de Méritant, mènent leurs infections à l'épuisement et, en de profondes méditations et concentrations, obtiennent tous la liberté souveraine et se munissent complètement des huit délivrances.
Quel est ton avis ? Les mérites de ce grand donateur seront-ils tenus pour nombreux ou non ?
Maitreya s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, les mérites de cet homme seront fort nombreux, incalculables, infinis. Si ce donateur a d'infinis mérites en ne faisant don aux êtres que du nécessaire à tous leurs plaisirs, qu'en sera-t-il alors en les menant au fruit de Méritant ? »
L'Éveillé déclara à Maitreya :
Je te le dis à présent en toute clarté, les mérites qu'un tel homme aura obtenus en faisant don du nécessaire à tous les plaisirs aux êtres des six voies dans quatre cent millions de myriades de quantités incalculables de mondes et en leur faisant en plus obtenir le fruit de Méritant ne se peuvent comparer aux mérites de cette cinquantième personne qui, entendant une seule stance du Livre du lotus de la Loi, s'en réjouit en conséquence; ils n'en arrivent pas même au centième, au millième, au cent millionième de myriadième, au point même qu'ils ne sauraient être connus par nul calcul ni comparaison.
Ô Invincible, les mérites de la cinquantième personne qui aura, de cette façon, entendu de proche en proche le Livre du lotus de la Loi et s'en sera réjouie en conséquence seront déjà innombrables, infinis, en quantités incalculables. Qu'en sera-t-il alors de celui qui l'aura entendu le premier dans l'assemblée et s'en sera réjoui en conséquence ? Ses mérites seront encore supérieurs à d'innombrables, d'infinies quantités incalculables, on ne pourrait en trouver une comparaison.
Ô Invincible, si quelqu'un se rend, pour l'amour de ce livre, dans les quartiers d'habitation monastiques et que, soit assis soit debout, il l'écoute et l'accepte ne serait-ce qu'un fort bref instant; en raison de ce mérite, là où il renaîtra corporellement, il obtiendra d'excellents et merveilleux chars à éléphants et à chevaux, des palanquins aux joyaux de prix et il montera aux palais célestes. Et si quelqu'un encore se trouve assis à l'endroit où s'expose la Loi et qu'un autre survenant, il exhorte ce dernier à s'asseoir et à écouter, voire partage avec lui son siège, les mérites de cette personne lui feront obtenir, dans sa renaissance corporelle, le trône d'Indra, le trône du roi des dieux brahmiques ou encore le trône où s'asseoit le souverain de l'orbe.
Et si encore, ô Invincible, il se trouve quelqu'un pour annoncer à un autre qu'il existe un texte canonique intitulé Livre du lotus de la Loi et qu'ils pourraient aller l'écouter ensemble, qu'ainsi ce dernier reçoive l'enseignement, ou même qu'il ne l'entende que durant un fort bref instant, les mérites d'une telle personne feront que, dans sa renaissance corporelle, il obtiendra de naître au même endroit que les êtres d'Éveil possesseurs des formules détentrices; il sera de facultés aiguës, sage, ne tombera jamais muet pendant mille millions d'existences, n'aura pas mauvaise haleine. Sa langue sera toujours saine, tout comme sa bouche; ses dents ne seront pas noircies, ni jaunies, ni cariées, elles ne se déchausseront ni ne tomberont, elles ne seront pas inégales, ni de travers. Il n'aura pas les lèvres pendantes, ni retroussées, ni gercées ni pustuleuses; elles ne seront ni abîmées ni tordues, ni épaisses ni grandes, pas plus qu'elles ne seront noircies, ni avec aucun autre défaut. Il n'aura pas le nez aplati ou tordu, ni le visage basané, allongé, étroit ou concave; il n'aura aucune marque rébarbative. Ses lèvres, sa langue, ses dents seront toutes magnifiques, il aura le nez long, haut et droit, la figure parfaite, les sourcils hauts et longs, le front large et plat; sa physionomie sera totalement accomplie. Tout au long de ses renaissances, il verra l'Éveillé, entendra sa Loi, acceptera avec foi son instruction.
Considère donc cela, ô Invincible : tels sont les mérites de qui exhorte un seul homme à aller écouter la Loi; qu'en sera-t-il alors de qui l'écoutera de tout coeur exposer, la lira et récitera et, dans les vastes multitudes, la détaillera à autrui et la mettra en pratique selon qu'elle est exposée !
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, l'exprima en stances :
Si quelqu'un, dans une assemblée de la Loi,
obtient d'entendre ce texte canonique,
n'en serait-ce qu'une seule stance,
et, joyeux en conséquence, l'expose à autrui,
qu'ainsi, en enseignant de proche en proche,
on arrive jusqu'à la cinquantième personne,
les mérites acquis par cette dernière,
détaillons-les à présent :
c'est comme un grand donateur
qui fournirait d'innombrables multitudes,
pendant quatre-vingts années complètes,
en tout ce que leur esprit désire;
voyant en eux les marques de la décrépitude,
leurs cheveux blanchis, leurs visages ridés,
leurs chicots, leurs formes délabrées,
il songe qu'ils mourront avant longtemps :
« Je me dois à présent de les enseigner
pour leur permettre d'obtenir les fruits de la Voie. »
Il leur prêche donc, en manière d'expédient,
la Loi authentique et réelle de la Disparition :
« Le monde n'a rien de ferme ni de stable,
ce n'est qu'écume sur l'eau, bulles, mirage,
vous vous devez tous
d'en concevoir au plus tôt de l'écoeurement. »
Les gens qui entendent cet enseignement
obtiennent tous l'état de Méritant,
se trouvent complètement munis des six pouvoirs divins,
des trois sciences, des huit délivrances.
Or, le dernier, le cinquantième,
qui n'entendra qu'une seule stance et s'en réjouira en conséquence,
celui-là dépassera tant l'autre par ses mérites
qu'on ne saurait en donner comparaison.
Ainsi, pour qui a entendu de proche en proche,
les mérites sont déjà innombrables;
qu'en sera-ce alors pour qui est dans l'assemblée
le premier à l'entendre et à s'en réjouir en conséquence !
S'il s'en trouve pour encourager même un seul homme,
à l'entraîner écouter le Lotus de la Loi,
à lui dire que ce livre est profond et merveilleux,
difficile à rencontrer même en mille ou dix mille éons,
et que l'autre accepte l'enseignement, s'en aille l'écouter,
l'entende même un fort bref instant,
les mérites qu'un tel homme aura en rétribution,
je vais à présent les exposer en détail :
d'existence en existence, sa bouche sera saine,
ses dents ne seront pas cariées, ni jaunies, ni noircies;
il n'aura les lèvres ni épaisses, ni retroussées, ni abîmées,
il n'aura aucune marque détestable;
il n'aura pas la langue sèche, ni noire, ni courte,
son nez sera haut, long et droit,
son front large et plat,
mine et regard en tout point imposants;
il sera regardé avec joie par les gens;
son haleine sera exempte d'odeurs fétides,
parfumée comme la fleur de lotus bleu,
émanant toujours de sa bouche.
S'il se rend exprès aux quartiers des religieux
dans le désir d'écouter le Livre du lotus de la Loi
et l'entend avec allégresse, ne serait-ce qu'un bref instant,
je vais à présent exposer ses mérites :
il renaîtra après parmi les dieux et les hommes,
obtiendra de merveilleux chars à chevaux et éléphants,
des palanquins sertis de joyaux de prix,
et il montera aux palais célestes.
Si, aux endroits où la Loi est expliquée,
il encourage autrui à s'asseoir et écouter le texte,
ses mérites seront cause qu'il obtiendra
le trône d'Indra, de Brahmâ ou de l'orbe.
À plus forte raison si de tout coeur il écoute
l'explication de son sens
et pratique selon qu'il est prêché :
ses bénédictions ne se sauraient compter.


^*^*^*^ 


CHAPITRE XIX
Les mérites du maître de Loi

En cette heure, l'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Zèle-Constant, le grand être :
Si un fils de bien, ou une fille de bien, accepte et garde ce Livre du lotus de la Loi, s'il le lit, le récite, l'explique, le copie, cette personne obtiendra huit cents mérites pour l'oeil, mille deux cents mérites pour l'oreille, huit cents mérites pour le nez, mille deux cents mérites pour la langue, huit cents mérites pour le corps, mille deux cents mérites pour le mental; elle parera de ces mérites ses six organes sensoriels et les purifiera tous. Ce fils de bien, ou cette fille de bien, avec l'oeil charnel engendré par ses parents une fois purifié, verra tous les monts, les forêts, les fleuves, les mers à l'intérieur et à l'extérieur du monde tricosmique, jusqu'à l'enfer Sans-Intervalle vers le bas et aux dieux du Faîte de l'Être vers le haut; il verra aussi l'ensemble des êtres qui s'y trouvent, ainsi que les endroits où ils renaîtront selon les fruits et rétributions conditionnés par leur Acte. De tout cela il aura vision et savoir pleins et entiers.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Si, au sein d'une vaste multitude,
d'un coeur assuré,
on prêche ce Livre du lotus de la Loi,
écoutez les mérites qui en découlent :
cette personne obtiendra huit cents
mérites d'excellence pour l'oeil;
grâce à cet embellissement,
sa vision sera fort purifiée;
de l'oeil charnel engendré par ses parents,
il verra complètement le monde tricosmique,
au-dedans et au-dehors : le mont Meru,
le mont Sumeru, l'Enceinte-de-Fer,
avec les autres montagnes et forêts,
l'océan, les fleuves et rivières, les eaux,
jusqu'à l'enfer Sans-Intervalle vers le bas,
le site des dieux du Faîte de l'Être vers le haut,
et les êtres qui s'y trouvent,
il les verra tous tant qu'ils sont;
alors même qu'il n'aura pas encore l'oeil céleste,
tel sera déjà le pouvoir de son oeil charnel.
Plus encore, Zèle-Constant, si un fils de bien, ou une fille de bien, accepte et garde ce texte canonique, s'il le lit, le récite, l'explique ou le copie, il obtiendra mille deux cents mérites pour l'oreille, grâce auxquels il purifiera son ouïe. Il entendra le monde tricosmique, jusqu'à l'enfer Sans-Intervalle vers le bas et aux dieux du Faîte de l'Être vers le haut, la variété des langues, des sons et des voix au-dedans et au-dehors : les cris et bruits des éléphants, des chevaux, des boeufs, des chars, les sons des pleurs et sanglots, des plaintes et exclamations, le son des conques et des tambours, des cloches et des clochettes, les bruits des rires et des conversations, les voix d'hommes, de femmes, de jeunes gens et de jeunes filles, la voix de la loi et la voix de l'injustice, la voix de la douleur et celle du plaisir, la voix des profanes et celle des saints, la voix de la joie et celle de l'insatisfaction, les voix des dieux, des dragons, des silènes, des centaures, des titans, des griffons, des chimères et des pythons, le bruit du feu, de l'eau, du vent, les voix des enfers, des animaux, des démons affamés, celles des moines et des nonnes, des auditeurs, des éveillés pour soi, des êtres d'Éveil, des Éveillés. Pour le dire en bref, l'ensemble des voix possibles au-dedans comme au-dehors du monde tricosmique, alors même qu'il n'aura pas encore obtenu l'ouïe céleste, il les entendra et les connaîtra à l'aide de son oreille ordinaire engendrée par ses parents, ainsi purifiée. Il distinguera de cette façon les sons et voix dans leurs variétés, et pourtant sa faculté auditive ne se détériorera point.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée s'exprima en stances :
L'oreille engendrée par les parents
sera purifiée et exempte de souillures;
de cette oreille ordinaire il entendra
les voix du monde tricosmique,
les cris et bruits d'éléphants, de chevaux, de chars, de boeufs,
le son des cloches et clochettes, des conques et tambours,
des cithares et des harpes,
des hautbois et des flûtes,
les voix chantantes, pures et plaisantes;
il les écoutera, mais sans s'y attacher.
L'innombrable variété des voix humaines,
il les entendra et pourra toutes les comprendre.
Il entendra aussi les voix célestes,
la merveilleuse sonorité de leurs chants,
de même qu'il entendra les voix des hommes et des femmes,
celles des jeunes gens et jeunes filles;
dans les vallées encaissées entre monts et torrents,
les voix des coucous d'Inde,
des piverts et autres oiseaux,
il les entendra toutes.
Les cris des multitudes souffrant dans les enfers,
la voix de ceux plongés dans ces angoisses variées,
la voix des démons affamés qui, poussés par la faim et la soif,
recherchent à boire et à manger,
les grandes voix sonores émises
par les titans et leurs semblables,
résidant au rivage de l'Océan,
lorsqu'ils parlent entre eux;
c'est ainsi que celui qui prêche la Loi,
résidant sereinement ici même,
entendra la multitude des voix venant de loin,
et pourtant elles ne détérioreront point sa faculté auditive.
Dans les mondes des dix orients,
les oiseaux et les bêtes qui s'interpellent,
celui qui prêche la Loi
d'ici les entendra toutes tant qu'elles sont.
Au-dessus des dieux brahmiques,
les dieux d'Éclat-Lumineux et d'Universelle-Pureté,
jusqu'aux dieux du Faîte de l'Être,
les voix et bruits de leurs conversations,
le maître de la Loi, tout en demeurant ici,
pourra intégralement les entendre.
L'ensemble des moines
comme des nonnes
qui lisent ou récitent ce texte canonique,
ou l'exposent à autrui,
le maître de la Loi, tout en demeurant ici,
pourra tous les entendre.
Qui plus est, les êtres d'Éveil
qui lisent ou récitent cet enseignement canonique,
ou bien l'exposent à autrui,
en font un choix pour en expliquer le sens,
de telles voix aussi,
il pourra toutes les entendre.
Les Éveillés, les grands saints vénérables,
qui enseignent et convertissent les êtres,
qui, au sein des grandes assemblées,
exposent la Loi sublime et merveilleuse,
celui qui garde ce Lotus de la Loi,
pourra tous les entendre.
Dans le monde tricosmique,
les voix et les sons intérieurs et extérieurs,
jusqu'aux enfers vers le bas,
jusqu'au Faîte de l'Être vers le haut,
il les entendra tous
sans qu'ils détériorent sa faculté auditive;
grâce à l'acuité sensible de son ouïe,
il pourra tout connaître en détail.
Celui qui garde ce Lotus de la Loi,
alors même qu'il n'aura pas encore l'ouïe céleste,
avec simplement son ouïe de naissance,
aura déjà des mérites tels que ceux-là.
Plus encore, Zèle-Constant, si un fils de bien, ou une fille de bien, accepte et garde ce texte canonique, le lit, le récite, l'explique ou le copie, il aura accompli huit cents mérites pour le nez; grâce à sa faculté olfactive ainsi purifiée, il sentira la variété des odeurs en haut et en bas, à l'intérieur et à l'extérieur du monde tricosmique : le parfum de la fleur de sumanâ, le parfum de la fleur jâtika, le parfum de la fleur de jasmin, le parfum de la fleur de gardénia, le parfum de la fleur de bignonia, le parfum de la fleur de lotus rouge, le parfum de la fleur de lotus bleu, le parfum de la fleur de lotus blanc, le parfum des arbres à fleurs, le parfum des arbres à fruits, le parfum du santal, le parfum de l'aloès, le parfum des feuilles de tamâla, le parfum de tagara, ainsi que les parfums de mille et de dix mille variétés de mélanges, en poudres, en pilules ou en onguents; celui qui gardera ce texte canonique pourra, tout en demeurant ici, les distinguer tous tant qu'ils sont.
Qui plus est, il distinguera les odeurs des êtres : l'odeur des éléphants, des chevaux, des boeufs, des moutons et autres, l'odeur des hommes et des femmes, des jeunes gens et des jeunes filles, ainsi que l'odeur des plantes et des arbres, des bosquets et des forêts; qu'elles soient proches ou lointaines, il pourra entièrement distinguer toutes les odeurs possibles sans se tromper.
Celui qui gardera ce texte canonique sentira également, quand bien même il demeurera ici, les effluves divines venant des cieux : le parfum des arbres érythrina et bauhinia, le parfum des fleurs d'arbre-corail et de grand arbre-corail, le parfum des fleurs de mañjûshaka, le parfum des fleurs de mahâ-mañjûshaka, le parfums des diverses poudres de santal et d'aloès, le parfum des fleurs les plus diverses. Des parfums tels que ceux-là, et les senteurs provenant de leurs mélanges, il n'est rien qu'il ne reconnaîtra à l'odeur.
Il sentira en plus les effluves des corps divins : le parfum de Çakra, l'Indra des dieux, quand il s'ébat dans les voluptés des cinq désirs en son magnifique palais, ou son parfum lorsqu'il prêche la Loi aux dieux Trente-Trois dans la salle de la Loi sublime, ou se divertit dans les jardins, ainsi que le parfum des corps des autres dieux, des hommes et des femmes; tous tant qu'ils sont, il les sentira de loin. Et ainsi de proche en proche, jusqu'au monde de Brahmâ, et au-dessus jusqu'aux parfums corporels des dieux du Faîte de l'Être, il les sentira tous également. Dans le même temps, il sentira le parfum de l'encens brûlé par les dieux; les parfums des auditeurs, des éveillés pour soi, des êtres d'Éveil, du corps des Éveillés, il les sentira également tous de loin et reconnaîtra leur emplacement. Alors même qu'il sentira ces parfums, il n'y aura ni détérioration ni défection de sa faculté olfactive. S'il veut les exposer en détail à autrui, sa mémoire ne faillira pas.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Cet homme aura le nez purifié,
et dans ce monde même,
que ce soient objets parfumés ou nauséabonds,
il les sentira et reconnaîtra tous en leur variété :
sumanâ, jâtika,
jasmin, santal,
aloès, acacia,
ces parfums variés de fleurs et de fruits,
de même qu'il reconnaîtra les senteurs des êtres,
l'odeur des hommes et des femmes;
le prédicateur de la Loi, même demeurant au loin,
connaîtra leur emplacement à l'odeur.
Les souverains de l'orbe de grande autorité,
les souverains mineurs et les princes,
les ministres, les gens du palais :
il connaîtra à l'odeur leur emplacement.
Les joyaux rares accrochés à leur corps,
ainsi que les trésors au sein de la terre,
les femmes-joyaux des souverains de l'orbe :
à leur odeur il connaîtra leur emplacement.
Les parures corporelles des hommes,
les vêtements et les colliers,
la variété des onguents :
il reconnaîtra à l'odeur les corps qui les portent.
Les dieux, qu'ils soient assis ou déambulant,
à s'ébattre ou dans leurs divines métamorphoses,
celui qui garde ce Lotus de la Loi
pourra les reconnaître tous à l'odeur.
Les fleurs et fruits des arbres,
l'arôme du beurre et des huiles,
celui qui garde ce livre, tout en demeurant ici,
reconnaîtra leur emplacement sans exception.
Les endroits escarpés au profond des montagnes,
où s'épanouissent les fleurs de santal,
et les êtres qui s'y trouvent,
il pourra tous à l'odeur les reconnaître.
Les êtres de l'Enceinte-de-Fer, de l'Océan,
ou au sein de la terre,
celui qui garde le livre, à sentir leur odeur,
connaîtra à chaque fois leur emplacement.
À quel moment les titans, hommes et femmes,
ainsi que leur suite
se battent ou se divertissent,
à leur odeur il pourra le reconnaître.
Dans les endroits sauvages et escarpés,
les lions, les éléphants, les tigres, les loups,
boeufs sauvages et buffles,
il connaîtra à l'odeur leur emplacement.
En cas de grossesse,
alors qu'on ne peut distinguer s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille,
s'il est privé d'organes, ou bien s'il est non humain,
il pourra en tous points le savoir à l'odeur.
Grâce à sa capacité olfactive,
il saura dès le début de la grossesse
si elle doit ou non aller à son terme,
si elle doit mener à l'heureuse naissance d'un enfant béni.
Grâce à sa capacité olfactive,
il saura ce que pensent hommes et femmes,
leurs pensées souillées de désirs, de sottise, de colère;
il connaîtra aussi ceux qui s'exercent au bien.
Enfouis au sein de la terre,
l'or, l'argent et les matières précieuses,
ce qu'offrent les récipients de bronze,
il connaîtra tout cela à l'odeur.
Colliers et pectoraux de si grande variété
qu'il est impossible d'en estimer le prix,
il saura à leur odeur s'ils sont chers ou vils,
d'où ils proviennent, où ils se trouvent.
Les diverses fleurs célestes :
d'arbre-corail, de mañjûshaka,
d'érythrina,
il pourra toutes les reconnaître à l'odeur.
Les palais célestes,
leurs divisions en supérieurs, moyens, inférieurs,
les fleurs de matières précieuses qui les décorent,
il reconnaîtra à l'odeur tout cela.
Les jardins et bosquets célestes, les palais magnifiques,
les belvédères, les salles de la Loi sublime,
les plaisirs qui s'y déroulent,
il pourra à l'odeur connaître tout cela.
Quand les dieux écoutent la Loi,
ou quand ils se laissent aller aux cinq désirs,
qu'ils aillent ou viennent, marchent, soient assis ou couchés,
il pourra à l'odeur connaître tout cela.
Les vêtements portés par les filles des dieux,
les plaisants parfums de fleurs dont elles se parent,
quand elles s'ébattent en leurs rondes,
il pourra à l'odeur savoir tout cela.
Et ainsi montant, de proche en proche,
jusqu'au monde de Brahmâ,
ceux qui entrent en méditation, ceux qui en sortent,
il pourra à l'odeur connaître tout cela.
Les dieux Éclat de Lumière, Universelle-Pureté,
et jusqu'aux dieux du Faîte de l'Être,
de leur première naissance à leur chute dans la régression,
il pourra à l'odeur connaître tout cela.
La multitude des moines
et leur zèle constant de la Loi,
qu'ils soient assis ou qu'ils déambulent,
qu'ils lisent ou récitent les enseignements canoniques,
ou bien qu'au pied des arbres dans les forêts,
ils s'appliquent uniquement à la méditation assise,
celui qui garde le livre, en sentant leur odeur,
connaîtra parfaitement leur emplacement.
Les êtres d'Éveil à la ferme volonté,
assis en méditation ou lisant et récitant,
ou bien encore prêchant la Loi aux hommes,
il pourra à l'odeur connaître tout cela.
Les Vénérés du monde, dans tous les orients,
universellement respectés,
qui prêchent la Loi dans leur pitié des êtres,
il pourra à l'odeur connaître tout cela.
Les êtres qui, en présence de l'Éveillé,
écoutent le livre et tous se réjouissent,
qui pratiquent selon la Loi,
il pourra à l'odeur connaître tout cela.
Alors même qu'il n'aura pas acquis, comme les êtres d'Éveil,
l'odorat né des entités sans infections,
celui qui garde ce texte canonique
obtiendra d'abord un odorat ainsi caractérisé.
Qui plus est, Zèle-Constant, si un fils, ou une fille de bien, accepte et garde ce texte canonique, s'il le lit, le récite, l'explique ou le copie, il obtiendra mille deux cents mérites pour la langue : l'agréable comme le répugnant, le beau comme le laid, ainsi que les matières amères et astringentes, se transformeront tous sur son organe lingual en saveur supérieure, comparable à l'ambroisie céleste, il n'y aura rien qui ne sera embelli.
S'il doit, de sa langue, faire un discours parmi une vaste foule, il émettra une voix profonde et sublime qui pourra pénétrer les coeurs et provoquer chez tous liesse et plaisir. De plus, les fils et filles de dieux, Indra, Brahmâ et d'autres dieux, entendant la progression des discours qu'il exposera de sa voix profonde et sublime, viendront tous tant qu'ils sont pour l'écouter. Jusqu'aux dragons et filles de dragons, aux silènes et filles de silènes, aux centaures et filles de centaures, aux titans et filles de titans, aux griffons et filles de griffons, aux chimères et filles de chimères, aux pythons et filles de pythons, qui, afin d'écouter la Loi, viendront tous le fréquenter, le révérer, lui faire offrande. Jusqu'aux moines et nonnes, aux laïcs pieux et pieuses laïques, aux rois et aux princes, aux ministres et à leur suite, aux souverains de l'orbe mineurs et majeurs, avec leurs trésors de sept matières précieuses, leurs mille enfants, leurs suites et escortes intérieures et extérieures, voyageant sur leurs palais, qui viendront tous ensemble pour écouter la Loi. Grâce à la maîtrise de cet être d'Éveil dans la prédication de la Loi, les brahmanes, les maîtres de maison, le peuple du royaume, jusqu'au terme de leur vie corporelle, seront à son service et lui feront offrande. De plus, les auditeurs, les éveillés pour soi, les êtres d'Éveil et les Éveillés prendront toujours plaisir à le voir. Les Éveillés prêcheront tous la Loi dans la direction de l'endroit où se trouvera une telle personne, laquelle sera capable d'accepter et de garder en tous points l'ensemble des enseignements d'Éveillé. Elle sera en plus capable d'émettre le son profond et sublime de la Loi.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
L'organe lingual de cette personne sera purifié
et ne percevra jamais plus les mauvaises saveurs;
tout ce qu'il pourra manger
se transformera à chaque fois en douce ambroisie.
D'une voix profonde, pure, sublime,
il prêchera la Loi à la vaste foule;
grâce aux relations et comparaisons,
il attirera et guidera le coeur des êtres;
ceux qui l'écouteront seront pleins de liesse,
ils lui présenteront d'excellentes offrandes;
les dieux, dragons, silènes;
ainsi que les titans et autres,
tous, le coeur plein de révérence,
viendront ensemble écouter la Loi.
Cette personne qui prêche la Loi,
si elle désire, de sa voix sublime,
remplir l'ensemble du monde tricosmique,
elle sera capable d'y parvenir selon son intention.
Les souverains de l'orbe, majeurs et mineurs,
ainsi que leurs mille enfants et leur suite,
les paumes jointes, le coeur plein de révérence,
viendront constamment pour écouter et recevoir la Loi.
Les dieux, les dragons, les silènes,
les ogres, les démons cannibales,
eux aussi le coeur en liesse,
se plairont constamment à venir lui faire offrande.
Les rois des dieux brahmiques, le roi des démons,
le Seigneur et le Grand Seigneur,
de telles multitudes de dieux
viendront constamment à lui;
les Éveillés et leurs disciples,
entendant le son de sa prédication de la Loi,
l'auront en mémoire et le protégeront,
parfois même ils lui apparaîtront en corps.
Qui plus est, Zèle-Constant, si un fils de bien, ou une fille de bien, reçoit et garde ce texte canonique, s'il le lit, le récite, l'explique ou le copie, il obtiendra huit cent mérites pour le corps : il acquerra un corps pur comme le pur béryl; les êtres le regarderont avec joie. Parce que son corps sera pur, les êtres du monde tricosmique, que ce soit à leur naissance ou à leur mort, qu'ils soient supérieurs ou inférieurs, beaux ou laids, renés en de bons endroits ou en de mauvais, tous tant qu'ils sont apparaîtront sur lui. De même, les monts de l'Enceinte de Fer, ceux de la Gande Enceinte de Fer, le mont Meru, le mont Mahâ-Meru et les autres monts, ainsi que les êtres qui y vivent, tous tant qu'ils sont apparaîtront sur lui. Vers le bas jusqu'à l'enfer Sans-Intervalle, vers le haut jusqu'au Faîte de l'Être, tout cela sans exception, ainsi que les êtres, apparaîtra sur lui. Si les auditeurs, les éveillés pour soi, les êtres d'Éveil et les Éveillés exposent la Loi, tous auront leur reflet qui apparaîtra sur son corps.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Si l'on garde le Livre du lotus de la Loi,
on aura le corps très pur,
comme est pur le béryl;
les êtres se réjouiront tous à le voir
et, de même qu'un miroir pur et limpide
montre sans exception les formes qui s'y reflètent,
l'être d'Éveil, sur son corps pur,
verra tout ce qui existe dans le monde.
Ce ne sera évident qu'à lui-même, et à lui seulement,
les autres hommes n'y verront rien.
Dans le monde tricosmique,
le foisonnement de tous les êtres,
les dieux, les hommes, les titans,
les êtres infernaux, les démons, les animaux,
tels qu'ils sont auront tous leur reflet
qui apparaîtra sur son corps;
les dieux en leur palais,
et jusqu'au Faîte de l'Être,
l'Enceinte de Fer, le Meru,
le mont Mahâ-Meru,
l'Océan et les eaux,
tout cela apparaîtra sur son corps.
Les Éveillés comme les auditeurs,
les enfants de l'Éveillé et les êtres d'Éveil,
qu'ils soient solitaires ou résidant en communauté,
prêchant la Loi, y apparaîtront tous tant qu'ils sont.
Alors même qu'il n'aura pas obtenu, dépourvu d'infections,
le corps sublime de nature de la Loi,
c'est en sa substance corporelle ordinaire, mais purifiée,
qu'apparaîtra tout cela.
Qui plus est, Zèle-Constant, si un fils de bien, ou une fille de bien, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, reçoit et garde ce texte canonique, s'il le lit, le récite, l'explique ou le copie, il obtiendra mille deux cents mérites pour l'esprit. Grâce à cet organe mental purifié, en entendant ne serait-ce qu'une stance ou une phrase, il en pénétrera les sens innombrables et infinis et, les ayant compris, il sera capable d'exposer cette seule stance ou phrase pendant un mois, quatre mois, voire un an; tous les enseignements qu'il exposera seront conformes à la teneur de ces sens et ne contrediront point la réalité. S'il explique les livres profanes, les maximes politiques et règles de vie, les activités de subsistance, ce sera toujours conformément à la Loi correcte. En ce qui concerne les êtres des six voies du monde tricosmique, il connaîtra en tous points les opérations de leur pensée, les mouvements de leur pensée, les raisonnements futiles de leur pensée.
Alors même qu'il n'aura pas encore obtenu la sagesse sans infections, son organe mental sera purifié à ce point. Tout ce que cette personne pourra penser, supputer, exprimer, relèvera de la Loi d'Éveillé, sera authentique et réel et aura été exposé dans les Écritures des Éveillés précédents.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Cette personne aura l'esprit purifié,
clair et aiguisé, exempt de souillures;
grâce à ce sublime organe mental,
il connaîtra les enseignements supérieurs, moyens, inférieurs.
Entendra-t-il ne serait-ce qu'une seule stance
qu'il en pénétrera l'infinité des sens,
les exposera progressivement selon la Loi,
un mois, quatre, même une année durant.
Au-dedans comme au-dehors de ce monde,
l'ensemble des êtres -
les dieux, les dragons et les hommes,
les silènes, les démons et génies -
qui se trouvent dans les six voies,
la variété de ce qu'ils ont en pensée :
en rétribution de sa sauvegarde du Lotus de la Loi,
il connaîtra simultanément tout cela.
Les innombrables Éveillés des dix orients,
parés des marques à cent mérites,
prêchant la Loi aux êtres,
il entendra tout cela et pourra le retenir.
II réfléchira sur l'infinité des sens,
et ses prédications de la Loi seront aussi innombrables.
Du début à la fin il ne commettra erreurs ni oublis,
parce qu'il aura sauvegardé le Lotus de la Loi.
Il se rendra compte de tous les aspects des enseignements,
connaîtra leur degré en fonction de leurs sens,
il sera au fait des dénominations et des mots,
et fera ses exposés selon son savoir.
Tout ce que cette personne prêchera
sera la Loi des Éveillés précédents
et, pour l'exposer,
il se trouvera plein d'assurance dans la foule.
Celui qui préservera le Livre du lotus de la Loi
aura l'organe mental ainsi purifié;
avant même que d'obtenir l'absence d'infections,
il sera déjà de cet aspect.
Une telle personne, en gardant ce texte canonique,
demeurera sereinement en une terre bien rare :
l'ensemble des êtres
la vénérera dans l'allégresse,
elle pourra, grâce à des milliers, des dizaines de milliers
de paroles habiles et variées,
prêcher la Loi en en distinguant les détails,
car elle aura gardé le Livre du lotus de la Loi.
Fin du sixième livre


^*^*^*^ 


CHAPITRE XX
L'être d'Éveil Toujours Sans Mépris

En cette heure, l'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Obtention de Grande Autorité, le grand être :
Tu dois maintenant le savoir, alors qu'un moine ou une nonne, un pieux laïc ou une laïque pieuse garde le Livre du lotus de la Loi, s'il est quelqu'un qui le diffame, l'insulte ou le calomnie, la rétribution qu'il retirera de ce grand crime est telle qu'il l'a été précédemment exposé; quant aux mérites qu'il obtiendra, ils sont tels qu'il l'a été dit plus haut : la purification de l'oeil, de l'ouïe, du nez, de la langue, du corps, de l'esprit.
Obtention de Grande Autorité, autrefois, dans un passé d'innombrables, infinies, inconcevables quantités incalculables d'éons, il était un Éveillé du nom d'Ainsi-Venu Roi au Son Majestueux, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde; son éon était appelé Exempt de Déchéance et son royaume Grande-Réalisation. Cet Éveillé Roi au Son Majestueux, dans son monde, prêchait la Loi aux dieux, aux hommes et aux titans; à ceux qui recherchaient l'état d'auditeur, il prêchait une Loi adaptée selon les quatre vérités pour se sauver de la naissance, de la vieillesse, de la maladie, de la mort et parachever l'Extinction. À ceux qui recherchaient l'état d'éveillé pour soi, il prêchait une Loi adaptée selon les douze liens causaux. Aux êtres d'Éveil, en raison de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, il prêchait une Loi adaptée selon les six perfections pour parachever la sagesse d'Éveillé.
Obtention de Grande Autorité, cet Éveillé Roi au Son Majestueux eut une longévité d'éons égaux aux sables de quatre cent mille myriades de milliards de Gange. La Loi correcte demeura au monde un nombre d'éons comparable aux atomes d'un continent Jambû; la Loi de semblance demeura au monde un nombre d'éons comparable aux atomes d'un monde terrestre à quatre continents. Cet Éveillé, ayant dispensé ses bienfaits aux êtres, passa ensuite en Disparition. Après la disparition complète de la Loi correcte et de la Loi de semblance, il y eut encore un Éveillé qui apparut en ce royaume. Il s'appelait également l'Ainsi-Venu Roi au Son Majestueux, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde; et il y eut successivement de cette façon vingt mille myriades d'Éveillés, tous d'identique appellation.
Alors que le tout premier Ainsi-Venu Roi au Son Majestueux était passé en Disparition, après la disparition de la Loi correcte et durant la Loi de semblance, les moines outrecuidants avaient grand pouvoir et autorité. Il y avait en ce temps-là un moine-être d'Éveil nommé Toujours Sans Mépris. Pour quelle raison, ô Obtention de Grande Autorité, se nommait-il Toujours Sans Mépris ? C'est que ce moine, toutes les fois qu'il voyait un moine, une nonne, un pieux laïc ou une laïque pieuse, leur rendait sans exception hommage et faisait leurs louanges en leur disant : « Je vous respecte profondément, je n'ai garde de vous mépriser. Pourquoi cela ? C'est que vous pratiquez tous la voie d'être d'Éveil et obtiendrez de devenir Éveillés. »
Or ce moine ne se consacrait point à la lecture et à la récitation de textes canoniques, il ne pratiquait que l'hommage, au point que, voyant de loin les quatre congrégations, il allait encore exprès leur rendre hommage et faire leurs louanges en ces mots : « Je n'ai garde de vous mépriser; vous deviendrez tous Éveillés. »
Parmi les quatre congrégations, il s'en trouvait certains, à la pensée impure, pour se courroucer, ils le diffamaient et l'insultaient en disant : « D'où vient ce moine sans intelligence qui se permet de nous dire qu'il ne nous méprise pas et nous confère l'annonciation : "Vous obtiendrez de devenir Éveillés" ? Nous n'avons que faire d'une telle annonciation inane. » Ainsi passèrent de nombreuses années au cours desquelles il fut constamment insulté sans concevoir de courroux et disant toujours : « Vous deviendrez Éveillés. » Lorsqu'il tenait ces propos, il arrivait que plus d'un lui jetât des bâtons, des tessons ou des pierres; il s'enfuyait et se tenait à distance, criant malgré tout à haute voix : « Je n'ai garde de vous mépriser, vous deviendrez tous Éveillés. » Parce qu'il tenait constamment ces propos, les moines et nonnes, les laïcs pieux et pieuses laïques outrecuidants l'avaient surnommé Toujours Sans Mépris.
Alors que ce moine était sur le point de mourir, du sein de l'espace il entendit complètement les deux cent millions de myriades de stances du Livre du lotus de la Loi exposées auparavant par l'Éveillé Roi au Son Majestueux et il put les retenir toutes tant qu'elles étaient; aussi obtint-il la purification de l'organe visuel et la purification de l'oreille, du nez, de la langue, du corps et de l'esprit, comme décrites précédemment. Ayant obtenu la purification des six organes, il eut sa longévité augmentée de deux millions de myriades de milliards d'années et prêcha amplement aux hommes ce Livre du lotus de la Loi. Sur ce, les quatre congrégations outrecuidantes, moines, nonnes, laïcs pieux et pieuses laïques, qui l'avaient tenu en dédain et lui avaient donné le surnom de Sans-Mépris, voyant les grands pouvoirs divins, le pouvoir d'éloquence plaisante, la grande force de bonté et d'apaisement qu'il avait obtenus et entendant ce qu'il prêchait, se soumirent avec foi et le suivirent.
Cet être d'Éveil convertit encore des dizaines de millions de myriades d'êtres et les fit demeurer dans l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Après que sa vie fut venue à terme, il obtint de rencontrer deux mille myriades d'Éveillés, tous appelés Clarté Solaire et Lunaire, et il exposa, au cours même de leur enseignement, ce Livre du lotus de la Loi. Grâce à ces circonstances, il rencontra encore deux mille myriades d'Éveillés, semblablement appelés Roi Luminaire Souverain des Nuées; ayant, au sein de l'enseignement de ces Éveillés, reçu, gardé, lu, récité et exposé aux quatre congrégations ce texte canonique, il obtint la purification de l'oeil ordinaire et la purification des organes de l'ouïe, du nez, de la langue, du corps, de l'esprit, et il prêcha la Loi aux quatre congrégations en pleine assurance de pensée.
Ô Obtention de Grande Autorité, cet être d'Éveil Toujours Sans Mépris, ce grand être, fit donc ainsi offrande à une quantité d'Éveillés, il les honora, les vénéra, fit leur éloge et planta les racines de bien. Après cela il rencontra encore des dizaines de millions de myriades d'Éveillés et exposa également ce texte canonique au sein de l'enseignement de ces Éveillés. Ses mérites accomplis, il fut appelé à devenir Éveillé.
Ô Obtention de Grande Autorité, qu'en est-il à ton avis ? L'être d'Éveil Toujours Sans Mépris pourrait-il être quelqu'un d'autre ? C'était moi-même. Si je n'avais pas, au long de mes renaissances, reçu, gardé, lu et récité ce texte canonique, si je ne l'avais pas exposé à autrui, je n'aurais pas pu obtenir rapidement l'Éveil complet et parfait sans supérieur. C'est parce que j'avais, auprès d'Éveillés précédents, reçu, gardé, lu, récité, prêché à autrui ce texte canonique, que j'ai obtenu rapidement l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Ô Obtention de Grande Autorité, les quatre congrégations de ce temps-là, moines, nonnes, laïcs pieux et pieuses laïques, qui m'avaient dédaigné, l'esprit en courroux, restèrent pour cette raison deux cents myriades d'éons sans jamais rencontrer d'Éveillé, ni entendre la Loi, ni voir la communauté monastique. Mille éons durant, ils subirent de grandes souffrances dans l'enfer Sans-Intervalle. S'étant acquittés de cette faute, ils rencontrèrent à nouveau Toujours Sans Mépris qui, par son enseignement, les convertit à l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Ô Obtention de Grande Autorité, qu'en est-il à ton avis ? Les quatre congrégations de ce temps-là qui méprisaient toujours cet être d'Éveil pourrait-ce être quelqu'un d'autre ? Ce sont Bhadrapâla et les cinq cents Êtres d'éveil qui sont à présent dans cette assemblée, Lune-Léonine et les cinq cents nonnes, Pensant à l'Éveillé et les cinq cents laïcs pieux, qui tous ne connaîtront plus de régression vers l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
Ô Obtention de Grande Autorité, sache que ce Livre du lotus de la Loi dispense de grands bienfaits aux êtres d'Éveil, les grands êtres, et peut leur permettre d'arriver à l'Éveil complet et parfait sans supérieur; c'est pourquoi les êtres d'Éveil, les grands êtres, devront constamment, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, accepter, garder, lire, réciter, expliquer, copier ce texte canonique.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Dans le passé était un Éveillé
appelé Roi au Son Majestueux,
d'une incommensurable sagesse, et divine;
il menait et instruisait tout le monde,
dieux, hommes, dragons, génies
ensemble lui faisaient offrande.
Après la Disparition de cet Éveillé,
alors que la Loi allait venir à terme,
il y eut un être d'Éveil,
du nom de Toujours Sans Mépris.
En ce temps-là, les quatre congrégations
ratiocinaient sur la Loi, s'y attachaient;
l'être d'Éveil Sans-Mépris
se rendait auprès d'eux
et leur tenait ces propos :
« Je ne vous méprise point,
vous pratiquez la Loi
et êtes tous appelés à devenir Éveillés. »
À l'entendre, les gens
lui adressaient rebuffades et insultes;
l'être d'Éveil Sans-Mépris
était capable de les supporter.
S'étant acquitté de ses fautes,
alors que sa vie était à son terme,
il put entendre ce texte canonique
et ses six organes se trouvèrent purifiés;
grâce à la force de ses pouvoirs miraculeux,
il augmenta la durée de sa vie
et de nouveau, à l'intention des hommes,
il exposa amplement ce livre.
La foule attachée à la Loi
fut gratifiée par cet être d'Éveil
d'un enseignement et d'une conversion accomplis
qui leur permirent de demeurer dans la voie d'Éveillé.
Sans-Mépris, sa vie achevée,
rencontra d'innombrables Éveillés
et, parce qu'il avait prêché ce texte,
il obtint d'incalculables bénédictions;
complétant graduellement les mérites,
il réalisa rapidement la voie d'Éveillé.
Le Sans-Mépris de ce temps-là,
c'était moi-même;
les quatre congrégations du temps
attachées aux enseignements,
ayant entendu Sans-Mépris leur dire :
« Vous êtes appelés à devenir Éveillés »,
grâce à cette circonstance,
rencontrèrent d'innombrables Éveillés.
Les êtres d'Éveil de cette assemblée,
la foule des cinq cents,
avec les quatre congrégations
de seigneurs et dames purs et fidèles
qui sont maintenant devant moi
à écouter la Loi, ce sont eux.
Dans mes existences antérieures
j'ai exhorté ces gens
à écouter et accepter ce texte canonique,
qui est la Loi primordiale,
je le leur ai révélé, je le leur ai enseigné
et les ai fait demeurer dans l'Extinction.
D'âge en âge ils ont reçu et gardé
des textes canoniques tels que celui-ci;
en des myriades et myriades de dizaines de milliers d'éons
- jusqu'à l'inconcevable -,
le temps vient où ils peuvent enfin entendre
ce Livre du lotus de la Loi;
en des myriades et myriades de dizaines de milliers d'éons
- jusqu'à l'inconcevable -,
pour les Éveillés Vénérés du monde
vient le temps d'exposer ce texte canonique.
Pour cette raison, que les pratiquants,
après la Disparition de l'Éveillé,
s'ils entendent un tel texte,
n'aillent pas concevoir doutes et égarements !
Ils devront de tout coeur
amplement prêcher ce livre,
et d'âge en âge ils rencontreront un Éveillé
et réaliseront rapidement la voie d'Éveillé.


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CHAPITRE XXI
Les pouvoirs miraculeux de l'Ainsi-Venu

En cette heure, les êtres d'Éveil, les grands êtres, qui avaient surgi de terre en nombre égal aux atomes de mille mondes, joignirent tous unanimement les paumes devant l'Éveillé, regardèrent avec adoration le visage du Vénéré et s'adressèrent à lui : «Vénéré du monde, après la Disparition de l'Éveillé, nous exposerons amplement ce texte canonique, dans les royaumes où résident les corps d'émanation du Vénéré du monde et où ils seront passés en Disparition. Pourquoi cela ? C'est que nous aussi nous désirons obtenir pour nous-mêmes cette grande Loi, authentique et pure, l'accepter, la garder, la lire, la réciter, l'expliquer, la copier et lui faire offrande. »
Alors le Vénéré du monde, devant l'ensemble de la multitude, Mañjuçrî et les innombrables milliers de millions de myriades d'êtres d'Éveil, grands êtres, demeurant de longue date dans le monde de l'Endurance, ainsi que les moines et les nonnes, les laïcs pieux et les pieuses laïques, les dieux, dragons, silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, humains et non-humains, manifesta ses grands pouvoirs miraculeux en sortant une langue large et longue qui monta jusqu'au monde de Brahmâ; tous ses pores émirent d'innombrables et incalculables rayons de lumière colorée qui illuminèrent universellement les mondes des dix orients. Il en alla de même pour les Éveillés sur leurs trônes léonins au pied de la multitude d'arbres de matières précieuses : ils sortirent une langue large et longue et émirent d'innombrables rais de lumière.
L'Éveillé Çâkyamuni ainsi que les Éveillés au pied des arbres précieux manifestèrent leurs pouvoirs divins pendant une durée de cent fois mille années pleines; après cela ils replièrent leur langue caractéristique, s'éclaircirent la gorge en même temps et claquèrent ensemble des doigts. Ces deux sons s'étendirent universellement aux mondes d'Éveillés des dix orients, où partout le sol trembla de six façons. Les êtres qui s'y trouvaient, dieux, dragons, silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, humains et non-humains, virent tous, grâce aux pouvoirs divins de l'Éveillé, les innombrables et infinis milliers de millions de myriades d'Éveillés sur leurs trônes léonins au pied de la multitude d'arbres de matières précieuses en ce monde de l'Endurance. Ils allèrent jusqu'à voir l'Éveillé Çâkyamuni avec l'Ainsi-Venu Maint-Trésor assis sur leur trône de lion dans la pagode de matières précieuses. Ils virent encore les innombrables et infinis milliers de millions de myriades d'êtres d'Éveil, grands êtres, ainsi que les quatre congrégations, qui entouraient avec respect l'Éveillé Çâkyamuni. Dès lors qu'ils les eurent vus, ils furent saisis d'une grande liesse telle qu'il n'en avait jamais obtenu auparavant. À ce moment, du sein de l'espace, les dieux firent d'une voix forte cet éloge :
« Au-delà d'innombrables, d'infinis milliers de millions de myriades de quantités incalculables de mondes se trouve un royaume du nom d'Endurance, il y est un Éveillé appelé Çâkyamuni. À présent, à l'intention des êtres d'Éveil, grands êtres, il prêche un texte canonique du Grand Véhicule intitulé Fleur de lotus de la Loi sublime, Loi enseignée aux êtres d'Éveil et gardée en mémoire par les Éveillés. Il faut vous en réjouir en conséquence jusqu'au tréfonds du coeur, et aussi rendre hommage et faire offrande à l'Éveillé Çâkyamuni. »
Les êtres, ayant entendu la voix dans l'espace, joignirent les paumes en direction du monde de l'Endurance et prononcèrent : « Hommage à l'Éveillé Çâkyamuni, hommage à l'Éveillé Çâkyamuni. » De loin, ils dispersèrent de concert une variété de fleurs, parfums, guirlandes, bannières, dais, ainsi que de parures corporelles, d'objets précieux et merveilleux, sur le monde de l'Endurance. Les objets ainsi répandus arrivèrent des dix orients pour se transformer, à l'instar de nuées qui se rassemblent, en une courtine de joyaux recouvrant universellement les Éveillés de ce lieu. À ce moment, les mondes des dix orients se trouvèrent en communication sans obstacle, comme une seule terre d'Éveillé.
Alors l'Éveillé déclara à Pratique-Supérieure et sa vaste multitude d'êtres d'Éveil :
Les pouvoirs miraculeux des Éveillés sont à ce point innombrables, infinis, inconcevables. Si je devais, à l'aide de ces pouvoirs miraculeux, exposer durant d'innombrables, d'infinis milliers de millions de myriades de quantités incalculables d'éons les mérites de ce texte canonique afin d'en assurer la passation, je serais encore incapable d'en venir à bout. Pour en dire l'essentiel : l'ensemble des enseignements possédés par l'Ainsi-Venu, l'ensemble des pouvoirs miraculeux et souverains de l'Ainsi-Venu, l'ensemble du réceptacle des mystères de l'Ainsi-Venu, l'ensemble des modes fort profonds de l'Ainsi-Venu sont tous révélés et manifestés dans ce texte canonique. Voilà pourquoi vous devrez, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, de tout coeur l'accepter, le garder, le lire, le réciter, l'expliquer, le copier et pratiquer selon ce qui y est exposé. Dans le pays où vous vous trouverez, s'il en est qui l'acceptent, le gardent, le lisent, le récitent, le copient et pratiquent selon ce qui est exposé, à l'endroit où demeureront les volumes de ce texte, que ce soit dans un jardin ou dans une forêt, au pied d'un arbre, dans des quartiers monastiques ou dans une résidence laïque, dans un palais, une vallée de montagne ou un désert, il vous faudra chaque fois ériger une pagode et y faire offrande. Pourquoi cela ? Sachez qu'un tel endroit est le lieu de la Voie, que là même les Éveillés obtiennent l'Éveil complet et parfait sans supérieur, que là même les Éveillés mettent en branle la roue de la Loi, que là même les Éveillés entrent dans l'Extinction suprême.
Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
Les Éveillés sauveurs du monde
qui demeurent en leurs grands pouvoirs miraculeux,
pour mettre les êtres en liesse,
manifestent d'innombrables forces divines :
leur langue, marque caractéristique, atteint le ciel de Brahmâ,
leur corps émet d'incalculables rais de lumière;
c'est pour ceux qui sont en quête de la voie d'Éveillé
qu'ils manifestent ces rares phénomènes.
Le son des Éveillés qui s'éclaircissent la gorge,
le son du claquement de leurs doigts,
s'entendent à la ronde dans les royaumes des dix orients;
le sol tremble partout de six façons.
C'est afin qu'après la Disparition de l'Éveillé,
on puisse garder ce texte canonique,
que tous les Éveillés avec joie
manifestent d'innombrables pouvoirs miraculeux;
c'est pour assurer la passation de ce texte
qu'ils glorifient ceux qui le préservent,
et ce durant d'innombrables éons
sans même pouvoir en venir à bout.
Les mérites de ces gens
sont infinis, n'ont pas de limites,
de même que l'espace, dans les dix orients,
ne saurait être délimité.
Ceux qui sont capables de garder ce texte
désormais, donc, me voient,
et ils voient également l'Éveillé Maint-Trésor
ainsi que les corps d'émanation;
en plus, ils me voient aujourd'hui
enseigner et convertir les êtres d'Éveil.
Ceux qui sont capables de garder ce texte
me mettent moi-même, mes corps d'émanation,
et l'Éveillé Maint-Trésor, passé en Disparition,
tous tant que nous sommes, dans l'allégresse.
Dans les dix orients, les Éveillés du présent,
tout comme ceux du passé et du futur,
ils les voient aussi, leur font offrande
et les mettent en liesse.
La Loi mystérieuse et essentielle obtenue
par les Éveillés assis au lieu de la Voie,
ceux qui sont capables de garder ce texte
avant longtemps l'obtiendront eux aussi.
Ceux qui sont capables de garder ce texte
auront, sur le sens des enseignements,
les termes et les locutions,
une prédication joyeuse, inépuisable :
comme le vent dans le ciel
n'a pas le moindre obstacle.
Après la Disparition de l'Ainsi-Venu,
ils connaîtront les textes prêchés par l'Éveillé,
leurs relations et leur succession,
ils les prêcheront selon leur sens, comme ils sont réellement.
Comme la clarté du soleil et de la lune
est capable d'éliminer les ténèbres,
une telle personne, parcourant le monde,
pourra dissiper l'obscurité des êtres.
Il enseignera d'innombrables êtres d'Éveil
et les fera demeurer définitivement dans le Véhicule unique;
c'est pourquoi le sage
qui entend les bénéfices de ces mérites
devra, après mon passage en Disparition,
sauvegarder ce texte canonique;
cette personne dans la voie d'Éveillé
n'aura assurément plus de doute.


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CHAPITRE XXII
La passation

En cette heure, l'Éveillé Çâkyamuni se leva de son trône de Loi et manifesta sa grande force miraculeuse : il caressa de la main droite le sommet du crâne des innombrables êtres d'Éveîl, des grands êtres, et leur dît ces paroles : « Je me suis exercé durant d'innombrables milliers de millions de myriades de quantités incalculables d'éons à la pratique de cette Loi de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, difficile à obtenir; je vous la remets à présent. Vous devrez diffuser de tout coeur cette Loi et en augmenter amplement les bienfaits. »
Il effleura ainsi par trois fois le sommet du crâne des êtres d'Éveil, des grands êtres, et leur dit ces paroles : « Je me suis exercé durant d'innombrables milliers de millions de myriades de quantités incalculables d'éons à la pratique de cette Loi de l'Éveil complet et parfait sans supérieur; je vous la remets à présent. Vous devrez accepter, garder, lire, réciter, divulguer amplement cette Loi et permettre universellement à l'ensemble des êtres de l'entendre et de la connaître. Pourquoi cela ? C'est que l'Ainsi-Venu est de grande compassion, sans aucune avarice et sans crainte non plus : il est capable de donner aux êtres la sagesse d'Éveillé, la sagesse d'Ainsi-Venu et la sagesse existant d'elle-même. L'Ainsi-Venu est le grand donateur de l'ensemble des êtres. Vous devez aussi, en conséquence, apprendre la Loi de l'Ainsi-Venu sans concevoir d'avarice. Dans un âge futur, si un fils de bien, ou une fille de bien, croit en la sagesse d'Ainsi-Venu, il faudra lui exposer ce Livre du Lotus de la Loi pour lui permettre de l'entendre et de le connaître, afin de le mener à obtenir la sagesse d'Éveillé. S'il y a des êtres qui n'y croient pas, il faudra leur montrer, leur enseigner d'autres profonds enseignements de l'Ainsi-Venu, les en faire bénéficier et s'en réjouir. Si vous êtes capables d'agir ainsi, cela reviendra déjà à rendre les bienfaits des Éveillés. »
À ce moment, les êtres d'Éveil, les grands êtres, ayant entendu l'Éveillé parler ainsi, eurent tous le corps entier empli de grande liesse. Ils redoublèrent de vénération, inclinés, la tête baissée, les paumes jointes vers l'Éveillé, ils prirent la parole de concert : « Nous en ferons exactement comme l'ordonne le Vénéré du monde. Certes, que le Vénéré du monde, c'est notre seul souhait, ne se fasse pas de souci ! » La multitude des êtres d'Éveil, des grands êtres, prit ainsi la parole de concert à trois reprises, disant : « Nous en ferons exactement comme l'ordonne le Vénéré du monde. Certes, que le Vénéré du monde, c'est notre seul souhait, ne se fasse pas de souci ! »
Alors l'Éveillé Çâkyamuni fit s'en retourner, chacun en sa terre d'origine, les Éveillés en corps d'émanation venus des dix orients, avec ces paroles : « Que chacun des Éveillés s'en aille en paix. Que la pagode de l'Éveillé Maint-Trésor retourne à son état précédent. »
Quand il eut prononcé ces paroles, les innombrables Éveillés en corps d'émanation des dix orients, assis sur leurs trônes léonins au pied des arbres précieux, l'Éveillé Maint-Trésor, de même que Pratique-Supérieure et la vaste multitude des infinies quantités incalculables d'êtres d'Éveil, Çâriputra et les quatre congrégations d'auditeurs, ainsi que les dieux, hommes, titans et autres de l'ensemble des mondes, entendant ce qu'avait dit l'Éveillé, furent tous en grande liesse.


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CHAPITRE XXIII
La conduite originelle de l'être d'Éveil Roi des Remèdes

En cette heure, l'être d'Éveil Splendeur Royale des Constellations s'adressa à l'Éveilé : « Vénéré du monde, comment se fait-il que l'être d'Éveil Roi des Remèdes ait voyagé jusqu'au monde de l'Endurance ? Vénéré du monde, cet être d'Éveil Roi des Remèdes a pour lui plusieurs milliers de millions de myriades de milliards de pratiques difficiles, de pratiques ascétiques. Fort bien, Vénéré du monde ! Nous souhaitons une brève explication ; les dieux, dragons, génies, silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, humains et non-humains, de même que les êtres d'Éveil venus d'autres royaumes ainsi que cette multitude d'auditeurs, à l'entendre, en seront tous en liesse. »
Alors l'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Splendeur Royale des Constellations : « Dans le passé, il y a de cela autant d'éons que les sables d'innombrables Gange, était un Éveillé appelé l'Ainsi-Venu Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le, dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde; cet Éveillé avait quatre-vingts myriades de grands êtres d'Éveil, de grands êtres, et une vaste multitude d'auditeurs, autant que les sables de soixante-douze Gange. La longévité de l'Éveillé était de quarante-deux mille éons, et celle des êtres d'Éveil lui était égale. Ce royaume n'avait ni femmes, ni enfers, ni démons affamés, ni animaux, ni titans ni aucun des états difficiles ; le sol en était plat comme la paume de la main et était fait de béryl; il était orné d'arbres de matières précieuses; une courtine de joyaux le recouvrait au-dessus; des bannières fleuries de joyaux y étaient suspendues; des vases de pierres précieuses et des brûle-parfums délimitaient tout le pourtour du royaume; les sept matières précieuses y formaient des terrasses, chaque terrasse alternait avec un arbre, l'arbre étant à tout un jet de flèche de distance de la terrasse. Au pied de tous ces arbres de matières précieuses étaient assis des êtres d'Éveil et des auditeurs ; sur chacune des terrasses de matière précieuse se trouvaient des centaines de myriades de dieux qui jouaient des musiques célestes et louaient de leurs chants l'Éveillé, en manière d'offrandes.
En ce temps-là, cet Éveillé exposa le Livre du lotus de la Loi à l'intention de l'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres ainsi qu'à la multitude des êtres d'Éveil et des auditeurs. Cet être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres se plaisait aux pratiques ascétiques ; au sein de la Loi de l'Éveillé Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire, ayant recherché de tout coeur l'état d'Éveillé en des pérégrinations zélées qui durèrent douze mille années pleines, il obtint le recueillement d'apparition de toutes les formes corporelles; dès qu'il eut obtenu ce recueillement, son cœur fut en grande liesse et il se fit cette réflexion : « Si j'ai obtenu le recueillement d'apparition de toutes les forces corporelles, c'est entièrement grâce au fait que j'ai pu entendre le Livre du lotus de la Loi; je dois maintenant faire offrande à l'Éveillé Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire ainsi qu'au Livre du Lotus de la Loi. » il entra aussitôt en ce recueillement : il fit pleuvoir dans l'espace des fleurs d'arbre-corail et de grand arbre corail, des pluies de santal dur et noir en fine poudre qui, en descendant, remplit l'espace comme une nuée; il fit aussi pleuvoir le santal parfumé de la Rive Cis-Marine, six grains de ce parfum valant le prix du monde de l'Endurance, en offrande à l'Éveillé.
Ayant fait ces offrandes, il émergea de son recueillement et se fit cette réflexion : j'ai certes fait offrande à l'Éveillé à l'aide de mes pouvoirs miraculeux, mais cela ne se compare pas à l'offrande de mon corps.
Il absorba alors divers parfums : santal, oliban, thurifère, benjoin, aloès, myrrhe; il but aussi des huiles de fleurs odorantes telles que le gardénia, ce durant mille deux cents années pleines; il s'enduisit le corps d'huiles odorantes. Devant l'Éveillé Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire, il s'enveloppa le corps dans un précieux vêtement divin, s'oignit d'huiles odorantes et, sa résolution renforcée par ses pouvoirs miraculeux, fit de lui-même brûler son corps. La clarté illumina entièrement autant de mondes qu'il y a de sables dans quatre-vingts myriades de Gange et les Éveillés qui s'y trouvaient firent en même temps son éloge : « C'est bien, c'est fort bien, fils de bien ! Voilà un zèle authentique, voilà ce qui constitue l'authentique offrande de Loi à faire à un Éveillé. Même si l'on prenait fleurs, encens, guirlandes, fumigations, poudres, onguents, soieries célestes, bannières, dais, santal parfumé de la Rive Cis-Marine et l'on faisait offrande d'une telle variété d'objets, cela ne saurait l'égaler; quand bien même ce serait le don d'un royaume, d'une ville, de femme et enfants, cela non plus ne saurait l'égaler. Fils de bien, cela constitue le don primordial, le plus vénérable, le plus éminent des dons, car on y fait offrande de Loi à l'Ainsi-Venu. »
Après avoir tenu ces propos, chacun garda le silence.
La combustion de son corps dura mille deux cents ans, après quoi lc corps fut complètement consumé. Après que l'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres eut fait une telle offrande de Loi et que sa vie eut pris fin, il renaquit dans le royaume de l'Éveillé Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire, dans la famille du roi Pure-Vertu : il vint au monde par métamorphose, d'un seul coup, assis les jambes repliées et croisées et, à l'intention de son père, s'exprima en stance :
Sache-le à présent, grand roi :
c'est en déambulant en tel lieu
que j'obtins, en temps voulu,
le recueillement d'apparition de toutes les formes corporelles;
je m'appliquai à pratiquer le grand zèle
et renonçai à ce corps aimé
[pour en faire offrande au Vénéré du monde
dans la quête de l'insurpassable sagesse].
Ayant prononcé cette stance, il s'adressa à son père : « L'Éveilé Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire se trouve, encore maintenant, présent parmi nous; après avoir auparavant fait offrande à cet Éveillé, j'ai obtenu la formule de compréhension de tous les langages des êtres et j'ai de surcroît entendu les huit mille millions de myriades de milliards, de billions, de milliers de billions, de trillions de stances de ce Livre du lotus de la Loi. Grand roi, je ferai maintenant de nouveau offrande à cet Éveillé. »
Ayant dit, il s'assit sur une terrasse faite des sept matières précieuses, s'éleva dans l'espace jusqu'à la hauteur de sept palmiers et se rendit auprès de l'Éveillé; il le salua en inclinant la tête jusqu'à ses pieds, joignit les extrémités de ses dix doigts et fit l'éloge de l'Éveillé en une stance :
Toi dont l'apparence est si merveilleuse,
dont la clarté illumine les dix orients,
je t'ai fait offrande de par le passé
et je reviens maintenant te visiter.
Alors l'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres, ayant prononcé cette stance, s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, le Vénéré du monde se trouve donc encore au monde ! »
Alors l'Éveillé Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire déclara à l'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres : « Fils de bien, le temps de mon Extinction est arrivé, le moment est venu de disparaître complètement. Tu peux préparer ma couche : ce soir se produira l'Extinction suprême. »
Et il ordonna encore à l'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres : « Fils de bien, c'est à toi que je confie la Loi d'Éveillé, de même que les êtres d'Éveil et les grands disciples, en même temps que la Loi de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, et aussi le monde tricosmique fait des sept matières précieuses, les arbres précieux, les terrasses précieuses, ainsi que les dieux qui y servent, je te remets tout cela. Les reliques qui pourront se trouver après mon passage dans la Disparition, je te les confie également. Tu les diffliseras et leur assureras amplement des offrandes; il te faudra élever plusieurs milliers de pagodes. »
L'Éveillé Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire ayant ainsi fait ses recommandations à l'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres, entra, à la dernière veille de la nuit, dans l'Extinction.
Alors l'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres, voyant l'Éveillé passé en Disparition, s'attrista, se désola, se languit après l'Éveillé; il prit du santal de la Rive Cis-Marine comme combustible, en fit offrande au corps de l'Éveillé et s'en servit pour l'incinérer. Lorsque le feu se fut éteint, il recueillit les reliques, confectionna quatre-vingt-quatre mille vases précieux et édifia quatre-vingt-quatre mille pagodes hautes comme les trois mondes, ornées d'une flèche, d'où pendaient dais et bannières, avec une multitude de clochettes précieuses qui y étaient accrochées.
Alors l'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres se fit encore cette réflexion : malgré ces offrandes que j'ai faites, mon cœur n'est pas encore satisfait ; je vais à présent faire davantage offrande aux reliques. Sur ce, il parla aux êtres d'Éveil, aux grands disciples, ainsi qu'aux dieux, dragons, silènes, et à l'ensemble de la vaste multitude : « Prêtez-moi toute votre attention; je vais à présent faire offrande aux reliques de l'Éveillé Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire. » Ayant ainsi parlé, il fit brûler devant les quatre-vingt-quatre mille pagodes son bras orné par cent mérites, ce durant soixante-douze mille ans, pour en faire offrande. Il permit aux innombrables multitudes en quête de l'état d'auditeur et à d'incommensurables quantités incalculables d'hommes de déployer la pensée d'Éveil complet et parfait sans supérieur et les mena tous à obtenir le Recueillement d'apparition de toutes les formes corporelles.
Alors les êtres d'Éveil, les dieux, hommes, titans et autres, qui le voyaient privé de bras, se désolèrent et s'apitoyèrent; ils tinrent ces propos : « L'être d'Éveil Vision de joie pour Tous les Êtres est notre maître, il nous a enseignés et convertis; or voilà que maintenant il s'est brûlé le bras et se retrouve le corps mutilé. »
À ce moment, l'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres, au sein de la vaste multitude, prêta ce serment : « J'y perdrai les deux bras, mais j'obtiendrai à coup sûr un corps d'Éveillé de couleur d'or; si ceci est réel et non pas vain, que mes deux bras se reconstituent comme avant. » Quand il eut fait ce serment, ils se reconstituèrent spontanément, ce qui fut possible par l'effet de la richesse des mérites et de la sagesse de cet être d'Éveil. Au moment où cela se produisait, le monde tricosmique trembla de six façons, du ciel tomba une pluie de fleurs précieuses, l'ensemble des dieux et des hommes obtinrent ce qui était sans précédent.
L'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Splendeur Royale des Constellations :
Quel est ton avis ? L'être d'Éveil Vision de Joie pour Tous les Êtres saurait-il être quelqu'un d'autre ? L'actuel être d'Éveil Roi des Remèdes, c'était lui. Le don qu'il a fait en renonçant à son corps, il y en eut d'innombrables milliers de millions de myriades, de milliards de comparables. Splendeur Royale des Constellations, s'il se trouve quelqu'un qui, ayant déployé sa pensée et désireux d'obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur, est capable de se brûler un doigt ou un orteil pour en faire offrande à la pagode, il surpassera celui qui aura fait offrande d'objets aussi précieux qu'un royaume ou une ville, ou bien de femme et enfants, voire des royaumes, des monts, des forêts, des fleuves et lacs du monde tricosmique.
Et même encore s'il se trouvait quelqu'un pour faire offrande d'un monde tricosmique plein des sept matières précieuses à l'Éveillé, ainsi qu'aux grands êtres d'Éveil, aux Éveillés pour soi, aux Méritants, les mérites qu'il aurait obtenus ne se comparent pas à celui qui accepte et garde ce Livre du lotus de la Loi, n'en serait-ce qu'une stance de quatre vers : ses bénédictions sont les plus nombreuses.
Splendeur Royale des Constellations, tout comme, par exemple, l'océan est primordial parmi l'ensemble des eaux, fleuves et rivières, ainsi en est-il également de ce Livre du lotus de la Loi, qui est le plus profond et le plus grand des textes canoniques exposés par les Ainsi-Venus.
De même encore que, de la multitude des montagnes, le mont de Terre, le mont Noir, la Petite Enceinte de Fer, la Grande Enceinte de Fer et les dix monts Précieux, c'est le mont Sumeru qui est primordial, ainsi en est-t-il de ce Livre du lotus de la Loi, qui est le plus éminent des textes canoniques.
De même encore que, dans la multitude des étoiles, c'est la divine lune qui est primordiale, ainsi en est-il de ce Livre du lotus de la Loi, qui est le plus lumineux des milliers de millions de myriades de textes et enseignements.
De même encore que le divin soleil est capable de dissiper les ténèbres, ainsi en est-il de ce texte canonique, capable d'éliminer l'obscurité de l'ensemble des manquements au bien.
De même encore que, parmi les rois mineurs, le saint roi de l'orbe est le plus éminent, ainsi en est-il de ce livre, qui est le plus vénérable des textes canoniques.
De même encore qu'Indra est roi parmi les dieux Trente-Trois, ainsi en est-il de ce livre, qui est roi parmi les textes canoniques.
De même encore que le grand roi des dieux Brahmâ est le père de tous les êtres, ainsi en est-il de ce livre, qui est le père de tous les sages et les saints, des apprentis et de ceux qui sont au-delà de l'étude, ainsi que de ceux qui ont déployé la pensée d'être d'Éveil.
De même encore que, parmi tous les profanes, l'Entré dans le courant, Celui qui ne revient qu'une fois, le Sans-Retour, le Méritant, l'Éveillé pour soi sont primordiaux, ainsi en est-il de ce livre, qui est éminemment primordial parmi les textes et enseignements, qu'ils aient été exposés par tous les Ainsi-Venus, par les êtres d'Éveil ou par les auditeurs.
Et il en est de même de ceux qui sont capables d'accepter et de garder ce texte canonique : ils sont aussi les premiers de l'ensemble des êtres.
Parmi l'ensemble des auditeurs et des éveillés pour soi, les êtres d'Éveil sont primordiaux; il en est de même de ce livre, qui est éminemment primordial parmi l'ensemble des textes et enseignements.
De même que l'Éveillé est roi des enseignements, ainsi en est-il de ce livre, qui est roi des textes canoniques.
Splendeur Royale des Constellations, ce livre peut sauver l'ensemble des êtres, ce livre peut permettre à l'ensemble des êtres de se dégager des affres passionnelles, ce livre peut dispenser une abondance de bienfaits à l'ensemble des êtres et combler leurs voeux, de même qu'une pièce d'eau pure et fraîche peut combler tous ceux qui ont soif. Comme le feu pour qui a froid, comme le vêtement pour qui est nu, comme le chef de caravane pour un marchand, comme la mère pour un enfant, comme le bac pour qui veut traverser, comme le médecin pour un malade, comme la lampe dans l'obscurité, comme le trésor dans la pauvreté, comme le roi pour le peuple, comme la mer pour le commerçant qui voyage, comme la torche qui dissipe les ténèbres, ainsi en est-il de ce livre, qui est capable de mener les êtres à se dégager de toutes les douleurs et de toutes les maladies et qui est capable d'affranchir de toutes les entraves de la naissance et de la mort.
Si l'on obtient d'entendre ce Livre du lotus de la Loi, si on le copie soi-meme ou si on le fait copier par autrui, même en dénombrant leur quantité à l'aide de la sagesse d'Éveillé, on n'atteindra pas au terme des mérites qui en seront acquis.
Si l'on copie les volumes de ce texte canonique et si on leur fait des offrandes de fleurs, d'encens, de guirlandes, de fumigations, de poudres, d'onguents, de bannières, de dais, de vêtements, de toutes sortes de lampes - lampes à beurre clarifié, lampe à huile, lampes aux diverses essences : lampes à huile de gardénia, lampes à huile de sumanâ, lampes à huile de bignonia, lampes à huile de jasmin vârshika, lampes à huile de jasmin navamâlikâ -, les mérites obtenus seront également innombrables.
Splendeur Royale des Constellations, s'il est quelqu'un qui entende ce chapitre sur la conduite originelle de l'être d'Éveil Roi des Remèdes, il obtiendra aussi des mérites innombrables et infinis. S'il s'agit d'une femme qui entende ce chapitre sur la conduite originelle de l'être d'Éveil Roi des Remèdes et qu'elle puisse le préserver, une fois qu'elle sera venue au terme de son corps de femme, elle n'en recevra plus jamais. Si, dans les cinq cents dernières années après la Disparition de l'Ainsi-Venu, il est une femme pour entendre ce texte canonique et pour pratiquer comme il l'est prêché, sa vie prenant fin ici, elle s'en ira au monde Bienheureux, là où demeure l'Éveillé Amitâbha entouré d'une vaste multitude d'êtres d'Éveil, pour renaître sur un trône précieux en une fleur de lotus; elle ne sera plus tourmentée par la cupidité, elle ne sera plus tourmentée par la colère et la sottise, elle ne sera plus tourmentée par les souillures de l'orgueil et de la jalousie. Elle obtiendra les pouvoirs divins d'être d'Éveil et l'adhésion à la non-production des entités. Ayant acquis cette adhésion, son organe visuel sera purifié, et grâce à la purification de cet organe visuel, elle verra autant d'Éveillés Ainsi-Venus que les sables de sept millions, deux mille myriades de milliards de Gange, et à ce moment, les Éveillés tous ensemble feront, de loin, ses louanges : C'est bien, c'est fort bien, fils de bien ! Tu as été capable, au sein de la Loi de l'Éveillé Çâkyamuni, d'accepter, de garder, de lire et réciter ce texte canonique, d'y réfléchir et de l'exposer à autrui. Les bénédictions que tu as obtenues sont innombrables et infinies. Le feu ne peut les consumer, l'eau ne peut les emporter. Tes mérites ne sauraient être épuisés par mille Éveillés qui les exposeraient de concert. Tu as été capable de briser désormais les bandits démoniaques, de défaire l'armée des naissances et des morts. Tous tes autres ennemis sont sans exception anéantis. Fils de bien, cent mille Éveillés te protègent ensemble de la force de leurs pouvoirs divins; nul ne t'est comparable parmi les dieux et les hommes de tous les mondes; à la seule exception de l'Ainsi-Venu, il n'est personne parmi les auditeurs, les Éveillés pour soi et même les êtres d'Éveil qui te soit égal en sagesse et en concentration.
Splendeur Royale des Constellations, telle est la force de la sagesse et des mérites accomplis par cet être d'Éveil.
S'il est quelqu'un qui entende ce chapitre de la Conduite originelle de l'être d'Éveil Roi des Remèdes et qui soit capable de s'en réjouir en conséquence et de le glorifier, un tel homme aura, dès cette existence, une senteur de fleur de lotus bleu qui s'exhalera constamment de sa bouche, de ses pores émanera constamment une senteur de santal tête-de-boeuf; les mérites qu'il obtiendra sont tels qu'exposés précédemment.
C'est pourquoi, Splendeur Royale des Constellations, je te confie ce chapitre de la Conduite originelle de l'être d'Éveil Roi des Remèdes. Dans les cinq cents dernières années après la Disparition de l'Ainsi-Venu, tu le divulgueras largement dans le continent Jambû sans permettre qu'il s'interrompe, car le Malin, le peuple démoniaque, les dieux, dragons, silènes, bourses-en-jarres en obtiendraient tout l'avantage.
Splendeur Royale des Constellations, tu devras, par la force de tes pouvoirs miraculeux, protéger ce texte canonique. Pourquoi cela ? C'est que ce livre est un remède efficace pour les maladies des hommes du continent Jambû. Si quelqu'un est malade et qu'il puisse entendre ce texte, sa maladie se trouvera dissipée; il ne vieillira pas, il ne mourra pas.
Splendeur Royale des Constellations, si tu vois quelqu'un accepter et garder ce texte canonique, tu devras disperser sur lui, en offrande, des fleurs de lotus bleu saupoudrées d'encens et, après les avoir dispersées, tu te feras cette réflexion : avant peu cet homme, à coup sûr, ramassera de l'herbe pour s'asseoir au lieu de la Voie, il défera les armées du Malin, soufflera dans la conque de la Loi et frappera le grand tambour de la Loi, il délivrera l'ensemble des êtres de l'océan de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort.
C'est pourquoi celui qui est en quête de la voie d'Éveillé, voyant quelqu'un accepter et garder ce texte canonique, devra concevoir à son égard une telle pensée de respect.
Pendant l'exposé de ce chapitre de la conduite originelle de l'être d'Éveil Roi des Remèdes, quatre-vingt-quatre mille êtres obtinrent la formule de compréhension des langages de tous les êtres. L'Ainsi-Venu Maint-Trésor, dans sa pagode précieuse, loua l'être d'Éveil Splendeur Royale des Constellations : « C'est bien, c'est fort bien, Splendeur Royale des Constellations, tu as accompli d'inconcevables mérites et tu as été capable d'interroger là-dessus l'Éveillé Çâkyamuni, permettant aux êtres innombrables d'en bénéficier tous. »


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CHAPITRE XXIV
L'être d'Éveil Son-Merveilleux

En cette heure, l'Éveillé Çâkyamuni émit un rai de son chignon de chair, marque caractéristique du grand homme, et il émit une lumière de la marque de touffe blanche entre ses sourcils, illuminant complètement, en direction de l'est, autant de mondes d'Éveillé que les sables de cent huit fois dix mille myriades de milliards de Gange. Au-delà de ce nombre se trouvait un monde appelé Ornement de Pure Lumière, et en ce royaume était un Éveillé du nom d'Ainsi-Venu Sagesse du Roi des Constellations Pure Splendeur, le Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, le bien parti, comprenant le monde, le héros suprême, le dompteur, le précepteur des dieux et des hommes, l'Éveillé, le Vénéré du monde; respectueusement entouré d'une vaste multitude, innombrable et infinie, d'êtres d'Éveil, il leur prêchait la Loi. La clarté émise de la touffe blanche de l'Éveillé Çâkyamuni illuminait complètement son royaume.
En ce temps-là, il y avait dans le royaume d'Ornement de Toute Pure Lumière un être d'Éveil du nom de Son-Merveilleux; il avait de longue date planté une multitude de bases de vertu, personnellement fréquenté et fait offrande à d'innombrables milliers de millions de myriades d'Éveillés, menant ainsi à l'accomplissement total une fort profonde sagesse. Il avait obtenu le Recueillement de la marque de l'Étendard Sublime, le Recueillement du Lotus de la Loi, le Recueillement de Pure Vertu, le Recueillement de délassement du Roi des Constellations, le Recueillement sans condition, le Recueillement du sceau de sagesse, le Recueillement de compréhension des langages de tous les êtres, le Recueillement de rassemblement de tous les mérites, le Recueillement de Pureté, le Recueillement du jeu dans les pouvoirs divins, le Recueillement de la torche de sagesse, le Recueillement du Roi des Ornements, le Recueillement de Pure Clarté, le Recueillement du Pur-Réceptacle, le Recueillement exclusif, le Recueillement de révolution solaire; il obtint ainsi autant de grands recueillements que les sables de mille millions de myriades de Gange. Comme la lumière de l'Éveillé Çâkyamuni illuminait son corps, il s'adressa à l'Éveillé Sagesse du Roi des Constellations Pure Splendeur : « Vénéré du monde, je pars pour le monde de l'Endurance afin de rendre hommage à l'Éveillé Çâkyamuni, l'approcher personnellement pour lui faire offrande, ainsi que pour voir l'être d'Éveil Mañjuçrî, le prince de la Loi, l'être d'Éveil Roi des Remèdes, l'être d'Éveil Don-Héroïque, l'être d'Éveil Splendeur Royale des Constellations, l'être d'Éveil Intention de Pratique Supérieure, l'être d'Éveil Roi des Ornements, l'être d'Éveil Supérieur des Remèdes. »
Alors l'Éveillé Sagesse du Roi des Constellations Pure Splendeur déclara à l'être d'Éveil Son-Merveilleux : « Ne va pas, par mépris de ce royaume, concevoir à son propos des idées d'infériorité. Fils de bien, ce monde de l'Endurance est inégal, avec des hauteurs et des dépressions, il a des montagnes de terre et de pierres, il est rempli d'impuretés; le corps de l'Éveillé y est étriqué, la multitude des êtres d'Éveil y est également d'allure médiocre, alors que ton corps est de quarante-deux mille parasanges et que le mien est de six millions huit cent mille parasanges. Ton corps à toi est des plus beaux de figure, merveilleux et resplendissant dans ses centaines, ses milliers, ses dizaines de milliers de mérites. C'est pour cette raison que tu ne dois pas aller, par mépris de ce royaume, de son Éveillé, de ses êtres d'Éveil ou même de son sol, en concevoir des idées d'infériorité. »
L'être d'Éveil Son-Merveilleux s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, si je me rends à présent dans le monde de l'Endurance, c'est entièrement par la force de l'Éveillé, le jeu des pourvoirs miraculeux de l'Éveillé, les ornements de mérites et de sagesse de l'Éveillé. »
À ce moment, l'être d'Éveil Son-Merveilleux, sans se lever de son siège, le corps imperturbable, entra en recueillement. Grâce à la force de son recueillement, sur le mont du Pic du Vautour, non loin du siège de Loi, il créa une fantasmagorie de quatre-vingt-quatre mille précieuses fleurs de lotus, aux tiges d'or du fleuve Jambû, aux feuilles d'argent blanc, au coeur de diamant, au calice de joyau kimçuka.
Alors le prince de la Loi Mañjuçrî, voyant ces fleurs de lotus, s'adressa à l'Éveillé : « Pour quelle raison fait-on apparaître d'abord ces signes auspicieux, ces multiples milliers et dizaines de milliers de fleurs de lotus aux tiges d'or du fleuve Jambû, aux feuilles d'argent blanc, au coeur de diamant, au calice de joyau kimçuka ? »
Alors l'Éveillé Çàkyarnuni déclara à Mañjuçrî : « l'être d'Éveil Son-Merveilleux, le grand être, désire venir en ce monde de l'Endurance, en provenance du royaume de l'Éveillé Sagesse du Roi des Constellations Pure Splendeur, entouré de quatre-vingt-quatre mille êtres d'Éveil, afin de me rendre hommage, de m'approcher personnellement pour me faire offrande, et aussi dans le désir de faire offrande au Livre du lotus de la Loi et de l'écouter. »
Mañjuçrî s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, quelles bases de bien cet être d'Éveil a-t-il implantées, à quels mérites s'est-il exercé pour être capable de posséder une telle force dans ses pouvoirs miraculeux ? Quel recueillement a-t-il pratiqué ? Veuille nous exposer le nom de ce recueillement, car nous voulons nous aussi nous appliquer à sa pratique et, par l'exercice de ce recueillement, être capables de voir la forme et les marques de cet être d'Éveil, sa taille, sa majesté, sa conduite. Mon seul souhait est que le Vénéré du monde, grâce à la force de ses pouvoirs divins, nous permette de voir cet être d'Éveil lorsqu'il arrivera. »
Alors l'Éveillé Çâkyamuni déclara à Mañjuçrî : « L'Ainsi-Venu Maint-Trésor, celui qui est depuis longtemps passé en Disparition, vous fera apparaître ses marques caractéristiques. »
À ce moment, l'Éveillé Maint-Trésor déclara à cet être d'Éveil : « Viens, fils de bien, le prince de la Loi Mañjuçrî désire te voir en ton corps. »
Sur ce, l'être d'Éveil Son-Merveilleux disparut de son royaume et arriva, surgissant en compagnie de quatre-vingt-quatre mille êtres d'Éveil. Les royaumes qu'il traversa tremblèrent de six façons; en tous on vit pleuvoir des fleurs de lotus des sept matières précieuses; de célestes musiques résonnèrent d'elles-mêmes, sans qu'aucun instrument fût frappé. Cet être d'Éveil avait les yeux comme d'immenses feuilles de lotus bleu; même en réunissant des centaines, des milliers, des dizaines de milliers de lunes, la beauté de sa figure les aurait encore dépassées. Son corps avait la couleur de l'or authentique, orné d'innombrables centaines et milliers de mérites, éclatant de majesté, resplendissant de lumière, totalement muni des marques caractéristiques, à l'instar du solide corps de Nârâyana. Il entra sur la terrasse de sept matières précieuses et s'éleva dans l'espace, à une hauteur de sept palmiers du sol, respectueusement entouré d'une multitude d'êtres d'Éveil, et se rendit au mont du Pic du Vautour en ce monde de l'Endurance. Une fois arrivé, il descendit de la terrasse de sept matières précieuses et, tenant un pectoral dont le prix se chiffrait par centaines et milliers, arriva auprès de l'Éveillé Çâkyamuni. Il le salua en inclinant la tête jusqu'à ses pieds, présenta le pectoral et s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, l'Éveillé Sagesse du Roi des Constellations Pure Splendeur salue le Vénéré du monde en lui souhaitant peu de maladies, peu de chagrins, aise dans ses déplacements. Sa pratique est-elle commode ou non ? Les quatre éléments sont-ils chez lui en harmonie ou non ? Peut-il prendre en patience les affaires du monde ou non ? Les êtres sont-ils faciles à sauver ou non ? Sont-ils exempts de convoitise, de colère, de sottise, de jalousie, d'avarice, d'orgueil ou non ? Sont-ils exempts d'ingratitude à l'égard de leurs parents, d'irrespect à l'égard des religieux, de vues perverses, de mauvaises pensées, d'incontinence des cinq émotions ou non ? Vénéré du monde, les êtres sont-ils capables de soumettre les ennemis démoniaques ou non ? L'Ainsi-Venu Maint-Trésor, passé de longue date en Disparition, est-il venu dans sa pagode de sept matières précieuses écouter la Loi ou non ? »
Il salua aussi l'Ainsi-Venu Maint-Trésor, lui souhaitant soulagement, peu de chagrins : « Sa patience est-elle durable ou non ? Vénéré du monde, je désire maitenant voir l'Éveillé Maint-Trésor en son corps. Mon seul souhait est que le Vénéré du monde me le montre, me le fasse voir. »
Alors l'Éveillé Çàkyamuni parla à l'Éveillé Maint-Trésor : « Cet être d'Éveil Son-Merveilleux désire pouvoir te rencontrer. »
À ce moment, l'Éveillé Maint-Trésor déclara à Son-Merveilleux : « C'est bien, c'est très bien, tu as été capable de venir jusqu'ici afin de faire offrande à 1'Éveillé Çâkyamuni, d'écouter le Livre du lotus de la Loi et, en même temps, de voir Mañjuçrî et d'autres. »
Alors l'être d'Éveil Vertu de Splendeur s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, quelles racines de bien cet être d'Éveil Son-Merveilleux a-t-il plantées, à quels mérites s'est-il exercé pour avoir ces forces miraculeuses ? »
L'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Vertu de Splendeur :
Il était dans le passé un Éveillé du nom de Roi au Son d'Orage des Nuées, Ainsi-Venu, Méritant, complet et parfait Éveillé; son royaume avait nom Apparition de Tous les Mondes; son éon avait nom Vue de Joie. l'être d'Éveil Son-Merveilleux, douze mille ans durant, fit offrande de cent mille sortes de musiques à l'Éveillé Roi au Son d'Orage des Nuées et lui fit en même temps présent de quatre-vingt-quatre mille bols faits des sept matières précieuses. Grâce à la rétribution de ces circonstances, il est à présent rené dans le royaume de l'Éveillé Sagesse du Roi des Constellations Pure Splendeur en possession de ces forces divines.
Vertu de Splendeur, qu'en est-il à ton avis ? l'être d'Éveil Son-Merveilleux qui, en ce temps-là, auprès de l'Éveillé Roi au Son d'Orage des Nuées, fit offrande de musique et offrit des vases précieux, pourrait-il être quelqu'un d'autre ? Cet actuel être d'Éveil Son-Merveilleux, le grand être, c'est lui. Vertu de Splendeur, l'être d'Éveil Son-Merveilleux a déjà auparavant approché personnellement et fait offrande à d'innombrables Éveillés, implantant de longue date les bases de mérites; il a aussi rencontré des milliers de millions, des myriades et des milliards d'Éveillés, nombreux comme les sables du Gange. Vertu de splendeur, tu ne vois que l'être d'Éveil Son-Merveilleux ici présent en son corps, alors que cet être d'Éveil fait apparaitre une variété de corps qui, en tous endroits, expose ce texte canonique à l'intention des êtres : soit qu'il apparaisse dans le corps du roi Brahmâ, soit qu'il apparaisse dans le corps d'Indra, soit dans le corps du dieu Souverain, soit dans le corps du dieu Grand-Souverain, soit dans le corps d'un grand général céleste, soit dans le corps du roi céleste Vaiçravana, soit dans le corps d'un saint roi de l'orbe, soit dans le corps de l'un des rois mineurs, soit dans le corps d'un homme riche, soit dans le corps d'un maître de maison, soit dans le corps d'un mandarin, soit dans le corps d'un brahmane, soit dans le corps d'un moine ou d'une nonne, d'un laïc pieux ou d'une pieuse laïque, soit dans le corps de l'épouse d'un homme riche ou d'un maître de maison, soit dans le corps d'une épouse de mandarin, soit dans le corps d'une épouse de brahmane, soit dans le corps d'un garçon ou d'une fille, soit dans le corps d'un dieu, d'un dragon, d'un silène, d'un centaure, d'un titan, d'un griffon, d'une chimère, d'un python, d'un humain et non-humain, pour exposer ce livre. Tous les êtres infernaux, les démons affamés, les animaux, ainsi que les êtres des endroits difficiles, il est capable de les sauver; il n'est jusqu'aux gynécées royaux où, se transformant en corps féminin, il ne prêche ce texte canonique.
Vertu de Splendeur, cet être d'Éveil Son-Merveilleux est capable de sauver les êtres du monde de l'Endurance. Cet être d'Éveil Son-Merveilleux est ainsi apparu corporellement en une variété de métamorphoses dans ce royaume de l'Endurance pour exposer ce texte canonique à l'intention des êtres, et il n'en a nulle diminution, ni en ses pouvoirs miraculeux, ni en ses métamorphoses, ni en sa sagesse. Cet être d'Éveil, illuminant le monde de l'Endurance à l'aide d'une pluralité de sagesse, permet à l'ensemble des êtres d'obtenir chacun la connaissance, et il est de même en autant de mondes que de sables du Gange dans les dix orients. S'il s'agit de quelqu'un qui doit être sauvé par un auditeur, il apparaît en figure d'auditeur pour lui prêcher la Loi; si c'est quelqu'un qui doit être sauvé par un éveillé pour soi, il apparaît en figure d'éveillé pour soi pour lui prêcher la Loi; si c'est quelqu'un qui doit être sauvé par un être d'Éveil, il apparaît en figure d'être d'Éveil pour lui prêcher la Loi; si c'est quelqu'un qui doit être sauvé par un Éveillé, il apparaît alors en figure d'Éveillé pour lui prêcher la Loi. C'est ainsi que de façons variées, il manifeste une figure correspondant à ceux qui doivent être sauvés, au point que, pour ceux qui doivent obtenir le salut grâce au passage en Disparition, il manifestera le passage en Disparition.
Telle est, Vertu de Splendeur, la conduite de l'être d'Éveil Son-Merveilleux, le grand être, grâce à la force des grands pouvoirs divins et de la sagesse qu'il a menés à accomplissement.
Alors l'être d'Éveil Vertu de Splendeur s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, cet être d'Éveil Son-Merveilleux a profondément planté ses racines de bien. Vénéré du monde, en quel recueillement cet être d'Éveil demeure-t-i1 pour être capable de délivrer les êtres en de telles transformations et apparitions ? »
L'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Vertu de Splendeur : « Fils de bien, son recueillement a nom Apparition de Toutes les Formes Corporelles; c'est en demeurant dans ce recueillement que l'être d'Éveil Son-Merveilleux a été capable de dispenser de la sorte ses bienfaits à des êtres innombrables. »
Tandis que s'exposait ce chapitre de l'être d'Éveil Son-Merveilleux, les quatre-vingt-quatre mille qui étaient venus en compagnie de l'être d'Éveil Son-Merveilleux obtinrent tous le Recueillement d'apparition de toutes les formes corporelles; d'innombrables êtres d'Éveil de ce monde de l'Endurance obtinrent également ce recueillement ainsi que la formule détentrice.
Alors l'être d'Éveil Son-Merveilleux, le grand être, ayant fait offrande à l'Éveillé Çâkyamuni et à la pagode de l'Éveillé Maint-Trésor, s'en retourna à sa terre d'origine. Les royaumes qu'il traversa tremblèrent de six façons, il y tomba une pluie de fleurs de lotus précieuses, il s'y fit des milliers de millions et des myriades de variétés de musiques. Dès qu'il arriva dans son royaume d'origine, entouré des quatre-vingt-quatre mille êtres d'Éveil, il se rendit auprès de l'Éveillé Sagesse du Roi des Constellations Pure Splendeur et s'adressa à lui : « Vénéré du monde, arrivé au monde de l'Endurance, j'ai dispensé aux êtres une abondance de bienfaits; j'y ai vu l'Éveillé Çâkyamuni ainsi que la pagode de l'Éveillé Maint-Trésor, je leur ai rendu hommage et fait offrande. J'y ai vu encore l'être d'Éveil Mañjuçrî, prince de la Loi, ainsi que l'être d'Éveil Roi des Remèdes, l'être d'Éveil Muni de la Force d'Application du Zèle, l'être d'Éveil Don-Héroïque et d'autres; j'ai également permis à ces quatre-vingt-quatre mille êtres d'Éveil d'obtenir le Recueillement d'apparition de toutes les formes corporelles. »
Quand ce chapitre de la Venue de l'être d'Éveil Son-Merveilleux fut exposé, quarante-deux mille fils de dieux obtinrent l'adhésion à la non-production des entités et l'être d'Éveil Vertu de Splendeur obtint le Recueillement du Lotus de la Loi.
Fin du septième livre


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CHAPITRE XXV
La porte universelle de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde

En cette heure, l'être d'Éveil Intention-Inépuisable se leva de son siège, se découvrit la seule épaule droite, joignit les paumes en direction de l'Éveillé et prit la parole : « Vénéré du monde, pour quelles raisons l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde a-t-il nom Considérant les Voix du Monde ? »
L'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Intention-Inépuisable :
Fils de bien, s'il se trouve d'innombrables milliers de millions et de myriades d'êtres, subissant les affres de la douleur, qui entendent cet être d'Éveil Considérant les Voix du Monde et invoquent son nom de tout coeur, l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde prendra immédiatement leurs voix en considération et ils obtiendront tous la délivrance. S'il s'en trouve pour retenir le nom de cet être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, quand bien même ils entreraient dans un grand feu, le feu ne pourra les brûler, de par la majestueuse et miraculeuse force de cet être d'Éveil.
S'ils sont balayés par un grand flot et invoquent son nom, ils trouveront aussitôt un endroit peu profond.
S'il est des milliers de millions et des myriades d'êtres qui, à la recherche de matières précieuses comme l'or, l'argent, le béryl, la nacre, l'agate, le corail, l'ambre, les perles et autres, pénètrent sur l'océan, quand bien même un vent sombre soufflerait sur leur navire et les ferait échouer dans un pays d'ogres, s'il se trouve parmi eux ne serait-ce qu'un seul homme pour invoquer le nom de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, ces gens échapperont tous au danger des ogres. C'est pour ces raisons qu'il s'appelle Considérant les Voix du Monde.
Et si encore il se trouve quelqu'un qui, au moment d'être tué, invoque le nom de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, les épées et bâtons brandis contre lui seront aussitôt brisés en morceaux et il sera délivré.
Si des silènes et des ogres pouvant remplir tout un monde tricosmique veulent venir tourmenter les gens, en les entendant invoquer l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, ces mauvais démons ne pourront pas même les regarder de leur mauvais oeil, à plus forte raison encore leur faire du mal.
Et encore si quelqu'un, qu'il soit coupable ou innocent, se trouve le corps ligoté, attaché de menottes, d'entraves, de gangue, de chaînes, invoque-t-il le nom de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde qu'aussitôt tout cela sera rompu et il obtiendra la délivrance.
Si, au milieu de bandits hostiles pouvant remplir tout un monde tricosmique, il se trouve un chef de marchands à guider une caravane transportant de lourds trésors le long d'un chemin périlleux, qu'un seul d'entre eux vienne à leur proclamer ces paroles : « Fils de bien, vous n'avez rien à craindre ! Il vous faut invoquer de tout coeur le nom de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde; cet être d'Éveil est capable de faire don de l'assurance aux êtres. Si vous invoquez ce nom, vous obtiendrez d'être délivrés de ces bandits hostiles. » Et que la caravane des marchands, l'entendant, entonne de concert les mots : « Hommage à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde »; grâce à cette invocation, ils obtiendront aussitôt la délivrance.
Intention-Inépuisable, telle est l'imposante majesté de la force divine de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, le grand être. S'il est des êtres au désir de fornication abondant qui fixent constamment leur attention sur le respect à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, ils pourront alors être débarrassés du désir.
S'ils abondent en colère et qu'ils fixent constamment leur attention sur le respect à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, ils pourront alors être débarrassés de la colère.
S'ils abondent en sottise et qu'ils fixent constamment leur attention sur le respect à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, ils pourront être débarrassés de la sottise.
Intention-Inépuisable, telle est la grande force, miraculeuse et majestueuse, que possède l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, dont les bienfaits sont dispensés en abondance. C'est pourquoi les êtres se doivent de l'avoir constamment présent à l'esprit.
S'il se trouve une femme qui, désireuse d'avoir un garçon, rende hommage et fasse offrande à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, elle donnera naissance à un garçon muni de mérites et de sagesse. Si elle est désireuse d'avoir une fille, elle donnera naissance à une fille aux marques caractéristiques de la beauté, ayant au cours de ses existences antérieures planté les bases des mérites, aimée et respectée de beaucoup.
Intention-Inépuisable, telle est la force de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde : s'il est des êtres pour rendre respectueusement hommage à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, leurs bénédictions ne seront pas perdues. C'est pourquoi les êtres doivent tous retenir le nom de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde.
Intention-Inépuisable, s'il se trouve quelqu'un pour retenir le nom d'autant d'êtres d'Éveil que les sables de soixante-deux myriades de Gange et pour, en plus, leur faire offrande, jusqu'au bout de sa vie physique, de mets et de boissons, de vêtements et de literie, de remèdes, qu'en est-il à ton avis ? Les mérites de ce fils ou de cette fille de bien seront-ils abondants ou non ?
Intention-Inépuisable dit : « Fort abondants, Vénéré du monde. »
L'Éveillé dit : « Si par ailleurs il se trouve quelqu'un pour retenir le nom de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, pour lui rendre hommage et lui faire offrande ne serait-ce que pour un temps, les bénédictions de cette personne seraient égales, sans nulle différence; elles ne sauraient s'épuiser même en mille millions de myriades d'éons. Intention-Inépuisable, telle est l'immensité, l'infinité bienfaisante des mérites que l'on obtient à retenir le nom de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde. »
L'être d'Éveil Intention-Inépuisable s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, comment l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde a-t-il voyagé jusqu'en ce monde de l'Endurance ? Comment prêche-t-il la Loi aux êtres ? Et la force de ses mérites, de quelle oeuvre s'agit-il ? »
L'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Intention-Inépuisable :
Fils de bien, s'il se trouve des êtres d'un royaume qui doivent obtenir le salut grâce à un corps d'Éveillé, l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde apparaît alors en corps d'Éveillé pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps d'éveillé pour soi, il apparaît alors en corps d'éveillé pour soi pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps d'auditeur, il apparaît alors en corps d'auditeur pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps de roi Brahmâ, il apparaît alors en corps de roi Brahmâ pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce au corps d'Indra, il apparaît alors en corps d'Indra pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce au corps du dieu Souverain, il apparaît alors dans le corps du dieu Souverain pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce au corps du dieu Grand-Souverain, il apparaît alors dans le corps du dieu Grand-Souverain pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce au corps d'un grand général céleste, il apparaît alors en corps de grand général céleste pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce au corps de Vaiçravana, il apparaît alors dans le corps de Vaiçravana pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce au corps d'un roi mineur, il apparaît alors dans le corps d'un roi mineur pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps de riche, il apparaît alors en corps de riche pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps de maître de maison, il apparaît alors en corps de maître de maison pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps de mandarin, il apparaît alors en corps de mandarin pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps de brahmane, il apparaît alors en corps de brahmane pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps de moine ou de nonne, de laïc pieux ou de pieuse laïque, il apparaît alors en corps de moine ou de nonne, de laïc pieux ou de pieuse laïque pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps d'épouse de riche, de maître de maison, de mandarin, de brahmane, il apparaît alors en un corps d'épouse pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps de garçon ou de fille, il apparaîtra alors en corps de garçon ou de fille pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce à un corps de dieu, de dragon, de silène, de centaure, de titan, de griffon, de chimère, de python, d'humain et non-humain, il apparaîtra alors ainsi pour leur prêcher la Loi. S'ils doivent obtenir le salut grâce au corps de Porte-Foudre, il apparaîtra alors dans le corps de Porte-Foudre pour leur prêcher la Loi.
Intention-Inépuisable, tels sont les mérites menés à accomplissement par cet être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, qui voyage en une variété de figures de par les royaumes pour délivrer les êtres. C'est pourquoi vous vous devez de faire de tout coeur offrande à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde.
Cet être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, le grand être, est capable de faire don de l'assurance au milieu des dangers pressants et effrayants. C'est pourquoi tous, dans ce monde de l'Endurance, l'appellent Donateur d'Assurance.
L'être d'Éveil Intention-Inépuisable s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, je vais dès maintenant faire offrande à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde. » Il défit alors de son cou un collier au grand nombre de perles et de joyaux, dont le prix se montait à des centaines et des milliers de taëls d'or, et le lui donna avec ces mots : « Ô Bienveillant, accepte ce collier de rares joyaux en don de Loi. »
L'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, à ce moment, ne consentit point à l'accepter. Intention-Inépuisable s'adressa à nouveau à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde : « Ô Bienveillant, accepte ce collier par pitié de nous. »
Alors l'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde : « Aie pitié de cet être d'Éveil Intention-Inépuisable, ainsi que des quatre congrégations, des dieux, dragons, silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, humains et non-humains, et pour cette raison, accepte ce collier. »
À ce moment, l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde eut pitié des quatre congrégations ainsi que des dieux, dragons, humains et non-humains et accepta le collier, qu'il divisa en deux parties. Il offrit une partie à l'Éveillé Çâkyamuni et l'autre à la pagode de l'Éveillé Maint-Trésor.
Intention-Inépuisable, telles sont les forces divines et souveraines grâce auxquelles l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde voyage dans le monde de l'Endurance.
Alors l'être d'Éveil Intention-Inépuisable l'interrogea en stances :
Vénéré du monde, pourvu de la totalité des marques merveilleuses,
j'interroge maintenant derechef à son propos :
pour quelles raisons le fils d'Éveillé
s'appelle-t-il Considérant les Voix du Monde ?
Le Vénéré pourvu de la totalité des marques merveilleuses répondit à Intention-Inépuisable :
Écoute combien la pratique de Celui qui Considère nos Appels
s'adapte avec maîtrise aux diverses directions;
son vaste serment est profond comme la mer,
inconcevables sont les éons au long desquels
il a servi de nombreux milliers de myriades d'Éveillés
pour déployer son grand voeu de pureté.
Je te l'exposerai en bref :
entendre son nom, voir son corps,
le commémorer en pensée n'est pas une vaine erreur :
il est capable d'anéantir les douleurs de l'existence.
À supposer qu'animé d'une intention de nuire,
on fasse basculer quelqu'un dans une grande fosse de feu :
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
la fosse ignée se transformera en étang.
Ou bien dérivant sur le grand Océan,
parmi les périls des dragons, des poissons, des démons,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
les flots ne pourront l'engloutir.
Ou bien qu'au sommet du Sumeru,
quelqu'un veuille le précipiter,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
comme le soleil, il demeurera dans l'espace.
Ou bien que, poursuivi par les méchants,
il soit jeté des monts de Diamant,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels
il n'aura pas un cheveu d'abîmé.
Qu'il se trouve encerclé d'ennemis,
chacun brandissant une épée pour l'agresser,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
ils concevront tous alors une pensée de compassion.
Qu'il soit en butte aux persécutions d'un roi,
au moment de l'exécution, quand sa vie va prendre fin,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
l'épée se brisera aussitôt en morceaux.
Qu'il soit captif de gangue et chaînes,
mains et pieds liés de menottes et entraves,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
il se trouvera libre comme l'air.
Que, par envoûtement ou empoisonnement,
quelqu'un veuille le léser corporellement,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
cela se retournera contre l'instigateur.
Qu'il rencontre de méchants ogres,
des dragons venimeux, d'autres démons,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
aucun d'eux n'osera jamais lui faire de mal.
Qu'il soit entouré de bêtes cruelles,
effrayantes, aux crocs et griffes acérés,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
elles s'enfuiront rapidement dans d'infinies directions.
Face aux basilics, serpents, vipères, scorpions,
aux miasmes brûlants et enflammés,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
à sa voix ils partiront d'eux-mêmes.
Que des nuées d'orage retentissent d'éclairs,
qu'il grêle, que de grandes pluies se déversent,
s'il pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
tout se trouvera dissipé sur l'instant.
Que les êtres se trouvent pressés de périls,
que d'innombrables douleurs leur harcèlent le corps,
grâce à la sublime sagesse de Celui qui Considère nos Appels,
ils pourront être sauvés des souffrances de ce monde.
Muni de toute la force des pouvoirs miraculeux,
il exerce amplement sagesse et expédients salvifiques;
parmi les royaumes des dix directions,
nulle terre où il n'apparaisse en son corps.
Les mauvaises destinées dans leur diversité,
les êtres infernaux, les démons, les animaux,
la douleur de la naissance, de la vieillesse, de la maladie, de la mort,
il les mène graduellement à complète Disparition.
Vrai à considérer, pur à considérer,
de vaste et grande sagesse à considérer,
compatissant à considérer, miséricordieux à considérer,
nous souhaitons l'adorer toujours.
Lumière pure, immaculée,
soleil de sagesse qui supprime les ténèbres,
capable de réprimer les calamités du vent et du feu,
qui universellement illunine les mondes;
le tonnerre grondant de la moralité, substance de sa compassion,
les grandes nuées de merveille, intention de sa miséricorde,
déversent comme l'ambroisie la pluie de la Loi
et éteignent les flammes des passions.
Passant en procès devant les tribunaux,
plongé dans l'effroi des batailles,
si l'on pense à la force de Celui qui Considère nos Appels,
la meute des ennemis sera complètement dispersée.
Considérant les Voix du Monde, à la voix sublime,
à la voix brahmique, à la voix océanique,
dépasse les voix et les sons de ce monde.
C'est pourquoi il faut constamment fixer son intention,
de pensée en pensée, sans concevoir de doute
sur Considérant les Voix du Monde, le saint de pureté;
dans les affres de la douleur, dans les dangers mortels,
il saura se faire notre appui et notre soutien.
Muni de l'ensemble des mérites,
il regarde les êtres d'un oeil compatissant,
incommensurable est l'océan de ses bénédictions,
voilà pourquoi il convient de s'incliner en hommage devant lui.
Alors l'être d'Éveil Soutien de la Terre se leva de son siège, s'avança et s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, s'il se trouve des êtres pour entendre ce chapitre de l'être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, son action souveraine, la révélation de sa porte universelle, la force de ses pouvoirs miraculeux, les mérites de ces personnes, sachons-le, ne seront pas peu nombreux. »
Tandis que l'Éveillé exposait ce chapitre de la Porte universelle, quatre-vingt-quatre mille êtres, parmi la multitude, déployèrent la pensée de l'Éveil complet et parfait sans supérieur.


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CHAPITRE XXVI
Les formules détentrices

En cette heure, l'être d'Éveil Roi des Remèdes se leva de son siège, se découvrit la seule épaule droite, joignit les paumes en direction de l'Éveillé et lui adressa ces paroles : « Vénéré du monde, s'il se trouve des fils de bien et des filles de bien capables d'accepter et garder le Livre du lotus de la Loi, de le lire et de le réciter avec pénétration et acuité, d'en recopier les volumes, combien de bénédictions en obtiendront-ils ? »
L'Éveillé déclara à Roi des Remèdes : « Si des fils ou des filles de bien faisaient offrande à autant d'Éveillés que les sables de huit mille millions de myriades de miliards de Gange, qu'en est-il à ton avis ? Les bénédictions qu'ils en obtiendront seront-elles plutôt nombreuses ou non ?
- Elles seront fort nombreuses, Vénéré du monde. »
L'Éveillé dit : « Si des fils de bien ou des filles de bien sont capables d'accepter et retenir ce texte canonique, ne serait-ce qu'une stance de quatre vers, de la lire et de la réciter, d'en comprendre le sens et de la mettre en pratique comme il l'est prêché, les mérites en seront fort nombreux. »
Alors l'être d'Éveil Roi des Remèdes s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, je vais maintenant donner à ceux qui exposent la Loi une formule détentrice qui les protégera. » Et il prononça la formule suivante : ani mani manei mamanei shirei sharitei shamya shabitai sentei mokutei mokutabi shabi aishabi sôbi shabi shaei akishaei agini sentei shabi darani arokyabasaihashabishani neibitei abentaraneibitei atandahareishutai ukurei mukurei ararei hararei shugyashi asanmasambi boddabikirijiritei darumaharishitei sôgyachirikushanei bashabashashutai mantara mantarashayata urotaurota kyôsharya akishara akishayataya abaro amanyanataya.
« Vénéré du monde, cette divine formule détentrice a été exposée par autant d'Éveillés que les sables de soixante-deux myriades de Gange. S'il se trouve quelqu'un pour attaquer et blesser ces maitres de Loi, cela reviendra à avoir attaqué et blessé ces Éveillés. »
Sur ce, l'Éveillé Çâkyamuni loua l'être d'Éveil Roi des Remèdes en ces mots : « C'est bien, c'est fort bien, Roi des Remèdes, c'est par une attention miséricordieuse, pour protéger ces maîtres de Loi que tu as exposé cette formule détentrice; abondants seront les bienfaits qu'elle dispensera aux êtres. »
Alors l'être d'Éveil Don-Héroïque s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, afin de protéger ceux qui lisent et récitent, acceptent et gardent le Livre du lotus de la Loi, je vais moi aussi exposer une formule détentrice. Si ces maîtres de Loi font leur cette formule détentrice, les silènes, ogres, incubes, succubes, bourses-en-jarre, démons affamés et autres qui chercheront à le prendre en défaut ne pourront en trouver l'occasion. » Ainsi, devant l'Éveillé, il prononça la formule : Zarei makazarei uki moki arei arabatei chiritei chiritahatei ichini ichini shichini nirichini nirichihachi.
« Vénéré du monde, cette divine formule détentrice a été exposée par autant d'Éveillés que les sables du Gange et tous s'en sont réjouis en conséquence. S'il s'en trouve pour attaquer et blesser ces maîtres de Loi, cela reviendra à avoir attaqué et blessé ces Éveillés. »
Alors le roi céleste Vaiçravana, gardien du monde, s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, à mon tour également, par une attention miséricordieuse, pour protéger ces maîtres de Loi, j'expose cette formule détentrice. » Et il prononça la formule suivante : Ari nari tonari anaro nabi kunabi.
« Vénéré du monde, grâce à cette formule divine, les maîtres de Loi se trouveront protégés et je protégerai également moi-même ceux qui sauvegardent ce texte canonique, les exemptant de décrépitude et de chagrin sur une étendue de cent parasanges. »
Alors le roi céleste Soutien du Royaume, qui se trouvait dans cette assemblée, entouré avec respect d'une foule de mille millions de myriades de milliards de centaures, s'avança auprès de l'Éveillé, joignit les paumes et s'adressa à lui : « Vénéré du monde, je protégerai moi aussi ceux qui sauvegardent le Livre du lotus de la Loi à l'aide d'une divine formule détentrice. » Et il prononça la formule suivante : Akyanei kyanei kuri kendari sendari matôgi jôguri furoshani anchi.
« Vénéré du monde, cette divine formule détentrice a été exposée par quarante-deux myriades d'Éveillés. S'il s'en trouve pour attaquer et blesser ces maîtres de Loi, cela reviendra à avoir attaqué et blessé ces Éveillés. »
Alors il y eut des ogresses, la première ayant nom Lambâ, la seconde Vilambâ, la troisième Torses-Dents, la quatrième Dents-Splendides, la cinquième Dents-Noires, la sixième Chevelue, la septième Insatiable, la huitième Porteuse de Pectoral, la neuvième Kunti, la dixième Dérobeuse du Souffle Vital de Tous les Êtres; ces dix ogresses, avec la Mère des Enfants Démons, en même temps que leurs enfants et leur suite, se rendirent de concert auprès de l'Éveillé et d'une même voix s'adressèrent à lui : « Vénéré du monde, nous aussi désirons protéger ceux qui lisent et récitent, acceptent et gardent le Livre du lotus de la Loi, et les débarrasser de la décrépitude et du chagrin. S'il s'en trouve pour chercher à les prendre en défaut, nous les empêcherons d'en trouver l'occasion. » Et, devant l'Éveillé, elles prononcèrent la formule suivante : Ideibi ideibin ideibi adeibi ideibi deibi deibi deibi deibi deibi rokei rokei rokei rokei takei takei takei tokei tokei.
« Que l'on grimpe plutôt sur nos têtes, mais que l'on n'aille point tourmenter les maîtres de Loi; que ce soient silènes, ogres, démons affamés, incubes, succubes, vampires, goules, lamies, convulsionnaires, silènes succubes, succubes humains, fièvres - qu'elles soient d'un jour, de deux jours, tierces, quartes, et même jusqu'à sept jours ou fièvres chroniques -, qu'elles aient figure masculine ou féminine, figures de jeunes garçons ou de jeunes filles, et même en rêve, aucun non plus ne les tourmentera. » Et, devant l'Éveillé, elles prononcèrent les stances :
Pour qui n'obéit pas à notre formule
et tourmente ceux qui exposent la Loi,
sa tête éclatera en sept morceaux,
comme un rameau de basilic.
Comme le crime du parricide
et comme l'acte funeste de celui qui presse l'huile,
qui trompe les gens par le boisseau ou la balance,
ou le crime de Don des Dieux qui brise la communauté,
celui qui fait tort aux maîtres de Loi
obtiendra un sort pareillement funeste.
Ayant dit leurs stances, les ogresses s'adressèrent à l'Éveillé : « Vénéré du monde, nous aussi protégerons de notre propre corps ceux qui acceptent et gardent, lisent, récitent et mettent en pratique ce texte canonique. Nous lui ferons obtenir la sérénité, le débarrasserons de la décrépitude et du chagrin, dissiperons tous les poisons. »
L'Éveillé déclara aux ogresses : « C'est bien, c'est fort bien; innombrables seraient déjà vos bénédictions si vous ne pouviez protéger que ceux qui acceptent et gardent le titre du Lotus de la Loi, qu'en sera-t-il alors si vous protégez ceux qui l'acceptent et le gardent en sa totalité et font aux volumes offrandes de fleurs, d'encens, de guirlandes, de poudres, d'onguents, de fumigations, de bannières, de dais, de musiques, font brûler toutes sortes de lampes - lampes à beurre clarifié, lampes à huile, lampes aux diverses essences : lampes à huile de sumanâ, lampes à huile de fleurs de gardénia, lampes à huile de jasmin vârshika - et ainsi de suite, des centaines et des milliers de sortes d'offrandes. Kunti, vous autres et ceux qui vous suivent, vous devez protéger de tels maîtres de Loi. »
Tandis que ce chapitre des formules détentrices était exposé, soixante-huit mille personnes obtinrent l'adhésion à la non-production des entités.



^*^*^*^ 


CHAPITRE XXVII
La conduite originelle du roi Ornement-Sublime

En cette heure, l'Éveillé déclara aux vastes multitudes :
Jadis, il y a de cela d'innombrables, d'infinies, d'inconcevables quantités incalculables d'éons, était un Éveillé du nom d'Ainsi-Venu Complètement et Parfaitement Éveillé Splendide Sagesse du Roi des Constellations Tonnerre des Nuées; son royaume s'appelait Ornement de Lumière, son éon s'appelait Vue de Joie. Au sein de la Loi de cet Éveillé était un roi du nom d'Ornement-Sublime ; sa royale épouse avait nom Pure-Vertu. Il avait deux fils : l'un s'appelait Pur-Réceptacle, l'autre Pur-Regard. Ils étaient munis de grandes forces miraculeuses, des mérites, de sagesse. Longtemps ils s'étaient exercés à la voie que pratiquent les êtres d'Éveil, c'est-à-dire la perfection du don, la perfection de moralité, la perfection de patience, la perfection d'énergie, la perfection de méditation, la perfection de sagesse, la perfection des expédients, la compassion, la miséricorde, la joie et le renoncement, et jusqu'aux trente-sept méthodes auxiliaires de la Voie. Ils avaient pénétré tout cela en toute lucidité. Ils avaient en outre obtenu le Recueillement de Pureté, le Recueillement du Soleil, des Étoiles et des Constellations, le Recueillement de Pure Lumière, le Recueillement de Forme Pure, le Recueillement de Pure Clarté, le Recueillement d'Ornement-Durable, le Recueillement du Réceptacle de Grande-Majesté, propres aux êtres d'Éveil. Ces recueillements aussi, ils les avaient pénétrés en toute lucidité.
Alors cet Éveillé, dans le désir d'amener à lui et guider le roi Ornement-Sublime, ainsi que par pitié pour les êtres, exposa ce Livre du lotus de la Loi. Les deux fils Pur-Réceptacle et Pur-Regard allèrent à ce moment à leur mère, joignirent les paumes et les dix doigts jusqu'aux ongles et lui dirent : « Veuille notre mère se rendre auprès de l'Éveillé Splendide Sagesse du Roi des Constellations Tonnerre des Nuées, et nous aussi nous nous mettrons à son service, nous l'approcherons personnellement, nous lui ferons offrande et lui rendrons hommage. Pourquoi cela ? C'est que cet Éveillé, au milieu de la foule de l'ensemble des dieux et des hommes, expose le Livre du lotus de la Loi et il convient que nous l'écoutions. »
La mère déclara à ses fils : « Votre père est un fidèle des voies hétérodoxes et il est profondément attaché à la Loi brahmanique. Vous devez vous rendre auprès de lui et lui demander de vous accorder de partir ensemble. »
Pur-Réceptacle et Pur-Regard joignirent les dix doigts jusqu'aux ongles et les paumes et s'adressèrent à leur mère : « Alors que nous sommes fils du roi de la Loi, nous sommes nés dans une famille aux vues perverses ! »
La mère déclara à ses fils : « Vous devez vous soucier de votre père et lui manifester des prodiges. S'il peut les voir, sa pensée s'en trouvera forcément purifiée et il nous autorisera peut-être à nous rendre auprès de l'Éveillé. »
Sur ce, les deux fils, par attention pour leur père, bondirent dans l'espace, à une hauteur de sept palmiers, et manifestèrent toutes sortes de prodiges : ils marchèrent, demeurèrent, s'assirent, se couchèrent dans l'espace ; de la partie supérieure de leur corps sortit de l'eau et de la partie inférieure du feu ; ou bien ils manifestaient un grand corps qui remplissait l'espace, puis en manifestaient un petit, lequel, de petit, se manifestait à nouveau comme grand; ils disparaissaient de l'espace pour apparaître soudainement sur terre ; ils pénétraient dans la terre comnme si c'était de l'eau, et marchaient sur l'eau comme si c'était la terre. Ils manifestèrent ainsi toutes sortes de prodiges pour purifier la pensée de leur père et le faire croire et comprendre.
À ce moment, le père, voyant que telle était la force miraculeuse de ses fils, se réjouit grandement en pensée, comme jamais auparavant ; il joignit les paumes vers ses fils et leur dit : « Quel est donc votre maître ? De qui êtes-vous les disciples ? »
Les deux fils s'adressèrent à lui : « Grand roi, l'Éveillé Splendide Sagesse du Roi des Constellations Tonnerre des Nuées qui est à présent assis au pied de l'arbre d'Éveil des sept matières précieuses, sur le trône de Loi, à exposer amplement le Livre du lotus de la Loi parmi la multitude des dieux et des hommes de tous les mondes, c'est lui notre maître, nous sommes ses disciples. »
Le père annonça à ses enfants : « Je désire à présent voir votre maître moi aussi, nous pouvons nous y rendre ensemble. »
Sur ce, les deux fils descendirent de l'espace et arrivèrent auprès de leur mère ; les paumes jointes, ils s'adressèrent à elle : « Désormais, le roi notre père croit et comprend; il a la capacité de déployer la pensée de l'Éveil complet et parfait sans supérieur ; nous avons fait pour notre père oeuvre d'Éveillé. Veuille notre mère nous permettre de quitter la famille et de nous exercer à la Voie auprès de cet Éveillé. »
Alors les deux fils, voulant réitérer leur intention, s'adressèrent à leur mère en stances :
Veuille notre mère nous laisser aller,
pour quitter la famille, pour nous faire religieux.
Les Éveillés sont forts difficiles à rencontrer
et à la suite d'un Éveillé nous allons étudier.
Plus que la fleur du figuier sauvage,
il est difficile de rencontrer l'Éveillé;
se délivrer des difficultés aussi est difficile.
Veuille donc notre mère nous autoriser à quitter la famille.
La mère leur déclara alors : « Je vous autorise à quitter la famille. Pourquoi cela ? C'est qu'un Éveillé est difficile à rencontrer. »
Sur ce, les deux fils s'adressèrent à leurs parents : « C'est bien, chers parents, notre souhait est de nous rendre - c'en est le moment - auprès de l'Éveillé Splendide Sagesse du Roi des Constellations Tonnerre des Nuées, de l'approcher personnellement, de lui faire offrande. Pourquoi cela ? C'est que l'Éveillé est difficile à rencontrer, comme la fleur du figuier sauvage ou encore comme une tortue borgne qui rencontrerait un trou dans un bois flottant. Or, grâce à la profondeur et à l'abondance des mérites accumulés dans nos vies antérieures, nous sommes nés pour rencontrer la Loi de l'Éveillé; c'est pourquoi, chers parents, vous devez nous autoriser à quitter la famille. Pourquoi cela ? C'est que les Éveillés sont difficiles à rencontrer, et le moment est difficile à trouver. »
À ce moment, quatre-vingt-quatre mille personnes des gynécées du roi Ornement-Sublime se trouvèrent toutes capables d'accepter et de garder ce Livre du lotus de la Loi.
L'être d'Éveil Pur-Regard avait de longue date pénétré la compréhension du Recueillement du Lotus de la Loi. L'être d'Éveil Pur-Réceptacle avait, depuis d'innombrables milliers de millions et de myriades d'éons, pénétré la compréhension du Recueillement de dégagement des mauvaises destinées, car il désirait dégager des mauvaises destinées l'ensemble des êtres. La royale épouse obtint le Recueillement de réunion des Éveillés et put connaître le réceptacle des mystères des Éveillés.
C'est ainsi que les deux fils convertirent leur père au bien par la force de leurs expédients et menèrent sa pensée à la foi et à la compréhension, ainsi qu'à la délectation de la Loi d'Éveillé.
Sur ce, le roi Ornement-Sublime accompagné de son cortège de ministres, la dame Pure-Vertu accompagnée de son cortège de suivantes, les deux princes accompagnés de quarante-deux mille personnes se rendirent ensemble et en même temps auprès de l'Éveillé. Une fois arrivés, ils inclinèrent la tête jusqu'à ses pieds, firent trois circumambulations autour de l'Éveillé et demeurèrent ensuite sur le côté.
Alors cet Éveillé précha la Loi au roi, la lui montra, la lui enseigna, l'en fit profiter et s'en réjouir. Le roi fut en grande liesse.
Alors le roi et son épouse défirent de leur cou leurs colliers de perles, valant des mille et des cents, et les dispersèrent sur l'Éveillé. Dans l'espace fut créée par fantasmagorie une terrasse de matières précieuses à quatre piliers, sur laquelle était une grande couche précieuse, tendue de milliers de millions d'étoffes célestes. Il s'y trouvait un Éveillé assis les jambles repliées et croisées, émettant une grande clarté.
Alors le roi Ornement-Sublime se fit cette réflexion: rarissime est le corps de l'Éveillé, majestueux dans sa distinction ; il s'est accompli en une forme primordiale et sublime.
À ce moment, l'Éveillé Splendide Sagesse du Roi des Constellations Tonnerre des Nuées s'adressa aux quatre congrégations : « Voyez-vous ce roi Ornement-Sublime qui se tient devant moi les paumes jointes ? Il deviendra moine au sein de ma Loi, il s'exercera avec zèle aux méthodes auxiliaires de la voie d'Éveillé et obtiendra de devenir Éveillé. Son appellation sera Roi à l'Arbre Çâla et son royaume aura nom Grande-Lumière, son éon Grand Roi Élevé. Cet Éveillé Roi à l'Arbre Çâla aura une innombrable multitude d'êtres d'Éveil et d'innombrables auditeurs. Son royaume sera plat et uni. Tels seront ses mérites. »
Le roi confia sur-le-champ le royaume à son frère cadet et, avec son épouse, ses deux fils, en même temps que leurs suites, quitta la famille pour s'exercer aux pratiques au sein de la Loi de l'Éveillé. Ayant quitté la famille, le roi, quatre-vingt-quatre mille années durant, s'appliqua avec un zèle constant à la pratique du Livre du lotus de la Loi. Au terme de cette période, il obtint le Recueillement des ornements de tous les purs mérites. Il s'éleva alors à une hauteur de sept palmiers dans l'espace et s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, mes deux fils que voici ont fait oeuvre d'Éveillé; grâce aux prodiges de leurs pouvoirs divins, ils ont transmuté ma pensée perverse, m'ont permis de demeurer fermement dans la Loi de l'Éveillé et de voir le Vénéré du monde. Mes deux fils que voici ont été pour moi des amis de bien; c'est par désir de susciter des racines de bien pour mes renaissances et de me dispenser l'abondance de leurs bienfaits qu'ils sont venus naître dans ma famille. »
Alors l'Éveillé Splendide Sagesse du Roi des Constellations Tonnerre des Nuées déclara au roi Ornement-Sublime : « Ainsi en est-il, ainsi en est-il ! Il en est ainsi que tu le dis. Que ce soit un fils de bien ou une fille de bien, c'est parce qu'il aura planté des racines de bien qu'il trouvera, d'existence en existence, des amis de bien capables de faire oeuvre d'Éveillé et de leur donner révélation, enseignement, profits et joie, ainsi que de les faire entrer dans l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Sache que, grand roi, un ami de bien est une relation majeure, en ce qu'il convertit, guide, permet de voir un Éveillé et de déployer la pensée d'Éveil complet et parfait sans supérieur. Grand roi, vois-tu ces deux enfants ? Ils ont auparavant fait offrande à autant d'Éveillés que les sables de six mille cinq cent millions de myriades de milliards de Gange, les ont fréquentés personnellement avec respect. Ils ont, auprès de ces Éveillés, accepté et gardé le Livre du lotus de la Loi; pensant avec pitié aux êtres de vues perverses, ils les ont fait demeurer dans les vues correctes. »
Le roi Ornement-Sublime descendit alors de l'espace et s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, fort rare est l'existence d'un Ainsi-Venu. C'est grâce à ses mérites et à sa science que le chignon de chair au sommet de son crane manifeste sa clarté lumineuse, que ses yeux sont allongés, larges et de couleur bleu foncé, que la touffe de poils blancs entre ses sourcils, marque caractéristique, est comme une lune d'opale, que ses dents sont blanches, bien alignées, serrées, toujours brillantes, que ses lèvres sont rouges et agréables comme le fruit de bimba. »
Alors, lorsque le roi Ornement-Sublime eut fait l'éloge des innombrables milliers de millions de myriades d'autres mérites de l'Éveillé tels que ceux-là, il joignit de tout coeur les paumes devant l'Ainsi-Venu et s'adressa encore à lui : « Vénéré du monde, cela est sans précédent ! La Loi de l'Ainsi-Venu a mené à leur total accomplissement d'inconcevables et sublimes mérites; en pratiquant son enseignement et sa moralité, on s'assure sérénité et bien-être. Plus jamais, dorénavant, je ne pratiquerai selon ma propre pensée, je ne concevrai plus de pensées d'hérésie, d'orgueil, de colère ni d'autres maux. »
Ayant tenu ces propos, il salua l'Éveillé et se retira. L'Éveillé déclara à la vaste multitude :
Qu'en est-il à votre avis ? Le roi Ornement-Sublime pourrait-il être quelqu'un d'autre ? L'actuel être d'Éveil Vertu de Splendeur, c'était lui. Son épouse Pure-Vertu, c'est l'être d'Éveil Marqué d'Ornements de Lumière, qui est à présent devant l'Éveillé. C'est par pitié pour le roi Ornement-Sublime et ceux de sa suite qu'il a pris naissance chez lui. Ses deux fils sont les actuels êtres d'Éveil Roi des Remèdes et Supérieur des Remèdes. Ces êtres d'Éveil, Roi des Remèdes et Supérieur des Remèdes, ont mené à accomplissement d'aussi grands mérites ; ils ont, auprès d'innombrables milliers de millions de myriades d'Éveillés, planté une multitude de bases de mérites et mené à accomplissement d'inconcevables mérites de bien. Si quelqu'un connaît le nom de ces deux êtres d'Éveil, les dieux et les hommes de l'ensemble des mondes devront lui rendre, à lui aussi, hommage.
Tandis que l'Éveillé exposait ce chapitre de la Conduite originelle de l'être d'Éveil Ornement-Sublime, quatre-vingt-quatre mille personnes se trouvèrent affranchies des poussières et souillures passionnelles et, au sein des entités, obtinrent la pureté de l'oeil de la Loi.


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CHAPITRE XXVIII
L'exhortation de l'être d'Éveil Sage-Universel

En cette heure, l'être d'Éveil Sage-Universel, muni de souveraineté, de pouvoirs miraculeux, de majesté, de renom, survint de l'orient avec de grands êtres d'Éveil, innombrables, sans limites, qu'on ne saurait énumérer. Partout dans les royaumes qu'ils franchirent se produisirent des tremblements de terre, il plut des fleurs de lotus précieuses, il se fit d'innombrables milliers de millions, des myriades de sortes de musiques. Il était de plus entouré d'une vaste multitude, incalculable, de dieux, dragons, silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, humains et non-humains, chacun manifestant sa majesté et la force de ses pouvoirs miraculeux. Il arriva dans le monde de l'Endurance, au mont Pic du Vautour; il inclina la tête en salut à l'Éveillé Çâkyamuni, fit autour de lui sept circumambulations sur la droite et lui adressa ces paroles : « Vénéré du monde, dans le royaume de l'Éveillé Roi Supérieur en Majesté Précieuse, j'ai entendu de loin que l'on exposait le Livre du lotus de la Loi dans ce monde de l'Endurance et je suis venu en compagnie d'une multitude d'innombrables et infinis milliers de millions, de myriades d'êtres d'Éveil pour l'écouter. Veuille seulement le Vénéré du monde nous l'exposer ! Que ce soient des fils de bien ou des filles de bien, après l'Extinction de l'Ainsi-Venu, comment pourront-ils obtenir ce Livre du lotus de la Loi ? »
L'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Sage-Universel : « Que ce soit un fils de bien ou une fille de bien, si l'on réalise quatre éléments, on obtiendra ce Livre du lotus de la Loi après la Disparition de l'Ainsi-Venu. Le premier est d'être protégé par l'attention des Éveillés. Le second est de planter la multitude des bases de mérites. Le troisième est d'entrer dans le groupe correctement déterminé. Le quatrième est de déployer la pensée de salut pour l'ensemble des êtres. Si un fils de bien, ou une fille de bien, réalise ces quatre éléments, il obtiendra forcément ce texte canonique après la Disparition de l'Ainsi-Venu. »
Alors l'être d'Éveil Sage-Universel s'adressa à l'Éveillé : Vénéré du monde, dans l'âge mauvais et impur des derniers cinq cents ans, s'il s'en trouve pour accepter et garder ce texte canonique, je les protégerai, les débarrasserai de la décrépitude et du chagrin pour les mener à la sérénité et j'empêcherai ceux qui chercheront à s'emparer d'eux d'en trouver l'occasion, que ce soit le Malin, les fils du Malin, les filles du Malin, les troupes du Malin, ou ceux qui sont possédés du Malin, que ce soient des silènes, des ogres, des bourses-en-jarres, des goules, succubes, des incubes ou vampires, aucun de ceux qui les tourmentent n'en trouvera l'occasion. Si ces gens lisent et récitent ce livre, soit en marchant soit en restant sur place, je me rendrai alors auprès d'eux monté sur un royal éléphant blanc à six défenses, accompagné d'une vaste multitude d'êtres d'Éveil et je leur apparaitrai en personne. Je leur ferai offrande, les protégerai et consolerai leur coeur; cela afin de faire aussi offrande au Livre du lotus de la Loi.
Si ces gens réfléchissent à ce livre tandis qu'ils sont assis, j'apparaîtrai alors encore devant eux monté sur un royal éléphant blanc. Qu'ils viennent à oublier une phrase ou une stance du Livre du lotus de la Loi et je la leur apprendrai, la lirai et la réciterai avec eux, la leur faisant pénétrer avec plus d'acuité encore. Ceux qui, en ce temps-là, accepteront, garderont, liront, réciteront le Livre du lotus de la Loi pourront me voir en mon corps, en fort grande allégresse, ils redoubleront de zèle. Parce qu'ils m'auront vu, ils obtiendront recueillements et formules détentrices, celles appelées formule des Permutations, formule des milliers de millions de myriades de Permutations et formule des Expédients du Son de Loi. Telles seront les formules détentrices qu'ils obtiendront.
Vénéré du monde, si au dernier âge, dans l'âge mauvais et impur des derniers cinq cents ans, des moines ou des nonnes, des laïcs pieux ou pieuses laïques, se mettent en quête de ce Livre du lotus de la Loi, l'acceptent et le gardent, le lisent et le récitent, le copient, s'ils veulent le mettre en pratique, ils devront de tout coeur s'y appliquer avec zèle trois fois sept jours durant. Au terme de trois fois sept jours révolus, j'apparaîtrai à ces gens en mon corps dont la vue réjouit tous les êtres, monté sur un éléphant blanc à six défenses et entouré d'innombrables êtres d'Éveil, je leur exposerai la Loi, la leur révélerai, la leur enseignerai, les en ferai profiter et s'en réjouir. Je leur donnerai de surcroît cette formule détentrice, et parce qu'ils auront obtenu cette formule, aucun non-humain ne sera capable de les détruire, non plus qu'ils ne seront égarés ou troublés par les femmes. Je les protégerai aussi constamment de mon corps. Veuille seulement le Vénéré du monde écouter la formule détentrice que je prononce.
Alors, devant l'Éveillé, il prononça la formule : Atandai tandahachi tandabatei tandakusharei tandashudarei shudarei shudarahachi bodahasennei sarubadaraniabatani sarubashaabatani shuabatani sôgyababishani sôgyanekyadani asôgi sôgyahagyachi teireiadasôgyatorya arateiharatei sarubasôgyasamachikyaranchi sarubadarumashuharisettei sarubasatarodakyôsharyaatogyachi shin abikirichitei.
Vénéré du monde, s'il est un être d'Éveil qui obtienne d'entendre cette formule détentrice, il connaîtra la force des pouvoirs miraculeux de Sage-Universel. Si le Livre du lotus de la Loi circule dans le Jambudvîpa et qu'il s'en trouve pour l'accepter et le garder, ils devront se faire cette réflexion : tout cela est dû à la force miraculeuse et majestueuse de Sage-Universel. S'il s'en trouve pour l'accepter et le garder, le lire et le réciter, le mémoriser correctement, en comprendre le sens, s'y exercer selon ce qui y est exposé, il faut savoir que ces gens se livrent à la pratique de Sage-Universel. Ils plantent profondément des racines de bien auprès d'infiniment innombrables Éveillés et auront la tête caressée de la main des Ainsi-Venus. Celui qui ne fera même que le recopier renaîtra, quand sa vie sera venue à terme, chez les dieux Trente-Trois et quatre-vingt-quatre mille filles célestes viendront à sa rencontre en jouant des musiques variées. Il coiffera alors une couronne faite des sept matières précieuses, s'ébattra et se divertira au milieu de ses suivantes. Qu'en sera-t-il alors de ceux qui l'accepteront et le garderont, le liront et le réciteront, le mémoriseront correctement, en comprendront le sens, s'y exerceront selon ce qui y est exposé. S'il se trouve quelqu'un qui l'accepte et le garde, le lise et le récite, en comprenne le sens, celui-là aura, à la fin de sa vie, mille Éveillés pour lui tendre la main, l'empêcher d'avoir peur et de tomber dans les mauvaises destinées; il ira au ciel des dieux Satisfaits auprès de l'être d'Éveil Maitreya. L'être d'Éveil Maitreya, muni des trente-deux marques, sera entouré d'une vaste multitude d'êtres d'Éveil, il aura une suite de milliers de millions de myriades de filles célestes : c'est en leur sein qu'il renaîtra, car tels seront les bénéfices de ses mérites.
C'est pourquoi le sage se devra de le copier lui-même de tout coeur, ou de le faire copier, de l'accepter et le garder, de le lire et le réciter, de le mémoriser correctement, de s'y exercer comme il l'est exposé. Vénéré du monde, je protège à présent ce texte canonique de par la force de mes pouvoirs miraculeux; après la Disparition de l'Ainsi-Venu, je le ferai propager amplement dans le continent Jambu et empêcherai son interruption.
Alors l'Éveillé Çâkyamuni dit cet éloge :
C'est bien, c'est fort bien, Sage-Universel, tu es capable de protéger ce texte et d'en faire abondamment profiter les êtres pour leur commodité. Tu as déjà mené à accomplissement d'inconcevables mérites, une profonde et vaste compassion. Tu as de très longue date déployé l'intention de l'Éveil correct et parfait sans supérieur et tu es ainsi capable de faire le voeu de protéger ce texte de tes pouvoirs miraculeux. Et moi, de par la force de mes pouvoirs miraculeux, je protégerai ceux qui auront pu retenir le nom de l'être d'Éveil Sage-Universel.
Sage-Universel, s'il s'en trouve pour accepter et garder, lire et réciter, mémoriser correctement, mettre en pratique, copier et recopier ce Livre du lotus de la Loi, sache que cela reviendra pour eux à voir l'Éveillé Çâkyamuni, que ce sera comme entendre ce texte canonique de la bouche de l'Éveillé. Sache que ces gens font offrande à l'Éveillé Çâkyamuni. Sache qu'ils seront loués et approuvés par l'Éveillé. Sache qu'ils auront la tête caressée par la main de l'Éveillé Çâkyamuni. Sache qu'ils seront couverts du vêtement de l'Éveillé Çâkyamumi.
De telles personnes ne convoiteront plus les plaisirs du monde, elles n'apprécieront plus les textes et les écrits hétérodoxes et ne se réjouiront plus de fréquenter personnellement de telles gens, ni des méchants comme les bouchers, les éleveurs de porcs, de moutons, de poulets, de chiens, comme les chasseurs ou comme ceux qui font commerce de la beauté des femmes.
Ces personnes seront droites en pensée et intention, elles seront de mémoire exacte, munies de la force des mérites. Elles ne seront pas tourmentées par les trois poisons, elles ne seront pas non plus tourmentées par la jalousie, l'égoïsme, l'hypocrisie, l'arrogance. Ces personnes auront peu de désirs, sauront se contenter et seront capables de s'exercer à la pratique de Sage-Universel.
Sage-Universel, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, dans les cinq cents dernières années, si l'on voit quelqu'un accepter et garder, lire et réciter le Livre du lotus de la Loi, on devra se faire cette réflexion : cet homme, avant longtemps, se rendra au Lieu de la Voie, défera les hordes du Malin et obtiendra l'Éveil complet et parfait sans supérieur; il mettra en branle la roue de la Loi, fera résonner le tambour de la Loi, soufflera dans la conque de la Loi, fera tomber la pluie de la Loi; il s'assiéra au trône léonin de la Loi, au milieu d'une vaste foule de dieux et d'hommes.
Sage-Universel, celui qui, dans les derniers âges, acceptera, gardera, lira et récitera ce texte canonique ne convoitera plus vêtements, literie, boissons, nourriture, les objets nécessaires à la vie; ses souhaits ne seront pas vains. Il obtiendra aussi dès la présente existence la rétribution de ses mérites. S'il se trouve quelqu'un pour le dénigrer en lui disant : « Fou que tu es ! C'est en vain que tu te livres à ces pratiques; en fin de compte, tu n'en tireras rien », en rétribution d'un tel crime, il sera privé d'yeux d'existence en existence. S'il se trouve quelqu'un pour lui faire offrande et le louer, il obtiendra dès cette existence une manifeste rétribution de son fruit.
Celui qui, par ailleurs, en voyant quelqu'un accepter et garder ce texte canonique, fait ressortir ses fautes et ses défauts, qu'ils soient réels ou non, il contractera la lèpre dès la présente existence. Celui qui se sera montré moqueur ou méprisant à son égard aura d'existence en existence les dents défectueuses, les lèvres repoussantes, le nez plat, les bras et les jambes tordus, les yeux louches, le corps malodorant, des bubons sanglants et purulents, le ventre gonflé d'eau, le souffle court, de graves maladies.
C'est pourquoi, Sage-Universel, si l'on voit quelqu'un qui accepte et garde ce texte canonique, on se lèvera de loin pour aller à sa rencontre, comme pour rendre hommage à un Éveillé.
Tandis que ce chapitre de l'Exhortation de Sage-Universel était exposé, une infinité d'êtres d'Éveil, aussi innombrables que les sables du Gange, obtinrent la formule détentrice des mille millions de myriades de Permutations, autant d'êtres d'Éveil que les atomes d'un monde tricosmique menèrent à totale complétion la voie de Sage-Universel.
Quand l'Éveillé eut prêché ce livre canonique, Sage-Universel et les autres êtres d'Éveil, Çâriputra et les autres auditeurs, ainsi que les dieux, les dragons, les humains et non humains l'ensemble de la vaste assemblée - fûrent tous en grande liesse. Ils acceptèrent et gardèrent la parole de l'Éveillé, saluèrent et partirent.
Fin du huitième livre


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